04 février 2022 | La recherche et ses pratiques
L'exception
qui confirme la règle
Pan sur le bec. « Il existe bel et bien une loi encadrant la langue des manuscrits de thèse ! », s’est exclamé un lecteur attentif et fin connaisseur des textes législatifs à la lecture de notre chiffre de la semaine passée.
Alinéas. En effet, l’article L121-3 du Code de l'éducation impose le français comme langue des thèses. Mais accepte également des exceptions, notamment « lorsque les enseignants sont des professeurs associés ou invités étrangers ».
My tailor is rich. Ainsi, en choisissant un examinateur non francophone, de nombreux doctorants – j’en ai fait partie – rédigent leur thèse en anglais. Pas forcément le meilleur des anglais, soit, mais la possibilité de faire ensuite lire son ouvrage à des collègues non francophones est enthousiasmante.
Ratiocination. Enfin, histoire de relancer le débat : une loi contournée par une exception prévue dans cette même loi, dont les interprétations peuvent diverger, est-elle « une règle claire » ? Ça se discute !
Bonne lecture,
Lucile de TMN
PS L'Université Technique de Belfort-Montbéliard et l’Université de Lorraine viennent de rejoindre la liste des abonnés à TheMetaNews, à notre plus grand bonheur. Un chaleureux message de bienvenue à nos nouveaux lecteurs !
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Si vous n'avez que 30 secondes
- Rida Laraki, un matheux au cœur de la Primaire populaire
- Un outil pour clavarder utile
- Non permanents, comptez-vous !
- Des infos en passant
- Votre revue de presse express
- Et pour finir avec un hommage à Greta
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Cinq minutes dans le monde de la recherche
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Trois questions (ou plus) à... Rida Laraki
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« La Primaire populaire montre la robustesse du jugement majoritaire »
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Ce chercheur au CNRS a participé au développement du jugement majoritaire, le mode de scrutin utilisé par la Primaire populaire.
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Si vous avez raté le début. La Primaire populaire a rendu son verdict dimanche dernier : une victoire de Christiane Taubira avec la mention majoritaire « bien ». Derrière cette primaire très politique se cache le jugement majoritaire, un mode de scrutin inventé en 2007 par deux mathématiciens, Michel Balinski, décédé en 2019, et Rida Laraki, toujours en activité. Si vous souhaitez vous plonger dans les détails, voici son dernier « petit article d'explication ».
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Pourquoi avoir développé un nouveau mode de scrutin ?
Pour des raisons scientifiques : tout le monde s’accorde à dire que le scrutin majoritaire est mauvais. Trouver par quoi le remplacer est une question ouverte depuis 250 ans. Des méthodes de classement avait d'ailleurs été développées par Condorcet et Borda avant la Révolution française mais le prix Nobel d’économie Kenneth Arrow a mis en évidence le paradoxe suivant : le résultat de l’élection change si l’on retire un candidat. Un exemple parmi d’autres : Jean-Luc Mélenchon aurait pu être présent au second tour sans la candidature de Benoît Hamon en 2017. Aujourd'hui, on tente de limiter le nombre de candidats en se basant sur des sondages ou des primaires... ce qui focalise les débats au détriment des programmes.
Le jugement majoritaire devrait-il être utilisé pour l'élection présidentielle, selon vous ?
Le jugement majoritaire donne plus de libertés aux citoyens. Tous les candidats sont évalués par les électeurs dans un langage commun de mentions – allant de « excellent » à « à rejeter ». Ainsi, il permet d’aller voter et de s’exprimer, même si c’est pour attribuer « insuffisant » ou « à rejeter » aux candidats. Il résout ainsi le problème de l’abstention au second tour. En 2017, cinq millions d'électeurs ont préféré s'abstenir ou voter blanc au premier tour. L’objectif est aujourd'hui le suivant : si le prochain président élu est convaincu des bienfaits du jugement majoritaire, il pourra proposer un référendum à ce sujet pour que la question des modes de scrutins alternatives soit débattue démocratiquement et éventuellement adoptée dans la transparence.
Est-ce difficile de faire entendre sa voix en tant que chercheur ?
Face aux politiques, nous ne sommes pas à jeu égal. Je pense notamment à Jean-Luc Mélenchon ou François Hollande, qui vient de critiquer le jugement majoritaire. Le problème est que certains mélangent l’aspect politique de la Primaire populaire et la méthode de vote utilisée qui, elle, est issue d'une recherche scientifique du CNRS [et publiée en 2007 dans PNAS, NDLR].
D'ailleurs, quel regard portez-vous sur la Primaire Populaire et son résultat ?
Le jugement majoritaire a bien fonctionné et le classement était très net, c’est ce qui compte avant tout pour moi car c’était la « pire élection possible au sens où certains candidats ne voulaient pas l’être et qu’il n’y a pas eu de débat… La Primaire populaire montre la robustesse du jugement majoritaire, je salue les organisateurs pour leur audace.
Les politiques sont-ils durs à convaincre ?
Le jugement majoritaire a failli être utilisé pour la primaire des Républicains. Chloé Ridel et l’association Mieux voter [dont le but est de promouvoir le jugement majoritaire, NDLR] avons discuté avec eux durant des mois mais certains candidats ont probablement eu peur. Difficile de changer les habitudes des hommes politiques, chacun croit que l’autre a un intérêt personnel à proposer une nouveauté, qu’il y a un calcul politique derrière. J'espère qu'à leur prochaine primaire ils n'hésiteront plus !
Pourquoi avoir créer l’association Mieux voter ?
C’était une façon de sortir du labo. Chloé Ridel [haute fonctionnaire et directrice adjointe du Think Tank l'Institut Rousseau, NDLR] est venue me voir avec enthousiasme et m'a convaincu car elle trouvait la méthode intéressante. Depuis, plein de bénévoles nous ont rejoint et travaillent dur pour coder notre module de vote, écrire des tribunes, faire les vidéos et graphiques, répondre aux critiques sur les réseaux sociaux… Grâce à eux, le jugement majoritaire commence à être utilisé : à la mairie de Paris pour le budget participatif, au sein de La République en marche (LREM)… C’est une véritable force citoyenne. Peut-être que dans dix ou quinze ans — qui sait ! — la méthode sera utilisée dans plusieurs élections politiques !
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Un outil dans la boîte
Rédigez synchro
Clavarder pour la bonne cause Afin de bien gérer son temps en rédaction (pourquoi ne pas relire notre numéro sur le sujet ?) ou même durant un travail bibliographique, l’association Thèsez-vous a développé l’outil Chrono. Pas juste une fenêtre de plus dans votre navigateur, celle-ci vous propose de définir un objectif pour chaque session suivant la méthode Pomodoro. De plus, la carte interactive vous montre que vous n’êtes pas seul·e et le clavardage permet de partager vos réussites ou frustrations. Vu que l’association est québécoise, vous trouverez certainement des personnes pour vous motiver toute la nuit !
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Un chiffre qui en dit long
Un sur quatre
C'est la proportion de non permanents (principalement des CDD) parmi les employés du CNRS, selon le dernier bilan social (chiffres 2020). Une part des contractuels en légère hausse par rapport à 2016 où seulement 22% l'étaient. En terme de précarité, les praticiens (chercheurs, hors doctorants) d'un côté, les ingénieurs et techniciens de l'autre, sont logés à la même enseigne : 24% pour les premiers, 26,7% pour les seconds.
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Des infos en passant Les articles scientifiques publiés depuis le début de la crise Covid n'ont été que peu modifiés à la relecture par les pairs, concluent deux études sur les preprints dans Plos Biology (ici et là) //////// Le CV narratif, vu d'une université britannique, dans le blog Impact of Social Science //////// Deux webinaires sur les plans de gestion de données sont organisés par l’Institut de l’information scientifique et technique (Inist) du CNRS en février //////// Webinaire toujours, en voici un sur la propriété intellectuelle qui aura lieu le 17 février à l’initiative de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) et de l’agence Cap Digital ////////
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Vous aimez ce que vous lisez ? Alors réfléchissez à deux fois avant de nous transférer : une fois ça va, vingt fois, bonjour les dégâts.
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//////// Suite à des cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob parmi les personnels de labos et la suspension des recherches sur les prions en juillet dernier, l’IGESR publie un rapport sur les conditions de sortie du moratoire. Il recommande notamment de séparer les casquettes “sécurité” et “recherche” pour éviter les conflits d'intérêt parmi les agents de recherche, ainsi qu'un suivi médical et des audits externes ////////
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Votre revue
de presse express
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- Engagés. Après les journalistes scientifiques, c’est au tour des chercheurs – 1400 au total – de rappeler l’importance des enjeux climatiques sur fond de campagne présidentielle dans une tribune publiée sur le site de France Info.
- La bonne excuse. Les fautes d’orthographe ou de grammaire dans les publis ne sont pas si graves car elles n’en affectent pas le sens, l’important étant d’être précis, juge Adrian Furnham, professeur en psychologie, dans Times Higher Education.
- La bonne excuse (2). Victoire des opposants à la venue de Total sur le campus de Polytechnique (dont voici le communiqué) : le géant pétrolier rétropédale en invoquant le retard pris sur le projet, rapporte Libération (via l’AFP).
- Big brother. Elsevier est pris pour la deuxième fois la main dans le sac en pleine surveillance des chercheurs : hier des trackers sur les pages internet, aujourd’hui carrément dans les fichiers PDF. Motherboard enquête après l’alerte d’un chercheur.
- Paternalisme. Entre une chercheuse très “Rogue” (Perola Milman) et un président d’université (François Germinet), le débat risquait d’être animé. Et il l’a été ! Même si l’accroche de France Culture porte sur les frais d'inscription, on y parle aussi des rôles de l’université et de la recherche. Pour le plaisir, réécoutez également Perola Milman dans notre podcast Rendez-vous avec Matilda.
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