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n° 8/2022
28 février 2022
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE UE : Pour l’avocate générale Medina, la décision de la Commission du 19 juillet 2016 sanctionnant le cartel des camions couvre les bennes à ordures, ouvrant la voie à des actions en réparation en mode « follow-on » pour l’acquisition de ce type de véhicules spéciaux auprès d’un cartelliste

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Estimant que le Tribunal n’a pas correctement apprécier l’affectation directe de la requérante dans l’affaire de la mesure en faveur de grands abattoirs danois, l’avocat général Rantos invite la Cour à annuler l’ordonnance du Tribunal déclarant irrecevable son recours contre la décision de la Commission constatant l’absence d’aide d’État, puis à dire qu’elle est directement affectée par la mesure litigieuse

JURISPRUDENCE ACTIONS PRIVÉES : Infirmant partiellement le jugement du Tribunal de commerce, la Cour d’appel de Paris écarte, dans l'affaire de la riposte à l'entrée sur le marché de la presse sportive du quotidien Le 10Sport.com, l'existence d'un préjudice au titre de la perte de chance, mais reconnaît celle d'un préjudice moral réparable


INFOS : L’Autorité de la concurrence met EDF à l’amende pour avoir abusé des moyens dont elle disposait en sa qualité d’opérateur au tarif réglementé de vente (TRV), afin de maintenir sa position sur les marchés de la fourniture au détail d’électricité et de renforcer sa position sur les marchés connexes de la fourniture de gaz et de services énergétiques

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS UE : La décision de la Commission autorisant l'acquisition de Suez par Veolia, ainsi que celle agréant le repreneur du « Nouveau Suez » sont en ligne

EN BREF : L’opération consistant dans la prise de contrôle exclusif, par la société Bouygues, de l’ensemble qui résultera de la fusion TF1/M6 est entrée dans sa phase 1 d’examen

 

JURISPRUDENCE UE : Pour l’avocate générale Medina, la décision de la Commission du 19 juillet 2016 sanctionnant le cartel des camions couvre les bennes à ordures, ouvrant la voie à des actions en réparation en mode « follow-on » pour l’acquisition de ce type de véhicules spéciaux auprès d’un cartelliste

 

Le 24 février 2022, l’avocate générale Laila Medina a présenté ses conclusions dans l’affaire C-588/20 (Landkreis Northeim contre Daimler AG) qui fait suite à la demande de décision préjudicielle présentée par le Tribunal régional de Hanovre, laquelle, sobrement libellée, porte sur l’interprétation de la décision de la Commission du 19 juillet 2016 à la faveur de laquelle cette dernière a infligé l’amende la plus élevée à ce jour dans une même affaire — 3,81 milliards d’euros —, à des constructeurs de camions pour s’être concertés pendant 14 ans afin d’augmenter artificiellement les prix des camions et de répercuter les coûts de mise en conformité avec des règles plus strictes en matière d’émissions de polluants.

Au cas d’espèce, et à la suite de cette condamnation, l’arrondissement de Northeim, qui avait fait l’acquisition auprès du constructeur Daimler de deux bennes à ordures ménagères aux prix de 146 000 euros/pièce, a formé un recours en indemnisation devant le Tribunal régional de Hanovre, pour le préjudice économique qu’il a subi en raison des pratiques anticoncurrentielles de Daimler. Toute la questions est de savoir si ce recours constitue une action en mode « follow-on », dans la mesure où les parties ne sont pas d’accord sur le point de savoir si la décision de la Commission couvrait également les véhicules spéciaux de type bennes à ordures. L’arrondissement de Northeim considère que les camions à ordures relèvent de la notion de « camions » figurant dans la décision, dès lors que le libellé de cette décision n’exclut pas expressément les véhicules spéciaux. À l’inverse, Daimler soutient devant la juridiction de renvoi que ces camions à ordures ne relèvent pas de la décision, au motif que la Commission aurait précisé dans une demande de renseignements adressée à Daimler que la notion de « camions » ne couvrait pas les véhicules spéciaux (par exemple les véhicules militaires et les véhicules des pompiers).

Éprouvant des doutes quant à la question de savoir quels produits relèvent de l’entente en cause dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante : « La décision de la Commission du 19 juillet 2016 doit-elle être interprétée en ce sens que les véhicules spéciaux, notamment les camions à ordures, relèvent, quant à eux également, des constatations de cette décision ? »

Aux termes des présentes conclusions, l’avocate générale Medina parvient à la conclusion que la décision de la Commission doit être interprétée en ce sens que les véhicules spéciaux — à l’exception des camions militaires —, notamment les camions à ordures, relèvent des constatations de cette décision, de sorte que dans l’affaire au principal, on se trouverait bien en présence d’une action consécutive (en mode « follow-on »).

Cette conclusion résulte d’abord selon l’avocate générale du libellé même de la décision de la Commission, qui n’a expressément exclu que les camions militaires. Ainsi, il ressort clairement du libellé de la décision que celle-ci vise la vente de tous les utilitaires moyens et les poids lourds, qu’il s’agisse de porteurs ou de tracteurs (pt. 51). En ce qui concerne les véhicules spéciaux, étant donné que la décision n’exclut de son champ d’application que les camions militaires, elle doit être considérée comme couvrant tous les camions pesant entre 6 et 16 tonnes et ceux pesant plus de 16 tonnes, y compris les véhicules spéciaux (à la seule exception des camions militaires) (pt. 53). Du reste, retient-elle, l’entente à laquelle Daimler a participé comportait notamment des arrangements anticoncurrentiels portant sur des barèmes de prix bruts indiquant les prix des différents composants, ainsi que sur des configurateurs pour camions, qui constituaient précisément la base d’un grand nombre de configurations individuelles de véhicules (pt. 62). Le fait qu’un camion à ordures puisse contenir des composants différents de ceux des camions destinés à d’autres fins ne signifie pas qu’il ne s’agit pas d’un camion et encore moins qu’il ne s’agit pas d’un camion visé par la décision (pt. 64). Ainsi, dès lors que la décision ne mentionne aucune autre exception ou restriction concernant les camions visés par l’infraction, le libellé clair et explicite de cette décision – dont le seul fondement explicite est le critère du poids d’un camion – englobe tous les utilitaires moyens et les poids lourds, à l’exception des camions militaires, de sorte que la décision couvre les véhicules spéciaux et, en particulier, les camions à ordures en cause au principal (pt. 74).

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Estimant que le Tribunal n’a pas correctement apprécier l’affectation directe de la requérante dans l’affaire de la mesure en faveur de grands abattoirs danois, l’avocat général Rantos invite la Cour à annuler l’ordonnance du Tribunal déclarant irrecevable son recours contre la décision de la Commission constatant l’absence d’aide d’État, puis à dire qu’elle est directement affectée par la mesure litigieuse

 

Le 24 février 2022, l’avocat général Athanasios Rantos a présenté ses conclusions dans l’affaire C-99/21 (Danske Slagtermestre contre Commission européenne) à propos de la recevabilité d’un recours formé par des concurrents des bénéficiaires de mesures d’aides dans le cadre de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

À l’origine de cette affaire, Danske Slagtermestre, une association professionnelle qui représente des petits boucheries, abattoirs, grossistes et entreprises de transformation danois, a déposé une plainte auprès de la Commission, au motif que le Royaume de Danemark aurait octroyé une aide d’État en faveur de grands abattoirs sous la forme d’une réduction des contributions pour la collecte des eaux usées. La mesure litigieuse a modifié le système des contributions pour la collecte des eaux usées et a instauré un modèle dégressif « par palier » prévoyant un tarif au mètre cube d’eaux usées en fonction du volume d’eaux usées déchargé en trois tranches.

À l’issue de la phase préliminaire de la procédure, la Commission a adopté la décision litigieuse, par laquelle elle a estimé que la nouvelle tarification instituée par la mesure litigieuse ne constituait pas une aide d’État, au sens de l’article 107, § 1, TFUE.

La requérante a introduit un recours fondé sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision litigieuse, lequel recours a été jugé irrecevable aux termes d’une ordonnance du Tribunal de l’Union du 1er décembre 2020, au motif que la requérante n’avait pas de qualité pour agir par son statut de partie intéressée (n’ayant pas fait valoir, dans son recours, la violation de ses droits procéduraux) ni par l’affectation directe et individuelle de ses membres. Tout en reconnaissant que la décision litigieuse constituait un « acte réglementaire » au sens de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, le Tribunal a jugé que cette décision ne concernait pas directement la requérante, de sorte que le recours introduit par celle-ci était irrecevable, sans qu’il soit besoin de déterminer si ladite décision comportait des mesures d’exécution.

Danske Slagtermestre a alors introduit un pourvoi contre l’ordonnance attaquée, sollicitant son annulation.

Rappelant que la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet du recours, telle que prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, requiert que deux critères soient cumulativement réunis, à savoir que la mesure contestée, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires, l’avocat général Rantos opère une nette distinction entre affectation directe et affectation individuelle. L’appréciation de l’affectation directe est liée, de façon prépondérante, à des éléments de nature juridique, tandis que celle de l’affectation individuelle comporte une véritable appréciation matérielle de la situation factuelle du requérant, fondée principalement sur des indicateurs de nature économique (pt. 25). Or, estime-t-il, le Tribunal a soumis la condition de l’affectation directe au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à des exigences qui vont au-delà de celles qui découlent de l’interprétation donnée par la Cour à cette condition dans l’arrêt Montessori, laquelle exige que soit seulement démontrée la « potentialité d’une situation concurrentielle désavantageuse ». En exigeant que la requérante démontre que certains de ses membres « seraient concrètement affectés par la mesure en question » et « quelles seraient les conséquences de celle-ci sur leur position concurrentielle », le Tribunal a entaché son appréciation d’une erreur de droit au regard de l’interprétation donnée par la Cour dans l’arrêt Montessori (pt. 28). Par ailleurs, l’avocat général Rantos fait grief au Tribunal d’avoir utilisé le critère de l’« affectation substantielle de la position concurrentielle » de la requérante, lequel, pertinent aux fins de l’analyse de l’affectation individuelle, constitue un paramètre incontestablement différent de celui de la « potentialité d’une situation concurrentielle désavantageuse », pertinent aux fins de l’analyse de l’affectation directe (pt. 31).

Estimant que la Cour, pour le cas où elle déciderait, comme il l’y invite, à annuler l’ordonnance attaqué, est en mesure, à ce stade de la procédure, de statuer définitivement sur la recevabilité dudit recours contre la décision litigieuse de la Commission, l’avocat général Rantos s’attache alors à vérifier si la requérante a « exposé de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision litigieuse est susceptible de placer ses membres dans une situation concurrentielle désavantageuse et, partant, de produire des effets sur sa situation juridique ». À cet égard, il relève que la requérante a évoqué dans son recours des éléments pertinents sur la base desquels il est très vraisemblable que ses membres (ou au moins certains d’entre eux) se trouvent en concurrence avec une société qui exerce la même activité sur le territoire danois pouvant bénéficier, selon ses allégations, des mesures litigieuses. Dans ces circonstances, dans la mesure où il n’appartient pas au juge de l’Union, au stade de l’examen de la recevabilité, de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre une partie requérante et les bénéficiaires de la mesure litigieuse, il y a lieu de considérer, selon lui, que la requérante a « exposé de façon pertinente » que la décision litigieuse, qui laisse entiers les effets de la mesure litigieuse, est susceptible de placer ses membres dans une situation concurrentielle désavantageuse et que, partant, cette décision affecte directement leur situation juridique, en particulier leur droit à ne pas subir sur ce marché une concurrence faussée par cette mesure (pt. 51). Par suite, l’avocat général Rantos conclut que la requérante est directement affectée par la mesure litigieuse, au sens de la troisième hypothèse prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (pt. 52). Et comme il considère que la décision litigieuse constitue un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesure d’exécution en ce qui concerne la requérante, au sens de la troisième hypothèse prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il invite la Cour à déclarer recevable le recours en première instance (pts. 61-62).

En revanche, pour ce qui concerne la question de savoir si la décision litigieuse est entachée d’illégalité, l’avocat général Rantos estime que le litige n’est pas en état d’être jugé sur le fond et qu’il convient de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur le bien-fondé du recours.

JURISPRUDENCE ACTIONS PRIVÉES : Infirmant partiellement le jugement du Tribunal de commerce, la Cour d’appel de Paris écarte, dans l'affaire de la riposte à l'entrée sur le marché de la presse sportive du quotidien Le 10Sport.com, l'existence d'un préjudice au titre de la perte de chance, mais reconnaît celle d'un préjudice moral réparable

 

À la faveur d'un arrêt rendu le 23 février 2022, la Chambre 5-4 de la Cour d’appel de Paris s’est à nouveau prononcée dans une affaire en follow on, consécutive cette fois à la fameuse décision de l’Autorité de la concurrence du 20 février 2014 sanctionnant le groupe Amaury à hauteur de 3,5 millions d’euros pour avoir mis en œuvre une pratique d’éviction du quotidien Le10Sport.com, et ce, pour préserver le monopole quasiment continu depuis plus de cinquante ans du quotidien l'Équipe sur le marché du lectorat de la presse quotidienne nationale d’information sportive, laquelle pratique visait vraisemblablement, au-delà de l’éviction réussie du 10Sport.com, à adresser un message aux futurs entrants potentiels sur le marché de la presse quotidienne d'information sportive, par construction d'une réputation de riposte à toute nouvelle entrée sur le marché.

Même si le quantum de la réparation à laquelle le groupe Amaury est condamné par la Cour d'appel de Paris est finalement assez proche de celui retenu par le Tribunal de commerce de Paris, le présent arrêt reforme cependant en profondeur le jugement du 19 juin 2019.

Il retiendra l’attention en ce qu’il infirme d'abord le jugement entrepris qui avait retenu l'existence d'un préjudice au titre de la perte de chance après la cessation de l'infraction du fait de la sortie de 10Sport.com du marché à la suite de la pratique d'éviction. On retiendra également que la Cour peine dans la construction d’un scénario contrefactuel, lequel requiert de prendre pour référence des marchés non affectés par les pratiques, et se rabat sur les seules données prévisionnelles établies par la victime de la pratique, ce qui n’est guère satisfaisant. Par ailleurs, la Cour d'appel de Paris reconnaît à la victime l'existence d'un préjudice moral réparable.

Mais je m’en tiens là. Le présent arrêt fera l’objet dans les prochains jours dans ces colonnes d’un commentaire circonstancié du professeur Muriel Chagny.

INFOS : L’Autorité de la concurrence met EDF à l’amende pour avoir abusé des moyens dont elle disposait en sa qualité d’opérateur au tarif réglementé de vente (TRV), afin de maintenir sa position sur les marchés de la fourniture au détail d’électricité et de renforcer sa position sur les marchés connexes de la fourniture de gaz et de services énergétiques

 

Le 22 février 2022, l’Autorité de la concurrence a rendu une décision n° 22-D-06 à la faveur de laquelle elle sanctionne EDF et ses filiales actives sur les marchés connexes de la fourniture au détail de gaz naturel (pt. 417), de la fourniture de services de gestion/maintenance multi-technique et d’optimisation énergétiques (pt. 418) et des actions de maîtrise de l’énergie concourant à la délivrance de CEE (pt. 419), à hauteur de 300 millions d’euros, c’est-à-dire dans la fourchette du montant maximal et du montant minimal de la sanction pécuniaire encourue fixée dans le cadre de la mise en oeuvre d’une procédure de transaction, aux termes de laquelle EDF a en outre souscrit deux séries d’engagements qui ont pour objet de mettre un terme aux pratiques sanctionnées : en premier lieu, la mise à disposition des fournisseurs alternatifs d’électricité qui en feraient la demande de son fichier clients au TRV « Bleu », lequel comporte, d’une part, des données anonymisées relatives à l’ensemble des clients au TRV Bleu et, d’autre part, des données individuelles relatives aux clients au TRV Bleu non résidentiels (par site) et résidentiels (pt. 561) ; en second lieu, la séparation des parcours de souscription par téléphone des clients et prospects au TRV Bleu et des clients et prospects en offre de marché (OM) (pt. 562). Ces engagements ont été rendus obligatoires pour une durée de trois ans à compter de la date de notification de la décision (pt. 563).

Constatant dans un premier temps, la détention par EDF d’une position dominante, dès 2004, date du début des pratiques constatées, non seulement sur les marchés français de la fourniture au détail d’électricité aux sites résidentiels et aux petits sites non résidentiels, mais également sur les marchés français de la fourniture au détail d’électricité aux moyens sites non résidentiels et aux grands sites non résidentiels dont la consommation annuelle est inférieure à 7 GWh / an (pts. 437-438), l’Autorité parvient à la conclusion qu’EDF, dans le cadre d’une stratégie globale visant l’ensemble des segments de clientèle, a fait une exploitation abusive des moyens dont elle disposait en sa qualité d’opérateur au tarif réglementé de vente (TRV), qui constituaient un avantage concurrentiel et qui n’étaient pas reproductibles par ses concurrents dans des conditions de coûts et de délais raisonnables, afin de maintenir sa position sur les marchés de la fourniture au détail d’électricité et de renforcer sa position sur les marchés connexes de la fourniture de gaz et de services énergétiques (pt. 476). Les pratiques ont débuté en mars 2004 et auraient perduré à tout le moins jusqu’au 25 mai 2021 (pt. 498).

Concrètement, EDF a utilisé les données issues de ses fichiers clients au TRV dans une mesure excédant les seuls besoins liés à la gestion et au suivi de ces contrats, pour les exploiter dans une logique de conquête commerciale, visant à la souscription d’offre de marché (OM) par ses clients au TRV. L’exploitation de ces données a notamment permis à EDF, dans la perspective de la disparition des TRV Jaune et Vert, de proposer à ses clients au TRV des offres de marché en électricité, afin de préserver ses parts de marché sur ce segment de clientèle et de limiter le développement de ses concurrents. L’utilisation de ces données a également permis à EDF, dans l’objectif de développer sa position sur les marchés connexes, de détecter les besoins des clients en matière de fourniture de gaz et de services énergétiques et de proposer à ces clients des offres en complément de la fourniture d’électricité (pt. 463). Compte tenu de leur volume, de leur degré de précision et de leur actualisation régulière, les données collectées par EDF dans le cadre de sa mission de fourniture d’électricité au TRV représentaient pour l’entreprise un avantage concurrentiel décisif. En effet, EDF disposait d’une masse d’informations considérable en sa qualité d’opérateur historique dans le secteur de la fourniture d’électricité. Compte tenu des contacts réguliers avec ses clients dans le cadre de la mise en service et du suivi des contrats au TRV, EDF disposait en outre d’informations précises et actualisées, notamment, sur le profil et les besoins de ses clients, ainsi que sur l’identité des interlocuteurs pertinents (pt. 464). Cet avantage concurrentiel n’était pas reproductible dans des conditions financières et des délais raisonnables par les opérateurs alternatifs, qui n’étaient pas en mesure d’accéder par leurs propres moyens, lors de leur entrée sur le marché, à des bases de données aussi complètes que celles dont disposait EDF (pt. 465). Ainsi, EDF a utilisé les moyens humains et techniques liés aux TRV, qui n’étaient pas reproductibles pour ses concurrents et qui constituaient un avantage concurrentiel, afin de se développer sur des marchés concurrentiels (pt. 471).

S’agissant du calcul de la sanction, l’Autorité parvient à la conclusion que les pratiques litigieuses doivent être regardées comme très graves (pt. 534) et que le dommage causé à l’économie, certain, doit être différencié selon les marchés affectés par les pratiques (pt. 551). Si leur impact est certain sur les marchés de la fourniture d’électricité, où elles ont contribué à maintenir les parts de marché d’EDF et à retarder le développement de fournisseurs alternatifs d’électricité, même si l’intégralité du maintien des parts de marché d’EDF ne peut être attribuée auxdites pratiques (pts. 543-544), il semble moindre sur les marchés de la fourniture de gaz, des services énergétiques, et des actions de maîtrise de l’énergie conduisant à la délivrance de CEE, même si, sur le marché de la fourniture de gaz, EDF est devenu le premier opérateur alternatif, avec une part de marché de 13 % en nombre de sites sur le marché résidentiel en 2018, ce qui représentait environ la moitié de la part de marché des fournisseurs alternatifs (pt. 546).

Quant au quantum de la sanction, l’Autorité a également tenu compte de la puissance économique du groupe EDF à travers le chiffre d’affaires mondial (comptes consolidés) réalisé en 2019 à 71,317 milliards d’euros et en 2020 à 69,031 milliards d’euros (pt. 553). Par ailleurs, l’Autorité a retenu la réitération, estimant que les pratiques ici sanctionnées étaient similaires, par leur objet ou leurs effets, aux pratiques sanctionnées par la décision n° 13-D-20 du 17 décembre 2013, devenue définitive le 27 septembre 2018, qui poursuivaient l’objectif de restreindre le développement des concurrents sur des marchés connexes au marché dominé, grâce aux avantages résultant pour EDF de sa situation d’opérateur historique (pt. 553).

Au final, le montant de la sanction infligée à EDF est fixé à 300 millions d’euros, ce qui représente environ 0,4 % du chiffre d’affaires de référence…

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS UE : La décision de la Commission autorisant l'acquisition de Suez par Veolia, ainsi que celle agréant le repreneur du « Nouveau Suez » sont en ligne

 

Le 22 février 2022, la Commission a rendu publique la décision du 14 décembre 2021 aux termes de laquelle elle a autorisé, sous conditions, l'acquisition de Suez par Veolia, et ce, sans passer par un examen approfondi en phase II de l’opération.

Il faut dire que les concessions faites étaient importantes, suffisamment en tous cas pour que la Commission considère que les remèdes structurels consentis éliminaient entièrement les problèmes de concurrence qu’elle avait relevés.

Il est vrai que le rapprochement entre les deux leaders des secteurs du traitement de l'eau et la gestion des déchets, risquait d’entraîner d'importants chevauchements horizontaux sur divers marchés en France et dans l'Espace économique européen (EEE), principalement sur les marchés de la gestion de l'eau municipale, de la gestion de l'eau industrielle en France et des services mobiles de l'eau dans l'EEE, de la collecte et du traitement des déchets banals et réglementés et du traitement des déchets dangereux en France.

Concrètement, l’acquisition du numéro 2 par le numéro 1 aurait éliminé la pression concurrentielle exercée par Suez.

Veolia avait largement pris les devants en proposant de loger dans le « Nouveau Suez » les activités de Suez dans les secteurs de l’eau municipale, des déchets non dangereux et du nettoyage urbain en France, Italie, République Tchèque, Pologne, Afrique, Asie et Australie, et de céder le contrôle conjoint de ces activités du groupe Suez (le « Nouveau Suez ») dans le secteur de l’eau et des déchets en France et à l’international à un consortium composé de Meridiam SAS — à hauteur de 40 % —, de Global Infrastructure
Partners LLC (GIP) — également à hauteur de 40 % —, de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) — à hauteur de 12 % — et de CNP Assurances, filiale de la CDC — à hauteur de 8 %.

Le 22 février 2022, la Commission a également rendu publique la décision du 19 janvier 2022 à la faveur de laquelle elle a donné son agrément au Consortium en tant que Repreneur approprié de l’activité cédée, c’est-à-dire le « Nouveau Suez ».

Mais visiblement, ces premières cessions de Veolia n’ont pas suffit pour apaiser les craintes de la Commission, notamment pour ce qui concerne le  traitement des déchets dangereux en France.

Celle-ci a obtenu des parties à l’opération qu’elles cèdent en outre une partie des activités de Veolia et Suez dans l'enfouissement des déchets dangereux ainsi que l'ensemble des activités de Suez dans l'incinération et le traitement physico-chimique des déchets dangereux. Les engagements de cession consentis sont de nature à éliminer presque tout chevauchement d’activité et toute intégration verticale liés à l’opération, de façon à résoudre entièrement les problèmes de concurrence identifiés dans la présente décision sur les marchés de gestion des déchets dangereux en France (pt. 1319). Cependant, la Commission estime que le choix d’un ou plusieurs repreneur(s) devra, autant que possible, maintenir des synergies similaires à celles existant pré-cession entre les activités cédées déchets dangereux (pt. 1333).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

EN BREF : L’opération consistant dans la prise de contrôle exclusif, par la société Bouygues, de l’ensemble qui résultera de la fusion TF1/M6 est entrée dans sa phase 1 d’examen

 

Le 22 février 2022, l’Autorité de la concurrence a indiqué que l’opération consistant dans la prise de contrôle exclusif, par la société Bouygues, du nouvel ensemble qui résultera de la fusion des actifs du groupe TF1, qu’il contrôle, et du groupe Métropole Télévision a été notifié le 17 février 2022, et, partant, que ladite opération est entrée dans sa phase 1 d’examen. Un résumé de l'opération fourni par les parties est en ligne.

Les tiers concernés sont invités à faire parvenir à l'Autorité leurs observations avant le 15 mars 2022.

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