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SCOTCH & PENICILLIN
Bonjour,
cette nouvelle lettre devrait vous donner des nouvelles de l’avancée du projet “Ne recule jamais” (cf. précédentes newsletters) mais là, le moral n’est pas vraiment à dormir dans les bois pour aller voir des avions de chasse. Cela résonne drôlement avec l’actualité.  
D'un autre côté, mon projet est tellement absurde qu’il ne prend pas plus qu’il n’apporte au monde. 

Je n’ai pas reçu d’appel du colonel Bouilland (le commandant de la BA 116) et je ne pense plus en recevoir. Mes rares échanges avec la base ont lieu via son service communication qui m’a d’ailleurs informé que “les 70 ans se dérouleront l’année prochaine, car la BA 116 a été inaugurée le 22 novembre 1953. En juillet 1952, il s’agit de l’arrivée des premiers avions et du premier commandant de base.”
Cela ne change rien à mon plan : je me suis préparé mentalement à partir cette année et ce sont mes engagements familiaux et professionnels qui primeront (sans compter qu’il ne doit pas faire chaud fin novembre en Bourgogne).

En faisant quelques petites recherches (en vrai : par hasard) je suis tombé sur un article biographique du Lcl Tony Papin.
J’en ai gardé une information capitale :
“Tony papin est un homme d’action. Sa résistance physique en étonne plus d’un. En exercice de marche, il est capable de parcourir 52 kilomètres à pied dans une même journée à la tête de son escadrille, de prendre une douche, d’aller dîner chez des amis, de danser jusqu’à l’aube et d’être aux commandes de son avion à sept heures du matin, prêt à décoller”

Et une triste fin :
“Le 1er février 1946, le lieutenant-colonel Tony Papin se prépare à attaquer des jonques au large de Phon Tiet. Il n’a pas jugé utile de s’encombrer d’une Mae West et d’un dinghy. Au cours du piqué précédant l’attaque, le moteur de son Spitfire tombe en panne. Le pilote tente désespérément de redresser l’avion. En vain. “La mer, cette garce de mer est une féroce mangeuse d’hommes”, écrivait-il au sujet de la Méditerranée. Il ignorait alors que son destin serait lié à celle d’Indochine. Elle l’a englouti, ne rejetant que son calot et un réservoir d’essence.”
Mauvais Karma.

Je pensais essayer de contacter l’autrice de l’article pour connaître ses sources et essayer d’en savoir plus mais au vu de son compte twitter conspi/antivax je vais plutôt passer mon tour…
Pour ma préparation j’ai listé les choses importantes à gérer :
  • Le poids du sac : j’essaye de chasser le moindre gramme superflu tout en gardant le minimum vital. Je n’en suis pour le moment qu’à la théorie (il faut encore trop froid pour bivouaquer) mais j’espère ne pas dépasser les 5 kilos (dont 2 litres d’eau). 
  • Le parcours : j’ai pris un abonnement d’un an à Visorando et cela répond totalement à mes besoins. J’ai commencé à dessiner mon parcours pour les 5 premiers jours. J’ai accès aux cartes IGN haute définition et je peux profiter des parcours déjà tracés par les autres usagers. En plus je serai localisable en direct. Vous pourrez donc suivre mon épopée.
  • La batterie de mon téléphone : elle tenait de moins en moins la charge et comme mon appli de guidage est vitale j’ai dû la faire changer. J’ai, en plus, un chargeur de secours (222 g) qui devrait me permettre de tenir 2 ou 3 jours en autonomie.
  • Les frottements : j’ai eu de mauvaises surprises lors de sorties longues d'entraînement : la moindre couture apparente provoque des brûlures plutôt douloureuses. 2 solutions : acheter des tee-shirts sans couture (pas donnés) ou m’enduire de vaseline là où ça frotte. Je donc vais certainement devoir me trimballer un tube de crème bien grasse et me lubrifier pour courir plus vite.
  • Les bêtes sauvages : j’ai peur des grosses (sangliers) et des petites (tiques). Pour les premiers je peux grimper aux arbres. Pour les secondes je prendrai un tire-tiques (2 g).
  • La météo : j’ai surtout peur d’avoir froid. Mais selon ma date de départ (normalement cet été), je risque plutôt de souffrir de la chaleur. Cela permettra de m’alléger en vêtements. La pluie ne m’inquiète pas plus que ça : j’ai un poncho (196 g) et je trouverai toujours un moyen de m’abriter ou de me laver dans dans la pub pour Tahiti Douche.
  • Les allergies : à partir du printemps je vais déguster avec les pollens de graminées. Je dois donc prévoir un bon stock d’antihistaminiques en plus de mon traitement pour la tension et des antidépresseurs. Sans oublier les ibuprofènes. Une vraie pharmacie ambulante.
  • Le sommeil : je vais devoir dormir en pleine nature avec un confort tout relatif (pas de duvet, pas de matelas). Je cherche le meilleur moyen de m’abriter avec un poids minime. Je suis tombé sur un forum de talibans du sac léger et je découvre tout un monde et le vocabulaire associé : les tarps, les bivy et autres sursacs. Je cherche encore l'abri idéal. J’ai tout de même sacrifié 170 g à ce très moelleux oreiller de trekking qui m’évitera, je l’espère, un gros torticolis.
    J’ai également prévu de passer quelques nuits en gîte/hôtel pour récupérer dans un vrai lit propre et sec.
  • L’alimentation : pas question de transporter des provisions sur 3 jours. Je vais donc faire avec ce que je vais trouver sur ma route : Viveco, Proxi, Timy, Vival, Simply, Bravo… je vais tous les visiter et acheter un max de junk-food que je vais dévorer sans même la décongeler ! En cas de coup dur j’ai des sachets de semoule à réhydrater à froid.
  • L’eau : remplir mes gourdes ne devrait pas trop poser de problème. Dans le pire des cas, on doit trouver des robinets accessibles dans les cimetières. Par contre se laver va être un vrai défi. J’emporte juste un (demi) savon et compte bien squatter des vestiaires de stades ou des toilettes publiques pour ne pas sentir l’étable.
  • Mes pieds : j’ai testé la préparation jus de citron / crème hydratante pendant 2 semaines et c’est vrai que je n’ai pas eu d’ampoules sur mes derniers longs entraînements. Je dois pouvoir faire tout mon parcours avec une seule paire de chaussure (achat à prévoir). J’hésite à emporter une paire de tongs pour le soir.

Niveau préparation physique j’ai déjà couru plus de 450 km depuis le début de l’année. J’ai fait mon premier 45 km en une journée et la fin fut laborieuse. J’envisage pourtant de faire 50 km par jour. Je vais également à la piscine de temps en temps (j’avais oublié à quel point c'est agréable de flotter). Le vrai test sera de faire plus de 100 km en un week-end avec campement d’étape. Pour ça, j’attends qu’il fasse un peu plus chaud.

J’avais prévu de courir le marathon de Royan mais cela va être logistiquement compliqué (le départ est lancé un samedi à 7h30 du matin). Si cela intéresse quelqu’un je lui offre mon dossard.

J’ai documenté certains entraînements via le groupe Whatsapp “Ne recule jamais”. J’ai trouvé ça plutôt amusant (suis-je le seul ?) et vos messages m’ont bien fait plaisir. Par contre lors de mon parcours il faudra que je me retienne de photographier tous les noms de lieux-dits rigolos. Ça va vite vous saouler et ça videra la batterie du téléphone. Il faut que je trouve le bon équilibre avec cet outil.

Pour ma préparation mentale j’ai lu Americana de Luke Healy qui raconte son périple sur les 4 240 km du Pacific Crest Trail, du Mexique au Canada. Au-delà du simple récit de voyage/aventure avec ses doutes et ses joies, Healy questionne son rapport aux USA en tant qu’aspirant migrant irlandais biberonné de culture américaine. J’ai beaucoup aimé.
 I LUV THE VALLEY OH 
Juste avant mes 3 ans, mes parents ont emménagé dans la maison qu’ils avaient fait construire à Savigné l'Evêque, un village à une dizaine de kilomètres au nord du Mans.
Étant scolarisé à la "grande ville" durant mes années de maternelle et de primaire, puis de lycée, j’ai quasiment fait le trajet aller/retour tous les jours. Chaque matin : prendre la D301 “route de Bonnétable”, passer devant la maison avec les décorations de Noël, celle avec le toit en chaume, passer sous le pont de l’autoroute, monter jusqu’à Sargé, le château d’eau puis la grande ligne droite jusqu’à l’entrée du Mans. 
Juste avant les premiers immeubles cette route franchissait autrefois une vallée. Disons plutôt qu’il s’agissait d’une descente suivie d’une montée mais pour moi cela avait les dimensions d’une vallée.
Durant toutes ces années la route a subi des modifications : un contournement, des ronds-points, des nouveaux lotissements… mais après que j’ai quitté la Sarthe, un gros projet d’aménagement avec la construction d’une rocade a chamboulé le paysage.
Un échangeur avec deux gros ronds-points et un centre commercial ont remplacé les champs, effacé quelques anciennes fermes et rempli la vallée.

Récemment j’ai rêvé plusieurs fois de cet endroit tel qu’il était dans mon enfance : je rentrais chez moi à vélo. J’ignore pourquoi. Ce paysage d’entrée de ville n’avait rien d’extraordinaire mais il devait avoir une forte valeur symbolique.
Il y a quelques semaines, j’ai profité d’un week-end chez mon père pour refaire ce trajet en courant. Pour franchir la vallée, il y a un petit chemin parallèle à la route, un tunnel permettant de passer sous la rocade. Je ne sais pas si ce chemin existait avant mais en le parcourant j’ai ressenti une grande tristesse. Le paysage que j’ai connu a disparu et ne sera jamais plus. Je pensais qu’un paysage était immuable, comme une montagne. La végétation peut évoluer, des constructions peuvent apparaître et disparaître mais ce ne sont que des changements de surface. J’ai cru que les vallées ne pouvaient pas disparaître à l’échelle d’une vie humaine.

Edit : je viens de lire dans la dernière lettre Bulletin que cette sensation porte un nom : la solastalgie.
"Ce mot est constitué de solace (la consolation) et algie (la douleur), et il résonne avec les mots nostalgie et solitude. La solastalgie nous frappe quand nous voyons se transformer et disparaître des lieux aimés et réconfortants (...). C’est irréversible, et cela nous plonge dans un très grand chagrin."
Camping de la truite
 QUELQUES LIENS POUR FINIR 
  • Le morceau du moment ne peut être que Batyar, cette reprise de Big Mouth Strike Again par The Ukrainians.
  • Martha Frankie Green est un alias de Corentine Le Pivert Son texte 2002 mots est magnifique, lisez-le.
  • Sur France Télévision il y a quelques très bons films disponibles en replay :
    - A Touch of Sin, de Jia Zhangke (j’ai vu ce film au cinéma et même qu’il y avait Remi Lucas dans la salle)
    - Mother, de Bong Joon Ho (dont j’avais fait une critique très pointue)
    - Ida, de Pawel Pawlikowski (pas (encore) vu)
    - Une Séparation de Asghar Farhadi (dans mon top 5 des meilleurs films du monde)
  • J’ai beaucoup écouté France Inter et France Culture. Même si aujourd'hui je les écoute beaucoup moins, je suis toujours satisfait de savoir que ma redevance sert à financer des programmes de cette qualité. Bref, je suis bien content de pouvoir réécouter les génériques d’émissions que j’ai tellement chéries : les Nuits Magnétiques, Pollen, Eclectik, Synergie, le Pop Club, Panique au Mangin Palace et surtout la moto de Là-bas si j’y suis.
  • Pour rester dans la radio : cet article sur Korii raconte comment il est possible d’écouter les communications des soldats russes en Ukraine via les ondes courtes et de donner un lien vers le site de radio amateur d’une université hollandaise qui permet d’écouter en direct toutes les longueurs d’ondes. Je suis branché la dessus depuis quelques jours et c’est absolument génial : des blips blips et des messages codés comme au temps de la guerre froide, des programmes en chinois… On clique au hasard ou on on va sur l’onglet Chatbox où d’autres utilisateurs partagent leurs découvertes.
  • L’information que je n’aurais jamais voulu connaître.
  • La lettre d’Afrika Bambaataa aux membres de la nation Zulu France contre les tags dans le métro parisien “le plus beau et le moins cher du monde”.
 LECTURES EN COURS 
  • Sur la Route - le rouleau original, de Jack Kerouac..
    Je n’avais jamais lu ce classique. Je commence donc par la version “directors cut” intégrale qui a le mérite de garder les noms originaux des personnages (ce qui m'évite d'aller chercher sur Wikipédia). Ça se lit comme on boit du lait. Le type est aussi charmant qu’insupportable mais je suis aussi heureux que lui de retrouver Neil cassady et Allen Ginsberg.
    La photo sur la couverture est de Robert Frank, ça veut dire que c'est bien.
Dédié à la mémoire de Cristina Calderón et Autherine Lucy.

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