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Hebdo n° 15/2022
15 avril 2022
SOMMAIRE
 
INFOS EGALIM 2 : Informée de dérives intervenues lors des négociations commerciales 2022, la Commission des affaires économiques du Sénat rappelle les conditions dans lesquelles des pénalités logistiques peuvent être infligées par les distributeurs et invite instamment la DGCCRF à agir

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : La Cour de justice de l’Union dit pour droit que les mesures accordées après l’expiration d’un régime d’aide doivent être considérées comme des aides nouvelles qui, à défaut de notification, constituent des aides illégales dont la Commission peut ordonner la récupération provisoire jusqu’à ce qu’elle statue sur sa compatibilité

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : La Cour de justice de l’Union confirme l’absence de qualité de « partie intéressée » dans l’affaire des tarifs de rachat applicables pour l’électricité produite par les producteurs utilisant des sources d’énergie renouvelable en Grèce


JURISPRUDENCE AIDE D’ÉTAT : Confirmant le caractère sélectif de l’Income Tax Act de Gibraltar en ce qui concerne la non-imposition des revenus générés par des redevances de propriété intellectuelle jusqu’en 2013, le Tribunal annule partiellement la décision de la Commission en raison de divergences notables entre la décision d’extension de la procédure et la décision constatant l’existence de l’aide

JURISPRUDENCE UE : Au terme d’une interprétation téléologique de la directive « dommages », l’avocat général Szpunar invite la Cour de justice de l’Union à admettre que la victime de pratiques anticoncurrentielles puisse obtenir de son auteur qu’il produise des éléments de preuve créés ex Novo, en agrégeant ou en classant des informations, des connaissances ou des données en sa possession, dans le respect du principe de proportionnalité


JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant qu’en se fondant sur un raisonnement « plausible d’un point de vue logique » mais qui ne repose sur aucun élément de preuve, la Commission n’a pas satisfait aux exigences en matière de charge de la preuve de l’existence d’un avantage, l’avocat général Pitruzzella invite la Cour à rejeter le pourvoi de la Commission et à confirmer l’arrêt du Tribunal dans l’affaire de la garantie accordée au club de football de Valence

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Proposant sa propre lecture de l’applicabilité du critère de l’opérateur privé en économie de marché, l’avocat général Ćapeta invite la Cour à annuler l’arrêt du Tribunal confirmant le caractère illégal des mesures en faveur du développement du transport aérien en Sardaigne


JURISPRUDENCE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : Le Conseil d’État confirme sur le fond, à propos du projet de fusion TF1/M6, que l’ouverture d’une phase de prénotification, purement préparatoire, n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir

INFOS UE : En autorisant le régime français de soutien de trésorerie en faveur des entreprises dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, la Commission adopte sa première décision sur la base de l'encadrement temporaire du 23 mars 2022


INFOS : Le Gouvernement de la Polynésie française envisage de renforcer l’encadrement des prix des produits de première nécessité (PPN) et des produits de grande consommation (PGC)

INFOS EGALIM 2 : Informée de dérives intervenues lors des négociations commerciales 2022, la Commission des affaires économiques du Sénat rappelle les conditions dans lesquelles des pénalités logistiques peuvent être infligées par les distributeurs et invite instamment la DGCCRF à agir

 

Le 30 mars 2022, La commission des affaires économiques du Sénat a adopté le rapport d’information de Mme Anne-Catherine Loisier rappelant l'intention du législateur sur l'application de l'article 7 de la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs relatif aux pénalités logistiques infligées par les distributeurs.

Le groupe de suivi de la loi Egalim a été alerté par de très nombreux industriels sur le non-respect par un certain nombre de distributeurs de l’encadrement strict des pénalités logistiques imposées par les distributeurs aux industriels posé à l'article 7 de la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs (EGALIM 2). En substance, les pénalités logistiques infligées par ces distributeurs ne seraient ni démontrées, ni documentées, ni proportionnées.

D’où la nécessité de rappeler l'intention du législateur : les pénalités logistiques sont des pénalités infligées à un fournisseur en cas d'inexécutions d'engagements contractuels. Le préjudice doit être avéré et documentable. Enfin, les pénalités doivent être proportionnées. Si les pénalités ne sont pas conformes aux dispositions de ce nouvel article, le distributeur voit sa responsabilité engagée et doit réparer le préjudice subi par le fournisseur. Il est dès lors passible d'une sanction sous astreinte de la DGCCRF.

Pour la Commission des affaires économiques du Sénat, il y a urgence à intervenir, sans quoi les industriels se trouverons dans une position intenable compte tenu de la situation actuelle liée à la guerre en Ukraine et des difficultés massives de logistique auxquelles ils seront confrontés, tant en raison du manque de chauffeurs que du coût du transport. L’enjeu est d’autant grand que le montant total des pénalités logistiques infligées aux fournisseurs s’élèverait à plus de 250 millions d'euros par an.

La Commission invite donc la DGCCRF à agir sans tarder pour sanctionner les principaux contournements de la loi, mais également à adopter au plus vite, sur cette question des pénalités logistiques, le guide des bonnes pratiques prévu à l'article L. 441-19 du code de commerce.

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : La Cour de justice de l’Union dit pour droit que les mesures accordées après l’expiration d’un régime d’aide doivent être considérées comme des aides nouvelles qui, à défaut de notification, constituent des aides illégales dont la Commission peut ordonner la récupération provisoire jusqu’à ce qu’elle statue sur sa compatibilité

 

Le 7 avril 2022, la Cour de justice de l’Union a rendu un arrêt dans les affaires jointes C-102/21 et C-103/21 (KW et SG contre Autonome Provinz Bozen), laquelle fait suite à deux demandes de décision préjudicielle présentées par le Tribunal administratif de la province de Bolzano.

Il intervient dans le cadre de litiges opposant deux propriétaires d’alpages situés dans une zone montagneuse de la province autonome de Bolzano, qui n’est pas raccordée au réseau public d’électricité en raison de sa situation géographique au sujet du remboursement partielle d’aides à la construction de microcentrales hydroélectriques octroyées par cette dernière en application d’un régime d’aides autorisé par la décision de la Commission du 25 juillet 2012.

Dans un premier temps, la province autonome de Bolzano a, en 2018, octroyé aux deux propriétaires une subvention respectivement de 144 634 euros et  115 011 euros, correspondant à 80 % des coûts admissibles, pour un projet de construction d’une microcentrale hydroélectrique, destinée à son approvisionnement personnel, en application du régime d’aides litigieux.

Mais, s’apercevant que le régime d’aides litigieux avait expiré le 31 décembre 2016, la même province autonome de Bolzano a retiré partiellement les deux décisions d’octroi des subventions et en a recalculé le montant sur le fondement des critères d’attribution prévus par le règlement n° 651/2014, soit respectivement la somme de 113 257,09 euros et de 92 604 euros, et a demandé aux deux propriétaires de rembourser le montant qu’il avait perçu à titre excédentaire, majoré des intérêts.

Les deux bénéficiaires ont chacun saisi le Tribunal administratif, section autonome de la province de Bolzano, d’une demande d’annulation de ces mesures.

La juridiction saisie a alors décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’aide autorisée par la décision de la Commission [du 25 juillet 2012] en vue du financement à 80 % de la construction de microcentrales hydroélectriques aux fins de la production d’énergie électrique, à partir de sources d’énergie renouvelables, destinée à la consommation propre de chalets et de refuges situés dans une zone de haute montagne dont le raccordement au réseau électrique ne peut être réalisé sans un effort technique et financier approprié, a-t-elle expiré le 31 décembre 2016 ?

2)      En cas de réponse affirmative à cette question :

a)      L’article 20 du règlement [2015/1589] doit-il être interprété en ce sens que, en cas d’application abusive d’une aide, la Commission doit adopter une décision de récupération avant que les autorités étatiques prennent des mesures ?

b)      L’aide en question est-elle compatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, sous c), [TFUE] au motif qu’elle permet de faciliter le développement de certaines régions économiques, ou est-elle susceptible de fausser la concurrence et d’affecter les échanges entre États membres ? »

Sur la première question, la Cour, observant que la décision de la Commission du 25 juillet 2012 couvrait la « période 2011-2016 » répond que le régime d’aides litigieux n’était plus autorisé par la décision de la Commission du 25 juillet 2012 à compter du 1er janvier 2017 (pt. 32), dès lors que ce régime d’aides n’a pas fait l’objet d’une nouvelle autorisation de la Commission après cette date. Dès lors, l’autorisation du régime d’aides litigieux résultant de la décision de la Commission du 25 juillet 2012 n’était plus en vigueur lorsque la province autonome de Bolzano a accordé les aides en cause au principal (pt. 35).

Pour autant, incombait-il à la Commission de demander à l’État membre de récupérer ces aides ? Estimant que le régime d’aide litigieux ne constituent pas des « aides appliquées de façon abusive » au sens de l’article 1er, sous g), du règlement 2015/1589 (pt. 37), mais doivent être considérées comme des aides nouvelles qui, ayant été octroyées en violation de l’article 108, § 3, dernière phrase, TFUE, constituent des « aides illégales » au sens de l’article 1er, sous f), du règlement 2015/1589 (pt. 42). S’il incombe aux autorités administratives et aux juridictions nationales, constatant qu’une aide a été octroyée en violation de l’article 108, § 3, dernière phrase, TFUE, de récupérer de leur propre initiative l’aide illégalement octroyée, en considérant le cas échéant que seule la partie de l’aide qui ne remplit pas les critères fixés par le règlement n° 651/2014 doit être remboursée, en revanche, la Commission ne peut imposer la récupération d’une aide au seul motif de son illégalité et doit donc procéder à une évaluation complète de la compatibilité de celle-ci avec le marché intérieur que l’interdiction de mise à exécution sans autorisation préalable ait été ou non respectée. Toutefois, en application de l’article 13, § 2, du règlement 2015/1589, elle peut ordonner la récupération provisoire d’une aide versée illégalement jusqu’à ce qu’elle statue sur sa compatibilité avec le marché intérieur.

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : La Cour de justice de l’Union confirme l’absence de qualité de « partie intéressée » dans l’affaire des tarifs de rachat applicables pour l’électricité produite par les producteurs utilisant des sources d’énergie renouvelable en Grèce

 

Le 7 avril 2022, la Cour de justice de l’Union a rendu un arrêt dans l’affaire C-429/20 (Solar Ileias Bompaina contre Commission européenne).

Deux producteurs d’électricité utilisant des sources d’énergie renouvelable (SER), actif sur le marché de l’électricité en Grèce, ont introduit une plainte auprès de la Commission à la suite d’une modification du régime d’aide au fonctionnement en faveur des producteurs exploitant des sources d’énergie renouvelable consistant à réduire les tarifs de rachat applicables pour l’électricité produite par les producteurs SER afin d’équilibrer un régime devenu déficitaire et d’assurer ce faisant sa pérennité.

Dans leur plainte, les deux producteurs SER soutenaient que les fournisseurs bénéficiaient d’un avantage sélectif du fait que seuls les producteurs SER supporteraient les coûts liés à la réduction du déficit du dispositif en cause.

La Commission a décidé de ne soulever aucune objection à l’égard du régime prévoyant un réajustement des tarifs de rachat pour les producteurs SER.

L’un des deux producteurs SER a introduit un recours devant le Tribunal en l’annulation de la décision de la Commission.

Le requérante a alors formé un pourvoi devant la Cour.

En substance, elle soutenait que le Tribunal aurait dû lui reconnaître la qualité de « partie intéressée ». Or, il aurait omis de tenir compte du fait que les fournisseurs et les producteurs SER se trouveraient dans une situation comparable dans le cadre du système de référence que constitue le compte spécial SER et de l’objectif poursuivi par le nouvel accord SER, à savoir l’élimination du déficit de ce compte spécial.

Sur quoi, la Cour, rappelant que si l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, qui définit la notion de « partie intéressée », n’exclut pas qu’une entreprise qui n’est pas une concurrente directe de la bénéficiaire de l’aide puisse être qualifiée de partie intéressée, pour autant qu’elle fasse valoir que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide, c’est-à-dire qu’elle démontre, à suffisance de droit, que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation, approuve le Tribunal d’avoir constaté d’une part que les fournisseurs et les producteurs SER n’étaient pas dans un rapport de concurrence, car ils opéraient à des niveaux différents du marché de l’électricité en Grèce (pt. 39), et, d’autre part, que, la requérante n’était pas parvenue à démontrer l’existence d’une corrélation entre les tarifs réduits pour les sources d’énergie renouvelable et le non-paiement d’une contribution au compte spécial SER par les fournisseurs d’électricité, ni que l’aide présumée aux fournisseurs d’électricité pourrait avoir affecté sa position sur le marché ou ses intérêts. En particulier, le tribunal a pu constater que la requérante n’avait pas expliqué de quelle manière la soi-disant exonération des fournisseurs d’électricité par la loi 4254/2014 aurait pu avoir une influence sur la fixation des nouveaux tarifs de rachat et des rabais applicables aux producteurs SER, étant donné que les ajustements ainsi effectués visaient principalement à contrebalancer la surcompensation précédemment octroyée à ces producteurs (pt. 41).

Par conséquent, conclut la Cour, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en refusant de reconnaître à la requérante la qualité de « partie intéressée », au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, et en rejetant, partant, son recours comme étant irrecevable.

JURISPRUDENCE AIDE D’ÉTAT : Confirmant le caractère sélectif de l’Income Tax Act de Gibraltar en ce qui concerne la non-imposition des revenus générés par des redevances de propriété intellectuelle jusqu’en 2013, le Tribunal annule partiellement la décision de la Commission en raison de divergences notables entre la décision d’extension de la procédure et la décision constatant l’existence de l’aide

 

 

 

Le 6 avril 2022, le Tribunal de l’Union européenne a rendu un arrêt dans une affaire T-508/19 (Mead Johnson Nutrition e.a. contre Commission européenne) concernant une nouvelle fois le contrôle exercé par la Commission au regard de la législation en matière d’aides d’État sur l’Income Tax Act 2010 (ITA 2010) adoptée en 2010 par Gibraltar, qui, dans sa version initiale et jusqu’en 2013, considérait que les revenus d’intérêts passifs et de redevances de propriété intellectuelle ne constituaient pas un revenu imposable et n’étaient donc pas imposés.

En octobre 2013, la Commission a ouvert une enquête approfondie concernant le régime de l'impôt sur les sociétés de Gibraltar, afin de vérifier si le régime d'exonération de l'impôt sur les sociétés appliqué entre 2011 et 2013 aux revenus d'intérêts (principalement générés par les prêts intragroupe) et aux revenus de redevances favorisait de manière sélective certaines catégories d'entreprises, en violation des règles de l'UE en matière d'aides d'État.

En octobre 2014, la Commission a étendu son enquête à la pratique des décisions fiscales anticipées (DFA), autrement dit les rulings fiscaux de Gibraltar, en se concentrant tout particulièrement sur 165 rulings fiscaux émis entre 2011 et 2013. La Commission craignait que ces rulings fiscaux constituent des aides d'État, car ils ne s'appuyaient pas sur des informations suffisantes garantissant une imposition identique pour les sociétés concernées par lesdits rulings et les autres sociétés ayant des revenus générés ou trouvant leur origine à Gibraltar.

Par décision du 19 décembre 2018, la Commission a constaté, d’une part, que l’ « exonération » des revenus générés par les intérêts passifs et par les redevances, applicable à Gibraltar entre 2011 et 2013 au titre de l’ITA 2010, constituait un régime d’aides d’État illégalement mis en œuvre et incompatible avec le marché intérieur et, d’autre part, que le traitement fiscal octroyé par le gouvernement de Gibraltar sur la base de décisions fiscales anticipées accordées à cinq sociétés établies à Gibraltar détenant une participation dans des CV néerlandaises et percevant des revenus générés par des intérêts passifs et par des redevances de propriété intellectuelle constituait des aides d’État individuelles illégales et incompatibles avec le marché intérieur. En effet, dans la décision attaquée, la Commission a estimé que 160 des 165 décisions fiscales anticipées analysées correspondaient à une application normale du régime fiscal de droit commun de Gibraltar, sans que l’on puisse conclure à l’existence d’une aide d’État, pour une autre raison.

Plusieurs sociétés du groupe international Mead Johnson Nutrition, qui fabrique de la nourriture pour enfants, dont la holding, installée à Gibraltar, est celle-là même qui avait obtenu des autorités locale une décision fiscale anticipée confirmant la non-imposition, à son égard, des revenus de sa filiale néerlandaise générés par des redevances, ont introduit un recours devant le Tribunal demandant l’annulation de la décision attaquée.

Aux termes du présent arrêt, le Tribunal fait partiellement droit aux demandes des requérantes. S’il valide les conclusions de la Commission selon lesquelles le régime d’aides d’État accordé sous la forme d’une exonération fiscale des revenus liés aux intérêts passifs et aux redevances de propriété intellectuelle, applicable à Gibraltar au titre de l’ITA 2010 entre le 1er janvier 2011 et le 30 juin 2013 et illégalement mis à exécution par Gibraltar en violation de l’article 108, § 3, TFUE est incompatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, § 1, TFUE (article 1er) et ainsi que l’obligation de récupération de toutes les aides incompatibles accordées sur la base dudit régime d’aides, en revanche, il prononce l’annulation de la décision en ce qu’il est constaté, à l’article 2, que l’aide individuelle octroyée par le gouvernement de Gibraltar sur la base du maintien, après le 31 décembre 2013, de la décision fiscale anticipée accordée à MJN Holdings (Gibraltar) Ltd est illégale et incompatible avec le marché intérieur et en ce qu’il est ordonné, à l’article 5, §§ 1 et 2, la récupération de cette aide.

S’agissant en premier lieu de la demande d’annulation de l’article 1er, § 2, de la décision attaquée, en ce que la Commission a qualifié de régime d’aides la non-imposition des revenus générés par des redevances antérieurement au 31 décembre 2013, ainsi que l’ordre de récupération lié à cette mesure, le Tribunal constate d’abord que, la Commission étant compétente pour veiller au respect de l’article 107 TFUE, elle n’a pas outrepassé ses compétences lorsqu’elle a examiné la non-imposition des revenus générés par des redevances afin de vérifier si cette mesure constituait un régime d’aides et, dans l’affirmative, si elle était compatible avec le marché intérieur, au sens de l’article 107, § 1, TFUE (pt. 63). Ensuite, il estime que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que les revenus générés par des redevances n’étaient pas imposables à Gibraltar entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2013, ni en examinant si une telle mesure de non-imposition était susceptible de conférer un avantage sélectif à ses bénéficiaires et, ainsi, de constituer une aide d’État au sens de l’article 107, § 1, TFUE (pt. 88).

Rappelant que le régime d’imposition mis en place par l’ITA 2010 reposait sur deux principes directeurs, à savoir le principe de territorialité, selon lequel les revenus générés ou trouvant leur origine à Gibraltar étaient soumis à l’impôt, et le principe selon lequel l’ensemble des revenus comptables des contribuables étaient imposables, le Tribunal considère que la Commission a correctement retenu que le régime d’imposition de Gibraltar, tel qu’introduit par l’ITA 2010, reposait sur l’objectif d’imposer tous les assujettis sur leurs revenus générés ou trouvant leur origine à Gibraltar (pt. 123). Dès lors, c’est à juste titre que la Commission a considéré que le système d’imposition de Gibraltar était un système d’imposition territorial, selon lequel tous les revenus générés ou trouvant leur origine à Gibraltar devaient y être imposés (pt. 128) et qu’elle a constaté que les revenus générés par des redevances perçus par des sociétés de Gibraltar étaient considérés comme générés ou trouvant leur origine à Gibraltar (pt. 162).

Sur l’examen du critère de l’avantage, le Tribunal, observant que la non-inclusion des revenus générés par des redevances parmi les catégories de revenus listées à l’annexe 1 de l’ITA 2010 permettait à ces revenus d’échapper à l’impôt sur les revenus à Gibraltar, alors que de tels revenus, qui étaient générés ou trouvaient leur origine à Gibraltar, auraient normalement dû y être soumis, conclut que c’est à juste titre que la Commission a constaté que la non-imposition des revenus générés par des redevances introduisait un allègement de l’impôt que les entreprises percevant de tels revenus auraient autrement dû payer en application des règles d’imposition normales et a conclu à l’existence d’un avantage économique en faveur de ces entreprises (pts. 181-182).

Quant au critère de la sélectivité, le Tribunal, relevant que la Commission a considéré, à titre principal, que la non-imposition des revenus générés par des redevances constituait une mesure dérogatoire qui était sélective, dans la mesure où elle favorisait les entreprises percevant des revenus générés par des redevances par rapport à toutes les autres entreprises percevant des revenus générés ou trouvant leur origine à Gibraltar et que, à titre subsidiaire, elle a également examiné la sélectivité « de facto » de la non-imposition des revenus générés par des redevances (pt. 208), estime qu’elle a estimé à bon droit que les entreprises de Gibraltar percevant des revenus générés par des redevances auraient normalement dû être soumises à l’impôt à Gibraltar et qu’elles étaient dans une situation juridique et factuelle similaire à celles des autres entreprises percevant des revenus générés ou trouvant leur origine à Gibraltar (pt. 210). Dès lors, la Commission n’a pas commis d’erreur, retient le Tribunal, en constatant que la non-imposition des revenus générés par des redevances favorisait les entreprises percevant des revenus générés par des redevances par rapport aux autres entreprises percevant des revenus générés ou trouvant leur origine à Gibraltar. Il en découle que c’est à juste titre qu’elle a considéré que la non-imposition des revenus générés par des redevances présentait un caractère dérogatoire à l’ITA 2010 et à son objectif (pt. 211).

S’agissant en second lieu de la demande d’annulation de l’article 2 de la décision attaquée, en ce que la Commission a conclu que la requérante avait bénéficié de mesures d’aides, pour la période allant jusqu’au 31 décembre 2013, et, pour la période postérieure à cette date, sur la base de la DFA de 2012, ainsi que de l’ordre de récupération lié à ces mesures, les requérantes reprochaient à la Commission de ne pas avoir satisfait, dans la décision d’étendre la procédure adoptée en 2014, à l’exigence, découlant de l’article 108, § 2, TFUE et de l’article 6 du règlement n° 659/1999, consistant à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit ainsi qu’à inclure une évaluation provisoire visant à déterminer si la mesure examinée dans ladite décision présentait le caractère d’une aide et à exposer les raisons qui l’incitaient à douter de sa compatibilité avec le marché intérieur. Ainsi la Commission aurait violé leur droit d’être associées à la procédure formelle d’examen, en retenant, dans la décision attaquée, une analyse de la décision fiscale anticipée de 2012 différente de celle contenue dans la décision d’étendre la procédure. Elles n’auraient donc pas été en mesure de faire valoir utilement leurs observations au cours de la procédure formelle d’examen.

Rappelant que l’obligation à la charge de la Commission, au stade de la décision d’ouverture de la procédure, de mettre les intéressés en mesure de présenter leurs observations revêt le caractère d’une formalité substantielle, qu’il en va de même de décision d’étendre la procédure, sous peine de conduire à l’annulation de l’acte vicié, indépendamment de la question de savoir si cette violation a causé un préjudice à celui qui l’invoque ou si la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent (pts. 290-291), le Tribunal observe à cet égard que, pour la Commission, ce n’était pas la décision fiscale anticipée de 2012 en tant que telle, ni son adoption, mais le traitement fiscal octroyé à la requérante par les autorités fiscales de Gibraltar « sur la base » de cette décision fiscale anticipée confirmant la non-imposition des revenus des redevances et, plus particulièrement, le maintien de cette décision postérieurement au 31 décembre 2013 qui constituaient une aide d’État individuelle (pt. 300). Le Tribunal relève également que le raisonnement de la Commission selon lequel, postérieurement au 31 décembre 2013, le maintien de la décision fiscale anticipée de 2012 présentait le caractère d’une aide d’État individuelle octroyée par le gouvernement de Gibraltar, reposait essentiellement sur le fait que cette décision fiscale anticipée portait sur une structure de groupe impliquant une société en commandite simple de droit néerlandais et un partenaire établi à Gibraltar, ainsi que sur la question de savoir si la commandite constituait une entité fiscalement transparente, de sorte que les revenus générés par des redevances qu’elle percevait devaient être directement imposés à l’égard la holding installée à Gibraltar, comme si ces revenus avaient directement été perçus par cette dernière. En effet, le constat de l’existence d’un avantage sélectif reposait sur la constatation que, en application du droit fiscal de Gibraltar, dans sa version en vigueur à compter du 1er janvier 2014, les sociétés partenaires auraient normalement dû être soumises à l’impôt sur le revenu des sociétés à Gibraltar à hauteur de leur part dans les bénéfices de la société en commandite néerlandaise (pts. 302-303).

Constatant dès lors que les éléments pris en compte par la Commission, dans la décision attaquée, aux fins de conclure qu’une aide individuelle avait été octroyée sur la base de la décision fiscale anticipée de 2012 différaient de l’évaluation provisoire des effets produits par ladite décision fiscale anticipée, postérieurement au 31 décembre 2013, contenue dans la décision d’étendre la procédure (pt. 307), le Tribunal n’a pu que conclure que l’analyse préliminaire contenue dans la décision d’étendre la procédure divergeait donc, en tous points, du raisonnement retenu par la Commission dans la décision attaquée (pt. 315). De sorte que les appréciations, factuelles ou juridiques, contenues dans la décision d’étendre la procédure, n’étaient pas suffisantes pour permettre de comprendre que la procédure formelle d’examen portait non seulement sur l’octroi des décisions fiscales anticipées, mais également sur le maintien des effets produits par certaines de ces décisions après la modification de 2013 de l’ITA 2010 (pt. 316).

Par suite, le Tribunal accueille le premier moyen tendant à l’annulation de l’article 2 de la décision attaquée, en ce qu’il vise l’aide d’État individuelle octroyée aux requérantes sur la base de la décision fiscale anticipée de 2012, et d’annuler ledit article ainsi que l’article 5, §§ 1 et 2, de cette même décision, en ce qu’ils concernent l’obligation de récupération de ladite aide.

JURISPRUDENCE UE : Au terme d’une interprétation téléologique de la directive « dommages », l’avocat général Szpunar invite la Cour de justice de l’Union à admettre que la victime de pratiques anticoncurrentielles puisse obtenir de son auteur qu’il produise des éléments de preuve créés ex Novo, en agrégeant ou en classant des informations, des connaissances ou des données en sa possession, dans le respect du principe de proportionnalité

 

Le 7 avril 2022, l’avocat général Maciej Szpunar a présenté ses conclusions dans l’affaire C-163/21 (AD e.a. contre PACCAR Inc, DAF TRUCKS NV et DAF Trucks Deutschland GmbH) à la suite de la demande de décision préjudicielle présentée par le Tribunal de commerce de Barcelone.

Décidément, la décision de la Commission sanctionnant le 19 juillet 2016 le cartel des camions, mais aussi les actions en follow-on qui en ont découlé, ainsi que les renvois préjudiciels formés, spécialement par les juridictions espagnoles, dans le cadre de ces actions consécutives contribuent grandement à l’interprétation de la directive « dommages » du 26 novembre 2014 et, partant, à la répression des pratiques anticoncurrentielles, et singulièrement des cartels, par la mise en œuvre des actions privées en réparation des dommages concurrentiels.

Après l’admission par la Cour à la faveur de l’arrêt Sumal du 6 octobre 2021 d’une responsabilité « descendante » de la filiale pour les pratiques commises par la mère, après la demande préjudicielle concernant le champ d’application temporel de la directive « dommage » dans l’affaire pendante C-267/20 (AB Volvo e.a.), c’est au tour de la question ô combien cruciale de l’étendue des règles en matière de production de preuves d’être soumise à la sagacité de la Cour de justice de l’Union, cette fois encore par une juridiction de renvoi espagnole, le Tribunal de commerce de Barcelone.

Les faits à l’origine de la présente affaire sont relativement simples. Une entreprise qui a acheté des camions susceptibles de relever du champ d’application de l’infraction faisant l’objet de la décision du 19 juillet 2016 a demandé, en vertu de l’article 283 bis du code de procédure civile espagnol, l’accès aux éléments de preuve détenus par les constructeurs de camions Paccar et DAF Trucks. Seulement l’entreprise ne s’est pas contentée de  demander des preuves préexistantes dont disposeraient ces derniers. Elle a sollicité la production d’éléments de preuve qui implique que la partie destinataire de la demande doivent les créer ex novo, en agrégeant ou en classant des informations, des connaissances ou des données en sa possession. Concrètement, souhaitant quantifier l’augmentation artificielle des prix induite par la collusion, notamment pour effectuer la comparaison des prix recommandés avant, pendant et après la période de l’entente, l’entreprise a demandé à avoir accès, premièrement, à la liste des modèles fabriqués au cours de la période allant du 1er janvier 1990 au 30 juin 2018, classés par année et selon certaines caractéristiques, deuxièmement, au prix départ-usine (prix bruts) pour chaque modèle figurant sur cette liste et, troisièmement, au « total delivery cost » pour ces modèles.

Ainsi que le relève l’avocat général Szpunar dans son introduction, la capacité des parties à des procédures relatives à une action en dommages et intérêts d’exercer effectivement leurs droits peut dépendre de la possibilité d’accéder à des éléments de preuve pertinents. Or, il arrive que la partie qui supporte la charge de la preuve ne soit pas en possession de ces éléments ou n’y ait pas facilement accès. Il peut s’avérer également que la partie adverse ne soit pas non plus en possession des éléments de preuve pertinents en raison du fait que de tels éléments n’étaient pas préexistants. Pour pouvoir satisfaire une demande de production de tels éléments de preuve, cette partie devrait les créer ex novo, en agrégeant ou en classant des informations, des connaissances ou des données en sa possession (pts. 1-2).

Dès lors, et à la lumière de la directive « dommages », une partie à la procédure peut-elle demander à ce qu’il soit enjoint à la partie adverse de produire des éléments de preuve que celle-ci doit créer ex novo ? Telle est en substance le sens de la demande préjudicielle formée par le Tribunal de commerce de Barcelone dans la présente affaire.

Plus précisément, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 5, § 1, de la directive 2014/104 doit être interprété en ce sens que la production de preuves pertinentes se réfère uniquement aux documents en possession de la partie défenderesse ou d’un tiers qui existent déjà ou si, au contraire, cette disposition inclut également la possibilité de production de documents que la partie à laquelle la demande d’informations est adressée devrait créer ex novo, en agrégeant ou en classant des informations, des connaissances ou des données en sa possession.

Mais avant de pouvoir répondre à cette question, il faut s’assurer que la directive « dommages » est bien applicable dans l’affaire au principal.

Au cas d’espèce, il apparaît qu’il existe des doutes quant à la question de savoir si la juridiction de renvoi a déjà été saisie d’une demande de dommages et intérêts préalablement ou concomitamment à la demande de production de preuves.

Après une exégèse des articles et considérants pertinents de la directive « dommages », l’avocat général Szpunar, sensible à la possibilité pour la victime d’avoir accès aux preuves pertinentes nécessaires pour préparer son action en dommages et intérêts, insiste sur le fait que la production de preuves avant l’engagement d’une action au fond peut parfois être nécessaire pour pouvoir mettre en place une telle action et que cette faculté contribue alors à l’effet utile des articles 101 et 102 TFUE (pt. 43). Par suite, il suggère à la Cour de considérer que, à tout le moins dans certains cas de figure, une demande de production de preuves introduite, techniquement, avant l’introduction d’une demande de dommages et intérêts est susceptible de relever du champ d’application de la directive 2014/104 (pt. 51). Au surplus, l’avocat général estime que l’article 5, § 1, de la directive 2014/104 est applicable, ratione temporis, à la procédure au principal.

Passant au fond de l’affaire, l’avocat général Szpunar procède d’abord à une interprétation textuelle de l’article 5, § 1, de la directive 2014/104 d’où il résulte que, sans exclure la possibilité de produire des éléments de preuve créés ex novo, une telle interprétation ne permet pas d’apporter une réponse univoque à la présente question préjudicielle (pt. 79). Pas plus du reste que l’interprétation systématique à laquelle il s’attache ensuite (pt. 84).

L’avocat général Szpunar s’engage alors dans une interprétation téléologique de la directive 2014/104, qui prend donc en compte la finalité de celle-ci. Cette lecture doit conduire, selon lui, à la conclusion qu’il est nécessaire d’appliquer avec efficacité les règles de concurrence et, à cette fin, de fournir aux parties lésées des outils efficaces pour équilibrer l’asymétrie de l’information. En effet, cette directive fait référence, à plusieurs reprises, à ses deux objectifs : l’effectivité de la mise en œuvre de telles règles par la sphère privée et le fait de remédier à une telle asymétrie (pt. 85). Ainsi, l’accès aux informations utiles et authentiques va dans le sens de la nécessité de garantir l’effet utile des articles 101 et 102 TFUE, et du droit à réparation intégrale, réaffirmée à l’article 3 de la directive 2014/104 (pt. 86). Toutefois, dans la mesure où elle concerne la production des preuves, la directive 2014/104 contient un mécanisme de mise en balance des intérêts en jeu, sous le contrôle strict des juridictions nationales, surtout en ce qui concerne la pertinence des preuves demandées et la nécessité et la proportionnalité des mesures relatives à leur production. À cette fin, l’article 5 de cette directive énonce des critères relatifs à l’exercice de ce contrôle. Cela faisant, les juridictions nationales ont l’obligation de tenir compte également des intérêts légitimes et des droits fondamentaux des parties et des tiers (pt. 89). Aussi, exclure d’emblée la faculté de demander la production de documents que la partie à laquelle la demande d’informations est adressée devrait créer ex novo conduirait, dans certains cas, à la création d’obstacles insurmontables pour la mise en œuvre des règles de concurrence de l’Union par la sphère privée. Dès lors, l’avocat général Szpunar estime qu’il est plus conforme à l’esprit de l’objectif de la directive 2014/104, qui vise à remédier à l’asymétrie de l’information, de reconnaître cette faculté et de circonscrire ses applications pratiques à travers l’examen des demandes de production de preuves, tout en conférant le rôle central aux juridictions nationales (pt. 90). Ainsi, conclut-il, l’interprétation téléologique de la directive 2014/104 plaide en faveur d’une réponse affirmative à la présente question préjudicielle (pt. 93).

Au final, l’avocat général Szpunar propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle que l’article 5, § 1, de la directive 2014/104/doit être interprété en ce sens que la production de « preuves pertinentes », au sens de la première phrase de cette disposition, vise également les documents que la partie à laquelle la demande d’informations est adressée peut être amenée à créer ex novo, en agrégeant ou en classant des informations, des connaissances ou des données en sa possession. Les juridictions nationales doivent, en tout état de cause, limiter la production de preuves à ce qui est pertinent, proportionné et nécessaire, en tenant compte des intérêts légitimes et des droits fondamentaux de cette partie.

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant qu’en se fondant sur un raisonnement « plausible d’un point de vue logique » mais qui ne repose sur aucun élément de preuve, la Commission n’a pas satisfait aux exigences en matière de charge de la preuve de l’existence d’un avantage, l’avocat général Pitruzzella invite la Cour à rejeter le pourvoi de la Commission et à confirmer l’arrêt du Tribunal dans l’affaire de la garantie accordée au club de football de Valence

 



Le 7 avril 2022, l’avocat général Giovanni Pitruzzella a présenté ses conclusions dans l’affaire C-211/20 (Commission européenne contre Valencia Club de Fútbol et Espagne) à propos du pourvoi formé par la Commission contre l’arrêt du Tribunal.

Traversant des difficultés financières, le club de football professionnel de Valence avait reçu le soutien de l’Instituto Valenciano de Finanzas (IVF) — l’établissement financier du gouvernement de la Communauté autonome de Valence —, lequel avait accordé à la Fundación Valencia, liée au club, une garantie pour un prêt bancaire de 75 millions d’euros, au moyen duquel elle a acquis, dans le cadre d’une augmentation de capital, 70,6 % des actions du Valencia CF (mesure 1). En outre, la garantie octroyée initialement avait été augmentée en 2010 de manière à couvrir l'augmentation du prêt bancaire sous-jacent (mesure 4).

Par décision du 4 juillet 2016, la Commission avait retenu que les garanties publiques accordées pour couvrir les prêts bancaires octroyés au club de Valence aux fins de la souscription d’actions dudit club, dans le cadre d’opérations d’augmentation du capital, constituait des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur, à hauteur de 20 381 000 euros (plus les intérêts) pour le Valencia CF, et avait enjoint, en conséquence, au Royaume d’Espagne de récupérer lesdites aide auprès du club de football professionnel. Au regard des critères définis par la communication de la Commission sur l’application des articles 107 et 108 TFUE aux aides d’État sous forme de garanties, et compte tenu de la situation financière dégradée du club ainsi que des conditions des garanties publiques dont il avait bénéficié, la Commission avait conclu à l’existence d’un avantage indu, ayant pu fausser, ou menacé de fausser, la concurrence et affecter les échanges entre États membres.

Le club de football professionnel de Valence a alors introduit un recours devant le Tribunal.

À la faveur d’un arrêt rendu le 12 mars 2020 dans l’affaire T-732/16 (Valencia Club de Fútbol/Commission européenne), le Tribunal de l’Union est parvenu à la conclusion que la décision de la Commission du 4 juillet 2016 était entachée de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation quant à la caractérisation d’un avantage, mais aussi dans le calcul du montant de l’aide, de sorte qu’il avait annulé la décision attaquée en tant qu’elle concernait les mesures 1 et 4 accordées au Valencia CF.

Examinant le moyen pris d’une erreur manifeste de la Commission en ce qu’elle a considéré que la mesure 1 n’avait pas été accordée à un prix de marché, le Tribunal était parvenu à la conclusion que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard en constatant qu’aucune prime de garantie équivalente n’était offerte sur le marché (pt. 138).

Par son pourvoi, la Commission soulève un moyen unique par lequel elle soutient que, aux points 124 à 138 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a violé le droit de l’Union en interprétant de manière erronée l’article 107, § 1, TFUE, notamment en ce qui concerne la démonstration de l’existence d’un avantage. Le moyen unique de la Commission se subdivise en trois branches. La Commission fait d’abord valoir que le Tribunal a interprété de manière erronée la décision attaquée et la communication sur les garanties. Ainsi, la Commission n’a jamais considéré qu’il n’y avait pas de prix de marché pour la prime de garantie correspondante et ainsi qu’aucun opérateur de marché ne se porterait garant du Valencia CF. La Commission soutient ensuite que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qui concerne la charge de la preuve quant à l’existence d’un avantage découlant d’une garantie individuelle et l’obligation de diligence incombant à la Commission. Le Tribunal aurait en particulier exigé de la Commission une charge de la preuve excessive pour établir qu’une garantie octroyée par les autorités publiques n’avait pas été accordée dans des conditions de marché. Enfin, la Commission soutient que le Tribunal a dénaturé les faits lorsqu’il a affirmé que « la Commission ne fait valoir aucun autre élément obtenu durant la procédure administrative qui viendrait appuyer ses constatations relatives à l’insuffisance d’opérations comparables ».

Aux termes de présentes conclusions, l’avocat général Giovanni Pitruzzella conclut au rejet du pourvoi formé par la Commission.

Après avoir exposer quelques considérations sur la communication sur les garanties (pts. 42-55), puis rappeler les principes dégagés par la jurisprudence concernant la charge de la preuve et l’obligation de diligence de la Commission dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’un avantage au sens de l’article 107, § 1, TFUE (pts. 56-63), l’avocat général commence par résumer l’analyse opérée par la Commission. Constatant que Valencia CF est une entreprise en difficulté ; que la garantie couvre plus de 100 % du prêt ; et qu’une prime de garantie de 0,5 % ne tient pas compte du risque de défaut de paiement du prêt garanti, la Commission en déduit que la garantie ne donne pas lieu au paiement d’une prime conforme au prix du marché et, partant, que que les mesures en cause ne respectent pas les conditions de la communication sur les garanties et que « les bénéficiaires n’auraient pas bénéficié des mesures examinées aux mêmes conditions sur le marché » (pts. 71-72).

L’avocat général Pitruzzella déduit de ces constatations que c’est à juste titre que le Tribunal a constaté que la Commission n’avait indiqué nulle part dans les développements afférents à la caractérisation d’un avantage quel était le prix de marché au regard duquel elle évaluait la prime en cause (pt. 73). Et ce alors même qu’aux termes de la communication sur les garanties, afin de déterminer si, en application du « principe de l’investisseur en économie de marché », la garantie en cause donne lieu ou non au paiement d’une prime conforme au prix du marché, il convient, tout d’abord, de vérifier si « le prix payé pour la garantie est au moins aussi élevé que la prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers » et, s’il n’existe pas de prime de garantie de référence correspondante sur les marchés financiers, le coût financier total du prêt garanti, comprenant le taux d’intérêt et la prime versée, doit être comparé au prix de marché d’un prêt similaire non garanti » (pt. 75). À la place, observe l’avocat général, la Commission a, en substance, déduit de la circonstance que, à la suite de l’analyse qu’elle a elle-même effectuée, il pouvait « être considéré » que la note de crédit du Valencia CF tombait dans la catégorie CCC, qu’aucun établissement financier n’aurait soutenu une opération aussi risquée que celle d’offrir une garantie en faveur du Valencia CF et que, pour cette raison et en l’absence d’indications contraires dans le dossier, il devait être exclu qu’il existe des « prêts similaires non garantis » à utiliser comme paramètre de comparaison avec la garantie en cause (pt. 79).

Ce faisant, la Commission semble s’être fondée sur un raisonnement que l’avocat général Pitruzzella qualifie de « plausible d’un point de vue logique », mais qui, en réalité, ne repose sur aucun véritable élément de preuve (pt. 80). Ainsi, la conclusion relative à l’inexistence de « prêts similaires non garantis » » à utiliser comme paramètre de comparaison avec la garantie en cause afin de déterminer si elle a donné lieu ou non au paiement d’une prime conforme au prix du marché, repose en quelque sorte sur une double déduction, à savoir : d’une part, qu’en raison des difficultés financières que rencontre le Valencia CF, il pourrait « être considéré », que la note de crédit du Valencia CF tombe dans la catégorie CCC, de sorte que c’est donc la Commission elle-même qui a attribué cette note au Valencia CF. D’autre part, qu’en conséquence de cette notation, aucun établissement financier n’aurait conclu une telle opération avec le Valencia CF (pt. 81). À cet égard, l’avocat général Pitruzzella doute qu’une conclusion fondée exclusivement sur un tel raisonnement plausible d’un point de vue logique puisse être considérée comme satisfaisant aux exigences en matière de charge de la preuve de l’existence d’un avantage et d’obligation de diligence incombant à la Commission conformément à la jurisprudence relative à la charge de la preuve et l’obligation de diligence de la Commission dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’un avantage au sens de l’article 107, § 1, TFUE (pt. 82). Ainsi, la charge de démontrer que les conditions d’application du principe de l’opérateur privé ne sont pas remplies pèse sur la Commission. Cette charge de la preuve, telle qu’interprétée par la jurisprudence, impose à la Commission de se fonder sur des éléments de nature à établir positivement l’existence d’un avantage et ne lui permet pas de se limiter à de simples déductions, même plausibles, ou de se fonder sur des présomptions négatives sans pouvoir établir qu’elle a, à tout le moins, cherché à vérifier concrètement le bien-fondé de ces allégations au moyen d’éléments suffisamment fiables et cohérents pour parvenir à ses conclusions et soient ainsi de nature à les étayer (pt. 83).

Au final, l’avocat général Pitruzzella estime que le Tribunal n’a pas commis une erreur de droit ni ne lui aurait imposé une charge de la preuve excessive en concluant que c’est à tort que la Commission avait exclu l’existence d’un prix de marché pour un prêt similaire non garanti « en raison du nombre limité d’opérations de nature similaire sur le marché », dans la mesure où ce constat n’était pas étayé à suffisance de droit. Il invite en conséquence la Cour à rejeter la seconde branche du moyen unique de pourvoi de la Commission (pt. 87). Tout comme la première branche de ce moyen unique, dès lors que les constatations qui précèdent conduisent également à justifier la conclusion du Tribunal selon laquelle la Commission a, en l’espèce, méconnu la communication sur les garanties aux fins de la qualification d’aide d’État d’une garantie de l’État (pt. 88).

Pour l’avocat général, le présent pourvoi donne à la Cour l’occasion d’examiner la méthodologie établie dans la communication de la Commission sur les garanties, afin de déterminer l’existence d’une aide en présence d’une garantie publique ad hoc, méthodologie que le Tribunal, dans l’arrêt attaqué, a considérée comme ayant été inappliquée par la Commission. La Cour aura également l’occasion de préciser davantage la portée de sa jurisprudence en matière de charge de la preuve et de devoir de diligence de la Commission aux fins de la détermination de l’existence d’un avantage, notamment dans le contexte de l’octroi d’une garantie d’État ad hoc (pt. 2).

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Proposant sa propre lecture de l’applicabilité du critère de l’opérateur privé en économie de marché, l’avocat général Ćapeta invite la Cour à annuler l’arrêt du Tribunal confirmant le caractère illégal des mesures en faveur du développement du transport aérien en Sardaigne

 



Le 7 avril 2022, l’avocat général Tamara Ćapeta a présenté ses conclusions dans les affaires jointes C-331/20 (Volotea contre Commission européenne) et C-343/20 (easyJet Airline contre Commission européenne).

Afin de réduire la saisonnalité des liaisons aériennes en augmentant la fréquence des vols pendant la moyenne saison et la saison hivernale ainsi qu’en ouvrant de nouvelles liaisons aériennes, l’Italie a adopté en 2010 une loi régionale, notifiée à la Commission, en application de l’article 108, § 3, TFUE, autorisant le financement des aéroports de l’île en vue du développement du transport aérien. Cette loi a été mise en œuvre par une série de mesures adoptées par l’exécutif de la Région sarde permettant aux exploitants des principaux aéroports sardes de subventionner les compagnies aériennes au nom et pour le compte de la Région sarde et prévoyant des actions marketing. En outre, les dispositions prises par la Région pour l’application de la loi déterminaient les conditions et modalités de remboursement, par la Région, aux exploitants aéroportuaires des sommes versées par ces derniers aux compagnies aériennes au titre de ces accords.

Aux termes de sa décision du 29 juillet 2016, la Commission a considéré que les mesures de soutien en cause constituait un régime d’aides mis en œuvre par la Région autonome de Sardaigne en vue du développement du transport aérien et qu’elle constituait une aide d’État octroyée non pas aux exploitants des principaux aéroports sardes, mais, en réalité, aux compagnies aériennes elles-mêmes.

La présente affaire fait suite d’une part au pourvoi formé par Volotea SA contre l’arrêt du Tribunal rendu le 13 mai 2020 dans l’affaire T-607/17 (Volotea contre Commission européenne) et d’autre part au pourvoi formé par easyJet Airline contre l’arrêt du Tribunal rendu le 13 mai 2020 dans l’affaire T-8/18 (easyJet Airline contre Commission européenne). Par ces arrêts rendus sur recours des deux compagnies aériennes low cost contre la décision de la Commission du 29 juillet 2016, le Tribunal de l’Union européenne a rejeté lesdits recours dans leur intégralité.

Dans ses conclusions, l’avocat général Tamara Ćapeta s’attache prioritairement à répondre aux questions suivantes : la canalisation de fonds par le biais d’un intermédiaire privé élimine-t-elle la provenance publique de ces fonds ? Laquelle des parties impliquées, si ce ne sont les deux, doit-elle être considérée comme bénéficiaire de ce régime ? Ledit régime offre-t-il un avantage qui n’aurait pas été disponible sur le marché ? Ce faisant, elle a limité ses conclusions aux notions d’imputabilité, aux bénéficiaires secondaires de l’aide et à la méthodologie permettant de déterminer ou d’exclure l’existence d’un avantage.

S’agissant d’abord de l’imputabilité, l’avocat général Ćapeta suggère à la Cour de de rejeter comme non fondée la contestation par les requérantes de la constatation de l’imputabilité (pt. 43).

En revanche, elle invite la Cour à accueillir les arguments des requérantes relatifs à la manière dont le Tribunal i) a confirmé la conclusion de la Commission européenne selon laquelle l’analyse ex ante de la rentabilité économique des contrats de services conclus entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes était dénuée de pertinence pour déterminer les bénéficiaires du régime d’aides litigieux ; ii) a justifié l’inapplicabilité du critère de l’opérateur privé en économie de marché, et ii) a procédé à l’examen d’« acquéreur de services ».

Sur les bénéficiaires, l’avocat général commence par évacuer l’argument invoqué par le Tribunal selon lequel les exploitants aéroportuaires ont transféré aux compagnies aériennes l’intégralité des fonds reçus de la Région. À cet égard, elle estime que, pour pouvoir conclure que les compagnies aériennes étaient les bénéficiaires des aides, le Tribunal aurait dû s’assurer que la Commission avait bien vérifié que les compagnies aériennes avaient bénéficié d’avantages indirects « réels » orientés vers elles, et pas seulement des effets collatéraux du régime d’aides. Or, estime-t-elle, le Tribunal n’a pas, au cas d’espèce, apprécié, sur la base de l’ensemble des circonstances dont il disposait, si la Commission a procédé à une appréciation suffisamment complète pour identifier également l’existence d’éventuels bénéficiaires indirects au titre du régime d’aides (pt. 55). De sorte qu’il a commis une erreur en constatant que c’est à juste titre que la Commission a considéré comme dénuée de pertinence l’analyse ex ante de la rentabilité économique des contrats de services conclus entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes, telle qu’acceptée par la Région (pt. 56).

Sur l’avantage, les requérantes critiquent le fait que le Tribunal a entériné la conclusion de la Commission selon laquelle le critère de l’opérateur privé en économie de marché n’était pas applicable au régime d’aides en cause afin d’exclure l’existence d’un avantage. Estimant que la question de l’applicabilité du critère de l’opérateur privé en économie de marché n’a pas été suffisamment précisé par la jurisprudence jusqu’à présent, l’avocat général Ćapeta propose sa propre lecture des situations dans lesquelles le critère de l’opérateur privé en économie de marché peut être mis en oeuvre. À cet égard, elle estime que dichotomie entre « puissance publique » et « acteur économique » est dépassée (pt. 78). Elle propose de lui substituer le critère des « activités de marché ». En pratique, le critère de l’opérateur privé en économie de marché serait applicable dans toutes les situations dans lesquelles l’État exerce des activités assimilables à des « activités de marché », y compris lorsque « l’État en tant que puissance publique » agit d’une manière comparable à un opérateur de marché. Cela implique que l’applicabilité du critère de l’opérateur privé en économie de marché soit décidée par une recherche objective de la manière dont l’État collabore avec des entreprises sur un marché donné, indépendamment de la forme et des raisons de cette collaboration (pt. 83). La Commission devrait alors se placer dans la situation de l’entreprise bénéficiaire et apprécier, du point de vue de celle-ci, si l’avantage reçu (par exemple l’octroi d’une garantie de crédit, l’injection de capital ou la remise de dette) aurait également pu être proposé par d’autres entreprises sur ce marché (pt. 86). Ainsi, le critère de l’opérateur privé en économie de marché serait applicable à chaque fois qu’un État exerce une activité qui pourrait être reproduite sur le marché par des opérateurs privés (pt. 90).

Relevant qu’au cas d’espèce, le Tribunal avait confirmé le rejet par la Commission de l’applicabilité du critère de l’opérateur privé en économie de marché en considérant d’une part que la Région n’agissait pas en tant qu’actionnaire, car elle n’était pas propriétaire des exploitants aéroportuaires impliqués et, d’autre part, que, en adoptant le régime d’aides, la Région agissait « dans le cadre d’une politique économique générale », donc « exclusivement en tant que puissance publique » (pt. 90), l’avocat général Ćapeta estime que les arguments retenus par le Tribunal étaient insuffisants pour exclure l’applicabilité du critère de l’opérateur privé en économie de marché (pt. 93), dans la mesure où le Tribunal n’a pas vérifié si la Commission avait examiné, du point de vue des requérantes au pourvoi, si les fonds reçus de la Région étaient octroyés en vertu d’une activité qui aurait pu être reproduite sur le marché (pt. 96), en sorte qu’elle estime que le Tribunal a commis là une erreur de droit (pt. 97).

Au surplus, l’avocat général Ćapeta propose à la Cour d’accueillir les arguments des requérantes au pourvoi selon lesquels le Tribunal a commis une erreur dans la manière dont il a appliqué le critère de l’« acquéreur de services » (pt. 113), qui ne serait rien d’autre que l’une des itérations du critère de l’opérateur privé en économie de marché (pt. 99). Ne percevant pas sur quelle base le Tribunal pouvait légitimement affirmer que l’acquisition des services de marketing en cause allait au-delà des « besoins réels », elle estime que le Tribunal a également commis une erreur dans l’application des éléments constitutifs de son critère de l’« acquéreur de service » (pt. 112).

JURISPRUDENCE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : Le Conseil d’État confirme sur le fond, à propos du projet de fusion TF1/M6, que l’ouverture d’une phase de prénotification, purement préparatoire, n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir

 

Après un premier rejet en référé le 5 novembre 2021, puis le non-renvoi d’une QPC le 1er mars 2022, le Conseil d’État, se prononçant sur le fond de l’affaire, vient confirmer, à la faveur d’une décision rendue le 7 avril 2022 et rédigée dans des termes rigoureusement identiques — sauf les conclusions relatives à la demande de renvoi de la QPC — à ceux de la décision du 1er mars 2022, que l’ouverture d’une phase de prénotification, purement préparatoire, n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Ce faisant, le Conseil d’État conforte un peu plus la phase de « pré-notification ».

Merci à Jamal Henni pour l’info.

Le Conseil d’État rejette en conséquence les deux requêtes introduites par la société Free et sa mère Iliad en annulation pour excès de pouvoir de la décision de l'Autorité de la concurrence de procéder à l'instruction de l'affaire relative au projet de prise de contrôle de Métropole Télévision par le groupe Bouygues, se traduisant notamment par l'envoi, le 29 septembre 2021, du questionnaire « test de marché - distributeurs de contenus audiovisuels » et, le 23 novembre 2021, du questionnaire « test de marché - publicité annonceurs », dont les requérantes ont été destinataires.

Par là, les sociétés Free et Iliad contestent la compétence de l’Autorité à contrôler cette opération de concentration estimant que la Commission européenne est mieux placée pour en connaître, au regard des seuils de contrôlabilité. La crainte est que l’Autorité ne modifie, à l’occasion de cette opération, son approche de la délimitation du marché pertinent, notamment en ce qui concerne les marchés de la publicité.

Qu’en sera-t-il de ces contestations, à présent que la prise de contrôle exclusif, par la société Bouygues, du nouvel ensemble qui résultera de la fusion des actifs du groupe TF1, qu’il contrôle, et du groupe Métropole Télévision a été notifiée à l’Autorité le 17 février 2022 et que l’opération est passée en phase II le 18 mars 2022 ?

INFOS UE : En autorisant le régime français de soutien de trésorerie en faveur des entreprises dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, la Commission adopte sa première décision sur la base de l'encadrement temporaire du 23 mars 2022

 

La Commission européenne a annoncé le 7 avril 2022 qu’elle venait d'autoriser le régime français permettant de fournir jusqu'à 155 milliards d'euros de soutien de trésorerie aux entreprises de tous les secteurs dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Ce régime est le premier à être autorisé sur la base de l'encadrement temporaire de crise en matière d'aides d'État adopté par la Commission le 23 mars 2022, fondé sur l'article 107, § 3, point b), TFUE et reconnaissant que l'économie de l'UE est confrontée à une perturbation grave.

La mesure sera financée au moyen d'une partie du budget de 300 milliards d'euros que la France avait initialement prévu dans le cadre de trois régimes visant à soutenir l'économie dans le contexte de la pandémie de coronavirus et que la Commission avait initialement autorisés le 21 mars 2021.

La Commission a estimé que le régime français, nécessaire, approprié et proportionné pour remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre, était conforme aux conditions énoncées dans l'encadrement temporaire de crise. En particulier: i) l'échéance des prêts ne peut dépasser six ans; ii) les taux d'intérêt annuels des prêts respectent les niveaux minimaux fixés dans l'encadrement temporaire de crise; et iii) les garanties seront accordées au plus tard le 31 décembre 2022. En outre, le soutien public sera soumis à des conditions visant à limiter les distorsions indues de concurrence, y compris des garde-fous garantissant i) l'existence d'un lien entre le montant de l'aide accordée aux entreprises et l'ampleur de leur activité économique; ii) que les avantages de la mesure sont le plus possible répercutés sur les bénéficiaires finals par les intermédiaires financiers.

INFOS : Le Gouvernement de la Polynésie française envisage de renforcer l’encadrement des prix des produits de première nécessité (PPN) et des produits de grande consommation (PGC)

 

Ces dernières semaines, le Gouvernement de la Polynésie française a saisi, en urgence, pour avis l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC), mais aussi le Conseil économique, social, environnemental et culturel de la Polynésie française (CESEC) d’un projet de loi du pays qui a pour objectif de fixer le cadre juridique du régime des PPN et PGC en tenant compte pour partie des recommandations faites par l’APC dans son avis n° 2019-A-01 du 2 avril 2019.

Plus précisément le projet de loi du pays vise à renforcer l’encadrement des prix des produits de première nécessité (PPN) et des produits de grande consommation (PGC), par dérogation au principe de liberté des prix, et ce, afin de permettre aux familles les plus modestes d’accéder aux produits nécessaires à leur vie quotidienne.

En substance, le nouveau dispositif, pensé à la suite de la crise du Covid 19, doit permettre aux pouvoirs publics d’agir rapidement en cas de survenance d’une crise similaire à celle induite par la crise sanitaire. Pour ce faire, le texte ajoute la notion de « risques » de hausses ou de baisses excessives de prix et prolonge à 12 mois au lieu de 6 le délai pendant lequel le contrôle des prix peut être mis en oeuvre.

Dans son avis du 30 mars 2022, l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC), salue les avancées notables du texte qui reprend certaines recommandations formulées en 2019  et émet plusieurs recommandations en faveur d’une simplification encore plus poussée — codification des dispositions encadrant les prix dans un code de la consommation, définition des biens produits localement, élargissement du dispositif d’urgence aux prix excessivement hauts ou bas. Par ailleurs, l’APC recommande de restreindre l’application du dispositif d’urgence à six mois au lieu de douze envisagés par le projet de loi du pays, estimant qu’au-delà de ce délai de six mois, le marché doit en principe être en mesure de fournir le produit concerné dans des conditions normales. Elle invite également le Gouvernement à supprimer les accords de modération de prix qui induisent un risque élevé d’entente anticoncurrentielle. L’APC recommande encore de restreindre la définition des produits de grande consommation (PGC), en la réservant par exemple à des produits représentant une dépense contrainte ou une part importante du budget des ménages et de recentrer la liste des produits de première nécessité (PPN) sur quelques produits réellement nécessaires, au moins à Tahiti et Moorea (où la concurrence est plus vive) et de réserver une liste plus large aux territoires les plus éloignés afin de préserver l’adéquation de ces listes avec les objectifs poursuivis. Le Conseil économique, social et environnemental de la Polynésie formule du reste une recommandation proche.

Enfin, l’Autorité polynésienne de la concurrence préconise de renforcer le dispositif d’aide aux publics prioritaires afin de limiter les effets d’aubaine au profit des ménages aisés. Cette dernière proposition rejoint l’esprit de la principale proposition formulée en avril 2019 par l’APC. À l’époque, elle invitait les pouvoirs publics locaux à supprimer, sauf cas particuliers, la réglementation des produits de première nécessité et à la remplacer par des mécanismes plus adaptés aux objectifs d'assistance aux populations les plus défavorisées. Elle considérait alors que l’encadrement des prix et des marges devrait devenir en Polynésie française une mesure exceptionnelle, limitée dans le temps, correspondant à des circonstances conjoncturelles exceptionnelles (catastrophes naturelles, crises…), et non exister de manière pérenne.

Le Conseil économique, social et environnemental de la Polynésie a, lui, une opinion beaucoup plus tranchée sur le projet de loi soumis à sa sagacité. Il émet à cet égard un avis très réservé. Il est vrai qu’il comporte en son sein des représentants de la société civile polynésienne, principalement des entrepreneurs et des salariés.

Le CESEC déplore d’abord vivement la saisine en urgence qui empêche une réelle réflexion sur un dispositif qui impactera le pouvoir d’achat des consommateurs dans un contexte de crise. Il dénonce en outre l’absence de communication des projets d’arrêtés d’application faisant apparaître la liste des produits et services visés par la loi du pays.

Pour le CESEC, le fait d’intervenir sur la base de simples risques multiplie le nombre d’actions possibles, ce qui vient en contradiction avec le principe de liberté des prix. En outre, si le risque n’est finalement pas établi, cette disposition aura permis la mise en place de mesures sur des délais pouvant aller jusqu’à 12 mois. Or, ce délai apparaît long, d’autant qu’il peut être renouvelé. En l’état, le CESEC n’est pas convaincu que ce dispositif constitue un outil efficace de lutte contre l’inflation.

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