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Hebdo n° 33/2020
14 septembre 2020
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que la Commission a omis de vérifier qu’une entreprise bénéficiaire constituait bien une PME au sens du règlement d’exemption par catégorie n° 651/2014, le Tribunal de l’Union retient que la Commission aurait dû éprouver des doutes à cet égard sources de difficultés sérieuses concernant la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur l’obligeant à ouvrir la procédure formelle d’examen

JURISPRUDENCE UE : L’avocat général Saugmandsgaard Øe invite la Cour à cantonner l’arrêt Bronner au seul refus d'accès à une infrastructure opposée par une entreprise en position dominante et à rejeter la notion de « refus implicite d’accès »

JURISPRUDENCE UE : L’avocat général Pitruzzella estime qu’en présence d’une coordination opérée lors de la soumission à un appel d’offres pour la réalisation de travaux, la fin de l’infraction et donc le début du délai de prescription intervient, en principe, à la date du dépôt de l’offre collusoire, voire, si le soumissionnaire emporte le marché au moment de sa conclusion


JURISPRUDENCE : La Cour de cassation confirme dans l’affaire « du zinc » que l’omission concernant l’appartenance de l’auteur de l’infraction à un groupe puissant constitue une erreur matérielle que la Cour d’appel était en droit de rectifier

INFOS UE : La Commission favorable à une révision sur certains points du règlement d’exemption par catégorie applicable aux accords verticaux et de ses lignes directrices


INFOS : L’Autorité de la concurrence sanctionne à hauteur de 444 millions d’euros les laboratoires Novartis, Roche et Genentech pour avoir abusé de leur position dominante collective sur le marché français du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA)

INFOS : L’Autorité se déclare incompétente pour connaitre des pratiques du Conseil départemental du Rhône de l’Ordre des médecins invitant des médecins ophtalmologues à ne pas exercer pour le compte d’un centre de chirurgie laser qui n’a pas fait l’objet d’un agrément de l’agence régionale de santé (ARS)

INFOS : Nomination de deux nouveaux membres de l’Autorité de la concurrence au titre des personnalités qualifiées lorsque celle-ci rend au ministre de la justice un avis sur la liberté d’installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation

ANNONCE WEBINAIRE : « Le nouvel outil de concurrence : révolution ou régulation ? », 6 octobre 2020 — 14h00 [message de Bertrand Jéhanno]


ANNONCE WEBINAIRE : « The Future of EU and UK Merger Control Enforcement », 17 septembre 2020 — 15h30 CEST [message de Nicolas Charbit]

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que la Commission a omis de vérifier qu’une entreprise bénéficiaire constituait bien une PME au sens du règlement d’exemption par catégorie n° 651/2014, le Tribunal de l’Union retient que la Commission aurait dû éprouver des doutes à cet égard sources de difficultés sérieuses concernant la compatibilité de l’aide en cause avec le marché intérieur l’obligeant à ouvrir la procédure formelle d’examen



Le 9 septembre 2020, le Tribunal de l’Union européenne a rendu un arrêt dans l’affaire T-745/17 (Kerkosand contre Commission européenne).

Il y annule la décision du 20 juillet 2017 aux termes de laquelle la Commission a considéré en substance, à propos de l’aide à l’investissement de 5 millions d’euros accordée par l’Agence slovaque de l’innovation et de l’énergie au producteur de sable siliceux NAJPI, que ladite aide remplissait les conditions énoncées du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 TFUE, et en particulier celle relative au statut de PME de l’entreprise bénéficiaire, de sorte qu’elle était exempte de l’obligation de notification et devait être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur.

Une entreprise concurrente de la bénéficiaire de l’aide, Kerkosand spol. s r. o., qui exploite un site d’extraction et une installation de conditionnement de sable siliceux en Slovaquie, celle-la même qui a vu sa plainte auprès de la Commission rejetée, a donc introduit le présent recours devant le Tribunal.

La requérante faisait principalement valoir une erreur d’appréciation ou de droit de la Commission dans l’application de l’article 6, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 651/2014, au motif que l’aide en cause constitue, en réalité, une aide ad hoc octroyée à une grande entreprise, eu égard aux liens sociétaux et de contrôle qui caractérisaient la situation de cette entreprise avant et après la cession de ses actions par la société P. à la société N. au moment de l’attribution de l’aide. La Commission aurait omis d’instruire à suffisance la qualification de PME au sens dudit règlement. Or, en dépit des difficultés sérieuses qu’elle a rencontrées dans l’examen de l’aide en cause, la Commission a renoncé à ouvrir la procédure formelle d’examen.

Au cas d’espèce, l’aide avait été octroyée le 7 novembre 2013, tandis que la cession de ses actions par la société P. à la société N. était intervenue quelques semaines plus tôt, le 7 août 2013. Or, estime le Tribunal, les indices fournis par la requérante relatifs aux liens entre l’entreprise bénéficiaire et la société P., le prédécesseur en droit de la société N., étaient susceptibles de créer des doutes dans le chef de la Commission, au sens de l’article 4, § 4, du règlement 2015/1589, quant à la caractérisation de l’entreprise bénéficiaire en tant que PME au sens de l’annexe I du règlement n° 651/2014 et, partant, à l’existence d’une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur.

De fait, le règlement n° 651/2014 prévoit la méthode de calcul, liée au dernier exercice comptable clos et sur une base annuelle, qui est destinée à déterminer la présence des trois critères constitutifs d’une PME : un effectif de moins de 250 personnes, un chiffre d’affaires annuel maximal de 50 millions d’euros et un bilan annuel total n’excédant pas 43 millions d’euros.

Sur ce point, le Tribunal relève que, au moment de l’octroi de l’aide en cause, le 7 novembre 2013, le dernier exercice comptable clos pour lequel un calcul sur une base annuelle devait être effectué est celui de l’année 2012 durant laquelle l’entreprise bénéficiaire était contrôlée exclusivement par la société P. et non par la société N (pt. 92). Même à supposer qu’il faille tenir compte, à cet effet, de l’année 2013, le bilan annuel de l’entreprise bénéficiaire couvrait nécessairement des données relevant de la période pendant laquelle ses actions étaient encore détenues par la société P., le changement d’actionnaire n’ayant été inscrit au registre de commerce slovaque que le 7 août 2013. Dans une telle hypothèse, pour satisfaire aux critères prévus à l’article 2, § 1, du règlement n° 651/2014, lu conjointement avec l’article 4, §§ 1 et 2, de l’annexe I dudit règlement, et déterminer correctement si l’entreprise bénéficiaire constituait une PME au moment de l’octroi de l’aide en cause, il ne suffisait pas de prendre en considération les données de la société mère cessionnaire, en tant qu’entreprise liée de l’entreprise bénéficiaire, mais il y avait lieu de tenir compte également de celles de la société mère cédante, sous le contrôle de laquelle ladite entreprise a effectué une partie substantielle de son activité économique durant ce même exercice (pt. 93). Il s’ensuit que, en l’espèce, tant les autorités slovaques que la Commission étaient tenues, d’une part, de déterminer précisément l’exercice comptable clos et l’année pertinents aux fins d’un calcul conjoint des données respectives des « entreprises liées », et, d’autre part, de préciser quelles étaient la ou les sociétés qui devaient être prises en considération à cet effet. En outre, sur ce fondement, elles étaient appelées à apprécier si, au titre de l’article 4, paragraphe 2, de ladite annexe, pendant deux exercices comptables consécutifs les seuils pertinents pour qualifier l’entreprise bénéficiaire de PME ont été ou non dépassés (pt. 94).

Or, la décision attaquée reste silencieuse à cet égard, ce qui confirme un manque d’instruction et d’examen des éléments pertinents en l’espèce (pt. 95). Plus encore, la Commission s’est fiée, sans procéder à une instruction supplémentaire à ce propos, aux affirmations vagues des autorités slovaques selon lesquelles, d’une part, la structure de l’actionnariat de la société P. leur était inconnue, parce que de telles informations n’étaient pas publiquement accessibles et, d’autre part, ce membre de ladite famille n’était ni actionnaire ni membre d’une autre société établie en Slovaquie durant la période allant du 14 mars au 31 décembre 2012 (pt. 96). Quant à la situation de la société N. et, en particulier, de son actionnaire principal, la Commission s’est limitée à constater, de manière vague et en se fiant aux informations fournies par les autorités slovaques que la « plupart des entreprises dans lesquelles [ledit actionnaire] occupait une position de dirigeant n’étaient pas actives sur le même marché que [l’entreprise bénéficiaire] » (pt. 97).

Il en résulte, selon le Tribunal, que la Commission aurait dû éprouver des doutes à cet égard et, partant, qu’elle a violé l’article 108, § 2, TFUE, lu conjointement avec l’article 4, § 4, du règlement 2015/1589, en renonçant à ouvrir la procédure formelle d’examen en dépit des difficultés sérieuses qu’elle a rencontrées dans l’examen de l’aide en cause (pt. 104).

Par suite, le Tribunal annule la décision attaquée et accueille le recours dans sa totalité (pt. 107).

JURISPRUDENCE UE : L’avocat général Saugmandsgaard Øe invite la Cour à cantonner l’arrêt Bronner au seul refus d'accès à une infrastructure opposée par une entreprise en position dominante et à rejeter la notion de « refus implicite d’accès »

 

Le 9 septembre 2020, l’avocat général Henrik Saugmandsgaard Øe a présenté ses conclusions dans les affaires C-152/19 (Deutsche Telekom AG contre Commission européenne) et C-165/19 (Slovak Telekom a.s. contre Commission européenne).

Opérateur historique et leader sur le marché des télécoms en Slovaquie, filiale de Deutsche Telekom, via une participation de plus de 50 % dans son capital, depuis l’ouverture à la concurrence au début des années 2000, Slovak Telekom a dû accorder aux opérateurs alternatifs un accès dégroupé à la boucle locale et aux services connexes à des conditions transparentes, équitables et non discriminatoires.

Par décision du 15 octobre 2014, la Commission européenne a sanctionné l’entreprise formée par Slovak Telekom et Deutsche Telekom pour des pratiques classiques de la part d’un opérateur historique consistant en un refus de fourniture d’un accès dégroupé aux boucles locales de Slovak Telekom et en une compression des marges concernant les services de haut débit en Slovaquie.

Au titre de cette infraction unique et continue commise entre le 12 août 2005 et le 31 décembre 2010, la Commission a infligé, conjointement, une amende de 38,838 millions d’euros à Slovak Telekom et Deutsche Telekom, et, une amende additionnelle de 31,07 millions d’euros à Deutsche Telekom au titre de la récidive et pour tenir compte de l’importance de son chiffre d’affaires.

Slovak Telekom et Deutsche Telekom ont formé un recours contre la décision de la Commission.

Au terme des deux arrêts rendus 13 décembre 2018 dans les affaires T-827/14 (Deutsche Telekom AG/Commission) et T-851/14 (Slovak Telekom a.s./Commission), le Tribunal de l’Union a réduit de façon tout à fait marginale l’amende imposée conjointement à Slovak Telekom et Deutsche Telekom. En revanche, il a réduit très sensiblement l’amende additionnelle infligée au seul Deutsche Telekom.

Sur le fond, le Tribunal a validé pour l’essentiel les conclusions de la Commission concernant la mise en oeuvre par Slovak Telekom et Deutsche Telekom d’un abus de position dominante et, notamment, celle selon laquelle le « refus de fourniture » d’accès à la boucle locale de Slovak Telekom pouvait être retenu sans qu’il soit nécessaire de vérifier le caractère « indispensable » d’un tel accès, au sens de la troisième condition édictée au point 41 de l’arrêt du 26 novembre 1998, Bronner (Aff. T-827/14, pt. 94).

Les présentes conclusions sont ciblées sur les trois premiers moyens soulevés par Deutsche Telekom dans l’affaire C-152/19 et sur le premier moyen soulevé par Slovak Telekom dans l’affaire C-165/19.

Par leur premier moyen, Deutsche Telekom et Slovak Telekom font valoir que le Tribunal était tenu de prouver que l’accès à la boucle locale était indispensable, au sens de l’arrêt Bronner, à l’exercice de l’activité des fournisseurs concurrents sur le marché de détail de masse, eu égard à l’existence d’une obligation d’octroi réglementaire.

Les présentes affaires invitent la Cour à préciser à nouveau la portée de l’arrêt Bronner au sein du paysage normatif de l’article 102 TFUE. Cette affaire concernait le refus, par une entreprise dominante, de mettre une infrastructure dont elle est propriétaire à la disposition d’entreprises concurrentes. En substance, Deutsche Telekom AG et Slovak Telekom, a.s. suggèrent d’appliquer les conditions établies au point 41 de cet arrêt, notamment celle relative au caractère indispensable, aux refus implicites d’accès qui résulteraient non plus d’un refus explicite de la part de l’entreprise dominante, mais de termes contractuels inéquitables.

Aux termes des présentes conclusions, l’avocat général Saugmandsgaard Øe propose à la Cour de rejeter cette notion de « refus implicite d’accès » et de souligner la portée limitée de l’arrêt Bronner. À ses yeux, l’arrêt Bronner est, et doit rester, un cas particulier dans le paysage normatif de l’article 102 TFUE.

Rappelant que le cas de figure envisagé dans l’arrêt Bronner est celui d’un refus, par une entreprise dominante, de mettre une infrastructure dont elle est propriétaire — en l’occurrence un système de portage à domicile — à la disposition d’une ou plusieurs entreprises concurrentes, l’avocat général Saugmandsgaard Øe relève que les trois conditions posées par cet arrêt pour qu’un refus de mise à disposition puisse être qualifié d’« abusif » — i) le refus de mise à disposition doit être de nature à éliminer toute concurrence sur le marché pertinent de la part de l’entreprise concurrente ; ii) ce refus n’est pas objectivement justifié ; iii) l’infrastructure en cause doit être indispensable à l’exercice de l’activité de l’entreprise concurrente, en ce sens qu’il n’existe aucun substitut réel ou potentiel — subordonnent le constat d’une pratique abusive à un standard juridique particulièrement élevé (pt. 63). Partant, toute extension de la portée de la jurisprudence Bronner implique, logiquement, une diminution de l’effet utile de l’article 102 TFUE ainsi que, dans le même temps, un affaiblissement du pouvoir de la Commission de lutter contre les pratiques abusives (pt. 64).

Pourquoi la Cour a-t-elle établi un standard juridique plus élevé pour apprécier le caractère abusif d’un refus de mise à disposition, alors que les autres pratiques des entreprises dominantes — telles que l’établissement d’un prix non équitable, d’un ciseau tarifaire ou d’autres conditions contractuelles inéquitables — sont examinées sans jamais appliquer les conditions Bronner ? (pt. 67)

Pour répondre à cette question, l’avocat général Saugmandsgaard Øe reprend le raisonnement de l’avocat général Jacobs dans ses conclusions sous l’arrêt Bronner, lequel repose sur l’existence d’une double mise en balance — celle qui oppose droits fondamentaux et libre concurrence et celle qui bénéfices à court terme et bénéfices à long terme pour la concurrence ainsi que, in fine, pour les consommateurs (pts. 68-69).

Aux termes de la première mise en balance, l’obligation pouvant être imposée à l’entreprise en position dominante en vertu de l’article 102 TFUE, consistant à mettre une infrastructure dont elle est propriétaire à la disposition d’entreprises concurrentes, implique une atteinte grave et spécifique à la liberté contractuelle et au droit de propriété de cette entreprise. C’est en raison de cette atteinte grave et spécifique à ces droits fondamentaux que la Cour a  imposé des conditions supplémentaires à l’application de l’article 102 TFUE dans un tel cas de figure (pts. 73-74).

Aux termes de la seconde mise en balance, l’imposition d’un standard juridique plus élevé, pour apprécier le caractère abusif du refus de mise à disposition, se justifie également par des considérations économiques, visant à préserver les bénéfices à long terme du jeu de la concurrence en termes d’investissements et de créativité (pt. 78).

Cette double mise en balance éclaire la différence de nature entre le fait de sanctionner les termes d’un accord et le fait de sanctionner un refus de mise à disposition. C’est cette différence de nature qui explique l’imposition dans l’arrêt Bronner d’un standard juridique plus élevé pour apprécier le caractère abusif d’un refus de mise à disposition (pt. 79).

Évoquant la notion de « refus implicite d’accès » invoquée par les requérantes, l’avocat général Saugmandsgaard Øe en dénonce le caractère fallacieux : L’intérêt stratégique d’une entreprise en position dominante à avancer une telle argumentation autour de la notion de « refus implicite » est évident. L’extension des conditions Bronner à de nouvelles pratiques permettrait tout à la fois de réduire l’effet utile de l’article 102 TFUE, de diminuer le pouvoir de la Commission et d’accroître la marge de manœuvre des entreprises en position dominante (pt. 82). Toutefois, ajoute-t-il, cette notion, qui ne trouve aucun soutien ni dans l’arrêt Bronner ni dans les conclusions de M. l’avocat général Jacobs dans cette affaire, a une portée élastique potentiellement illimitée. À titre d’illustration, l’imposition d’un prix inéquitable ne constitue-t-elle pas un refus implicite d’accès ? (pt. 84) Or, la Cour n’a jamais appliqué les conditions Bronner aux pratiques tarifaires abusives alors même que ces pratiques constitueraient des refus implicites d’accès par excellence (pt. 88). Par conséquent, assimiler aujourd’hui de telles pratiques à des refus implicites d’accès aboutirait à renverser des pans entiers de la jurisprudence relative aux pratiques abusives et à inscrire les conditions Bronner au cœur même de l’article 102 TFUE. L’arrêt Bronner deviendrait le principe, et non plus un cas particulier, ce qui irait à l’encontre du libellé même de l’article 102 TFUE, dont la portée n’est pas limitée aux pratiques abusives portant sur des biens ou services « indispensables » au sens de cet arrêt (pt. 89).

En fin de compte, l’avocat général Saugmandsgaard Øe invite la Cour à rejeter la notion de « refus implicite d’accès » dans le cadre de l’article 102 TFUE, que ce soit dans l’arrêt à intervenir ou dans tout autre contexte (pt. 96). Au cas d’espèce en tous cas, il relève que Slovak Telekom n’a pas refusé l’accès dégroupé à la boucle locale dont elle est propriétaire, mais a imposé des conditions inéquitables aux entreprises souhaitant y avoir accès (pt. 100).

Pour le reste, l’avocat général Saugmandsgaard Øe suggère à la Cour de rejeter les deuxième et troisième moyens soulevés par Deutsche Telekom dans l’affaire C-152/19. L’examen de ces moyens permettra à la Cour de rappeler les principes relatifs à l’imputabilité du comportement d’une filiale (Slovak Telekom) à la société mère (Deutsche Telekom), étant entendu que la participation de cette société mère au capital de la filiale est trop faible pour être couverte par la présomption « Akzo Nobel ».

Par son deuxième moyen, Deutsche Telekom prétend que le Tribunal a erronément jugé que des faits dont résulte une simple possibilité d’exercer une influence déterminante peuvent également être utilisés en tant qu’indices d’un exercice effectif de cette influence déterminante. En d’autres termes, elle cherche à exclure une catégorie entière d’indices factuels, à savoir ceux dont résulte une possibilité d’exercer une influence déterminante, des éléments de preuve pouvant être utilisés par la Commission pour établir l’exercice effectif d’une telle influence. À cet égard, l’avocat général Saugmandsgaard Øe invite la Cour à repousser cette argumentation : d’une part, une telle limitation ne résulte aucunement de la jurisprudence de la Cour relative à l’imputabilité du comportement d’une filiale à la société mère, d’autre part, il n’existe aucune raison logique justifiant d’exclure qu’un même indice factuel puisse, à la fois, contribuer à démontrer la possibilité d’une influence déterminante, et l’exercice effectif de cette influence. Enfin, l’argumentation de Deutsche Telekom aboutirait, en pratique, à restreindre les éléments factuels pouvant être utilisés par la Commission aux seules preuves « flagrantes » telles qu’un message écrit contenant une instruction de la société mère ordonnant à la filiale de modifier sa politique de prix (pts. 135-142).

Par son troisième moyen, Deutsche Telekom soutient que l’arrêt du Tribunal est entaché d’erreurs de droit en ce qui concerne l’application du principe selon lequel la filiale doit avoir appliqué pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère. Sur ce point, la requérante soutient que l’imputabilité du comportement d’une filiale à la société mère est subordonnée à la réunion de quatre conditions cumulatives : i) la société mère devait être en mesure d’exercer une influence déterminante ; ii) la société mère a effectivement exercé une telle influence déterminante ; iii) la filiale n’a, pour cette raison, pas déterminé son comportement sur le marché de manière autonome, et iv) la filiale a appliqué pour l’essentiel les instructions données par la société mère (pts. 146-147).

Estimant que ce moyen repose sur une prémisse erronée, dans la mesure où la Cour n’a jamais jugé que l’imputabilité du comportement d’une filiale à la société mère est subordonnée à la réunion des quatre conditions mentionnées (pt. 153), l’avocat général Saugmandsgaard Øe indique qu’il existe, en réalité, un seul critère pertinent à cet égard, à savoir celui de l’existence d’une unité économique, autrement dit d’une entreprise, formée par la société mère et la filiale, comme l’a fait valoir à juste titre la Commission. C’est uniquement dans ce cas de figure que la Commission se voit autorisée à imputer le comportement de la filiale à la société mère ou, en d’autres termes, à « lever le voile social » entre des structures juridiques distinctes en vue d’accroître l’effectivité du droit de la concurrence (pt. 154). À l’inverse, relève-t-il, la Cour a identifié deux voies probatoires permettant à la Commission d’établir concrètement l’existence d’une unité économique entre une société mère et sa filiale : i) la Commission peut, d’une part, établir que la société mère a la capacité d’exercer une influence déterminante sur le comportement de la filiale et qu’elle a en outre effectivement exercé cette influence ; ii) elle peut, d’autre part, prouver que cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais qu’elle applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques. Dès lors, conclut-il, l’argumentation de Deutsche Telekom revient, en substance, à fusionner ces deux voies probatoires, en exigeant de la Commission qu’elle apporte une double preuve : elle devrait établir tout à la fois l’exercice effectif d’une influence déterminante par la société mère et l’existence d’instructions appliquées pour l’essentiel par la filiale (pts. 156-157).

Par, suite, l’avocat général Saugmandsgaard Øe invite la Cour à rejeter le troisième moyen soulevé par Deutsche Telekom et, sans préjuger du bien-fondé des autres moyens des pourvois, propose à la Cour de rejeter les trois premiers moyens soulevés par Deutsche Telekom AG dans l’affaire C-152/19, ainsi que le premier moyen soulevé par Slovak Telekom, a.s. dans l’affaire C-165/19.

JURISPRUDENCE UE : L’avocat général Pitruzzella estime qu’en présence d’une coordination opérée lors de la soumission à un appel d’offres pour la réalisation de travaux, la fin de l’infraction et donc le début du délai de prescription intervient, en principe, à la date du dépôt de l’offre collusoire, voire, si le soumissionnaire emporte le marché au moment de sa conclusion

 

Le 10 septembre 2010, l’avocat général Giovanni Pitruzzella a présenté ses conclusions dans l’affaire C-450/19 (Kilpailu- ja kuluttajavirasto) qui fait suite à la demande de décision préjudicielle formée par la Cour administrative suprême finlandaise.

L’avocat général Pitruzzella pose l’enjeu du présent renvoi préjudiciel en ces termes : « Lorsqu’une infraction alléguée à l’article 101 TFUE prend la forme d’une coordination portant sur la soumission d’offres dans le cadre d’un appel d’offres lancé pour la réalisation de travaux de construction, comment convient-il d’apprécier la date à laquelle ladite coordination a pris fin ? Cette fin peut-elle intervenir avant la fin des travaux en question, ou avant la fin de leur paiement ? »

À l’origine de cette affaire se trouve un litige entre l’autorité de concurrence finlandaise et l’une des entreprises qui a mis en œuvre une entente de couverture pour se faire attribuer le marché des travaux de construction d’une ligne de transport d’électricité. Le 4 juin 2007, l’entreprise a déposé l’offre qui a remporté le marché et le contrat entre le soumissionnaire et l’opérateur du réseau électrique finlandais a été signé le 19 juin 2007.

Par décision du 31 octobre 2014, l’Autorité de la concurrence a soumis, comme l’exige le droit finlandais, au Tribunal des affaires économiques une proposition d’amende de 35 millions d’euros qu’elle souhaitait voir infliger au soumissionnaire en raison de sa participation présumée à une entente prohibée. Ladite entente aurait commencé, selon la décision de l’Autorité de la concurrence, au plus tard au mois d’octobre 2004 et se serait poursuivie sans interruption au moins jusqu’au mois de mars 2011. L’entreprise aurait ainsi enfreint l’article 4 de la loi relative aux restrictions de concurrence ainsi que l’article 101 TFUE en s’accordant, avec une autre entreprise, sur les prix, les marges et la répartition des marchés de conception et de construction de lignes de transport d’énergie électrique en Finlande.

Toutefois, le 30 mars 2016, le Tribunal des affaires économiques a rejeté la proposition d’amende de l’Autorité de la concurrence, estimant que le soumissionnaire avait cessé de participer à la restriction de concurrence alléguée avant le 31 octobre 2009 et l’autorité de la concurrence n’aurait pas rapporté la preuve que l’infraction avait perduré après cette date, ne faisant là qu’appliquer la prescription quinquennale fixée par le droit finlandais. L’Autorité de la concurrence a alors formé un pourvoi contre cette décision devant la juridiction de renvoi. Selon cette autorité, en substance, l’entente aurait été conclu avant la soumission de l’offre par le soumissionnaire et aurait perduré jusqu’à la date du dernier paiement (soit le 7 janvier 2010), le contrat mettant en œuvre la tarification illégale étant alors toujours en vigueur.

Dès lors, la juridiction de renvoi demande à la Cour, en substance, comment déterminer la fin d’une infraction alléguée à l’article 101, § 1, TFUE dans l’hypothèse où l’infraction a consisté en une concertation entre entreprises parties à l’entente sur les offres à soumettre dans le cadre d’un marché de conception et de travaux portant en l’occurrence sur la construction d’une ligne de transport d’énergie électrique.

La question posée a trait au moment à partir duquel le délai de prescription quinquennal commence à courir. Le règlement n° 1/2003 fait débuter ce délai au moment où l’infraction a pris fin. Or, la détermination de la durée de l’infraction alléguée à l’article 101, § 1, TFUE relève sans aucun doute du droit de l’Union (pt. 26).

Pour l’avocat général Pitruzzella, l’infraction existe tant que la collusion, formelle ou de fait, restreint la possibilité d’obtenir de meilleures offres aux meilleures conditions possibles selon une libre concurrence. Apprécier la durée de l’infraction nécessite donc d’évaluer l’impact de ladite infraction sur l’intérêt juridique protégé et donc, in fine, la portée exacte de l’entente, qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer. En appliquant les enseignements de l’arrêt T-Mobile Netherlands e.a., si l’entente décrite dans la demande de renvoi préjudiciel ne devait concerner que le seul marché portant sur la conception et la construction de la ligne de transport à 400 kV Keminmaa-Petäjäskoski, l’objet anticoncurrentiel de l’entente disparaît au plus tard après la signature du contrat. En effet, après cette signature, il n’y aurait plus d’accord persistant entre les entreprises parties à l’entente, de sorte que l’on ne pourrait pas non plus considérer que les prix collusoires, entendus comme l’expression d’une volonté des parties à l’entente de s’accorder sur les prix à appliquer pour de futurs marchés, seraient encore « en vigueur ».

En fin de compte, l’avocat général Pitruzzella suggère à la Cour de répondre la question préjudicielle posée par la Cour administrative suprême finlandaise que l’article 101 TFUE doit être interprété en ce sens que, dans le cas où une partie à une entente a conclu avec un tiers à l’entente un marché de travaux correspondant à ce qui avait été convenu dans le cadre de l’entente en question, et dans la mesure où ladite entente était limitée à ce marché, la fin de l’infraction à la concurrence est réputée être intervenue, en principe, à la date à laquelle l’entreprise qui en est l’auteur a déposé l’offre concernant le marché en question ou, le cas échéant, conclu le contrat relatif à la réalisation de ce marché de travaux. Une telle interprétation est toutefois sans préjudice de l’appréciation, par la juridiction de renvoi, du contenu dudit contrat et de son degré de précision, notamment en termes de prix, de la portée exacte de l’entente, des éléments objectifs et subjectifs qui la caractérisent, de ses effets anticoncurrentiels et de l’analyse des différentes preuves de comportements collusoires révélées par l’enquête menée par l’Autorité de la concurrence.

JURISPRUDENCE : La Cour de cassation confirme dans l’affaire « du zinc » que l’omission concernant l’appartenance de l’auteur de l’infraction à un groupe puissant constitue une erreur matérielle que la Cour d’appel était en droit de rectifier

 

À la faveur d’un arrêt rendu le 2 septembre 2020, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, rejetant les pourvois introduits par le groupe Umicore — le pourvoi formé de son côté par la présidente de l’Autorité, jugé tardif, a été déclaré irrecevable… —, confirme non seulement l’arrêt rendu le 17 mai 2018 par la Cour d'appel de Paris confirmant pour l'essentiel la décision n° 16-D-14 du 23 juin 2016 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du zinc laminé et des produits ouvrés en zinc destinés au bâtiment, mais également l’arrêt daté du 5 juillet 2018 aux termes duquel la Cour d’appel de Paris avait procédé à la rectification d’une erreur matérielle non dénuée de conséquences puisqu’aussi bien cette rectification avait conduit à augmenter le montant de l’amende infligée par la Cour de Paris de 5 665 900 € !

On se souvient qu’à la faveur de l’arrêt rendu le 17 mai 2018, la Cour d’appel de Paris avait, en dépit d’une confirmation de la décision de l’Autorité sur l’essentiel, procédé à une réduction non négligeable de l’amende de 69 243 000 euros prononcée par cette dernière à l’encontre d’Umicore France et de sa mère, la société belge Umicore SA/NV, pour avoir abusé de leur position dominante au cours de la période 1999-2007 sur le marché français des produits de couverture en zinc ainsi que sur celui des produits d’évacuation des eaux pluviales (EEP) en zinc. De fait, l’amende infligée solidairement à la société Umicore France et à la société Umicore SA/NV, à l’issue du présent arrêt n’était plus que de 56 653 000 euros, soit près de 13 millions de moins…

Relevant une erreur commise par l’Autorité de la concurrence dans la prise en compte de la durée des pratiques, la Cour d’appel de Paris avait décidé de réformer la décision attaquée sur ce point et de prendre en considération un coefficient multiplicateur de 4,5 au lieu de 5 pour le calcul de l’amende. Toutefois, le montant auquel était alors parvenue la Cour d’appel — 56 653 000 euros — ne correspondait pas à cette seule cause de réformation. En fait, la Cour d’appel de Paris avait omis de prendre en compte une étape du raisonnement de l’Autorité, à savoir l’individualisation de la sanction en prenant en considération la circonstance aggravante de l’appartenance de l’auteur de l’infraction à un groupe d’envergure, en l’occurrence le groupe Umicore. Or, l’Autorité avait considéré à cet égard que Umicore disposait d’une taille, d’une puissance économique et de ressources globales importantes et qu’il convenait, pour proportionner la sanction à la puissance économique d’Umicore et garantir son caractère dissuasif, d’augmenter la sanction infligée aux sociétés Umicore France et Umicore SA/NV de 10 %. Ainsi, la Cour d’appel aurait dû, après rectification du coefficient retenu au titre de la durée des pratiques, poursuivre le raisonnement et appliquer au montant de base de l’amende auquel elle est parvenue, soit 56 653 000 €, l’augmentation de 10 % au titre de l’appartenance de l’auteur de l’infraction à un groupe puissant, laquelle n’avait même pas été contestée par les entreprises sanctionnées.

C’est précisément ce à quoi avait procédé la Cour de Paris dans l’arrêt rectificatif.

À l’appui du pourvoi dirigé contre l’arrêt rectificatif du 5 juillet 2018, le groupe Umicore reprochait à la Cour d’appel d’avoir, sous couvert de rectification d’une erreur matérielle, procéder à une nouvelle appréciation des éléments de la cause, percevant dans l’omission commise par celle-ci l'existence d'une possible erreur intellectuelle et non matérielle.

Sur quoi la Chambre commerciale de la Cour de cassation, relevant que la cour d’appel n’a pas modifié, dans l’arrêt rectificatif, les règles de calcul de la sanction mais en a corrigé la mise en œuvre erronée, a exactement retenu que, par cette omission, elle avait commis une erreur, qui n’était pas une erreur de raisonnement ni une erreur d’appréciation mais une erreur matérielle, qu’il convenait de rectifier pour rétablir le montant de la sanction telle qu’elle aurait dû être au regard de la raison et du dossier.

Pour le reste et à la faveur du pourvoi dirigé contre l’arrêt du 17 mai 2018, le groupe Umicore invoquait sept moyens de cassation.

Par son premier moyen, les demanderesses au pourvoi soutenaient que la prescription quinquennale était acquise lors de la saisine de l’Autorité de la concurrence, le 11 janvier 2011 dès lors que la décision du juge des libertés et de la détention avait à l’égard de celle-ci autorité de la chose jugée, du fait du caractère pénale des poursuites entreprises.

Sur quoi, rappelant que le juge des libertés et de la détention a statué sur des opérations qui ne sont pas de nature pénale, effectuées à la demande du ministre chargé de l'économie, lequel n'est pas chargé de poursuites pénales, et dans l'objectif de poursuivre des pratiques anticoncurrentielles qui ne font pas l'objet d'une incrimination pénale, la Cour de cassation estime que c’est à bon droit que la Cour d'appel a retenu que le principe de l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil n'était pas applicable et, partant que la décision du juge des libertés et de la détention n’avait pas autorité de la chose jugée à l’égard de l’Autorité et, partant, que la prescription quinquennale n’était pas acquise lors de la saisine de celle-ci, le 11 janvier 2011, confirmant par ailleurs que la prescription d’une infraction continue ne commence à courir qu’à compter de sa cessation.

Par son deuxième moyen, le groupe Umicore faisait grief à l’arrêt du rejet de leur moyen pris de l'incompétence des services d'instruction, pour leur refuser l'ouverture d'une procédure d’engagements.

Sur quoi, rappelant que les entreprises ne disposent pas d'un droit aux engagements, l'Autorité jouissant d'un pouvoir discrétionnaire en la matière, la Chambre commerciale de la Cour de cassation estime que c’est exactement que la Cour d'appel a retenu que le collège n'avait pas à formaliser sa décision ni, a fortiori, à la motiver et, partant, que son refus des engagements pouvait résulter, comme en l'espèce, de sa décision négative, implicite, de ne pas demander au rapporteur de procéder à l’évaluation préliminaire d'une telle mesure.

Par son troisième moyen, le groupe Umicore contestait en substance l’impartialité du rapport des services d’instruction de l’Autorité.

Sur quoi, la Cour de cassation confirme que les énonciations du rapport, reprises par le moyen, relèvent des hypothèses que les services de l’instruction avaient à examiner, et éventuellement à établir, et ne démontrent pas leur prétendue partialité.

Par son quatrième moyen, le groupe Umicore contestait la délimitation du marché pertinent opéré par l’Autorité et validé par la Cour de Paris.

Sur quoi, la Chambre commerciale de la Cour de cassation estime qu’en relevant que le zinc est un matériau qualifié de noble, souvent utilisé sur des immeubles de caractère ou relevant du patrimoine ancien ou sur des bâtiments à valeur patrimoniale, et que, s’il n’existe pas de règle générale prescrivant le remplacement à l’identique des couvertures en zinc, il est néanmoins de pratique courante de remplacer le zinc par le zinc, la Cour d’appel a pu retenir que, sur le segment de la rénovation, le zinc est peu substituable par d'autres matériaux.


Par son cinqième moyen, le groupe Umicore contestait le constat opéré par la Cour d’appel de Paris selon lequel la puissance d'achat des distributeurs ne pouvait être qualifiée de compensatrice de la position dominante de la société Umicore en raison d'une très forte préférence des clients des distributeurs en question pour la marque VM Zinc ou encore de la difficulté pour un distributeur de changer rapidement de fournisseur.

Sur quoi, la Cour de cassation considère qu’au regard des énonciations, constatations et appréciations opérées par la Cour d’appel, celle-ci a pu déduire qu'en dépit du choix de certains distributeurs de ne pas référencer
les produits VM Zinc et de la part très importante des trois principaux clients dans l'ensemble des ventes de la société Umicore France, la puissance d’achat de ces derniers ne pouvait être qualifiée de compensatrice de la position dominante de cette société.

Par son sixième moyen, le groupe Umicore reprochait à la Cour d’appel d’avoir décidé qu'il n'y avait pas lieu en l'espèce de réaliser le test du concurrent aussi efficace, lequel ne se justifie que lorsque l'instrument de la fidélisation est de nature financière et pourrait être mis en œuvre, au bénéfice des clients, par un concurrent au moins aussi efficace.

Sur quoi, relevant à son tour que les pratiques reprochées ne se bornaient pas à l’application de remises d’exclusivité ou fidélisantes, mais à la mise en oeuvre d’une politique commerciale d’ensemble visant, notamment, à dissuader les distributeurs d’offrir d’autres produits que ceux de la marque VM Zinc, et, lorsqu’ils procédaient à de telles offres, à les empêcher d’en faire la promotion, la Chambre commerciale de la Cour de cassation estime que la Cour d’appel, qui a procédé à une analyse de l’ensemble des circonstances et établi les effets potentiels, sur les concurrents aussi efficaces, de la politique globale de la société Umicore France et ainsi mis en évidence, sans la présumer, sa capacité d’éviction de ces derniers et qui n’avait pas, compte tenu des caractéristiques des pratiques en cause, qu’elle a décrites, à recourir au test du concurrent le plus efficace, a pu statuer comme elle a fait.

Par son septième moyen, le groupe Umicore constatait le calcul de l’amende à lui infligée et spécifiquement la valeur des ventes en relation avec l’infraction ainsi retenue.

Sur quoi, la Cour de cassation, observant à la suite de la Cour d’appel que la pratique en cause avait renforcé la position dominante de la société Umicore France sur le marché des produits de couverture en zinc, estime que la Cour de Paris pouvait déduire de cette appréciation que les ventes de ces produits aux façonniers et aux distributeurs, n’auraient-ils pas eu le statut de centre VM Zinc, entraient dans le champ des ventes en relation avec l’infraction.

INFOS UE : La Commission favorable à une révision sur certains points du règlement d’exemption par catégorie applicable aux accords verticaux et de ses lignes directrices

 

Dans la perspective de l’expiration du règlement d’exemption par catégorie applicable aux accords verticaux, qui expirera le 31 mai 2022, et des lignes directrices sur les restrictions verticales qui l’accompagnent, la Commission a lancé en octobre 2018 le réexamen dudit règlement d’exemption afin de décider s'il convient de ne pas le renouveler, de le réviser ou de le renouveler en l’état.

Au terme d’une consultation publique qui a eu lieu au cours du premier semestre de 2019, d’un atelier spécifique qui s'est tenu en novembre 2019, mais aussi au vu des conclusions d’une étude externe qu’elle a commanditée, et des résultats de la récente enquête sectorielle sur le commerce électronique, la Commission a publié le 8 septembre 2020, ainsi que l'avait annoncé Margrethe Vestager lors du European Competition Day qui s'est tenu cette année à Berlin, un document de travail de 233 pages de ses services qui résume les conclusions de l'évaluation du règlement d'exemption vertical, ainsi que de ses lignes directrices.

Il est accompagné d’un résumé de cette évaluation.

Il résulte de cette évaluation que la Commission entend certes renouveler le règlement d’exemption par catégorie applicable aux accords verticaux, quand il expirera le 31 mai 2022, dans la mesure où il demeure un outil pertinent, en ce qu’il contribue à l'autoévaluation des accords verticaux et ce faisant à réduire les coûts de mise en conformité pour les entreprises qui concluent de tels accords, mais que ce renouvellement ne se fera pas en l’état.

L’évaluation a montré la nécessité de réviser le texte du règlement sur un certain nombre de points. Ainsi, depuis son adoption en 2010, le marché a considérablement évolué, du fait notamment de l'essor des ventes en ligne et de nouveaux acteurs du marché comme les plateformes en ligne, ce qui s’est traduit par l'augmentation des ventes directes par les fournisseurs et une utilisation accrue des systèmes de distribution sélective. De même, on a assisté à la généralisation de nouveaux types de restrictions verticales, comme les restrictions concernant les ventes par l'intermédiaire de places de marché en ligne et les restrictions sur la publicité en ligne, ainsi que des clauses de parité des prix de détail.

On renverra à cet égard pour le détail des mesures qui pourrait nécessiter une clarification ou une révision de l’approche adoptée au tableau figurant aux pages 75 à 87 du document de travail de la Commission. On notera en particulier le faible niveau de sécurité juridique attribué aux paragraphes 52 à 54 des lignes directrices verticales  concernant les restrictions caractérisées liées aux ventes en ligne.

Pour le reste, la Commission indique que les règles se doivent d’être aussi résistantes que possible à l’épreuve du temps : elles doivent non seulement aborder les problèmes connus mais aussi énoncer des principes clairs permettant de traiter, le cas échéant, les nouveaux types d’accords et de restrictions verticaux. Deuxièmement, il est nécessaire d’aborder la question de la complexité des règles, qui réduit la sécurité juridique et rend les règles délicates à appliquer, en particulier pour les PME. Troisièmement, le fait que les autorités nationales de concurrence et les juridictions nationales aient adopté des approches divergentes dans certains domaines a porté atteinte aux avantages de la mise en place d’un cadre commun d’évaluation. Si des mécanismes destinés à surmonter ces divergences existent déjà, il pourrait cependant s’avérer nécessaire d’étudier d’autres possibilités pour limiter l’incidence de ce problème.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

INFOS : L’Autorité de la concurrence sanctionne à hauteur de 444 millions d’euros les laboratoires Novartis, Roche et Genentech pour avoir abusé de leur position dominante collective sur le marché français du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA)

 

À la faveur d’une décision n° 20-D-11 du 9 septembre 2020, l’Autorité de la concurrence est venue sanctionner à hauteur de 444 millions d’euros le groupe Novartis et le groupe Roche/Genentech (385 millions pour le seul Novartis) pour avoir abusé de leur position dominante collective sur le marché français du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), en mettant en œuvre deux pratiques distinctes quoique proches et en tout état de cause participant à la même finalité, à l’attention, d’une part, des professionnels de santé, des autorités du secteur de la santé, des patients et du grand public et, d’autre part, des responsables politiques et des autorités de santé.

Cette affaire fait suite à un signalement transmis par la brigade interrégionale des enquêtes de concurrence (BIEC) de Lyon dès le 31 janvier 2012…

Pour le traitement de la DMLA, les médecins recourent aux anti-VEGF. À l’origine, seuls deux médicaments anti-VEGF disposaient d’une AMM pour le traitement de la DMLA, dont le Lucentis commercialisé par Novartis. En raison du coût très élevé de ce médicament, certains hôpitaux et ophtalmologues ont commencé à recourir à une autre spécialités susceptibles d’être utilisées pour le traitement de la DMLA : l’Avastin, mais en utilisation « hors AMM », puisque celui-ci ne disposait pas d’une autorisation de mise sur le marché pour le traitement de la DMLA. À cet égard, l’Autorité relève que l’utilisation d’Avastin « hors AMM » en ophtalmologie, et plus particulièrement pour le traitement de la DMLA, n’était pas illicite (pt. 635), et ce, même après l’adoption de la loi Bertrand visant à privilégier l’utilisation d’un anti-VEGF disposant d’une AMM (pt. 642). Du reste, l’Autorité a considéré que l’Avastin relève du même marché que Lucentis ou tout autre médicament dont l’AMM couvre spécifiquement cette indication thérapeutique, dès lors qu’il est constant que, tout au long de la période, Avastin a été utilisé par de nombreux ophtalmologues pour le traitement de la DMLA exsudative et que cette utilisation n’était pas illicite (pt. 651). Puis, en 2013, un autre médicament anti-VEGF disposant d’une AMM est entré sur le marché : l’Eylea.

Petit détail, en raison de la pratique consistant à fabriquer plusieurs seringues avec un seul flacon d’Avastin de Roche, son coût d’utilisation était au moment des faits trente fois moins élevé que celui de l’anti-VEGF disposant d’une AMM pour le traitement de la DMLA, le Lucentis, commercialisé par Novartis…

Or, il apparait qu’un seul laboratoire — le laboratoire Genentech — dispose des licences à la fois sur le Lucentis et sur l’Avastin. De fait, ce laboratoire a été à l’origine de la recherche sur les anti-VEGF. Il assure la commercialisation de ces deux spécialités sur le territoire américain et a accordé des licences pour chacun de ces produits, dans le reste du monde, respectivement à Novartis et à Roche (pt. 700). Au-delà de ces liens contractuels, il existe des liens capitalistiques croisés entre Genentech, Roche et Novartis : Roche, qui était l’actionnaire majoritaire de Genentech jusqu’en 2009, détient depuis cette date la totalité de son capital. Par ailleurs, Novartis détient une participation non contrôlante dans le capital de Roche, avec 6,2 % du capital et 33,33 % des droits de vote de Roche Holding (pt. 706).

Selon le scénario retenu par l’Autorité, compte tenu des différences de prix entre les deux spécialités et de la pratique consistant à fabriquer plusieurs seringues avec un seul flacon d’Avastin, toute utilisation d’Avastin à la place de Lucentis pour une injection dans l’oeil était susceptible d’entraîner un manque à gagner significatif pour chacun des trois laboratoires concernés. D’abord, pour Novartis, qui reçoit, en tant que licencié, le produit des ventes de Lucentis sur le marché concerné : son intérêt commercial réside dans la maximisation des ventes de ce produit. Ensuite, pour Genentech, qui perçoit, en tant que donneur de licence, les redevances des ventes de Lucentis sur le marché concerné : à doses équivalentes, ce laboratoire perçoit moins de revenus en licence pour les ventes d’Avastin en ophtalmologie que pour celles de Lucentis. Enfin, pour Roche, qui, en tant qu’actionnaire principal puis unique depuis mars 2009 de Genentech, profite des bénéfices de sa filiale : ses intérêts sont donc alignés sur ceux du laboratoire américain (pt. 714).

Dès lors, pour l’Autorité, il existait une forte incitation financière pour les trois laboratoires à ne pas s'écarter de la ligne de conduite commune des trois laboratoires ainsi liés sur le marché, visant à limiter les prescriptions « hors AMM » d’Avastin pour le traitement de la DMLA au profit des ventes de Lucentis (pt. 713). Pour ce faire, les laboratoires mis en cause ont adressé un discours dénigrant l’utilisation de l’Avastin en ophtalmologie à l’attention, d’une part, des professionnels de santé, des autorités du secteur de la santé, des patients et du grand public et, d’autre part, des responsables politiques et aux autorités de santé.

Fort de l’existence de liens juridiques et économiques entre les trois laboratoires, l’Autorité a constaté que Novartis, Roche et Genentech formaient une entité collective, pour les besoins de la commercialisation de Lucentis et Avastin, détenant une position dominante sur le marché du traitement de la DLMA exsudative, compte tenu d’une part, de l’existence de liens structurels importants et stratégiques entre les laboratoires (en particulier les contrats de licence liant Genentech et Novartis, pour la commercialisation de Lucentis, et Genentech et Roche, pour la commercialisation d’Avastin), qui leur a permis de connaître leurs comportements respectifs (pt. 708), et, d’autre part, de l’existence de liens capitalistiques croisés entre Genentech, Roche et Novartis. La structure contractuelle et capitalistique existant entre Genentech, Roche et Novartis a permis à ces derniers d’adopter une ligne d’action commune sur le marché concerné, visant à limiter les prescriptions d’Avastin « hors AMM » en ophtalmologie.

En outre, l’entité collective formée par Genentech, Roche et Novartis détenait, jusqu’à l’arrivée d’Eylea sur le marché concerné, en novembre 2013, une position dominante collective sur le marché du traitement de la DMLA exsudative (pt. 759), puisqu’elle n’a été confrontée, jusqu’à la fin de l’année 2013, à aucun concurrent susceptible de remettre en cause son pouvoir de marché (pt. 740).

Novartis a été sanctionné au titre du grief n° 1 pour avoir diffusé, en s’appuyant sur la position dominante collective détenue avec Roche et Genentech sur le marché du traitement de la DMLA, un discours dénigrant, en exagérant, de manière injustifiée, les risques liés à l’utilisation d’Avastin « hors AMM » pour le traitement de la DMLA, et plus généralement en ophtalmologie, en comparaison avec la sécurité et la tolérance de Lucentis pour un même usage (pt. 836). En somme, la présentation par Novartis, dans sa communication, des causes potentielles des risques liés à l’utilisation d’Avastin, opposées aux certitudes sur l’innocuité de Lucentis, n’a pas été exprimée avec suffisamment de mesure, compte tenu du contexte scientifique dans lequel son discours s’inscrivait (pt. 811). Ainsi, selon l’Autorité, le laboratoire ne s’est pas contenté d’évoquer les différences objectives entre Lucentis et Avastin, ni de rappeler fidèlement le contexte scientifique relatif à l’utilisation d’Avastin. Au contraire, Novartis a présenté à ses interlocuteurs un ensemble d’éléments de comparaison d’Avastin et Lucentis, en s’appuyant notamment sur une présentation sélective et biaisée des études scientifiques disponibles et des modifications du RCP d’Avastin sur les effets secondaires indésirables, ou encore en insistant sur les questions de responsabilité des professionnels de santé prescrivant « hors AMM », en vue d’exagérer les risques liés à l’utilisation d’Avastin « hors AMM » pour le traitement de la DMLA et, plus généralement, en ophtalmologie (pt. 835).

Pour l’Autorité, le discours de Novartis a été de nature à, et a eu pour effet de limiter les prescriptions d’Avastin pour le traitement de la DMLA et, plus généralement en ophtalmologie (pt. 856). Elle est également susceptible d’avoir eu pour effet le maintien de Lucentis à un prix supra-concurrentiel. En effet, dans la mesure où il a eu pour effet de limiter les prescriptions d’Avastin pour le traitement de la DMLA et, plus généralement en ophtalmologie, le discours de Novartis a également pu avoir pour effet de reporter la date à laquelle le CEPS a pu considérer que, compte tenu de son utilisation courante par les médecins ophtalmologistes, Avastin devait être considéré comme un comparateur dans le traitement de la DMLA et pour les autres indications oculaires (pt. 885). De même, la pratique a pu avoir pour effet la fixation du prix d’Eylea, spécialité concurrente arrivée sur le marché français à la fin de l’année 2013, à un niveau artificiellement élevé. En effet, si le prix de Lucentis avait diminué avant l’entrée d’Eylea sur le marché, le prix de ce dernier aurait pu être fixé à un niveau inférieur, puisqu’il a été fixé au niveau du prix de liste de Lucentis, minoré d’une décote de 10 %. En outre, dans l’hypothèse où Avastin aurait été considéré comme un comparateur direct, le prix d’Eylea aurait également pu tenir compte du coût effectif de traitement avec cette spécialité (pt. 886).

Au surplus, l’Autorité observe que, compte tenu de l’intérêt commun de Roche et Genentech à favoriser Lucentis, le laboratoire Roche ne s’est pas opposé au discours véhiculé par Novartis au détriment des ventes de son propre produit, Avastin. Ainsi, la diffusion du discours de Novartis a été facilitée par le fait que Roche n’avait pas intérêt à s’opposer à ce discours et que, de fait, elle n’a pas diffusé de contre-argumentaire, en réaction à celui-ci. De sorte qu’il existe un lien direct entre les pratiques en cause et la position dominante collective détenue par Genentech, Novartis et Roche (pts. 894-896).

La pratique a débuté le 10 mars 2008 pour prendre fin début novembre 2013, avec l’arrivée sur le marché de la spécialité concurrente Eylea, commercialisée par le laboratoire Bayer en Europe, qui a mis fin à la position dominante de l’entité collective (pt. 907).

Novartis, Roche et Genentech ont par ailleurs été sanctionnés au titre du grief n° 2 pour avoir diffusé, en s’appuyant sur la position dominante collective détenue par les trois laboratoires sur le marché du traitement de la DMLA, et plus généralement en ophtalmologie, un discours alarmiste, voire trompeur, sur les risques liés à l’utilisation d’Avastin pour le traitement de la DMLA, et ce, à destination des responsables politiques et des autorités de santé, dans le dessein de bloquer ou ralentir, de façon indue, les initiatives des pouvoirs publics qui envisageaient de favoriser et sécuriser son usage pour le traitement de la DMLA (pt. 924). Ainsi, le laboratoire Roche a, par une instrumentalisation des risques associés à l’utilisation d’Avastin en ophtalmologie, cherché à faire obstacle à la volonté de l’AFSSAPS, exprimée publiquement dans un communiqué de presse en février 2007, de disposer d’une étude comparative entre Lucentis et Avastin, afin de lui permettre de se prononcer en connaissance de cause en faveur ou en défaveur de l’utilisation d’Avastin pour le traitement de la DMLA (pt. 932).

Par ailleurs, si Genentech n’est pas intervenu directement auprès des autorités publiques françaises (pt. 1019), il a pris part aux pratiques, dans la mesure où il a permis de coordonner le discours de Novartis et de Roche concernant les deux spécialités, s’agissant des données scientifiques. Dans ce contexte, Roche et Novartis ont pu développer un discours très similaire, fondé sur les mêmes éléments techniques, et reprenant les mêmes formulations (pt. 1028).

Le discours de Novartis et Roche, avec le soutien de Genentech, a été de nature à décourager les autorités publiques de favoriser un plus large recours à Avastin « hors AMM » dans le traitement de la DMLA, et donc, à limiter les prescriptions d’Avastin « hors AMM » pour cette indication et, plus généralement en ophtalmologie, diminuant ainsi artificiellement la pression concurrentielle exercée sur Lucentis (pt. 1056). En outre, le discours de Novartis et Roche, avec le soutien de Genentech, est susceptible d’avoir maintenu le prix de Lucentis à un niveau supra-concurrentiel et permis la fixation de celui d’Eylea, à un niveau artificiellement élevé (pt. 10566).

Elle a débuté le 7 avril 2008 concernant Roche, le 28 avril 2011 concernant Genentech et le 9 mai 2011 concernant Novartis et a pris fin début novembre 2013, avec l’arrivée sur le marché de la spécialité concurrente Eylea, commercialisée en Europe par le laboratoire Bayer, qui a mis fin à la position dominante de l’entité collective.

S’agissant de l’imputabilité des pratiques, les pratiques sanctionnées au titre des griefs n° 1 et n° 2 ont été mises en œuvre par Novartis Pharma SAS et par Novartis AG. Comme pendant toute la période infractionnelle, Novartis Pharma SAS était détenue à 100 %, directement ou indirectement, par les sociétés Novartis Groupe France SA et Novartis AG, les griefs n° 1 et n° 2 sont imputés à Novartis Groupe France SA et Novartis AG, pour les pratiques mises en oeuvre par Novartis Pharma SAS et par Novartis AG (pts. 1105-1107).

Quant au groupe Roche/Genentech, les pratiques sanctionnées au titre du grief n° 2 ont été mises en œuvre par Roche et Genentech Inc. Comme pendant toute la période infractionnelle, Roche était détenue à 100 %, directement ou indirectement, par la société Roche Holding AG, les pratiques mises en œuvre par Roche sont imputées à Roche Holding AG en tant que société mère. Par ailleurs, comme Genentech Inc. est détenue à 100 % par Roche Holding AG depuis le 26 mars 2009, les pratiques mises en œuvre par Genentech sont imputées à Roche Holding AG en tant que société mère, à compter du 26 mars 2009 (pts. 1109-1111).

Sur les sanctions, pour ce qui concerne le grief n° 1, la sanction pécuniaire prononcée à l’encontre du groupe Novartis est assise sur une seule valeur des ventes, correspondant au chiffre d’affaires de la société du groupe commercialisant des produits en relation avec l’infraction, c’est-à-dire celui de Novartis Pharma SAS, c’est-à-dire sur l’ensemble des ventes de Lucentis réalisées par Novartis en France, tant en ville qu’à l’hôpital (pt. 1129). Pour ce qui concerne le grief n°2, l’assiette de la sanction pécuniaire du groupe Novartis est la même, à savoir les ventes de Lucentis en France (pt. 1212). En revanche, pour ce qui concerne le groupe Roche/Genentech, l’Autorité estime inapproprié de retenir le chiffre d’affaires que réalise Roche sur la commercialisation de l’Avastin en France, puisqu’aussi bien les pratiques litigieuses avaient précisément pour objet de limiter l’utilisation d’Avastin en ophtalmologie sur le territoire français (pt. 1213). À la place, l’Autorité a retenu comme valeur des ventes en relation avec l’infraction, les redevances perçues par Genentech sur les ventes de Lucentis en France, d’une part, et les ventes par Genentech de principe actif de Lucentis pour sa commercialisation sur le territoire français, d’autre part (pt. 1218).


Pour déterminer la proportion de la valeur des ventes retenue, l’Autorité a notamment pris en compte la gravité des pratiques en cause et le dommage certain qu’elles ont causé à l’économie. En particulier, les comportements des laboratoires sanctionnés au titre des deux griefs sont intervenus dans le secteur de la santé où la concurrence est limitée et où il existe une aversion aux risques, et plus spécifiquement dans un contexte de débat public sur le prix extrêmement élevé de Lucentis et sur son impact sur les finances sociales, pour lesquelles le remboursement à 100 % de Lucentis constituait un poste de dépense significatif, alors qu’il existait un médicament, Avastin, nettement moins cher, susceptible d’être utilisé en ophtalmologie.

Pour les deux griefs, l’Autorité a retenu que les pratiques mises en œuvre étaient très graves (pts. 1142 et 1233) et qu’elle ont causé un dommage significatif à l’économie (pts. 1167 et 1269). Tant et si bien que l’Autorité, qui cette fois n’a pas omis cette étape fondamentale du calcul de la sanction, a décidé de retenir, pour déterminer le montant de base de la sanction infligée à Novartis, une proportion de 14 % comme assiette du montant de la sanction pécuniaire prononcée au titre du grief n° 1, et pour déterminer le montant de base des sanctions pécuniaires infligées aux entreprises en cause — Novartis, Roche et Genentech, la même proportion de 14 % comme assiette du montant des sanctions pécuniaires prononcées au titre du grief n° 2 (pts. 1168 et 1270). À noter que, dans la mesure où la durée de participation de Genentech à l’infraction est inférieure à celle de Roche, l’Autorité a décidé de tenir Genentech solidaire de cette sanction pécuniaire à hauteur de sa durée de participation, correspondant à 45 % de la durée de participation de Roche (pt. 1277).

On notera au passage que l’Autorité a biffé, aux paragraphes 1131 et 1220, le montant en euros de l’assiette sur laquelle est assise la sanction pécuniaire, à savoir la valeur des ventes de Lucentis en France, pour ce qui concerne les sanctions infligés à Novartis au titre des griefs n° 1 et n° 2, et le montant des redevances perçues par Genentech sur les ventes de Lucentis en France, d’une part, et la valeur des ventes par Genentech de principe actif de Lucentis pour sa commercialisation sur le territoire français, d’autre part.

Délicate attention dira-t-on ! À cela près qu’il est fort aisé de reconstituer ces montants qu’on voulait nous cacher, à la faveur d’une simple règle de trois, et ce, en partant du montant de base de la sanction pécuniaire qui, lui, nous est communiqué dans la présente décision (pts. 1173 et 1278), déterminé en proportion des ventes en relation avec l’infraction réalisées par l’entreprise concernée, d’une part, et en fonction de la durée de l’infraction, d’autre part, et ce, en opérant le calcul à rebours. Et pour le cas où l’on aurait des doutes sur le résultat obtenu au terme de cette règle de trois, l’Autorité vient à votre secours en précisant aux paragraphes 1187 et 1188, d’une part, et aux paragraphes 1293 et 1294, d’autre part, après avoir communiquer le chiffre d’affaires consolidé hors taxes, ainsi que le résultat net des entreprises sanctionnées, que la valeur des ventes retenue comme assiette de la sanction prononcée à leur égard représente seulement x % du chiffre d’affaires total du groupe et environ x % du résultat net consolidé… Peut-être eut-il été plus simple de nous dispenser de ce jeux de piste et d’indiquer d’emblée la valeur des ventes retenue comme assiette de la sanction prononcée à l’égard de mises en cause…

Une fois le montant de base de la sanction pécuniaire déterminé, l’Autorité à procéder à l’individualisation des sanctions. Elle a d’abord procédé à une augmentation des sanctions au titre de l’appartenance des mises en cause à des groupes puissants (+ 50 % pour Novartis, et + 70 % pour le groupe Roche/Genentech). Elle a tenu compte ensuite de la réitération de la société Novartis Pharma SAS, qui avait été sanctionnée par une décision du Conseil de la concurrence pour des pratiques de remises fidélisantes à l’hôpital, constitutives d’abus de position dominante, devenue définitive le 28 juin 2005.

À ce titre, une majoration de 25 % de la sanction prononcée à l’encontre de Novartis Pharma a été prononcée. En revanche, comme à l’époque du premier constat d’infraction, Novartis AG et de Novartis France Groupe SA ne formaient pas encore avec la société Novartis Pharma SAS, une seule entreprise au sens des articles 101 et 102 du TFUE, l’Autorité écarte la situation de réitération à l’égard des deux sociétés mères. De sorte que Novartis Pharma SAS sera tenue seule responsable de la majoration de la sanction prononcée au titre de la réitération, correspondant à 50 781 150 euros pour le grief n° 1 et à 26 239 500 euros pour le grief n° 2.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

INFOS : L’Autorité se déclare incompétente pour connaitre des pratiques du Conseil départemental du Rhône de l’Ordre des médecins invitant des médecins ophtalmologues à ne pas exercer pour le compte d’un centre de chirurgie laser qui n’a pas fait l’objet d’un agrément de l’agence régionale de santé (ARS)

 

Après la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), voici donc la chirurgie réfractive, laquelle consiste à corriger les anomalies de la puissance optique de l’œil (myopie, astigmatisme, hypermétropie ou presbytie) par une opération des yeux au laser sous anesthésie locale. Ou plutôt avant, puisque la décision n° 20-D-10 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la chirurgie réfractive par le Conseil départemental du Rhône de l’Ordre des médecins, qui a été mise en ligne le 11 septembre 2020, est datée du 2 septembre 2020.

À la faveur de cette décision, l’Autorité de la concurrence se déclare incompétente pour connaître des pratiques du Conseil départemental du Rhône de l’Ordre des médecins (CDROM). Par suite, elle déclare irrecevable la saisine d’Optical Center dans laquelle celle-ci dénonce la mise en œuvre par le CDROM d’une pratique de boycott, « sous couvert déontologiques », se traduisant par une attitude générale de blocage de son activité de chirurgie réfractive.

De fait, Optical Center a ouvert en 2016 son premier centre de chirurgie laser spécialisé dans les soins de chirurgie réfractive dans un local situé dans le centre-ville de Lyon, juste au-dessus d’un magasin d’optique sous enseigne Optical Center.
 
Dans le cadre de sa saisine, Optical Center dénonce la mise en œuvre par le CDROM d’une pratique de boycott, ayant consisté à rejeter systématiquement les contrats et projets de contrats communiqués par les professionnels de santé souhaitant exercer au sein du centre de chirurgie laser Optical Center, à opposer des refus non fondés aux demandes d’exercice de l’activité professionnelle sur un site distinct, et à multiplier les poursuites disciplinaire et judiciaires, dans le but d’évincer la « clinique » Optical Center du secteur de la chirurgie réfractive.

Aux termes de la présente décision, l’Autorité considère que les mesures et décisions prises par le CDROM s’inscrivent dans le cadre des missions visant à assurer le respect des règles déontologiques dévolues à ce dernier, et manifestent l’exercice, dans une mesure non manifestement inappropriée, de ses prérogatives de puissance publique.

Tout d’abord, l’Autorité écarte l’existence d’une pratique de boycott généralisée émanant du CDROM. Rien ne démontrent pas que le CDROM aurait, par principe, délibérément et dans un but d’éviction anticoncurrentielle, cherché à freiner ou mettre un terme à l’activité du centre de chirurgie laser Optical Center. Les pratiques du CDROM n’ont pas revêtu de caractère systématique, en ce qu’elles sont restées ciblées et d’une amplitude limitée, n’ayant visé qu’un nombre restreint de praticiens (quatre). De plus, elles ont été justifiées de manière circonstanciée par des considérations essentiellement liées au non- respect de la déontologie médicale. Enfin, le CDROM n’a pas entrepris de démarche de blocage, généralisée et indifférenciée (pt. 70). Par ailleurs, aucun élément ne tend à démontrer que les différentes actions en justice engagées par le CDROM, considérées dans leur ensemble ou individuellement, traduiraient l’existence d’un détournement par le CDROM de ses prérogatives de puissance public de manière manifestement inappropriée, ou que le CDROM agirait en-dehors du cadre de ses missions de service public (pt. 70). Au surplus, certains points soulevés par le CDROM dans le cadre de ses courriers ou des procédures qu’il a initiées, ont été confirmés en justice. Il en est ainsi notamment du reproche formulé par le CDROM s’agissant de l’exercice de la chirurgie réfractive par une société commerciale, alors même que le centre de chirurgie laser Optical Center n’a pas fait l’objet d’un agrément de l’agence régionale de santé (ARS), pourtant obligatoire (pt. 73).

Quant aux courriers adressés aux praticiens concernant leurs contrats et projets de contrat avec Optical Center, le fait que le CDROM ait formulé des remarques liées au non-respect des règles déontologiques et ait demandé aux praticiens de ne pas exercer au sein du centre de chirurgie laser Optical Center s’inscrit dans le cadre des missions qui lui sont dévolues et manifeste l’exercice, dans une mesure non manifestement inappropriée, de ses prérogatives de puissance publique (pt. 74). À cet égard, l’Autorité retient que le CDROM s’est positionné sur le seul terrain de la déontologie médicale. Dans ces conditions, sur le fondement des violations qu’il alléguait, le CDROM était en mesure de demander aux praticiens de ne pas exercer pour le compte d’Optical Center (pt. 75).

Rien n’indique que les différentes décisions du CDROM (engagement de procédures, courriers adressés aux praticiens) étaient mal fondées, et qu’elles s’expliqueraient par sa seule volonté de détourner les pouvoirs qui lui ont été confiés. Au contraire, ces décisions ne font que traduire l’exercice, par le CDROM, de ses prérogatives de puissance publique et ce, dans une mesure non manifestement inappropriée (pt. 78).

INFOS : Nomination de deux nouveaux membres de l’Autorité de la concurrence au titre des personnalités qualifiées lorsque celle-ci rend au ministre de la justice un avis sur la liberté d’installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation

 

Par décret du président de la République du 4 septembre 2020 paru au journal officiel daté du 6 septembre 2020, Jean-Louis Gallet, conseiller honoraire à la Cour de cassation, et Frédéric Marty, chargé de recherche au CNRS, sont nommés membres de l’Autorité de la concurrence au titre des personnalités qualifiées lorsque celle-ci rend au ministre de la justice un avis sur la liberté d’installation des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

Le nouvel outil de concurrence :
révolution ou régulation ?

Webinaire 6 octobre 2020 — 14h00

 



Madame, Monsieur,

Nous vous invitons à participer au webinaire organisé par la DGCCRF le 6 octobre 2020 à 14h sur le thème suivant :
 
    Le nouvel outil de concurrence : révolution ou régulation ?
         

Avec la participation de :


— Virginie Beaumeunier, directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ;

— Olivier Guersent, directeur général de la DG concurrence de la Commission européenne
               
— Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence

— Morgan Cauvin, head of government relations & communication - EMEA-APAC, société Match Group
                                                                                                          Modérateur : Louis Vogel, avocat, cabinet Vogel & Vogel et professeur de droit à l’Université Panthéon-Assas
 
Le contexte : il est d’usage de caractériser la politique européenne de concurrence par ses trois piliers que sont l’antitrust (lutte contre les ententes et les abus de position dominante), le contrôle des concentrations, et le contrôle des aides d’État. Issus tant du droit primaire que du droit dérivé, ses piliers sont salués quasi unanimement pour avoir particulièrement contribué à la réalisation de l’Union européenne et de son marché intérieur, au bénéfice du consommateur. La politique européenne de concurrence doit cependant répondre à de nouveaux enjeux d’adaptabilité, de réactivité et d’efficacité pour appréhender les effets de la mondialisation et de la numérisation de l’économie moderne. La France et d’autres Etats membres ont à cette fin appelé la Commission européenne à une modernisation de  la politique européenne de concurrence. En réponse, la Commission européenne a lancé plusieurs initiatives, parmi lesquelles un livre blanc sur un instrument relatif aux subventions étrangères, et la révision de la communication sur les marchés pertinents. Elle a aussi lancé  une consultation sur un New Competition tool (nouvel outil de concurrence), présenté comme « comblant les lacunes des règles de concurrence de l’UE en vigueur […] afin de permettre l’application de mesures d’exécution préservant la compétitivité des marchés ».
 
Pour participer à ce webinaire, vous pouvez vous inscrire dès maintenant par E-MAIL.

Un lien vous sera ainsi envoyé une semaine avant l'événement et vous pourrez poser des questions qui seront relayées pendant le webinaire.

Bien cordialement,

Bertrand Jéhanno
Chef du Bureau de la politique et du droit de la concurrence de la DGCCRF

The Future of EU and UK Merger Control Enforcement

17 septembre 2020 — 15h30 CEST

 

Bonjour,

Concurrences, en partenariat avec les cabinets Skadden et Compass Lexecon, a le plaisir de vous inviter au prochain webinaire de la série "Law & Economics" qui aura lieu le jeudi 17 septembre à partir de 15h30 CEST :

« The Future of EU and UK Merger Control Enforcement »

Les intervenants sont :

- Guillaume Loriot | Directeur - Marchés et cas II: Information, communication et médias, DG COMP, Bruxelles
- Tom Smith | Legal Director, Competition and Markets Authority, Londres
- Lorenzo Coppi | Executive Vice President, Compass Lexecon, Bruxelles/Londres
- Frederic Depoortere | Associé, Skadden, Bruxelles
- Modérateur: Giorgio Motta | Associé, Skadden, Bruxelles

Les présentations se feront en anglais.

Inscription libre et gratuite sur le site dédié.

Nous espérons vous accueillir — virtuellement — nombreux pour ce webinaire.

Meilleures salutations,

Nicolas Charbit
Directeur
Concurrences

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