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Bonsoir à toi,

En 1ère, ma professeure de français s'appelait Mme Cornet. J'aurais préféré te parler de mon professeur de 6e, M. Dumas (parce que bon, ça ne s'invente pas), mais non, c'est le souvenir de Mme Cornet qui m'est revenu.

La 1ère (littéraire dans mon cas), c'est l'année où on apprenait à fond à faire des dissertations, à argumenter une pensée, à démontrer une opinion. Et à annoncer un plan. Ce truc que les Français·e·s, adorent, et qui est si difficile à faire comprendre quand on enseigne à des apprenant·e·s d'autres cultures qui ne procèdent pas du tout de la même manière (souvenir ému de mon année d'Erasmus à Dublin, où, en master, un prof nous glissait en examen que ce serait chouette si éventuellement on pouvait envisager de penser à peut-être faire une intro d'une ou deux lignes #chocculturel). Bref, c'était cette année-là que j'avais appris à manier le dans un premier temps, et dans les suivants, et à écrire en "nous" alors que nous n'étions qu'un·e (ou à peu presque).

Il y avait une expression dans nos copies que Mme Cornet détestait. Si jamais on écrivait "dans un premier temps, nous essaierons de montrer blablabli blablablou...", elle barrait "nous essaierons" d'un grand trait rouge : "Non, vous n'essayez pas : vous y arriverez. N'allez pas déjà vous dévaloriser, vous excuser d'exister auprès de la personne qui vous lit." Pareil pour les "nous tenterons de souligner" ou les éventuels "nous nous évertuerons à", aux oubliettes...

Mme Cornet était très soignée, peu souriante avec nous, sévère, et elle mettait beaucoup de distance entre ses élèves et elle. Pas exactement le type d'enseignante, animatrice, facilitatrice, que je cherche à être. Mais cette phrase-là montrait, je m'en rends compte maintenant, un grand souci de nous, et nous donnait des clés pour nos dissertations, mais pas que. Je l'ai gardée, cette phrase, et je dis souvent cela (avec d'autres mots) en atelier, quand l'un·e ou l'autre participant·e déclare, avant de lire, qu'il n'a pas vraiment réussi, qu'elle n'avait pas compris la proposition comme ça, qu'il aurait bien aimé aller plus loin, que si elle avait su, elle aurait fait autrement. Ne t'excuse pas d'exister. Offre-nous ton texte.

Oui, après, on peut commenter, si c'est encore pertinent, si ce qu'on voulait dire semble toujours avoir besoin d'être dit, mais laisse le silence avant la lecture être un vrai silence, une inspiration, fais-nous ce cadeau-là, et fais-le-toi, aussi, de ne pas juger *immédiatement* ce que tu viens de faire.

Ça peut faire peur et être intimidant, on a envie de rembobiner, de se justifier et on voit tout ce qui ne va pas et on ne voudrait surtout pas que les autres pensent qu'on n'a pas vu ça. Je sais. Mais il n'y a pas une bonne réponse qu'on attend. Il y a toi, ton texte, ta voix et l'ensemble que ça va former. Et à chaque fois, j'ai hâte de voir ça exister !

À bientôt,
Amélie

Et puis quoi encore ?


- Les dates des ateliers d'écriture en ligne "Dédoubler 2" sont... en ligne, et il reste quelques places ! Tout est !
- Toi qui m'as envoyé des pensées pour mon code/examen théorique, mille mercis ! Je l'ai eu 🚗

- Ailleurs sur Internet : Par ici sur le blog, je parle des lettres aux inconnu·e·s que j'écrivais ado et par là en 6'40 dans un Pechakucha, je raconte comment et pourquoi j'ai commencé à animer des ateliers avec des gens dont le français n'était pas la langue maternelle.
 
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Photo : Nirine Arnold
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Je m’appelle Amélie, et mon but, c’est de donner aux gens des outils pour qu’ils s’approprient la langue à leur manière.

Je fais ça principalement en animant des ateliers d’écriture créative pour toutes et tous et en enseignant le français comme langue étrangère.

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Amélie Charcosset · c/o neonomia · Rue Prévost-Martin 21 · Genève 1205 · Switzerland