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Hebdo n° 39/2020
26 octobre 2020
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Écartant, sous réserve de vérifications, tout transfert de ressources d’État, la Cour de justice de l’Union estime que le dispositif français de recyclage et de traitement des déchets issus de produits textiles, du linge de maison et des chaussures ne doit pas, en principe, être regardé comme une aide d’État

JURISPRUDENCE UE : La Cour de justice de l’Union estime que, lorsque le Tribunal juge que la Commission a établi à suffisance de droit la participation d’une entreprise à des accords anticoncurrentiels, il n’est pas tenu de faire droit à une demande d’audition de témoin

INFOS : Dans sa première décision de contrôle des regroupements à l’achat post loi Egalim, l’Autorité de la concurrence accepte et rend obligatoires les engagements — modifiés à la marge — visant à réduire le périmètre de l’accord de coopération entre Casino, Auchan, Metro et Schiever


ANNONCE WEBINAIRE : 11ème conférence « Demain la concurrence » Webinaire #1 — « Start ups, licornes et champions européens pour une souveraineté numérique : quel rôle pour la politique de concurrence ? » — mardi 3 novembre 2020, 15h30 CET [Message de Katarzyna Czapracka et Oliver Latham]

 

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Écartant, sous réserve de vérifications, tout transfert de ressources d’État, la Cour de justice de l’Union estime que le dispositif français de recyclage et de traitement des déchets issus de produits textiles, du linge de maison et des chaussures ne doit pas, en principe, être regardé comme une aide d’État

 

Le 21 octobre 2020, la Cour de justice de l’Union a rendu un arrêt dans l’affaire C-556/19 (Société Eco TLC contre Ministre de la transition écologique et solidaire) qui fait suite à une demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État français.

Au cœur de la présente affaire se trouve le dispositif de responsabilité élargie des producteurs mis en place en France pour la gestion des déchets issus de produits textiles, du linge de maison et des chaussures (produits TLC). Ce dispositif vise à ce que les producteurs de produits assument la responsabilité financière et, éventuellement, organisationnelle de la gestion de la phase « déchets » du cycle de vie des produits qu’ils ont fabriqués. Institue-t-il un régime d’aides d’État ? Telle était, en substance, la question posée à la Cour par le Conseil d’État.

Au cas d’espèce, la société Eco TLC, le seul éco-organisme agréé en France pour pourvoir, pour le compte des producteurs de produits TLC, à l’obligation légale incombant à ces derniers de traiter les déchets issus de ces produits, a introduit devant le Conseil d’État un recours en annulation contre un arrêté ministériel de 2017 qui a modifié le montant d’un des soutiens que ladite société doit verser aux opérateurs de tri conventionnés avec elle. Eco TLC a soutenu à cet égard que ledit régime de responsabilité élargie instituait une mesure constitutive d’une aide d’État illégale, parce que non notifiée.

Pour accomplir sa mission, l’éco-organisme Eco TLC perçoit des contributions financières auprès des metteurs sur le marché de produits TLC dont il détermine lui‑même le montant (dans le « barème amont ») en les fixant au niveau nécessaire pour satisfaire à son obligation de verser les soutiens financiers aux opérateurs de tri, ainsi que pour couvrir ses frais de fonctionnement. Les contributions amont perçues par l’éco-organisme doivent être utilisées dans leur intégralité, les activités de l’éco-organisme pour lesquelles il est agréé étant exercées sans but lucratif. L’éco-organisme passe alors des conventions avec les opérateurs de tri éligibles et leur reverse, « en aval », des soutiens financiers au titre des tonnages de déchets de TLC triés. Plus précisément, le soutien financier versé aux opérateurs de tri présente trois composantes : i) le soutien à la pérennisation de la filière de la gestion des déchets issus des produits TLC, en contribuant aux coûts de cette gestion, ii) le soutien au tri matière, et iii) le soutien au développement de cette filière. Ce « barème aval » est déterminé en fonction d’objectifs environnementaux et sociaux. Ce mécanisme est placé sous le contrôle d’un censeur, désigné par l’État, qui assiste, sans droit de vote, aux réunions du conseil d’administration d’Eco TLC et peut se faire communiquer tous les documents liés à la gestion financière de ladite société afin, en cas de non‑respect des règles de bonne gestion financière, d’en informer les autorités compétentes de l’État qui peuvent prononcer une amende allant jusqu’à 30 000 euros, voire la suspension ou même le retrait de l’agrément. Sous ces réserves, Eco TLC détermine librement ses choix de gestion, de sorte que les fonds destinés au versement des contributions ne sont soumis à aucune obligation particulière de dépôt.

Par sa question préjudicielle, le Conseil d’État demande à la Cour si l’article 107, § 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’un dispositif de responsabilité élargie des metteurs sur le marché, tel que le dispositif mis en place par le droit français pour les produits TLC, doit être considéré comme une mesure instituant une aide d’État. En fait, le Conseil d’État s’interroge sur la partie aval du système, c’est-à-dire sur le financement par l’éco-organisme des opérateurs de tri éligibles.

Ainsi, la question préjudicielle concerne plus spécifiquement l’éventuelle qualification de « ressources d’État » des fonds versés aux opérateurs de tri dans le cadre du dispositif en cause. La présente affaire donne ainsi l’occasion à la Cour de clarifier davantage sa jurisprudence concernant la notion de « ressources d’État ». L’imputabilité à l’État du dispositif de responsabilité élargie des metteurs sur le marché de produits TLC ne faisant aucun doute (pt. 24), la question est essentiellement celle de savoir si les ressources que l’éco-organisme utilise pour verser les soutiens financiers aux opérateurs de tri doivent être qualifiées de « ressources d’État » (pt. 22).

Alors que les metteurs sur le marché de produits TLC disposent de la possibilité de mettre en place un système individuel de recyclage et de traitement de ces déchets, tous ont choisi de contribuer financièrement à un éco-organisme agréé par les pouvoirs publics qui reverse leurs contributions aux opérateurs de tri). Toutefois, selon la Cour, une telle circonstance ne permet pas, en soi, de considérer que les contributions qu’ils versent à cet éco-organisme constituent des contributions obligatoires imposées par la législation d’un État (pt. 30).

S’agissant d’abord du contrôle public exercé sur l’éco-organisme et sur les fonds, la Cour observe que ces contributions conservent un caractère privé pendant tout leur parcours. Les fonds constitués par le versement desdites contributions ne transitent jamais par le budget de l’État ou par celui d’une autre entité publique et ne passent jamais entre les mains des pouvoirs publics. Par ailleurs, l’État membre concerné ne renonce à aucune ressource, à quelque titre que ce soit, telle que des impôts, des taxes, des contributions ou autres, qui, selon la législation nationale, aurait dû être versée au budget de l’État (pt. 33), de sorte que le dispositif en cause au principal n’entraîne aucun transfert direct ou indirect de ressources d’État (pt. 34).

Restait à savoir si les sommes correspondant à la mesure d’aide concernée ne sont pas restées constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, ce qui suffirait à les qualifier de « ressources d’État » (pt. 36). À cet égard, la Cour constate que ces fonds ne transitent jamais par le budget de l’État ou par celui d’une autre entité publique et ne passent jamais entre les mains des pouvoirs publics (pt. 38). En outre, lesdits fonds ne sont soumis à aucune obligation particulière de dépôt, et, en cas de cessation d’activité de l’éco-organisme, les sommes éventuellement disponibles ne sont pas versées aux pouvoirs publics. Par ailleurs, les litiges portant sur le recouvrement des contributions dues par les metteurs sur le marché au titre du dispositif en cause au principal relèvent des juridictions civiles ou commerciales (pt. 39). Tant et si bien que l’État ne dispose, à aucun moment, d’un accès effectif auxdits fonds et que l’éco-organisme ne dispose d’aucune prérogative propre aux autorités publiques (pt. 40).

En deuxième lieu, la Cour relève que les fonds utilisés par Eco TLC dans le cadre du dispositif en cause au principal sont exclusivement affectés à l’exécution des missions qui lui sont légalement assignées, de dont elle déduit que l’État n’est précisément pas en mesure de disposer desdits fonds, c’est-à-dire de décider d’une affectation différente de celle prévue par la loi (pt. 41).

En troisième lieu, si le barème des soutiens financiers versés par l’éco-organisme agréé aux opérateurs de tri est bien fixé par l’État, les organismes agréés déterminent le montant global de la contribution financière qu’ils perçoivent auprès des metteurs sur le marché, de manière à couvrir, chaque année, les dépenses résultant de l’application du cahier des charges, à savoir le versement des soutiens financiers aux opérateurs de tri, les frais de fonctionnement ainsi que diverses actions de sensibilisation et de prévention (pts. 42-43). En outre, la Cour note que la revalorisation effectuée par l’arrêté du 19 septembre 2017 a certes été déterminée par les pouvoirs publics, mais à la demande de Eco TLC, qui aurait constaté une sous-compensation des activités de tri (pt. 44). De sorte que l’éco-organisme agréé disposerait ainsi d’un rôle prépondérant dans la détermination et dans l’évolution du barème des soutiens financiers versés aux opérateurs de tri, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier (pt. 45).

En quatrième lieu, la Cour retient que l’éco-organisme agréé dispose d’une certaine liberté contractuelle dans ses relations avec les opérateurs de tri pour fixer des conditions d’éligibilité supplémentaires, liberté dont il aurait usé en introduisant de son propre chef des conditions d’éligibilité aux soutiens financiers plus contraignantes que celles fixées par l’État (pt. 46), en sorte qu’il disposerait d’une influence dans la détermination des bénéficiaires des soutiens financiers versés, ce qu’il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier (pt. 47).

En cinquième et dernier lieu, la Cour observe que si un censeur d’État, désigné par l’État, assiste aux réunions du conseil d’administration d’Eco TLC et veille au maintien de ses capacités financières, il ne dispose pas en revanche d’un droit de vote lui permettant d’exercer une influence sur l’administration des fonds utilisés par cette société (pts. 48-49).

Au final, sous réserve des deux vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer sur le rôle prépondérant de l’éco-organisme dans la détermination et dans l’évolution du barème des soutiens financiers versés aux opérateurs de tri et sur la détermination des bénéficiaires des soutiens financiers versés, la Cour parvient à la conclusion que les fonds utilisés par Eco TLC pour verser des soutiens financiers aux opérateurs de tri ne demeurent pas constamment sous contrôle public, au sens de la jurisprudence, et qu’ils ne constituent donc pas des ressources d’État, au sens de l’article 107, § 1, TFUE. De sorte que, sous ces réserves, le dispositif français de responsabilité élargie des producteurs pour la gestion des déchets issus de produits textiles, du linge de maison et des chaussures ne saurait, en principe, être regardé comme une aide d’État.

JURISPRUDENCE UE : La Cour de justice de l’Union estime que, lorsque le Tribunal juge que la Commission a établi à suffisance de droit la participation d’une entreprise à des accords anticoncurrentiels, il n’est pas tenu de faire droit à une demande d’audition de témoin

 

Le 22 octobre 2020, la cour de justice de l’Union a rendu un arrêt dans l’affaire C-702/19 sur pourvoi formé par Silver Plastics GmbH & Co. KG et Johannes Reifenhäuser Holding GmbH & Co. KG aux termes duquel le requérantes demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal rendu le 11 juillet 2019 dans l’affaire T-582/15 (Silver Plastics e.a.contre Commission européenne).

On se souvient que par décision du 24 juin 2015, la Commission avait infligé à huit fabricants et à deux distributeurs de barquettes de conditionnement alimentaire destinées à la vente au détail des amendes d’un montant de 115 865 000 € pour avoir mis en œuvre de cinq ententes de fixation de prix et de répartition de marchés distinctes, en Europe du Nord-Ouest («ENO»), en Europe centrale et orientale («ECO»), en Europe du Sud-Ouest («ESO»), en France et en Italie. L’un des cartellistes, qui avait dénoncé les ententes, avait bénéficié d’une immunité d’amende.

Comme plusieurs autres mises en cause, Silver Plastics GmbH & Co. KG et sa société mère, Johannes Reifenhäuser Holding GmbH & Co. KG, ont introduit un recours devant le Tribunal.

Dans son arrêt, le tribunal de l’Union a rejeté l’intégralité des moyens invoqués par les requérantes. Et ce, qu’il s’agisse des griefs demandant l’annulation de la décision de la Commission en ce qu’elle a constaté la participation des requérantes à toute ou partie des cinq ententes ou contestant l’existence d’une infraction unique et continue ou qu’il s’agisse des griefs tirés d’une mauvaise application par la Commission de la communication sur la coopération de 2006 ou des lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006. Pour le Tribunal, la Commission a établi à suffisance de droit la participation des requérantes à des accords anticoncurrentiels ou à des pratiques concertées et la Commission a considéré, à bon droit, que les requérantes avait participé à une infraction unique et continue en Europe du Nord-Ouest.

Silver Plastics GmbH & Co. KG et sa société mère ont alors formé un pourvoi devant la Cour, à l’appui duquel elles invoquent sept moyens.

S’agissant du premier moyen tiré de la violation de l’article 6 de la CEDH, lu en combinaison avec l’article 47, deuxième alinéa, et l’article 48, § 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que du principe de l’immédiateté, les requérantes soutenaient que le Tribunal, en se limitant à prendre en considération les seuls procès-verbaux des déclarations faites par M. W. aux avocats de Silver Plastics, sans convoquer celui-ci pour l’entendre en personne en tant que témoin, aurait violé le principe du procès équitable garanti à l’article 6 de la CEDH ainsi qu’à l’article 47, deuxième alinéa, et à l’article 48, paragraphe 2, de la Charte et porté atteinte au principe de l’immédiateté de l’administration de la preuve (pt. 20).

Sur quoi la Cour, rappelant que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (pt. 28), estime qu’il lui appartient d’apprécier la pertinence de la demande par rapport à l’objet du litige et à la nécessité de procéder à l’audition des témoins cités (pt. 29), sans que cela viole les dispositions invoquées de la Charte ou de la CEDH (pt. 30). Au cas d’espèce, observe la Cour, au terme d’un examen circonstancié d’un ensemble d’éléments de preuve que les requérantes ont amplement pu contester, le Tribunal a jugé, d’une part, que la Commission avait établi à suffisance de droit, dans la décision litigieuse, la participation de Silver Plastics à des accords anticoncurrentiels et à des pratiques concertées et, d’autre part, que Silver Plastics avait participé à une infraction unique et continue en ENO, et a pu estimé que, au regard de l’objet du recours et des éléments du dossier, il n’était ni nécessaire ni opportun de donner une suite favorable à la demande d’audition de témoins formulée par les requérantes. Dès lors, il a pu, sans commettre d’erreur de droit, rejeter cette demande (pts. 31-33).

S’agissant du deuxième moyen tiré de la violation du droit « à la confrontation », les requérantes reprochaient au Tribunal de ne pas avoir entendu M. W. en tant que témoin, de telle sorte que celui-ci ne saurait logiquement être qualifié de « témoin à charge » devant le Tribunal.

À cet égard, la Cour, estimant que le fait que M. W. était l’une des sources des déclarations effectuées au titre de la clémence, voire la principale source de celles-ci, ne suffit pas pour le qualifier de « témoin à charge », dans la mesure où les déclarations de cette entreprise ont été effectuées sous sa propre responsabilité, en connaissance des conséquences négatives potentielles de la présentation d’éléments inexacts (pt. 53), observe que les requérantes étaient en mesure de contacter elles-mêmes M. W. afin d’obtenir une déclaration de sa part, ce qu’elles ont d’ailleurs fait, les déclarations écrites ainsi obtenues ayant été produites devant le Tribunal et prises en considération par celui-ci (pt. 54). De sorte qu’il n’est pas démontré que, nonobstant le pouvoir souverain d’appréciation du Tribunal à cet égard, celui-ci n’a pu valablement refuser d’entendre M. W. en tant que témoin (pt. 55).

Les requérantes faisaient encore valoir à la faveur de leur troisième moyen tiré de la violation du principe de l’égalité des armes que le Tribunal aurait dû ordonner l’audition personnelle de M. W. ainsi que des autres témoins dont elles avaient demandé l’audition.

Sur ce point, la Cour se contente de relever que, dans la mesure où le Tribunal n’a pas entendu de témoins proposés par la Commission, il ne saurait lui être reproché d’avoir violé ce principe, du fait d’avoir décidé, de la même manière, de ne pas entendre les témoins proposés par les requérantes (pt. 59).

S’agissant du quatrième moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, la Cour estime, d’une part, que le Tribunal a exposé, de manière exhaustive, tous les éléments qui, selon lui, démontraient que les représentants de Silver Plastics avaient participé à la réunion anticoncurrentielle du 13 juin 2002 concernant les prix (pt. 70) et, d’autre part, qu’il a considéré à juste titre que seules certaines affirmations de M. W., figurant dans ses déclarations produites devant lui par les requérantes, étaient peu, voire pas, crédibles, dès lors qu’elles étaient contredites par d’autres éléments de preuve, mentionnés par le Tribunal (pt. 75).

S’agissant du cinquième moyen tiré de la violation de l’article 23, § 3, du règlement n° 1/2003, la Cour de justice de l’Union estime que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a entériné la constatation figurant dans la motivation de la décision litigieuse, selon laquelle les requérantes avaient participé à une infraction unique et continue en ENO portant tant sur les barquettes en polystyrène que sur les barquettes rigides, pendant la période allant du 13 juin 2002 au 29 octobre 2007, dès lors qu’il a constaté, dans le cadre de son appréciation souveraine des faits, que l’infraction en cause en ENO, à laquelle les requérantes ont participé, avait trait aussi bien aux barquettes en polystyrène qu’aux barquettes rigides, ce qui lui a permis de considérer qu’il existait un « plan d’ensemble » couvrant tant l’un que l’autre de ces produits (pts. 83-84).

S’agissant du sixième moyen tiré de la violation de l’article 23, § 2, du règlement n° 1/2003, en ce qui concerne la constatation de l’existence d’une unité économique, la Cour l’écarte comme étant irrecevable, dans la mesure où les requérantes y réitèrent, en substance, les arguments qu’elles avaient développés devant le Tribunal pour démontrer l’absence d’exercice d’influence déterminante de Johannes Reifenhäuser Holding sur Silver Plastics, sans préciser quelle serait l’erreur que le Tribunal aurait commise dans le cadre de cette appréciation (pt. 92), là où, pourtant, pendant la période concernée par l’infraction en cause, Johannes Reifenhäuser Holding détenait la quasi-totalité (99,75 %) du capital de Silver Plastics (pt. 89).

Enfin, s’agissant du septième moyen tiré de la violation de l’article 23, § 2, du règlement n° 1/2003, en ce qui concerne le plafond de l’amende solidairement infligée aux requérantes, la Cour estime que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a tenu compte, aux fins du calcul du plafond de l’amende qui a été infligée solidairement aux requérantes, du chiffre d’affaires de Johannes Reifenhäuser Holding réalisé par celle-ci au cours de l’exercice social 2013/2014 (pt. 105).

L’ensemble des moyens ayant été écarté, le pourvoi est donc rejeté.

INFOS : Dans sa première décision de contrôle des regroupements à l’achat post loi Egalim, l’Autorité de la concurrence accepte et rend obligatoires les engagements — modifiés à la marge — visant à réduire le périmètre de l’accord de coopération entre Casino, Auchan, Metro et Schiever

 

Le 22 octobre 2020, l’Autorité de la concurrence a rendu sa première décision relative à des centrales d’achats depuis l’adoption de la loi Egalim du 30 octobre 2018, lui permettant de contrôler les rapprochements de centrales d’achat.

Aux termes de la présente décision n° 20-D-13, l’Autorité rend obligatoires les engagements souscrits par les groupes Auchan, Casino, Schiever et Metro à propos de leurs accords de coopération portant sur l’achat de produits à marque de distributeurs (Accord MDD et Accord MDD international).

Mi-2018, les groupes en question ont notamment conclu deux accords de coopération portant sur l’approvisionnement en produits MDD et sur la fourniture de services non marchands, l’un sur un périmètre national, l’autre sur un périmètre international. Ces accords, à échéance au 31 décembre 2021, sont susceptibles de reconduction tacite. Ces accords consistent pour les parties, lorsqu’au moins deux d’entre elles le souhaitent, à organiser ensemble, via leur société commune dédiée, des appels d’offres en vue de faire fabriquer en commun des produits à MDD déterminés. Le périmètre de la coopération en matière de catégories de produits comporte jusqu’à 46 familles de produits identifiés contractuellement, parmi lesquels des produits bio, premium et régionaux (pts. 38-40).

L’Autorité s’est saisie d’office le 2 mai 2019, en application du II de l’article L. 462-10, en vue d’examiner si ces différents accords de coopération — Accord MDD et Accord MDD international, Accord MDF et Accord de services internationaux — risquaient de porter une atteinte sensible à la concurrence, puis en septembre 2019, elle s’est saisie d’office en mesures conservatoires, là encore pour la première fois, afin d’examiner le bien-fondé de mesures d’urgence s’agissant du volet de la coopération portant sur les produits à MDD (Accord MDD et Accord MDD International).

Les services d’instruction ont, dans ce cadre, identifié de possibles atteintes aux articles 101, § 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

Sur le marché amont, ils craignaient que la diminution du nombre d’offreurs sur le marché amont de l’approvisionnement en produits MDD ou la diminution des incitations de ces derniers à investir pour proposer des innovations découlant de la mise en œuvre des accords de coopération à l’achat, soient susceptibles d’impacter directement la qualité de l’offre dont vont bénéficier les consommateurs, et, dès lors, potentiellement diminuer leur bien-être (pt. 101).

Sur le marché aval de la distribution à dominante alimentaire, estimant que les produits MDD susceptibles d’être concernés par les accords de coopération incluent potentiellement des produits qui ne peuvent être considérés comme basiques, et dont certains constituent de véritables leviers de croissance pour chaque enseigne et donc de différenciation vis-à-vis de ses concurrents et que le caractère stratégique de ces produits MDD pourrait même se trouver renforcé à l’avenir, notamment en raison de la mise en œuvre des accords de coopération à l’achat pour la fourniture de produits MDF, ou encore de changements récents des habitudes de consommation, les services d’instruction de l’Autorité ont conclu que ces accords de coopération, en conduisant à une homogénéisation partielle des produits qui seront commercialisés par chacun des distributeurs, dans le contexte d’un marché déjà relativement concentré, étaient susceptibles de conduire à une diminution du niveau de concurrence entre les parties à l’aval par rapport à la situation prévalant avant la mise en œuvre des accords (pts. 111-112).

En juin 2020, les parties auxdits rapprochements entre centrales d’achat ont proposé des engagements, qui ont été soumis à un test de marché entre le 25 juin 2020 et le 27 juillet 2020.

Au terme de ce test de marché auquel n’ont contribué que des fournisseurs et des représentants de fournisseurs, les parties ont proposé de modifier à la marge leurs engagements, d’une part en élargissant le périmètre des engagements à la catégorie de produit 206 « Cidres », qui sera exclue des accords de coopération, et, d’autre part, en documentant les gains d’efficience qualitatifs et/ou quantitatifs produits par les accords de filière (pts. 152-153).

Dans la version définitive de leurs engagements, les parties s’engagent, en substance, à :

— exclure certaines familles de produits du périmètre de la coopération ;

— limiter, pour les autres catégories de produits, la coopération à 15 % du marché amont si les caractéristiques du marché le justifient, et que la part de marché des Parties dépasse 15 %.
 
Les parties continueront à coopérer librement lorsque leurs parts de marché cumulées ne dépassent pas 15 % ou que les caractéristiques du marché ne justifient pas d’engagements.

Aux termes de sa décision, l’Autorité considère que, dans leur version définitive, les engagements des parties permet de réduire à la fois les effets potentiellement négatifs sur le marché amont de l’approvisionnement et ceux vis-à-vis du marché de détail à dominante alimentaire, et donc de répondre aux préoccupations de concurrence identifiées et aux points soulevés dans le test de marché. Elle estime également que les engagements présentent également un caractère crédible et vérifiable en ce qu’ils seront suivis par un mandataire et seront mis en œuvre pour une durée alignée sur celle des accords, dans la limite de 5 ans (pts. 164-165).

S’agissant plus particulièrement des engagements souscrits à propos du marché amont de l’approvisionnement en produits MDD, l’Autorité estime que les engagements proposés sont nécessaires, proportionnés et suffisants pour mettre un terme aux risques concurrentiels identifiés, dans la mesure où ils permettent d’écarter du périmètre de la coopération un certain nombre de familles de produits agricoles peu transformés (lait et œufs notamment), ou faisant partie de secteurs en crise (charcuterie par exemple) et dans la mesure où, si les parties gardent la possibilité d’acheter en commun certains de ces produits dans le cadre d’accords de filière tripartites, cette possibilité est limitée à 5 % du marché français des produits en question, d’autant que les distributeurs se sont engagé à décrire et à documenter les gains d’efficience susceptibles d’être produits par ces accords au bénéfice des différents opérateurs (pt. 166). En outre, note l’Autorité, les engagements proposés permettent également, lorsque cela est justifié tant par le poids des parties sur le marché, que par les caractéristiques du secteur, de limiter à 15 % le poids de la coopération sur le marché français de l’approvisionnement en produits MDD, répondant ainsi aux préoccupations de concurrence et concernant l’impact des accords à l’amont sur la situation des producteurs de MDD (pt. 167).

Quant aux engagements souscrits à propos du marché aval de la distribution à dominante alimentaire, l’Autorité estime qu’en écartant du périmètre de la coopération certains produits potentiellement différenciants, ils permettent de préserver la concurrence à l’aval, afin que le consommateur puisse continuer à bénéficier d’une offre différenciée pour des produits sur lesquels les politiques produits et stratégies de commercialisation des distributeurs sont distinctes (pt. 169).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

Start ups, licornes et champions européens pour une souveraineté numérique : quel rôle pour la politique de concurrence ?

mardi 3 novembre 2020, 15h30 CET

 


Bonjour,

Les cabinets White & Case et CRA International, en partenariat avec la Revue Concurrences, ont le plaisir de vous inviter au premier webinaire de la 11ème conférence « Demain la concurrence » qui aura lieu en ligne du 3 au 6 novembre 2020.
 
« Start ups, licornes et champions européens pour une souveraineté numérique : quel rôle pour la politique de concurrence ? » (Webinaire le mardi 3 novembre 2020 à 15h30 CET).

Mathias Pigeat (Directeur de cabinet - Responsable des affaires internationales et européennes, Autorité de la concurrence), Martin d’Halluin (Senior Vice President, Global Competition Law & Policy Counsel, News Corp) et Michael Kefi (General Counsel, Stuart & Pickup) interviendront à cette occasion.

Inscription libre et gratuite sur le site dédié.

Nous espérons vous accueillir — virtuellement — nombreux le mardi 3 novembre 2020 pour le premier webinaire de la conférence.

Meilleures salutations,

Katarzyna Czapracka | Associée, White & Case, Bruxelles/Varsovie
Oliver Latham | Vice President, CRA International, London

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