Copy
L'actualité la plus récente du droit de la concurrence
Voir cet e-mail dans votre navigateur
Hebdo n° 38/2020
19 octobre 2020
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que les règles en matière d’aides d’État ne s’opposent pas à une imposition assis sur le chiffre d’affaires des entreprises selon un barème progressif, l’avocate générale Kokott invite la Cour de justice à rejeter les pourvois de la Commission et à confirmer les arrêts du Tribunal à propos de la taxe polonaise dans le secteur de la vente au détail et de la taxe hongroise sur la publicité

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Rappelant les règles de preuve auxquelles est assujettie la Commission lorsqu’elle examine un régime d’aides, l’avocat général Pitruzzella invite la Cour de justice a censuré l’arrêt du Tribunal qui a annulé la décision de la Commission qualifiant d’aide d’État le régime fiscal dérogatoire de quatre clubs de football professionnel espagnols

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Pour le Tribunal, les compensations accordées par la République tchèque à l’opérateur historique pour l’accomplissement de ses activités de poste dans le cadre d’une obligation de service universel constituaient bien une aide d’État compatible avec le marché intérieur


INFOS AIDES D’ÉTAT : La Commission prolonge et étend l'Encadrement temporaire pour soutenir l'économie dans le contexte de l'épidémie de coronavirus

INFOS UE : La Commission lance un appel à contributions sur la façon dont la politique de concurrence pourrait soutenir le Green Deal


JURISPRUDENCE : Estimant que le PMU ne pouvait tirer de l'évolution des propositions de remède de l'Autorité une imprévisibilité de la loi, en présence d'une jurisprudence sévère pour les monopoles publics intervenant sur des marchés nouvellement ouverts à la concurrence, la Cour de cassation confirme l’existence d’une faute civile consistant pour l’opérateur dominant à n’avoir pas procéder à la séparation de ses masses d'enjeux en dur et en ligne

JURISPRUDENCE : Estimant que la proportionnalité de la sanction infligée à l’Ordre des architectes n’avait pas été motivée à suffisance au regard des capacités contributives de l’Ordre, la Cour d’appel de Paris annule la décision de l’Autorité sur ce point et, statuant à nouveau, lui inflige, après vérification de ses capacités contributives, une amende du même montant

EN BREF : La Commission lance une première consultation sur le règlement d'exemption par catégorie applicable au secteur automobile et ses lignes directrices


INFOS OUVRAGES : « Albert A. Foer Liber Amicorum - A Consumer Voice in the Antitrust Arena » vient de paraître chez Concurrences

ANNONCE WEBINAIRE : « Review of the Vertical Block Exemption Regulation: What are the rules which are not functioning well, or as well as they could? » — 21 octobre 2020, 10h [Message de Hugues de Castillo]

ANNONCE WEBINAIRE : « Legal privilege et droit de la concurrence : quoi de neuf ? » - 2 novembre 2020 15:30 CET [Message de Jacques Buhart]

ANNONCE WEBINAIRE : « Évolution du droit de la concurrence allemand : pour un droit de la concurrence 4.0 proactif et axé sur le digital » — 4 novembre 2020, 11h [Message de Coralie Anadon]

 

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que les règles en matière d’aides d’État ne s’opposent pas à une imposition assis sur le chiffre d’affaires des entreprises selon un barème progressif, l’avocate générale Kokott invite la Cour de justice à rejeter les pourvois de la Commission et à confirmer les arrêts du Tribunal à propos de la taxe polonaise dans le secteur de la vente au détail et de la taxe hongroise sur la publicité

 

Le 15 octobre 2020, l’avocate générale Juliane Kokott a présenté deux séries de conclusions rédigées dans des termes très proches pour l’essentiel dans deux affaires d’aides d’État concernant l’instauration, respectivement en Pologne et en Hongrie, de deux impôts au barème progressif, assis non pas sur les bénéfices mais sur le chiffre d’affaires réalisé. Il s’agit des conclusions présentées dans l’affaire C-562/19 (Commission européenne contre République de Pologne) et de celles présentées dans l’affaire C-596/19 (Commission européenne contre Hongrie).

La première affaire concerne un impôt mis en œuvre à partir du 1er septembre 2016 par les autorités polonaises dans le secteur de la vente au détail de marchandises dont l’assiette est le chiffre d’affaires des redevables et qui a un caractère progressif. Ledit impôt porte sur tous les détaillants quel que soit leur statut juridique. L’assiette est constituée par le chiffre d’affaires mensuel réalisé au-delà de 4 millions d’euros environ. Les taux d’imposition sont de 0,8 % pour la tranche de chiffre d’affaires mensuel comprise entre 4 et 40 millions d’euros et de 1,4 % pour la tranche de chiffre d’affaires mensuel réalisée au-delà.

La seconde affaire concerne une taxe introduite en juin 2014 par la Hongrie portant sur les recettes liées à la diffusion de publicités en Hongrie. Sont assujettis à cette taxe les opérateurs économiques qui diffusent les publicités, à savoir notamment les journaux, les médias audiovisuels et les afficheurs. La base d’imposition de la taxe est le chiffre d’affaires net d’un exercice annuel généré par la diffusion de publicités, à laquelle sont appliqués un barème constitué de deux taux : un taux de 0 % pour la tranche de base d’imposition inférieure à environ 312 000 euros et un autre de 5,3 % pour la tranche supérieure à cette somme. Par ailleurs, les assujettis à ladite taxe dont le bénéfice avant impôt sur les sociétés de l’exercice 2013 était nul ou négatif pouvaient déduire de leur base d’imposition de 2014 au titre de cette taxe 50 % des pertes reportées des exercices précédents.

Aux termes de deux décisions rendues respectivement le 30 juin 2017, s’agissant de l’impôt polonais, et le 4 novembre 2016, pour ce qui concerne la taxe hongroise, la Commission a considéré en substance que les impôts en question constituaient des aides d’État, dans la mesure où les taux de l’impôt progressif sur le chiffre d’affaires payé par les entreprises sont, de fait, liés à la taille de l’entreprise et non à sa rentabilité ou à sa solvabilité. Ils entraînent une discrimination entre entreprises et sont susceptibles de provoquer de graves perturbations du marché. En ce qu’ils instaurent une inégalité de traitement entre entreprises, ils sont sélectifs. Toutes les conditions visées à l’article 107, § 1, TFUE étant remplies, ils engendrent des aides d’État au sens de cet article. La Commission a également considéré, à propos de la taxe hongroise sur la publicité, que la déductibilité de 50 % des pertes reportées accordait un avantage sélectif constitutif d’une aide d’État.

La Pologne et la Hongrie ont alors introduit devant le Tribunal de l’Union chacune de leur côté des recours contre ces décisions de la Commission.
 
Par deux arrêts rendus le 16 mai 2019 dans les affaires jointes T-836/16 et T-624/17 (Pologne/Commission) et le 27 juin 2019 dans l’affaire T-20/17 (Hongrie contre Commission européenne), le Tribunal a accueilli les deux recours et annulé les décisions de la Commission. Il a estimé que l’instauration d’un barème progressif applicable, non pas à un impôt sur le revenu ou sur les bénéfices, mais à une taxe assise sur le chiffre d’affaires réalisé par les assujetties n’impliquait pas en soi l’existence d’un avantage sélectif et donc ne constituait donc pas une aide d’État en faveur d’entreprises ayant un chiffre d’affaires plus modeste.

La Commission a introduit devant la Cour deux pourvois contre les deux arrêts du Tribunal.

Au terme des présentes conclusions, l’avocate générale Kokott invite la Cour à rejeter les pourvois de la Commission et, ce faisant, à confirmer les arrêts du Tribunal.

À l’appui de ses pourvois, la Commission invoque deux moyens. Par le premier, elle fait valoir qu’en écartant un avantage sélectif accordé par les taxes aux entreprises dont le chiffre d’affaires est moins élevé, le Tribunal a fait une application incorrecte de l’article 107, § 1, TFUE. Selon elle, le Tribunal n’a pas choisi le système de référence approprié, il a examiné la comparabilité des entreprises au regard d’un objectif non fiscal et, en appréciant la sélectivité, il a pris en considération un objectif qui n’est pas nécessairement lié aux taxes litigieuses.

En substance, estime l’avocate générale Kokott, le premier moyen de la Commission soulève la question, relative aux compétences, de savoir qui détermine la charge fiscale qui grève normalement le budget d’une entreprise, de sorte que la non‑imposition des autres constituerait leur avantage. Du point de vue de la Commission, l’imposition « normale » consisterait en un impôt fondé sur le chiffre d’affaires selon un taux proportionnel (Aff. C-596/19, pt. 41). Ce serait là pour la Commission l’imposition normale générale, autrement dit le système de référence à partir duquel il conviendrait d’examiner si l’avantage accordé par la mesure fiscale en cause constitue une exception injustifiée et est donc sélectif.

À cet égard, l’avocate générale Kokott invoque l’autonomie fiscale des États membres, d’où il résulte, selon la jurisprudence récente de la Cour, développée dans le cadre des libertés fondamentales, que, non seulement, l’application d’une taxation progressive relève du pouvoir d’appréciation de chaque État membre, mais en outre qu’une imposition progressive peut être assise sur le chiffre d’affaires, dès lors que, d’une part, le montant du chiffre d’affaires constitue un critère de distinction neutre et que, d’autre part, il constitue un indicateur pertinent de la capacité contributive des assujettis (Aff. C-596/19, pt. 42).

Pour elle, cette jurisprudence née dans le cadre des libertés fondamentales est également applicable dans le domaine du droit des aides d’État : en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, relève de la compétence fiscale des États membres la détermination des bases d’imposition et la répartition de la charge fiscale sur les différents facteurs de production et les différents secteurs économiques. Par conséquent, seule une exception à ce système fiscal conçu de manière autonome peut donc en principe faire l’objet d’un contrôle en matière d’aides d’État, et non la création même du système fiscal (Aff. C-596/19, pt. 43). Puisqu’il n’existe aucune disposition du droit de l’Union qui, au-delà des taxes harmonisées, imposerait aux États membres une structure spécifique pour leurs impôts nationaux, aucune imposition « normale » ne saurait découler du droit de l’Union. Seul ce que le législateur national respectif décide de considérer comme une imposition normale peut constituer le point de départ. Aux cas d’espèce, l’imposition consiste en un impôt sur le revenu à structure progressive, basé sur le chiffre d’affaires, qui pèse respectivement sur les entreprises de vente au détail et sur les entreprises de publicité (Aff. C-562/19, pt. 38 ; Aff. C-596/19, pt. 45).

Il n’en irait autrement que si la conception du système de référence ainsi créé était manifestement incohérente (Aff. C-596/19, pt. 53). Or, aux cas d’espèce, le Tribunal a estimé à juste titre que l’impôt polonais dans le secteur de la vente au détail et la taxe hongroise sur la publicité ne présentaient pas une telle incohérence (Aff. C-562/19, pt. 48 ; Aff. C-596/19, pt. 55).

S’agissant du fait que l’impôt en question est assis sur le chiffre d’affaires plutôt que sur les bénéfices, l’avocate générale Kokott estime que l’impôt assis  sur le bénéfice n’est pas seul de nature à permettre d’appréhender la capacité contributive des assujettis (Aff. C-596/19, pts. 57-58). Tout comme un impôt sur le revenu basé sur le chiffre d’affaires, un impôt sur le revenu basé sur les bénéfices présente des avantages et des inconvénients, de sorte qu’il n’appartient pas à une administration ou à une juridiction, mais au législateur disposant de la légitimité démocratique, de les mettre en balance et d’en assumer la responsabilité. Partant, le législateur fiscal (en l’occurrence, le législateur polonais et le législateur hongrois) peut décider quelle imposition est, à son avis, l’imposition appropriée. Le droit en matière d’aides d’État n’exige pas, en tout cas, l’introduction de l’impôt qui serait le plus approprié aux yeux de la Commission (Aff. C-562/19, pt. 52 ; Aff. C-596/19, pt. 59).

Afin de donner un peu plus de crédit à la thèse selon laquelle l’impôt assis sur les bénéfices ne serait pas par nature préférable à celui assis sur le chiffre d’affaires, l’avocate générale Kokott rappelle avec une certaine perfidie que la taxe numérique défendue par la Commission est elle-même assise sur le chiffre d’affaires réalisé par les entreprises du numérique (Aff. C-596/19, pt. 60)… Pourquoi, la Pologne et la Hongrie ne pourraient-ils pas mettre en oeuvre ce que prône elle-même la Commission ?

Quant au caractère progressif des impôts litigieux, il ne présente pas non plus d’incohérence. Que l’imposition soit assise sur sur les bénéfices ou sur le chiffre d’affaires, son caractère progressif permet de soumettre à l’impôt les entreprises dont la capacité contributive est particulièrement élevée (Aff. C-596/19, pt. 61). Du reste, insiste l’avocate générale Kokott, la taxe numérique prônée par l’Union conduit à des taux moyens d’imposition différents et, par conséquent, à une courbe des taux progressive (Aff. C-596/19, pt. 61). Tant et si bien que l’impôt polonais dans le secteur de la vente au détail comme la taxe hongroise sur la publicité appliquent la structure progressive de l’imposition de manière cohérente (Aff. C-562/19, pt. 61 ; Aff. C-596/19, pt. 67). Estimant qu’il n’est pas possible de réaliser des bénéfices élevés sans un chiffre d’affaires élevé et, d’autre part, que le rendement d’un surcroît de chiffre d’affaires (rendement marginal) augmente du fait de coûts unitaires fixes diminués, l’avocate générale Kokott conclut qu’il n’est aucunement excessif d’analyser le chiffre d’affaires comme l’expression de l’envergure ou de la position sur le marché et des bénéfices potentiels d’une entreprise, ainsi que comme l’expression de sa capacité financière, et d’appliquer l’impôt sur la base de ce critère (Aff. C-596/19, pt. 83). Il n’y a là nulle différence de traitement.

Par son deuxième moyen, la Commission reproche au Tribunal d’avoir mal appliqué l’article 107, § 1, TFUE, car, contrairement à ce qu’a retenu le Tribunal, la possibilité de prendre en considération les pertes constitue un avantage sélectif.

Sur ce point, l’avocate générale Kokott estime que la prise en considération des pertes de revenus prévue en Hongrie sur le plan fiscal durant la première année de la taxe sur la publicité ne constitue pas non plus une aide d’État, dès lors que l’existence de ces pertes est un critère objectif et que les entreprises ayant enregistré des pertes et des bénéfices l’année précédente se distinguent par leur capacité à supporter un impôt supplémentaire indépendant des bénéfices, la mise en oeuvre de cette disposition transitoire n’est, en effet, pas non plus incohérente.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Cour.

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Rappelant les règles de preuve auxquelles est assujettie la Commission lorsqu’elle examine un régime d’aides, l’avocat général Pitruzzella invite la Cour de justice a censuré l’arrêt du Tribunal qui a annulé la décision de la Commission qualifiant d’aide d’État le régime fiscal dérogatoire de quatre clubs de football professionnel espagnols

 

Le 15 octobre 2020, l’avocat général Giovanni Pitruzzella a présenté ses conclusions dans l’affaire C-362/19 (Fútbol Club Barcelona/Commission) concernant les quelques clubs de football professionnel espagnols dispensés de se transformer en sociétés anonymes sportives.

L'article 19, § 1, de la loi 10/1990 sur le sport a obligé tous les clubs sportifs professionnels espagnols à se transformer en sociétés anonymes sportives (SAS). La mise en place de la mesure se justifiait par le fait que de nombreux clubs avaient été mal gérés parce que ni les membres ni les administrateurs n'assumaient aucune responsabilité financière pour les pertes économiques qui pouvaient être générées. L'objectif était d’établir un modèle de responsabilité économique et juridique pour les clubs qui exercent une activité professionnelle afin de favoriser leur bonne gestion. Toutefois, le même loi exemptait de l'obligation de conversion les clubs de football ayant « fait preuve de bonne gestion sous le régime associatif » lesquels pouvaient garder leur structure juridique de clubs sportifs, organismes sans but lucratif bénéficiant en tant que tels d'une exonération partielle de l'impôt sur les sociétés. Les seuls clubs répondant à cette condition étaient l'Athletic Club Bilbao, le Club Atlético Osasuna (Navarre), le FC Barcelona et le Real Madrid CF. En dépit du fait que ces quatre clubs ont des activités professionnelles à but lucratif, ils acquittaient ainsi l'impôt pour leurs recettes commerciales au taux réduit de 25 % au lieu du taux général actuel de 30 %.

Par sa décision de 2016, la Commission a déclaré que l’Espagne avait introduit illégalement une aide incompatible sous la forme d’un privilège fiscal en matière d’impôt sur les sociétés au profit de ces quatre clubs de football professionnel. Elle a en conséquence enjoint l’Espagne d’y mettre fin et de récupérer, auprès des bénéficiaires, le montant de l’aide accordée.

Le Fútbol Club Barcelona et l’Athletic Club ont alors introduit un recours contre la décision de la Commission. Dans l’affaire T-865/16 (Fútbol Club Barcelona contre Commission), qui nous intéresse aujourd’hui, le Tribunal a annulé la décision de la Commission par arrêt du 26 février 2019, estimant qu’à la suite d’une erreur dans l’appréciation des faits, la Commission n’a pas démontré, à suffisance de droit,  l’existence d’un avantage. En substance, le Tribunal, rappelant que les différentes composantes du régime fiscal des entités à but non lucratif devaient être appréciées ensemble, a estimé que la Commission n’avait pas établi, à suffisance de droit que le régime fiscal des entités à but non lucratif, pris dans son ensemble, était de nature à placer ses bénéficiaires dans une situation plus avantageuse que s’ils avaient dû opérer sous la forme de SAS. Plus précisément, il a reproché à la Commission de ne pas avoir suffisamment examiné, dans le cadre de l'analyse du régime fiscal applicable aux clubs de football qu'elle considérait comme bénéficiaires d'aides d'État, l'importance de la déduction pour le réinvestissement des bénéfices exceptionnels prévu par le régime des SAS, aux fins de la détermination de l'existence d'un avantage au sens de l'article 107, paragraphe 1, TFUE et surtout de ne pas avoir établi que la limitation des déductions fiscales à un niveau moins favorable pour les entités à but non lucratif que pour les SAS ne venait pas compenser l’avantage découlant du taux d'imposition nominal inférieur à celui appliqué auxdites SAS.

La Commission a alors introduit devant la Cour un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal.

Selon l’avocat général Pitruzzella, la présente affaire devrait permettre à la Cour de clarifier le type d'analyse que la Commission doit effectuer et les facteurs qu'elle doit prendre en considération pour déterminer l'existence d'un avantage au titre de l'article 107, § 1, TFUE, en particulier dans le cas de régimes fiscaux dérogatoires prévoyant un taux d'imposition préférentiel pour les personnes soumises à ce régime.

À l’appui de son pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant qu’elle était tenue, pour déterminer l’existence d’un avantage découlant d’un régime fiscal dérogatoire, de prendre en considération, en raison de son caractère indissociable des autres éléments dudit régime, un élément défavorable (en l’espèce, la déduction en question), lequel se matérialiserait seulement en fonction de circonstances extérieures au régime et variables (en l’espèce, les choix de politique d’investissement des clubs) et qui ne sont pas propres à garantir la neutralisation de l’avantage au cours de chaque exercice d’imposition. C’est en ce sens, c’est‑à‑dire dans le sens d’un élément du régime fiscal dépendant de circonstances extérieures à ce dernier et variables d’un exercice à l’autre, que la Commission qualifie la déduction en cause comme un facteur aléatoire et indépendant du taux d’imposition sur la société.

S’agissant des principes en matière de preuve et d’obligations de diligence et d’impartialité de la Commission, l’avocat général Pitruzzella commence par rappeler, que, dans le cas spécifique d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques du régime en cause pour apprécier, dans les motifs de la décision, si, en raison des modalités que ce régime prévoit, celui‑ci assure un avantage sensible aux bénéficiaires. Ainsi, la Commission, dans une décision qui porte sur un régime d’aides, n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime. Ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (pt. 73). En pareil cas, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques générales du régime en cause, et n’est pas tenue d’examiner chaque cas individuel d’application afin de vérifier si ce régime comporte des éléments d’aide (pt. 74). En outre, l’analyse qui doit être effectuée pour vérifier si l’on est en présence des conditions constitutives de la notion d’aide d’État, et notamment celle de l’octroi d’un avantage, doit être effectuée en se plaçant au moment de l’adoption du régime fiscal en question, au terme d’une analyse ex ante (pt. 76). Ainsi, en application de la jurisprudence de la Cour, dans le cas de régimes fiscaux dérogatoires qui s’appliquent sur base annuelle ou périodique, il y a lieu de considérer comme étant démontrée l’existence de l’avantage dès lors que, par rapport au régime général applicable dans le domaine de référence objet de l’examen, la Commission démontre, sur la base d’une analyse conforme aux principes énoncés dans la section précédente, que la mesure en question est susceptible de placer ses bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que celle des autres contribuables pertinents. La quantification exacte de l’avantage et, partant, son éventuelle matérialisation concrète au cours de tous les exercices fiscaux en cause sera déterminée au moment de sa récupération sur la base de tous les éléments pertinents (pt. 84).

Restait la question de savoir si la décision litigieuse a examiné seulement un régime d’aides ou bien également des aides individuelles. À cet égard, constatant que la Commission a, dans la décision litigieuse, qualifié d’aides individuelles les mesures d’exécution du régime en cause, et que, par conséquent, le Tribunal a considéré que cette décision concernait en même temps un régime d’aides et des aides individuelles, l’avocat général Pitruzzella observe que les mesures d’aides individuelles accordées aux quatre clubs en question l’ont été dans le cadre d’un régime d’aides et que des mesures individuelles mettant en œuvre un régime d’aides qui, en tant que tel, aurait dû être notifié par l’État membre, ne sont que de simples mesures d’exécution du régime général, lesquelles, en principe, ne doivent pas être notifiées à la Commission. Il découle de cela que les mesures d’aide accordées individuellement aux clubs en cause, en ce qu’elles sont la conséquence de l’application automatique du régime fiscal en question, qualifiable de régime d’aides, n’auraient pas dû être notifiées à la Commission et ne peuvent donc être qualifiées d’« aides individuelles » au sens de l’article 1, sous e), du règlement n° 2015/1589 (pts. 91-92). Par suite, dans la décision litigieuse, la Commission n’a analysé qu’un régime d’aides, ainsi que des mesures individuelles d’exécution dudit régime d’aides (pt. 94).

Dès lors, en se plaçant au moment de l’adoption du régime fiscal en question (pt. 99), la Commission devait prendre en considération tous les éléments dudit régime fiscal lui permettant, sur la base d’une analyse ex ante, de déterminer l’existence d’un avantage, et donc tant les facteurs favorables que ceux défavorables (pt. 101). Toutefois, d’une part, la preuve, sur la base d’une analyse ex ante, du fait que le régime fiscal dérogatoire est susceptible de conférer un avantage ne dépend pas de la preuve de la matérialisation effective de l’avantage dans chaque cas particulier d’application dudit régime, et, d’autre part, l’impossibilité de déterminer, à la date d’instauration du régime dérogatoire, si l’avantage découlant de son application se matérialisera ou non effectivement au cours de chaque exercice fiscal ne saurait exonérer la Commission de son devoir d’analyser si le régime en cause est susceptible de constituer une aide d’État au sens de l’article 107, § 1, TFUE (pt. 102). Dans un cas, comme celui de la présente espèce, où un régime fiscal dérogatoire prévoit l’application d’un taux d’imposition préférentiel et, en même temps, comprend des composantes, telles que des déductions fiscales, qui sont potentiellement de nature à contrebalancer l’avantage découlant de l’application dudit taux préférentiel, s’il n’est pas possible de déterminer ex ante la portée des déductions, il ne sera pas possible de savoir, ex ante, si celles‑ci réussiront à compenser, au cours de chaque exercice fiscal, l’avantage découlant de l’application du taux préférentiel d’imposition (pt. 104). Partant, si des facteurs de ce type, en tant qu’éléments du régime fiscal, ne pourront certainement pas être ignorés dans l’analyse du régime fiscal en question, ils ne pourront être pris en considération que pour déterminer la quantification de l’aide et, donc, son éventuelle matérialisation concrète, laquelle se distingue de l’analyse ex ante concernant la constatation de l’existence de l’avantage (pt. 107). En somme, la Commission ne pouvait pas tenir compte — et ne pouvait donc pas être tenue de le faire — de ces déductions au moment de la constatation de l’existence de l’avantage, mais celles‑ci devaient plutôt être prises en considération au moment de la quantification de l’aide pour vérifier leur matérialisation effective durant les différents exercices fiscaux pertinents (pt. 110).

En fin de compte, l’avocat général Pitruzzella estime que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la Commission ne pouvait pas conclure dans le sens de l’existence d’un avantage découlant de l’application d’un taux préférentiel d’imposition aux clubs bénéficiaires du régime fiscal pour les entités sans but lucratif sans démontrer que la limitation des déductions fiscales à un niveau moins favorable par rapport aux SAS, prévue par ce régime, ne compensait pas l’avantage tiré de l’application dudit taux. Il s’ensuit que, du moment que la Commission n’était pas tenue de prendre en considération les déductions en cause au moment de la constatation de l’existence d’un avantage, il ne saurait lui être reproché, d’une part, de ne pas avoir demandé d’éléments supplémentaires en violation de son obligation de diligence, et, d’autre part, de ne pas avoir prouvé à suffisance de droit l’existence d’un avantage faute d’avoir pris en considération lesdites déductions (pts. 114-115). Ce faisant, l’avocat général invite la Cour à faire droit au pourvoi de la Commission et, partant, d’annuler l’arrêt attaqué (pt. 120).

Quant au recours devant le Tribunal, l’avocat général Pitruzzella considère que si les griefs soulevés en première instance par le FC Barcelona dans le cadre du deuxième moyen du recours, et accueillis par le Tribunal dans l’arrêt attaqué doivent être définitivement rejetés, en revanche, l’état du litige ne semble pas permettre à la Cour de statuer définitivement sur les autres arguments soulevés dans le cadre du deuxième moyen du recours ni sur le troisième, quatrième et cinquième moyens de recours soulevés en première instance par le FC Barcelona, de sorte qu’il suggère à la Cour de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin que ce dernier puisse examiner ces arguments et moyens du recours (pts. 123-125).

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Pour le Tribunal, les compensations accordées par la République tchèque à l’opérateur historique pour l’accomplissement de ses activités de poste dans le cadre d’une obligation de service universel constituaient bien une aide d’État compatible avec le marché intérieur

 

Le 15 octobre 2020, le Tribunal de l’Union a rendu un arrêt dans l’affaire T-316/18 (První novinová společnost a.s. contre Commission européenne).

Il rejette le recours introduit par un opérateur postal concurrent de l’opérateur historique tchèque Česká pošta contre la décision de la Commission du 19 février 2018 déclarant que les compensations accordées par la République tchèque à Česká pošta pour l’accomplissement de ses activités de poste dans le cadre d’une obligation de service universel pour la période 2013 à 2017 constituaient une aide d’État compatible avec le marché intérieur, conformément à l’article 106, § 2, TFUE.

Le 22 février 2013, l’Autorité tchèque de régulation des télécommunications a désigné Česká pošta, dont le capital est détenu en totalité par la République tchèque, en tant que prestataire du service postal au titre de l’obligation de service universel (OSU), et ce jusqu’au 31 décembre 2017. La République tchèque était tenue, jusqu’à cette date, de garantir en permanence l’accessibilité universelle à tous les services postaux de base. Pour compenser les coûts générés par l’exécution de l’OSU, le Gouvernement tchèque a initialement envisagé d’accorder à Česká pošta une compensation sous la forme d’un fonds de compensation pour les années 2013 et 2014 et d’une subvention directe pour les années 2015 à 2017. Il a finalement renoncé à instaurer un fonds de compensation au titre de l’exécution de l’OSU pour les années 2013 et 2014.

Par la décision attaquée, la Commission a considéré que, si la mesure en cause constituait une aide d’État, au sens de l’article 107 TFUE, cette dernière, en ce que Česká pošta était chargée d’un SIEG, était toutefois compatible, au sens de l’article 106, § 2, TFUE. En substance, la Commission a retenu que l’aide notifiée permettait à Česká pošta d’assurer l’exécution de l’OSU. Elle a également considéré qu’étaient réunies les conditions pour déclarer compatible une aide, au sens de l’article 106, § 2, TFUE, posées dans l’encadrement SIEG de 2012.

Au soutien du recours, la requérante invoque cinq moyens.

Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 108, §§ 2 et 3, TFUE, en ce que la Commission a décidé de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen nonobstant l’existence de difficultés sérieuses ressortant de la durée de la procédure (première branche) et du caractère insuffisant ou incomplet de son examen de l’affaire (seconde branche). Le Tribunal a décidé d’examiner ensemble le premier moyen et la première branche du deuxième moyen tiré d’un examen incomplet et insuffisant de l’affaire par la Commission.

À cet égard, le Tribunal écarte l’argumentation de la requérante cherchant à établir l’existence de difficultés sérieuses dans le cadre de l’examen de la mesure en cause justifiant l’ouverture de la procédure formelle, d’une part en se référant à l’adoption tardive de la décision attaquée au regard de l’article 4, § 5, du règlement 2015/1589 (pt. 115), et d’autre part, en faisant valoir la durée excessivement longue de la procédure pour l’examen préliminaire. Ainsi, le fait que la Commission a estimé, au cours de l’examen préliminaire, que la mesure en cause soulevait des difficultés et requérait des modifications n’était nullement de nature à obliger celle-ci à ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, § 2, TFUE, les difficultés rencontrées pouvant encore être surmontées au cours d’un dialogue avec les autorités tchèques et notamment, comme en l’espèce, au moyen d’un réaménagement des modalités de la compensation indiquée par lesdites autorités (pt. 129). Si les difficultés rencontrées ont été surmontées, elles se sont révélées ne pas ou pour le moins ne plus être sérieuses et en tout état de cause non dirimantes, ce qui a pu, à bon droit, conduire la Commission à lever d’éventuels doutes, l’amenant ainsi à ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen (pt. 130). En fin de compte, le déroulement de la procédure d’examen préliminaire n’est pas en lui-même révélateur de difficultés sérieuses qui obligeaient la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (pt. 145).

Quant au caractère insuffisant ou incomplet de l’examen de l’affaire par la Commission, la requérante faisait valoir que la Commission n’avait pas traité toutes les informations communiquées. Pour le Tribunal, les cinq griefs soulevés à cet égard par la requérante ne sont pas de nature à établir l’existence de difficultés sérieuses révélant un examen insuffisant ou incomplet de l’affaire par la Commission (pt. 212).

S’agissant à présent de la seconde branche du deuxième moyen tirée d’un vice de motivation, la requérante reprochait à la Commission de ne pas avoir pris position sur les éléments de fait et de droit qu’elle lui avait communiqués et qui révélaient selon elle l’existence de difficultés sérieuses justifiant l’ouverture de la procédure formelle d’examen. Sur quoi le Tribunal estime, pour ce qui est des hypothèses, thèses et éléments ponctuels dont Mediaservis aurait fait part à la Commission et sur lesquels cette dernière ne se serait pas prononcée, qu’il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir systématiquement pris position à cet égard, dès lors qu’elle a exposé les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision attaquée (pt. 219).

Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, au titre de l’application de l’encadrement SIEG de 2012, concernant le calcul des coûts nets évités par une inexécution de l’OSU pour l’accomplissement des activités de poste dans le cadre de l’OSU. À cet égard, le paragraphe 21 de l’encadrement SIEG de 2012 prévoit que le montant de la compensation accordée à une entreprise chargée d’un SIEG ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir le coût net de l’exécution des obligations de service public, compte tenu d’un bénéfice raisonnable. Comme cela ressort de ce même paragraphe, le coût net s’entend comme le coût net évité ou comme le total des coûts supportés, déduction faite des recettes perçues, lorsque la méthode du coût net évité ne peut être appliquée (pt. 236).

Tout d’abord, s’agissant de l’argument tiré de l’existence d’un système comptable non fiable au regard du paragraphe 31 de l’encadrement SIEG de 2012, le Tribunal retient que la Commission a conduit une analyse approfondie du système comptable, en particulier de sa fiabilité. Il ne saurait lui être reproché d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en en tenant compte aux fins de la détermination des coûts nets résultant de l’exécution de l’OSU (pt. 254).

Ensuite, sur la non-prise en compte de l’orientation de la politique tarifaire vers les coûts en violation du paragraphe 25 de l’encadrement SIEG de 2012, le Tribunal observe que l’application de la méthode de calcul des coûts nets évités par une inexécution de l’OSU peut conduire, à la suite de l’appréciation du scénario contrefactuel, à identifier un coût net pouvant faire l’objet d’une compensation malgré le fait que, dans le scénario factuel, le prix pratiqué pour l’exécution de l’OSU prévoit d’ores et déjà la couverture des coûts et un niveau approprié de bénéfices. C’est pourquoi il est concevable qu’un opérateur rentable ait droit à une compensation pour l’OSU en application de ladite méthode (pt. 278). Ainsi, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation, sur le seul constat que la loi postale tchèque obligerait à exécuter l’OSU à un prix prévoyant un niveau approprié de bénéfice (pt. 279).

Quant à l’argument tirée d’un scénario contrefactuel erroné, par lequel la requérante soutenait que la Commission avait erronément considéré que la seconde intervenante réduirait, en l’absence de la mesure en cause, tant la taille de son réseau que la fréquence de ses livraisons, dès lors qu’un tel scénario ne saurait s’expliquer par les choix stratégiques de la seconde intervenante, sauf à violer le test de l’OEM, le Tribunal l’écarte également : la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a considéré que le scénario contrefactuel élaboré par les autorités tchèques était crédible au motif qu’il reposait sur des hypothèses rationnelles qui reflétaient les efforts de l’opérateur historique pour optimiser ces décisions commerciales aux moyens d’une réduction de ses coûts et d’une augmentation de ses recettes (pt. 300).

Le quatrième moyen est tiré d’une erreur de droit concernant, au titre du calcul desdits coûts nets, la non-prise en compte de certains bénéfices. La requérante reproche ainsi à la Commission d’avoir uniquement pris en compte, aux fins du calcul des coûts nets, les bénéfices immatériels que générerait l’exécution de l’OSU, sans rechercher si d’autres avantages commerciaux pouvaient être pertinents à cette fin, et notamment l’existence d’un réseau dense et l’omniprésence de l’opérateur historique. Sur ce point, le Tribunal estime que la Commission ne saurait avoir violé le paragraphe 25 de l’encadrement SIEG de 2012, lu en combinaison avec l’annexe I, partie B, de la directive postale, en ne tenant pas compte de cet aspect, dès lors que les concurrents de Česká pošta sont également actifs sur l’ensemble du territoire sans pour autant être tenus d’entretenir un réseau étendu (pt. 312). Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, l’omniprésence de Česká pošta sur le marché ne saurait être considérée comme un bénéfice immatériel résultant de l’obligation, au titre de l’exécution de l’OSU, de maintenir un réseau étendu (pt. 313).

La requérante reprochait encore à la Commission de n’avoir pas considéré, comme relevant de la catégorie des bénéfices immatériels et avantages commerciaux, le fait pour Česká pošta de profiter de son réseau étendu pour développer ses activités concurrentielles. Or, estime le Tribunal, un tel avantage ne saurait être considéré comme un bénéfice immatériel ou un avantage commercial, au sens de l’annexe I, partie B, de la directive postale, dont a bénéficié la seconde intervenante dans l’exécution de l’OSU, puisque le fait de fournir des services non postaux par le biais du réseau postal ne se rapporte pas directement à l’exécution de l’OSU (pts. 315-316).

INFOS AIDES D’ÉTAT : La Commission prolonge et étend l'Encadrement temporaire pour soutenir l'économie dans le contexte de l'épidémie de coronavirus

 

Le 13 octobre 2020 la Commission européenne a adopté, après consultation des États membres un 4ème amendement à l'encadrement temporaire des aides d’État du 19 mars 2020, lequel avait déjà été modifié à trois reprises, les 3 avril, 8 mai et 29 juin 2020.

Le présent amendement entraîne :

— La prolongation de l'encadrement temporaire dans les limites actuelles les dispositions en vigueur de l'encadrement temporaire pour six mois supplémentaires, jusqu'au 30 juin 2021. Par ailleurs, la section destinée à permettre un soutien à la recapitalisation est prolongée de trois mois supplémentaires jusqu'au 30 septembre 2021.L'objectif est de permettre aux États membres de venir en aide aux entreprises dans le contexte de la crise du coronavirus, en particulier lorsque la nécessité ou la capacité de recourir à l'encadrement temporaire ne s'est pas pleinement concrétisée jusqu'ici, tout en garantissant des conditions de concurrence équitables.

L’extension du cadre temporaire au soutien aux coûts fixes non couverts des entreprises, en permettant aux États membres de contribuer aux coûts fixes des entreprises confrontées à une baisse de leur chiffre d'affaires d'au moins 30 % par rapport à la même période de 2019 en raison de la pandémie de coronavirus, lorsque ces coûts ne sont pas couverts par leurs recettes, et ce, dans la limite de 3 millions d’euros par entreprise. Soutenir ces entreprises en contribuant à une partie de leurs coûts à titre temporaire vise à prévenir la détérioration de leurs fonds propres, à maintenir leur activité commerciale et à leur offrir un tremplin solide pour se relancer.

L’adaptation des conditions applicables aux mesures de recapitalisation en cas de sortie de l'État des entreprises dont il était actionnaire avant la recapitalisation, en permettant à l'État de sortir du capital de ces entreprises au moyen d'une évaluation indépendante, tout en maintenant les garanties nécessaires pour préserver l'exercice d'une concurrence effective au sein du marché unique.

La prolongation du retrait temporaire de tous les pays de la liste des pays « à risques cessibles » figurant dans la communication sur l'assurance-crédit à l'exportation à court terme, afin de tenir compte de la persistance du déficit global de capacités privées pour couvrir tous les risques économiquement justifiables pour les exportations vers les pays de la liste des pays à risques cessibles.

Avant le 30 juin 2021, la Commission réexaminera l'encadrement temporaire et évaluera la nécessité de le prolonger ou de l'adapter à nouveau.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

INFOS UE : La Commission lance un appel à contributions sur la façon dont la politique de concurrence pourrait soutenir le Green Deal

 

La vice-présidente exécutive Margrethe Vestager l’avait annoncé le 22 septembre 2020, lors d'un webinaire organisé par la députée européenne Stephanie Yon-Courtin, c’est à présent chose faite !

Le 13 octobre 2020, la Commission a lancé un appel à contributions sur la façon dont la politique de concurrence pourrait contribuer à la réalisation des objectifs du Green Deal. Les contributions peuvent être adressées à la Commission jusqu’au 20 novembre 2020. L’appel à contribution sera suivi d'une conférence début 2021.

Insistant dès l’abord sur le fait que la politique de la concurrence n'est le principal outil pour lutter contre le changement climatique et protéger l’environnement, le document de la Commission pressent qu’elle peut néanmoins venir au soutien de la réglementation et pose la question de savoir comment elle pourrait le faire le plus efficacement possible.

À cet égard, les trois volets de la politique de concurrence — contrôle des aides d’État, droit des pratiques anticoncurrentielles et contrôle des concentrations  — sont envisagés pour être mis à contribution.

S’agissant d’abord du contrôle des aides d’État, l’appel à contributions invite les personnes intéressées à indiquer quels sont les principaux changements à engager pour que le contrôle des aides d'État soutienne pleinement le Green Deal et à identifier les règles en vigueur qui vont à l'encontre des objectifs environnementaux.

Il invite également les parties prenantes à réfléchir à la manière de limiter les aides d'État accordées pour des activités ayant un impact environnemental négatif. Par exemple, si un investissement sur le haut débit ou dans le domaine du ferroviaire a un impact sur le maintien de la biodiversité, comment s'assurer que la biodiversité sera préservée ?

À l’inverse, comment autoriser davantage d’aides (ou les autoriser plus facilement) lorsque les mesures en cause soutiennent des objectifs environnementaux ? Cela devrait-il prendre la forme d’un bonus vert ? Si oui, selon quels critères d’évaluation ?

Enfin, la Commission souhaite recueillir le sentiment des intéressés sur la façon de définir les avantages environnementaux positifs ?

S’agissant ensuite de la contribution de l’Antitrust à la cause environnementale, l’appel à contributions invite les personnes intéressées à fournir des exemples de coopération entre entreprises souhaitable pour soutenir les objectifs du Green Deal mais qui n'auraient pas pu être mis en œuvre en raison des risques antitrust. En quoi la coopération entre les entreprises serait préférable à la concurrence sur le plan environnemental ?

Faut-il apporter davantage de clarifications et de sécurité à propos des caractéristiques des accords qui servent les objectifs du Green Deal sans restreindre la concurrence ? Sous quelle forme ?

Y a-t-il des circonstances dans lesquelles la poursuite des objectifs du Green Deal justifierait des accords restrictifs allant au-delà de la pratique décisionnelle en vigueur ? En pratique, comment dès lors adapter la pratique décisionnelle ?

Quant au contrôle des concentrations, l’appel à contributions invite les personnes intéressées à identifier des situations dans lesquelles un rapprochement entre entreprises pourrait nuire aux consommateurs en réduisant leur choix de produits et / ou de technologies respectueux de l’environnement.

À partir de là, en quoi et comment les règles de contrôle des concentrations pourrait mieux contribuer à la protection de l'environnement du Green Deal ?

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

JURISPRUDENCE : Estimant que le PMU ne pouvait tirer de l'évolution des propositions de remède de l'Autorité une imprévisibilité de la loi, en présence d'une jurisprudence sévère pour les monopoles publics intervenant sur des marchés nouvellement ouverts à la concurrence, la Cour de cassation confirme l’existence d’une faute civile consistant pour l’opérateur dominant à n’avoir pas procéder à la séparation de ses masses d'enjeux en dur et en ligne

 

À la faveur d'un arrêt rendu le 14 octobre 2020, la Chambre commerciale de la Cour de cassation vient, en rejetant le pourvoi formé par le GIE PMU contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2018 par la Cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Betclic, confirmer l’existence d’une faute civile consistant pour l’opérateur dominant à n’avoir pas procéder à la séparation de ses masses d'enjeux en dur et en ligne.

On se souvient qu’à la suite de la décision n° 14-D-04 du 25 février 2014 par laquelle l’Autorité de la concurrence avait accepté et rendu obligatoire l’engagement, pris par l’opérateur historique de paris hippiques, de séparer sa masse unique d’enjeux entre ses activités en dur et en ligne, la société Betclic avait saisi le Tribunal de grande instance de Paris d’une action en réparation du préjudice qu’elle estimait avoir subi du fait de l’abus de position dominante dont s’était rendu coupable le PMU. Aux termes d’un jugement rendu le 22 février 2018, la 5e Chambre du TGI de Paris avait conclu que la mutualisation dans une masse unique des mises enregistrées sur le site en ligne avec celles enregistrées dans son réseau de points de ventes physiques constituait un abus de position dominante et, partant, une faute civile au regard de l’article 1240 du code civil.

Sur recours du GIE Pari mutuel urbain, la Cour d’appel avait confirmé le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, concluant à son tour qu’en maintenant sa pratique de mutualisation des masses d'enjeux dans les points de vente physiques et en ligne après l'entrée en vigueur de la loi de 2010, le GIE PMU avait abusé de sa position de monopole sur les jeux dans les points de vente pour fausser la concurrence sur le marché connexe des jeux en ligne, nouvellement ouvert à la concurrence, pratique contraire aux articles 102 du TFUE et L. 420-2 du code de commerce et que cette faute anticoncurrentielle constituait également une faute civile ouvrant droit à réparation, dont l’évaluation avait été renvoyée via l’adoption d’une mesure d’expertise.

À l’appui de son pourvoi, le GIE Pari mutuel urbain soulevait un moyen unique divisé en neuf branches.

La Chambre commerciale de la Cour de cassation examine en premier lieu le moyen pris en ses deux premières branches à la faveur desquelles le PMU reprochait en substance à la Cour d’appel d’avoir modifié l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile en estimant que le PMU aurait invoqué, sur le fondement des principes de sécurité juridique et de confiance, l'existence d'une « excuse légitime à sa pratique », c'est-à-dire d'une cause exonératoire de sa responsabilité et donc du constat préalable d’une faute, là où l’application de ces principes étaient invoquée au soutien de la démonstration de l'absence de faute du PMU.

Sur quoi, la Cour, relevant que l’arrêt attaqué a conclu que la responsabilité du PMU était susceptible d'être retenue, nonobstant les circonstances tirées des procédures législative et administrative invoquées par lui, en sorte qu'aucune confiance légitime ne pouvait résulter des déclarations prononcées à l'occasion des travaux parlementaires, lesquelles émanent d'autorités non spécialisées en matière de concurrence et ne comportent aucune assurance précise ou aucun acte positif d'autorisation, ni des avis et décision rendus par l'Autorité à l'issue de ses procédures administratives. Dès lors, contrairement à ce que soutient le moyen en ses deux premières branches, la Cour d'appel n'a pas examiné si les principes de sécurité juridique et de confiance légitime pouvaient constituer des causes d'exonération d'une faute établie mais recherché si l'application de ces principes ne conduisaient pas à retenir l'absence de faute du PMU.

En second lieu, la Chambre commerciale de la Cour de cassation examine le moyen unique pris en ses sept autres branches.

À cet égard, le GIE Pari mutuel urbain reprochait à la Cour d’avoir retenu un abus à son encontre, et ce, en l’absence d’un manquement à un devoir préexistant, puisqu’aussi bien le législateur, en adoptant la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, n’a pas jugé bon d’imposer une séparation des masses d’enjeux (3e branche), mais aussi de s'être abstenue de caractériser en quoi un tel maintien de la mutualisation des masses d'enjeux aurait procédé d'un comportement déloyal et donc abusif (4e branche). Il reprochait dès lors à la Cour d’appel d’avoir fait prévaloir la pratique décisionnelle des autorités de concurrence sur la loi (5e branche). Par les 6e et 7e branches du moyen unique, le GIE Pari mutuel urbain soutenait encore qu’aucune obligation de séparation ne pouvait être inférée de la pratique décisionnelle avant la décision du 25 février 2014 rendant obligatoire l’engagement, pris par l’opérateur historique de paris hippiques, de séparer sa masse unique d’enjeux entre ses activités en dur et en ligne, puisque dans son avis n° 11-A-02 du 20 janvier 2011, l’Autorité de la concurrence n’avait ni identifié un abus ni recommandé la séparation des masses d’enjeux. De sorte qu’il pouvait être reproché à la Cour d’appel de n’avoir pas tenu compte du contexte d'incertitude entourant la supposée pratique administrative et décisionnelle et la jurisprudence. Enfin, le GIE Pari mutuel urbain soutenait que  la constatation d'une faute du PMU, consistant à ne pas avoir spontanément séparé ses masses d'enjeux dès l'entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2010, portait à la liberté d'entreprise du PMU une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif d'élimination des pratiques anticoncurrentielles, privant la décision de la Cour d’appel de base légale au regard non seulement du droit européen (8e branche), mais également du droit français (9e branche).

Sur quoi, la Cour de cassation rappelle d’abord que la notion d'« exploitation abusive » est une notion objective et que les juridictions et l'Autorité ont, à plusieurs reprises, énoncé que dans le cadre de la diversification des activités des opérateurs historiques, titulaires ou anciens titulaires d'un monopole légal, il est licite, pour une entreprise qui dispose d'une position dominante sur un marché en vertu d'un monopole légal, d'entrer sur un ou des marchés relevant de secteurs concurrentiels, à condition qu'elle n'abuse pas de sa position dominante pour restreindre, ou tenter de restreindre, l'accès au marché de ses concurrents en recourant à des moyens autres que la concurrence par les mérites (pt. 8).

Elle relève ensuite que l’arrêt attaqué a retenu que, dans son avis n° 11-A-02 dont l’objet était de faciliter l'entrée des nouveaux opérateurs sur le marché des paris en ligne, récemment ouvert à la concurrence, et non de sanctionner des pratiques mises en œuvre par les opérateurs, l’Autorité de la concurrence a néanmoins identifié une préoccupation de concurrence liée à la mutualisation des masses d'enjeux, à laquelle elle a cherché une solution, et que la difficulté à trouver alors un remède adapté n'est pas de nature à exonérer le PMU de sa responsabilité, ni à ôter au comportement de celui-ci le caractère prévisible de son illicéité (pt. 10).

De même, l’arrêt entrepris constate, à la lumière de la décision d’engagements n° 14-D-04, qu'il est établi que la mutualisation des masses d'enjeux a constitué un avantage sur l'attractivité de l'offre du PMU, qui a encore accru la supériorité dont il disposait, hors pratique anticoncurrentielle, en tant qu'opérateur historique bénéficiant d'une forte notoriété, mais aussi du fait du maintien de sa position de monopole sur les paris dans le réseau physique et, encore, de la tendance des parieurs à regrouper leurs paris auprès d'un même opérateur.

Et la Chambre commerciale de la Cour de cassation de considérer que la Cour d’appel a pu déduire de ces constatations et appréciations que le PMU avait utilisé un avantage qui ne résultait pas de son efficacité passée mais de ses droits exclusifs lui permettant, sans que soit démontrée sa plus grande efficacité, de proposer les combinaisons de gains qui sont les plus valorisées par les parieurs, et qu’elle a pu justement estimer que le PMU ne pouvait tirer de l'évolution des propositions de remède de l'Autorité une imprévisibilité de la loi, en présence d'une jurisprudence sévère pour les monopoles publics intervenant sur des marchés nouvellement ouverts à la concurrence, tenus à une particulière vigilance quant à l'utilisation des ressources du monopole sur ces marchés. Par suite, la Cour d’appel de Paris, qui n'avait pas à effectuer les recherches concernant une prétendue atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre au regard tant du droit européen que du droit national, qui ne lui étaient pas demandées, a exactement caractérisé la faute, commise par le PMU, résultant du manquement à son devoir de ne pas mettre en œuvre un comportement autre que ceux autorisés dans un mécanisme de concurrence par les mérites ayant pour effet de faire obstacle à l'entrée et au développement de concurrents sur le marché, peu important à cet égard que la loi du 12 mai 2010 n’ait pas comporté d'interdiction expresse de mutualisation des masses d’enjeux et que l’obligation de séparation n’ait été expressément formulée que dans la décision du 25 février 2014 (pt. 12).

JURISPRUDENCE : Estimant que la proportionnalité de la sanction infligée à l’Ordre des architectes n’avait pas été motivée à suffisance au regard des capacités contributives de l’Ordre, la Cour d’appel de Paris annule la décision de l’Autorité sur ce point et, statuant à nouveau, lui inflige, après vérification de ses capacités contributives, une amende du même montant

 

Le 15 octobre 2020, la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris a rendu son arrêt dans l’affaire du barème de prix instauré par l’Ordre des architectes pour la construction d’ouvrages publics en France.

Elle y confirme pour l’essentiel la décision n° 19-D-19 du 30 septembre 2019, à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence, qui s’était saisie d’office au stade de la transmission de plusieurs rapports d’enquête réalisés par la DGCCRF, est venue sanctionner par une amende de 1,5 million d’euros l’Ordre des architectes — directement ou via quatre de ses conseils régionaux (CROA), ceux des Hauts-de-France, du Centre-Val de Loire, d’Occitanie et de Provence-Alpes-Côte d’Azur —, mais aussi l’association A&CP Nord Pas de Calais Architecture et Commande Publique, ainsi que plusieurs architectes et sociétés d’architecture pour avoir mis en œuvre des pratiques d’entente anticoncurrentielle sur les prix dans le secteur des marchés publics de la maîtrise d’œuvre pour la construction d’ouvrages publics en France, en violation des articles 101, § 1, TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

En pratique, différentes mesures de nature pré-disciplinaire et disciplinaire ont été diligentées au plan local à l’encontre de certains architectes pratiquant des honoraires jugés trop bas, lesquelles ont été formalisées au niveau national par l’adoption d’un modèle de saisine de la chambre de discipline. Par ailleurs, des actions ont été entreprises, également au plan local, à l’égard des maîtres d’ouvrage publics, visant à les alerter sur les risques, notamment contentieux, liés au montant prétendument trop faible des offres qu’ils avaient retenues. L’ensemble de ces mesures ont été engagées dans le but de mettre en place un système de contrôle des prix généralisé et sophistiqué consistant en la diffusion d’une méthode de calcul des honoraires rendue obligatoire par la multiplication des interventions auprès des maîtres d’ouvrage publics et des procédures pré-disciplinaires et disciplinaires auprès des architectes.

L’Ordre des architectes, ainsi que l’un des architectes sanctionnés ont formé un recours contre la décision de l’Autorité.

La Cour d’appel de Paris commence par confirmer la compétence de l’Autorité à connaître des pratiques de l’Ordre. Rappelant que l’Autorité est compétente pour connaître de pratiques mises en œuvre par les ordres professionnels, lorsque ces organismes interviennent par leurs décisions hors de leur mission de service public ou ne mettent en œuvre aucune prérogative de puissance publique, ou dès lors que les pratiques relevant de l’exercice de prérogative de puissance publique ont été mises en œuvre de manière manifestement inappropriée et sont donc détachables de la mission de service public, et ainsi de l’appréciation de la légalité d’un acte administratif (pt. 29), la Cour estime que c’est à juste titre que l’Autorité a retenu que les pratiques d’un ordre professionnel qui tendent, sous couvert d’exercer un pouvoir disciplinaire dans l’intérêt de la profession, à unifier et contrôler les prix pratiqués par ses membres, constituent un exercice manifestement inapproprié des prérogatives de puissance publique qui lui sont confiées, lui permettant de retenir sa compétence pour apprécier leur conformité au droit de la concurrence (pt. 35).

L’Ordre des architectes soutenait aussi que l’Autorité avait commis une erreur de droit à raison de l'absence d'imputabilité des pratiques critiquées aux personnes morales auteurs desdites pratiques. En clair, l’Ordre se plaignait de s’être vu seule imputer les pratiques, au motif qu’il était la « seule entité dotée en l'espèce de la personnalité morale », alors, selon lui, que les auteurs des pratiques — le Conseil National de l'Ordre des architectes (CNOA) et les Conseils Régionaux de l'Ordre des architectes (CROA) — disposait aussi de la personnalité morale et aurait par suite se voir imputer tout ou partie des pratiques sanctionnées.

Sur quoi la Cour de Paris, relevant que le CNOA et le CROA ne sont ni totalement indépendants de l’Ordre, ni totalement autonomes entre eux, mais sont des organes décisionnels et opérationnels de l’Ordre (pt. 48) et que le législateur a entendu réserver l’attribution de la personnalité morale à l’Ordre lui-même (pt. 50), estime qu’il est vain de prétendre, comme le fait l’Ordre, qu’il ne constitue pas une association d’entreprises (pt. 50), de sorte qu’en imputant les pratiques en cause à l’Ordre, l’Autorité n’a violé aucune règle de droit (pt. 58).

Par ailleurs, la Cour d’appel confirme l’applicabilité du droit de l’Union au cas d’espèce, dans la mesure où, d’une part, s’agissant des prestations d’architectes, il existe un flux d’échanges potentiels importants grâce aux mesures de reconnaissance mutuelle des qualifications et au principe de libre circulation instaurés par le législateur européen (pt. 69) et où, d’autre part, les pratiques litigieuses, reposant sur la diffusion et l’imposition d’une méthode de calcul des honoraires pratiqués par les architectes, avaient vocation à s’appliquer aux architectes français comme aux architectes ressortissants d’autres États membres effectuant des prestations de services habituelles sur le territoire français (pt. 74).

L’ordre contestait encore la qualification d’infraction de concurrence par objet, retenue par l’Autorité au motif que la diffusion d’un tel barème émanait d’un organe doté du pouvoir disciplinaire et était accompagnée de la diffusion d’avertissements répétés concernant la possibilité de mettre en œuvre des procédures disciplinaires en cas de non-respect de cette méthode de calcul. À cet égard, les auteurs du recours insistait sur l’absence de caractère impératif des diffusions en cause. Sur quoi la Cour d’appel lui répond qu’il a détourné le guide MIQCP de son usage initial afin de rendre obligatoire, pour ses membres, une méthode de calcul des honoraires destinée à maintenir les prix à un niveau qu’il estimait satisfaisant (pt. 99). Opérant une confusion entre les actions dont il peut être saisi, portant sur des actes de concurrence déloyale entre architectes, et les procédures destinées à exclure les offres anormalement basses qui compromettent la bonne exécution d’un marché public, dont il n’a pas à connaître (pt. 106), l’Ordre a ainsi tenté, par sa communication institutionnelle, d’imposer la méthode de calcul d’honoraires du guide de la MIQCP aux architectes, en lieu et place d’une fixation libre du prix des prestations selon leurs coûts réels (pt. 110). Par ailleurs, la Cour d’appel confirme le caractère obligatoire de la méthode de calcul des honoraires de maîtrise d’œuvre : en érigeant cette méthode de calcul en référence, et en menaçant les membres de la profession de procédure disciplinaire en se référant au non respect de cette méthode, l’Ordre a ainsi cherché à imposer aux architectes et sociétés d’architecture une fixation de leurs honoraires selon une fourchette suggérée, sans prendre en considération leurs coûts effectifs individuels (pt. 115).

Passant ensuite en revue une à une les pratiques visées aux griefs 1 à 5, dont l’objet anticoncurrentiel était contesté par l’Ordre des architectes, la Cour d’appel estime d’abord, que les quatre pratiques mises en oeuvre au niveau régional (griefs 1 à 4), sont établies, qu’il s’agisse de la communication institutionnelle sur les prix, des démarches engagées auprès de la maîtrise d’ouvrage et les contrôles du montant des honoraires ou qu’il s’agisse des procédures et sanctions disciplinaires mises en œuvre. De même, elle confirme qu’est établie la pratique consistant à diffuser et à imposer un modèle de saisine de la chambre de discipline en cas d’allégation de concurrence déloyale portée par le conseil régional à l’encontre d’un architecte, à compter de novembre 2015.

Pour le reste, la Cour de Paris confirme la durée des pratiques reprochées à l’Ordre, estimant que l’Autorité a justement considéré que les pratiques visées aux griefs 1 à 5 n’avaient toujours pas pris fin au jour de la publication de la décision attaquée (pt. 243).

Enfin, la Cour d’appel confirme la participation de M. Rouanet, l’autre partie à l’instance, au vu de son adhésion personnelle à la police des prix mise en œuvre par le CROA PACA (pt. 257).

Sur les sanctions, les requérants contestaient non seulement la méthode forfaitaire retenue par l’Autorité, mais également l’absence de proportionnalité de la sanction. Sur la méthode, la Cour d’appel de Paris estime que l’Autorité a justifié son choix de s’écarter de la méthodologie générale par la grande disparité des situations en cause et le constat de l’absence d’un chiffre d’affaires propre, puisqu’un ordre professionnel n’exerce pas d’activité commerciale, de sorte que le moyen tiré d’un défaut de motivation n’est pas fondé (pt. 273).

En revanche, sur la proportionnalité de la sanction infligée à l’Ordre, la Cour d’appel observe que l’Autorité s’est limitée à rappeler la nécessité de prononcer une sanction ayant un effet dissuasif et, à relever que l’Ordre aura la possibilité de faire face à la sanction prononcée, qu’elle a fixée à 1 500 000 euros, en faisant appel le cas échéant à ses membres, sans aucune appréciation concrète (pt. 277), si l’on comprend bien de la capacité contributive propre de l’Ordre. À cet égard, la Cour note que l’Autorité a retenu, au paragraphe 511 de la décision attaquée, que l’Ordre dispose d’une autonomie financière et qu’il n’est pas contesté que le CNOA et le CROA, qui ont la possibilité d’émettre des appels à cotisation, sont des composantes de l’Ordre de sorte que ce dernier, pourra donc, par leur biais, s’acquitter de la sanction pécuniaire infligée (pt. 276). Elle en tire la conclusion qu’en l’absence de toute précision concernant le niveau de ressources dont dispose l’Ordre, de tels motifs ne permettent pas d’établir la proportionnalité de la sanction au sens de l’article L.464-2, I, alinéa 3 du code de commerce (pt. 278), de sorte que la décision doit être annulée de ce chef (pt. 279).

Statuant à nouveau, en vertu de l’effet dévolutif du recours, la Cour d’appel de Paris confirme cependant le montant de l’amende initialement infligée par l’Autorité (pt. 285), estimant que la sanction de 1 500 000 euros, qui n’excède pas le plafond légal fixé à 3 millions, est proportionnée tant à la gravité de l’infraction et à l’importance son dommage à l’économie, qu’aux capacités contributives de l’Ordre (pt. 350). Pour ce faire, la constate que l’Ordre dispose de ressources de l’ordre de 8 721 000 euros au minimum — dès lors que cette estimation ne couvre que les ressources provenant des cotisations des quatre CROA impliqués et non la totalité des cotisations versées au sein des dix-sept CROA qui le composent — pour un Ordre qui compte environ 30 000 membres, de sorte que la sanction de 1 500 000 euros infligée au titre des cinq griefs retenus n’est pas disproportionnée (pt. 285). Pour le reste, la Cour approuve l’Autorité d’avoir retenu que les pratiques étaient d’une particulière gravité (pt. 299) et qu’un dommage certain avait été causé à l’économie en empêchant le libre jeu de la concurrence de s’exercer à l’occasion de la fixation des tarifs pratiqués par les architectes (pt. 329). Enfin, la Cour estime que c’est à juste titre que la décision attaquée a retenu une circonstance aggravante liée au rôle et au statut de l’Ordre (pt. 341).

EN BREF : La Commission lance une première consultation sur le règlement d'exemption par catégorie applicable au secteur automobile et ses lignes directrices

 

Le 12 octobre 2020, la Commission européenne a lancé une première consultation publique concernant le fonctionnement du règlement d'exemption par catégorie applicable au secteur automobile et ses lignes directrices.

En effet, l’article 7 du règlement d'exemption par catégorie n° 461/2010 prévoit que la Commission établit un rapport d'évaluation sur son fonctionnement le 31 mai 2021 au plus tard, et ce, dans la perspective de l’expiration dudit règlement le 31 mai 2023.

Les personnes intéressées ont jusqu’au 25 janvier 2021 pour contribuer à cette consultation en remplissant le questionnaire en ligne.

Il s’agit de recueillir des éléments probants et de qualité sur les principaux problèmes de concurrence qui soulèvent les relations verticales sur les marchés de la distribution et des services après-vente dans le secteur automobile. Pour l’aider à dresser un tableau complet de l'efficacité et de l’efficience du règlement, la Commission souhaite en savoir plus sur les pratiques à l’œuvre dans le secteur, sur les perceptions des parties prenantes et sur de possibles économies de coûts.


Albert A. Foer Liber Amicorum

A Consumer Voice in the Antitrust Arena

 

 


La revue Concurrences publie un recueil d’articles en l’honneur d’Albert Allen (Bert) Foer, fondateur de l’American Antitrust Institute (AAI), intitulé « Albert A. Foer Liber Amicorum - A Consumer Voice in the Antitrust Arena ».

Vous trouverez une brève présentation de l’ouvrage ICI.

L’ouvrage est disponible à la vente sur le site Concurrences.

Review of the Vertical Block Exemption Regulation:
What are the rules which are not functioning well, or as well as they could?

21 octobre 2020,  10h

 

Bonjour,

Le cabinet Daldewolf organise, dans le cadre dans la 5e saison de ses Breakfast at Stefany's, un webinaire sur la réforme du règlement d’exemption sur les restrictions verticales, lequel aura lieu le 21 octobre 2020, de 10h à 11h.

À cette occasion Pierre Goffinet, associé en droit de la concurrence et régulation, et son invité Johannes Holzwarth, Policy Officer à la DG Concurrence (Commission européenne), s’attacheront à répondre à la question : « Review of the Vertical Block Exemption Regulation: What are the rules which are not functioning well, or as well as they could? ».

Le programme complet de la manifestation, ainsi que les modalités d’inscription sont disponibles ICI.

Bien cordialement,

Hugues de Castillo
Daldewolf

 

Bonjour,

Le cabinet McDermott Will & Emery, en partenariat avec la Revue Concurrences, a le plaisir de vous inviter au prochain webinaire de la série « Procédure et droit de la concurrence » qui aura lieu le lundi 2 novembre 2020 à 15h30 CET :

« Legal privilege et droit de la concurrence : Quoi de neuf ? »

Aurélien Hamelle (Directeur juridique, Total), Thibault Delorme (Directeur juridique, Air Liquide) et Laure Lavorel (Présidente, Cercle Montesquieu) interviendront à cette occasion.

Inscription libre et gratuite sur le site dédié.

Nous espérons vous accueillir — virtuellement — nombreux le lundi 2 novembre pour ce webinaire.

Meilleures salutations,

Jacques Buhart | Avocat associé, McDermott Will & Emery, Bruxelles/Paris

 

Bonjour,

Webinar@Echelle : Évolution du droit de la concurrence allemand : pour un droit de la concurrence 4.0 proactif et axé sur le digital

Au cours d’une discussion animée par Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence, Andreas Mundt, président du Bundeskartellamt, reviendra sur la réforme législative en cours en Allemagne qui vise, en particulier, à adapter le droit de la concurrence allemand aux enjeux posés par le développement de l’économie numérique.

Cette discussion sera l’occasion de parler des avancées marquantes de ce projet pour le futur du droit de la concurrence telles que la création d’un dispositif imposant des obligations en amont aux grandes plateformes, la mise à jour de la notion d’abus de position dominante et la révision des règles en matière de contrôle des concentrations.

Les débats, qui auront lieu le 4 novembre 2020, à 11h, se tiendront en anglais.
 
Quelles modalités pour assister à la rencontre et poser des questions ?

Compte tenu de la situation sanitaire, l'événement se tiendra sans public et sera diffusé en direct sur notre chaîne YouTube.

Pour pouvoir regarder l’événement, il est préférable de s’inscrire en envoyant un e-mail.

Un lien vous sera ainsi envoyé, et vous pourrez poser des questions qui seront relayées pendant l’événement.

Vous pouvez dès à présent nous faire parvenir vos questions par e-mail.

Pour suivre les réactions en direct sur Twitter : #AtEchelle

Bien cordialement,
 
La direction de la communication
Autorité de la concurrence

S'ABONNER                     ARCHIVES       
RECHERCHER            MENTIONS LÉGALES
Website
Email
LinkedIn
Twitter
 
Cet e-mail a été envoyé à <<Adresse e-mail>>

Notre adresse postale est :
L'actu-droit
83 rue Colmet Lepinay
Montreuil 93100
France

Add us to your address book