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L'actualité la plus récente du droit de la concurrence
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Hebdo n° 43/2020
23 novembre 2020
SOMMAIRE
 
INFOS PJL DDADUE : L’Assemblée nationale adopte, au terme d’une lecture définitive, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière

JURISPRUDENCE UE : Estimant que le comportement de la société nationale des chemins de fer sur le marché lituanien du fret ferroviaire ne relève pas de la jurisprudence sur le refus d’accès à des infrastructures essentielles, le Tribunal de l’Union confirme la décision de la Commission constatant l’abus de position dominante de l’opérateur historique lituanien, mais, exerçant sa compétence de pleine juridiction, réduit de 28 % l’amende infligée


INFOS UE : Dans un rapport spécial, la Cour des comptes européenne invite la Commission à accroître la détection des infractions aux règles de concurrence, à rendre plus efficace l'application des règles et à renforcer la coopération au sein du REC

INFOS : Opposant sa compétence territoriale et surtout sa compétence d’attribution, l’Adlc se refuse à connaître de pratiques mises en œuvre en Polynésie française, même après l’admission de la requête en suspicion légitime contre l'Autorité polynésienne de la concurrence

INFOS : Prétextant la situation dégradée de la concurrence en Corse, l’Autorité revient à la charge en demandant au législateur de généraliser, autant que faire se peut, l’injonction structurelle et de la doter du pouvoir d’examiner d’office les opérations de concentrations en deçà des seuils, susceptibles de présenter des risques pour la concurrence


INFOS : L’Autorité approuve un projet de décret visant à étendre la filière de collecte et de traitement existante à certains dispositifs médicaux en auto-traitement utilisés par les diabétiques ou pour le dépistage des maladies infectieuses transmissibles, comme le VIH

EN BREF : Caudalie dans le collimateur de l'Autorité belge de la concurrence

INFOS OUVRAGE : Parution du tome 2 de « Women & Antitrust - Voices from the Field » chez Concurrences


ANNONCE WEBINAIRE : « L'intégration des considérations d'intérêt public dans l'application des règles de concurrence » — 26 novembre 2020, 8h30-17h [Message de Catherine Prieto]

ANNONCE WEBINAIRE : « Legal privilege and antitrust in the EU and the US: What’s new under the sky ? » - 27 novembre 2020 15:30 CET [Message de Jacques Buhart]

ANNONCE WEBINAIRE : « Les géants de la tech sont-ils des monopoles, des gatekeepers ou des acteurs systémiques ? » — 1er décembre 2020, 13h [message de Thibault Schrepel]

INFOS PJL DDADUE : L’Assemblée nationale adopte, au terme d’une lecture définitive, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière

 

Le 18 novembre 2020, l’Assemblée nationale a adopté par 159 voix contre 14, au terme de la lecture définitive du texte, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (DDADUE).

L’Assemblée nationale a donc eu le dernier mot : elle n'a pas repris, lors de cette lecture définitive, l’amendement du Sénat rétablissant l’article 4 bis qui reprenait en partie la proposition de loi sur la protection du consommateur dans le cyberespace, lequel article, même expurgée du volet relatif au droit des concentrations, avait scellé le désaccord au sein de la Commission mixte paritaire.

La veille, 17 novembre 2020, le Sénat avait adopté, en nouvelle lecture, le texte du projet de loi, non sans avoir rejeter l’amendement n° 1 de suppression de l’article 4 bis présenté par le Gouvernement. Las !

Pour ce qui concerne les dispositions relatives aux procédures de concurrence, l’article 25, qui devient l’article 37 du texte définitif du projet de loi, a été voté par l’assemblée nationale dans sa version ultime issue de la Commission des finances du Sénat.

 

JURISPRUDENCE UE : Estimant que le comportement de la société nationale des chemins de fer sur le marché lituanien du fret ferroviaire ne relève pas de la jurisprudence sur le refus d’accès à des infrastructures essentielles, le Tribunal de l’Union confirme la décision de la Commission constatant l’abus de position dominante de l’opérateur historique lituanien, mais, exerçant sa compétence de pleine juridiction, réduit de 28 % l’amende infligée

 

Le 18 novembre 2020, le Tribunal de l’Union européenne a rendu un arrêt dans l’affaire T-814/17 (Lietuvos geležinkeliai contre Commission).

L’affaire fait suite au recours en annulation de la décision du 2 octobre 2017, à la faveur de laquelle la Commission a infligé une amende de 27 873 000 d'euros à la société Lietuvos geležinkeliai (LG), l'opérateur ferroviaire historique lituanien, pour avoir abuser de position dominante. Verticalement intégrée, LG gère donc à la fois des infrastructures ferroviaires et le transport ferroviaire.

À la suite d’un différend commercial avec LG, la compagnie pétrolière polonaise Orlen, profitant de la libéralisation en 2007 du marché du fret ferroviaire de l'UE, avait décidé de recourir aux services d'un autre exploitant ferroviaire pour assurer le trafic ferroviaire de marchandises vers le ports de la Baltique en vue de l’acheminement de ces produits en Europe de l’Ouest. Pour ce faire, Orlen avait dû renoncer à faire acheminer son fret vers le terminal maritime lituanien de Klaipėda au profit des terminaux maritimes de Riga et de Ventspils, situés en Lettonie.  

En représailles, la requérante, prétextant une déformation de la voie ferrée sur quelques dizaines de mètres, n’avait pas hésité à démonter un tronçon de voie ferrée de 19 km entre la Lituanie et la Lettonie, située à proximité de la raffinerie d’Orlen, obligeant cette dernière à emprunter un tracé beaucoup plus long pour rejoindre la Lettonie. Dès lors, Orlen avait dû renoncer à son projet d’acheminer son pétrole vers les ports lettons.

Estimant qu’en supprimant la voie dans son intégralité, l'opérateur ferroviaire historique lituanien avait eu recours à des méthodes autres que celles qui régissent une concurrence normale, la Commission a conclu qu’il avait abusé de sa position dominante, en tant que gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire de la Lituanie, en supprimant une voie allant jusqu’à la frontière avec la Lettonie, empêchant ainsi une entreprise ferroviaire concurrente établie en Lettonie d’entrer sur le marché lituanien. Au-delà de l’amende de 27 millions d’euros, la Commission lui a enjoint à de mettre fin à la violation du droit de la concurrence de l’Union.
 
LG a alors introduit un recours contre la décision de la Commission.

Au soutien de son recours, la requérante invoquait cinq moyens.

Par son premier moyen, tiré de la violation de l’article 102 TFUE et d’une erreur de droit manifeste en ce que la pratique abusive alléguée a été appréciée à l’aune d’un critère juridique erroné, la requérante soutenait qu’il ne pouvait y avoir pratique abusive que si l’accès à la voie ferrée était essentiel ou indispensable aux concurrents pour entrer en concurrence sur le marché en aval, ce qui, selon elle, n’était pas le cas. En clair, la Commission aurait dû apprécier la présente affaire à la lumière de la jurisprudence établie en matière de refus d’accès à des infrastructures essentielles, qui fixe un seuil beaucoup plus élevé pour conclure au caractère abusif d’une pratique que celui appliqué dans la décision attaquée.

Sur quoi, le Tribunal de l’Union relève, tout d’abord, que le comportement incriminé par la décision attaquée consiste en la suppression de la voie ferrée en tant que telle, indépendamment de la suspension du trafic sur cette voie le 2 septembre 2008 et de son absence de réparation (pt. 84). Il précise ensuite que, si le seuil plus élevé pour constater un abus en présence d’infrastructures essentielles tient à la nécessité de protéger l’incitation de l’entreprise en situation de position dominante à investir dans la réalisation d’installations essentielles (pt. 90), une telle exigence de protection de l’incitation ne subsiste pas lorsque le cadre réglementaire applicable impose déjà une obligation de fourniture à l’entreprise en situation de position dominante ou lorsque la position dominante que l’entreprise a acquise sur le marché découle d’un ancien monopole d’État (pt. 91). De fait, en pareil cas, l’entreprise n’a pas investi dans la réalisation de l’infrastructure, cette dernière ayant été construite et développée au moyen de fonds publics (pt. 93). Or, au cas d’espèce, la requérante détient une position dominante sur le marché de la gestion des infrastructures ferroviaires qui découle d’un monopole légal. Elle n’a pas investi dans le réseau ferroviaire lituanien, qui appartient à l’État lituanien et a été construit et développé au moyen de fonds publics (pt. 94). Ainsi, la requérante ne jouit pas du libre exercice d’un droit exclusif de propriété, qui sanctionne la réalisation d’un investissement ou d’une création. En sa qualité de gestionnaire des infrastructures ferroviaires lituaniennes, elle est chargée, à la fois en vertu du droit de l’Union et du droit national, d’accorder l’accès aux infrastructures ferroviaires publiques ainsi que d’assurer le bon état technique de ces infrastructures et un trafic ferroviaire sûr et ininterrompu et, en cas de perturbation du trafic ferroviaire, de prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir la situation normale (pt. 95).

Par suite, estime le Tribunal, le comportement en cause, à savoir la suppression de la totalité de la voie ferrée, ne saurait être analysé à la lumière de la jurisprudence établie en matière de refus de fournir l’accès à des infrastructures essentielles, mais doit l’être comme un comportement de nature à faire obstacle à l’entrée sur le marché en rendant l’accès à ce dernier plus difficile et à entraîner ainsi un effet d’éviction anticoncurrentielle (pt. 98). C’est donc sans commettre d’erreur que la Commission s’est abstenue d’apprécier si le comportement litigieux satisfaisait aux conditions tenant à l’indispensabilité du service dont l’accès avait été refusé et à l’élimination de toute concurrence. À l’inverse, un tel comportement doit être analysé comme un agissement de nature à faire obstacle à l’entrée sur le marché en rendant l’accès à ce dernier plus difficile et à entraîner ainsi un effet d’éviction anticoncurrentielle (pt. 99). Ainsi, la Commission n’était pas tenue d’apprécier la compatibilité du comportement de la requérante avec l’article 102 TFUE à la lumière de la jurisprudence établie en matière de refus de fournir l’accès à des infrastructures essentielles (pt. 103).

Par son deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 102 TFUE et d’erreurs manifestes de droit et d’appréciation, la requérante faisait valoir que, même à l’aune du critère juridique appliqué par la Commission, la suppression de la voie ferrée ralliant la frontière lettone ne constituait pas un abus de position dominante dans les circonstances juridiques et factuelles du cas d’espèce.

Sur ce point, le Tribunal estime que la requérante n’est pas parvenue à démontrer que, après l’apparition de la déformation en cause sur la voie ferrée litigieuse et l’évaluation détaillée de l’état de la totalité de cette dernière, celle-ci se trouvait dans un état qui justifiait sa suppression intégrale immédiate. Il constate à l’inverse et à l’instar de la Commission que des problèmes concernant une portion de 1,6 km sur les 19 km de la voie ferrée litigieuse ne pouvaient justifier sa suppression complète et immédiate (pt. 164). Il s’ensuit que la Commission n’a pas commis une erreur d’appréciation en considérant que la suppression de la voie ferrée avait été effectuée en toute hâte et sans avoir obtenu les fonds nécessaires au préalable (pt. 177) et qu’un tel démantèlement de la voie ferrée était « extrêmement inhabituelle » au regard de la pratique dans le secteur ferroviaire (pt. 181).

La requérante faisait toutefois observer que, en tant que gestionnaire des infrastructures, elle avait une responsabilité particulière concernant notamment la sécurité de son réseau ferroviaire relativement à la conception, à l’entretien et à l’exploitation, de sorte que l’obligation de minimiser les perturbations du réseau ferroviaire était subordonnée à l’obligation supérieure de tout gestionnaire d’infrastructures d’empêcher les accidents et de garantir la sécurité du trafic.

À cet égard, le Tribunal répond qu’en tout état de cause, le cadre réglementaire applicable imposait aux gestionnaires d’infrastructures ferroviaires, concomitamment avec l’obligation de garantir la sécurité du trafic, celle de minimiser les perturbations et d’améliorer les performances de ce réseau (pts. 221-222). En outre, estime-t-il, la requérante disposant d’une position dominante sur le marché pertinent, il lui incombait une responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par son comportement, à une concurrence effective et non faussée sur ce marché. Dès lors, au moment de décider de la solution à apporter à la déformation de la voie ferrée, la requérante aurait dû tenir compte de la responsabilité qui lui incombait au titre de l’article 102 TFUE et éviter d’éliminer toute possibilité de remettre la voie ferrée en service à court terme, au moyen d’une reconstruction échelonnée, en se conformant à son obligation de minimiser les perturbations sur le réseau ferroviaire en rétablissant la situation normale à la suite d’une perturbation (pt. 223). Dès lors, en supprimant la totalité de la voie ferrée, dans les circonstances factuelles et juridiques prises en considération dans la décision attaquée, la requérante n’a pas tenu compte de la responsabilité particulière qui lui incombait en vertu de l’article 102 TFUE (pt. 224).

Pour autant, la suppression de la voie ferrée ne supprimait pas toute possibilité pour LDZ, le concurrent letton de LG, de transporter les produits pétroliers d’Orlen depuis la raffinerie jusqu’aux terminaux maritimes lettons. Elle l’obligeait seulement à emprunter une route plus longue. À cet égard, la requérante contestait qu’il existât des différences de coût significatives entre l’itinéraire court et l’itinéraire long. En clair, la suppression de la voie ferrée n’aurait pas eu réellement d’impact sur la concurrence.

Sur ce point, le Tribunal relève d’abord que le fait de devoir utiliser, en Lituanie, un itinéraire plus long et plus fréquenté que la partie lituanienne de l’itinéraire court, exclusivement utilisée pour le transport des produits pétroliers d’Orlen, comportait pour le transporteur concurrent de LG des risques de conflits de sillons ferroviaires plus élevés (pt. 258), une incertitude quant à la qualité et au coût des services ferroviaires complémentaires ainsi que des risques se rattachant au manque d’informations et de transparence sur les conditions d’entrée sur le marché et, de ce fait, une dépendance plus importante vis-à-vis du gestionnaire du réseau ferroviaire lituanien (pt. 260). De plus, le Tribunal note que, en 2008 et en 2009, les coûts du transport de produits pétroliers d’Orlen étaient plus élevés sur les itinéraires plus longs vers les terminaux maritimes lettons que sur l’itinéraire vers Klaipėda (pt. 281). Par conséquent, aucune erreur d’appréciation ne peut être reprochée à la Commission pour avoir conclu que les itinéraires plus longs vers les terminaux maritimes lettons n’auraient pas été compétitifs par rapport à l’itinéraire vers Klaipėda (pt. 283).

Par son troisième moyen, tiré de la violation de l’article 296 TFUE et de l’article 2 du règlement (CE) n° 1/2003, la requérante avançait que la décision attaquée est entachée d’une insuffisance de preuve et n’est pas motivée.

Relevant à cet égard que la Commission n’a pas constaté un abus de position dominante en se fondant sur la seule supposition que les faits établis ne pouvaient pas être expliqués autrement qu’en raison de l’existence d’un comportement anticoncurrentiel, le Tribunal observe en revanche, qu’elle s’est fondée sur des éléments de preuve qui, en principe, étaient suffisants pour démontrer l’existence de l’infraction contestée. Par ailleurs, l’argumentation que la requérante avance afin de donner un éclairage différent aux faits établis par la Commission ne permet pas de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une infraction (pt. 298).

Par son cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 7 du règlement n° 1/2003 et d’erreurs manifestes de droit et d’appréciation, la requérante contestait la décision en ce qu’elle ordonne, en fait, une mesure corrective disproportionnée, à savoir la reconstruction de la voie ferrée.

Relevant que la décision attaquée a certes ordonné à la requérante de mettre effectivement un terme à l’infraction, mais lui a proposé pour ce faire deux options, à savoir la reconstruction de la voie ferrée ou l’élimination des désavantages des concurrents sur les itinéraires alternatifs vers les terminaux maritimes de Klaipėda, de Riga et de Ventspils, le Tribunal observe que la Commission a prévu, conformément à la jurisprudence, différentes mesures correctives susceptibles de faire cesser l’infraction sans imposer de choix parmi celles-ci (pt. 314). À cet égard, le Tribunal estime que, compte tenu de l’analyse des effets anticoncurrentiels conduite par la Commission dans la décision attaquée, l’élimination des désavantages des concurrents sur les itinéraires alternatifs vers les terminaux maritimes de Klaipėda, de Riga et de Ventspils constituait une mesure corrective appropriée à la cessation de l’infraction contestée. Cette mesure corrective, en tant que l’une des options possibles pour mettre fin à l’infraction, constituait, dès lors, une mesure proportionnelle à la cessation de l’infraction contestée (pt. 318). De même, il considère que la mesure corrective consistant à reconstruire la voie ferrée, en tant que l’une des options possibles pour assurer l’effectivité de la décision attaquée, constitue la conséquence directe de la constatation de l’illégalité commise par la requérante, à savoir la suppression de cette voie, et se borne à faire cesser l’infraction en cause (pt. 320). En sorte que, en imposant à la requérante de mettre fin à l’infraction, soit en rétablissant la situation concurrentielle qui existait avant la suppression de la voie ferrée en la reconstruisant, soit en éliminant les désavantages des concurrents sur les itinéraires alternatifs vers les terminaux maritimes de Klaipėda, de Riga et de Ventspils, la Commission n’a pas violé l’article 7 du règlement n° 1/2003 (pt. 329).

Par son quatrième moyen, examiné par le Tribunal en dernier, tiré de la violation de l’article 23, § 3, du règlement n° 1/2003 et d’erreurs manifestes de droit et d’appréciation, la requérante remettait en cause la détermination du montant de l’amende. Elle se prévalait d’abord du fait que le comportement reproché dans la décision attaquée constituait une nouvelle catégorie d’abus dont elle ignorait le caractère illégal, de nature à justifier une dispense de sanction.

En premier lieu, le Tribunal rejette le caractère inédit de la qualification (pt. 339), ajoutant que le fait que le comportement contesté par la Commission puisse être qualifié de nouveau n’exclut pas l’imposition d’une amende (pt. 340).

En second lieu, le Tribunal estime que la requérante n’a pas agi par négligence, comme elle le prétend. En effet, elle ne pouvait ignorer que la pratique en cause pouvait entraîner des restrictions sérieuses à la concurrence, compte tenu en particulier de sa position de monopole, légal ou de fait, sur les marchés pertinents, de sorte que la Commission était fondée à considérer que l’infraction en cause avait été commise au moins par négligence et justifiait, de ce fait, d’être sanctionnée par une amende (pt. 348).

Pour le reste, le Tribunal estime que la Commission n’a pas violé le principe de proportionnalité en fixant à [confidentiel] % la proportion de la valeur des ventes retenue au titre du facteur de gravité aux fins de la détermination du montant de base de l’amende infligée à la requérante (pt. 375).

Dans ces conditions, le Tribunal rejette, en substance, le recours de LG dans son intégralité.
 
Toutefois, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction en matière de fixation d’amendes, le Tribunal, eu égard à la gravité et à la durée de l’infraction, estime opportun de réduire le montant de l’amende imposée à LG de 27 873 000 à 20 068 650 euros, ce qui correspond à une réduction de l’amende de 28 %.

Visiblement, le Tribunal a été sensible au caractère relativement limitée de l’étendue géographique de l’infraction. En effet, observe-t-il, la suppression de la voie ferrée n’a concerné qu’un tronçon d’une voie permettant d’assurer l’une des différentes liaisons ferroviaires possibles entre la Lettonie et la Lituanie (pt. 402).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse du Tribunal.

INFOS UE : Dans un rapport spécial, la Cour des comptes européenne invite la Commission à accroître la détection des infractions aux règles de concurrence, à rendre plus efficace l'application des règles et à renforcer la coopération au sein du REC

 

Le 19 novembre 2020, la Cour des comptes européenne a rendu public un rapport spécial intitulé « Contrôle des concentrations dans l'UE et procédures antitrust de la Commission : la surveillance des marchés doit être renforcée », dont on ne saurait trop conseiller la lecture, dans la mesure où elle propose un examen à froid par un regard extérieur de l’activité de la DG concurrence.

Si les auteurs du rapport accordent un satisfecit global à la Commission, estimant que ces dix dernières années, elle a fait bon usage de ses pouvoirs en matière de contrôle des concentrations et de procédures antitrust, ils pointent également certaines insuffisances dans son action.

Les auditeurs s’inquiètent d’abord des ressources relativement limitées dont dispose la Commission, notamment pour détecter elle-même les pratiques anticoncurrentielles au-delà des plaintes qu’elle reçoit, au point que le nombre de cas découverts par la Commission elle-même a chuté depuis 2015, suggérant que la Commission est trop dépendante du programme de clémence, qui, du reste, s’avère nettement moins prolifique que par le passé (fig. 4, p. 21)… Ainsi, on est passé de plus de 60 enquêtes effectuées à son initiative en 2015 à une dizaine seulement en 2019 (fig. 3, p. 20) ! La faute au contrôle des concentrations qui oblige la DG COMP à consacrer des ressources toujours plus importantes à cette obligation légale, mais aussi, semble suggérer le rapport, aux enquêtes sectorielles qui mobilisent d'importantes ressources alors justement qu’elles sont censées lui fournir des indices permettant de lancer des enquêtes individuelles…

Par ailleurs, les auteurs du rapport remettent en cause les critères sur lesquels la Commission décide des cas qu’elle traitera en priorité. Pas assez transparents, il ne garantiraient pas que les cas retenus sont ceux qui présentent le risque le plus élevé pour la concurrence.

À propos du contrôle des concentrations, les auditeurs invitent la Commission à poursuivre dans la voie de la simplification des procédures relatives aux concentrations les moins risquées, pour ne pas se retrouver noyée sous le volume de données à vérifier (fig. 6, p. 25). Ils s’inquiètent encore du fait que plusieurs opérations importantes, situées en deçà des seuils de notifications aient pu échapper au contrôle de la Commission.

Ils déplorent également la lenteur des procédures dans la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, particulièrement sur des marchés numériques en rapide évolution, craignant que les outils juridiques dont dispose la Commission ne soient plus adéquats pour traiter ces nouveaux types de problèmes de concurrence.

Les auditeurs ont également constaté que, si la Commission a imposé des amendes records à des entreprises, avec un niveau des amendes infligées parmi les plus élevés au monde (fig. 9, p. 36), elle n'en a jamais évalué l'effet dissuasif (pt. 72), alors qu’une amende sévère aura un impact variable selon la taille des entreprises concernées, la probabilité de détection de l'infraction, les bénéfices potentiels engendrés par celle-ci, ainsi que la durée de l'enquête de la Commission. Plus généralement, la Commission n’a pas non plus évalué l'efficacité de ses décisions, alors que cela aurait contribué à améliorer sa prise de décision et l'affectation des ressources… À cet égard, le rapport invite la Commission à multiplier les évaluations ex post de ses actions, en les orientant sur l'impact de ces dernières (pt. 88).

Enfin, les auteurs du rapport pointent certaines insuffisances dans la gestion des rapports avec les ANC, notamment au sein du REC. Ainsi, les priorités en matière de surveillance des marchés et d'application de la législation ne feraient pas fait l'objet d'une coordination étroite (pt. 75). De même, aucun mécanisme permettant une répartition efficace des affaires d'entente et d'abus de position dominante entre la Commission et les ANC n'a été utilisé de manière optimale (pts. 76-77).

Les auditeurs formulent des recommandations susceptibles de renforcer la capacité de la Commission à détecter les infractions de manière proactive, à rendre plus efficace son contrôle des règles de concurrence, à mieux se coordonner avec les ANC dans le cadre du Réseau européen de la concurrence et à mieux communiquer sur sa propre performance.

Au final, les auteurs du rapport formulent un certain nombre de recommandations afin de renforcer la capacité de la Commission à :

— accroître la probabilité de détection des infractions, d’ici à fin 2022 ;

— rendre plus efficace l'application des règles de concurrence, d’ici à mi-2024 ;

— mieux exploiter le potentiel du Réseau européen de la concurrence, d’ici 2022 ;

— améliorer la communication des informations relatives à la performance de son action, d’ici 2024.

On notera que, dans sa réponse au présent rapport de la Cour des comptes européenne, qui figure en annexe dudit rapport, la Commission conteste certaines conclusions de la Cour mais accepte une bonne partie des recommandations formulées par la Cour des comptes.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Cour.

INFOS : Opposant sa compétence territoriale et surtout sa compétence d’attribution, l’Adlc se refuse à connaître de pratiques mises en œuvre en Polynésie française, même après l’admission de la requête en suspicion légitime contre l'Autorité polynésienne de la concurrence

 

On se souvient que, dans la saga des tarifs excessifs sur le marché de l'approvisionnement en boissons des commerces organisés sous enseignes en Polynésie française, le premier président de la Cour d’appel de Paris, prenant acte de l’arrêt du 4 juin 2020 à la faveur duquel la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation avait dit pour droit que les autorités administratives indépendantes qui prononcent des sanctions sont soumises à un contrôle ex ante de leur impartialité et peuvent faire l’objet d’une procédure de suspicion légitime, avait fait droit, aux termes d’une ordonnance rendue le 29 juillet 2020, à la requête en suspicion légitime contre l'Autorité polynésienne de la concurrence à raison du comportement de son président, avait dessaisi en conséquence ladite Autorité de l’affaire au fond, annulant, ce faisant, implicitement mais nécessairement, la décision de l'Autorité polynésienne du 22 août 2019 condamnant le groupe Wane principalement pour une pratique de tarifs excessifs sur le marché de l'approvisionnement en boissons des commerces organisés sous enseignes.

Considérant dès lors que l’affaire devait être renvoyée devant une juridiction de même nature et de même degré afin que les parties ne soient pas privées d’un double degré de juridiction, le magistrat délégué par le premier président de la Cour de Paris avait renvoyé le dossier devant l’autorité de concurrence métropolitaine. Il avait en conséquence ordonné la transmission du dossier de l’affaire par l’Autorité polynésienne de la concurrence à l’Autorité de la concurrence siégeant à Paris, laquelle était donc invitée à statuer sur la procédure n° 16/0009F pendante devant l’Autorité polynésienne de la concurrence.

Sauf que, par décision n° 20-D-18 du 18 novembre 2020, l’Autorité métropolitaine de la concurrence vient de décliner sa compétence à connaître de pratiques mises en œuvre en Polynésie française, estimant que son pouvoir juridictionnel est strictement limité à l’application du droit de la concurrence national et européen sur le territoire métropolitain, dans les départements d’outre-mer, ainsi que dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, et à l’application du seul droit national de la concurrence dans les collectivités d’outre-mer de Saint-Pierre et Miquelon et Wallis et Futuna (pt. 41).

Ce faisant, l’Autorité ne se contente pas d’opposer sa compétence territoriale. Elle met surtout en avant sa compétence d’attribution d’où elle tire d’une part qu’elle n’est pas habilitée par le législateur à appliquer le droit polynésien de la concurrence (pt. 37), ni à examiner les griefs sous les qualifications des droits métropolitain ou européen de la concurrence, qui ne s’appliquent pas en Polynésie (pt. 40).

Même si la solution d’un dépaysement de l’affaire avait pu paraître judicieuse à bien des égards, il faut admettre que les arguments de l’Autorité s’avèrent particulièrement robustes et que l’on ne voit pas sur quel fondement sa compétence pourrait être retenue.

Mais l’Autorité ne se contente pas de décliner sa compétence et de clore en conséquence, sur le fondement de l’article L. 462-8 du code de commerce, le dossier qui lui a été transmis par l’Autorité polynésienne de la concurrence, en exécution d’une ordonnance du 29 juillet 2020 du premier président de la Cour d’appel de Paris. Elle donne en outre son avis sur l’Autorité effectivement compétente pour en connaître : la répression des pratiques anticoncurrentielles relève, en vertu des dispositions d’une loi du pays adoptée dans le cadre prévu par l’article 74 de la Constitution et la loi organique portant statuts de cette collectivité d’outre-mer, de la compétence exclusive de l’Autorité polynésienne de concurrence, sous le contrôle de la Cour d’appel de Paris (pt. 33).

À présent, que va-t-il advenir de ce dossier, dont l’Adlc ne veut pas ? À l’évidence, le premier président de la Cour d’appel de Paris, dont l’ordonnance est, semble-t-il, devenue définitive, se trouve, par le fait même, dessaisi de l’affaire. La seule voie pour que le dossier continue d’être traité serait alors que les plaignants à l’origine de l’affaire forment un recours contre la présente décision de l’Autorité devant la Cour d’appel de Paris, laquelle, juridiction de recours à la fois contre les décisions rendues par l’Autorité métropolitaine de la concurrence et contre celles de l’Autorité polynésienne de la concurrence, pourrait alors décider d’évoquer l’affaire, soit pour la traiter elle-même sur le fonds, soit, plus vraisemblablement, pour renvoyer l’affaire à l’instruction devant l’Autorité polynésienne de la concurrence, solution qui aurait l’avantage, du point de vue des parties, de leur garantir un double degré de juridiction…

À suivre donc, éventuellement…
 
Pour rappel, en avril 2016, l'Union des importateurs de Polynésie française (UIPF) avait dénoncé auprès de l’APC des pratiques prétendument abusives mises en œuvre par la centrale de référencement pour les magasins exploités sous les enseignes Carrefour, Champion et Easy Market, laquelle centrale appartient au groupe Wane. Or, dans le cadre de cette procédure, les mises en cause avaient pris connaissance, parmi les pièces du dossier, d'une attestation délivrée par le président de l'Autorité polynésienne de la concurrence en faveur d'un ancien cadre dirigeant du pôle distribution du groupe Wane dans le cadre d'une procédure prud’homale opposant ce cadre à son ancien employeur. Selon elles, le président y reconnaissait avoir discuté du dossier au cours de l'instruction avec l'une des parties, être en contact avec les services d'instruction du dossier et en être régulièrement informé avec la circonstance aggravante qu’il aurait émis un jugement sur le caractère robuste de l'instruction menée contre le groupe Wane, alors qu'il devait être neutre et impartial par rapport aux griefs formulés lors de l’instruction. Décelant là ce qu’elles considèrent comme une preuve de partialité, les mises en cause avaient alors demandé le renvoi de la procédure pour cause de suspicion légitime à l’égard de l’Autorité polynésienne de la concurrence devant la Cour d'appel de Paris, juridiction de recours de l’APC. Elles soutenaient à cet égard que le défaut d'impartialité dont avait fait preuve, selon elles, le président rejaillissait nécessairement sur l'ensemble des membres du collège compte tenu de l'influence inhérente à la fonction de président, lequel a proposé la nomination de chacun des membres.

On rappellera aussi qu’à la suite de cette affaire, le président de la Polynésie française a, par décision du 3 août 2020, démis d’office Jacques Mérot, le président de l’Autorité polynésienne de la concurrence, confiant l’intérim de la présidence à Christian Montet, plus ancien membre du collège dans la fonction.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

INFOS : Prétextant la situation dégradée de la concurrence en Corse, l’Autorité revient à la charge en demandant au législateur de généraliser, autant que faire se peut, l’injonction structurelle et de la doter du pouvoir d’examiner d’office les opérations de concentrations en deçà des seuils, susceptibles de présenter des risques pour la concurrence

 

Le 17 novembre 2020, l’Autorité de la concurrence a rendu, à la suite d’une saisine du ministre de l’économie, son avis n° 20-A-11 relatif au niveau de concentration des marchés en Corse et son impact sur la concurrence locale, lequel est destiné à éclairer les pouvoirs publics sur différentes questions de concurrence, en lien notamment avec le sujet du pouvoir d’achat des habitants, qui constitue de longue date un sujet de préoccupation en Corse.

Les travaux de l’Autorité se sont focalisés sur quatre secteurs :

— Le secteur de la desserte maritime de la Corse. À cet égard, après avoir examiné en profondeur les problématiques liées à la desserte maritime, l’Autorité estime qu’il convient, afin de sécuriser au mieux les modalités d’organisation du service public, de confier à l’autorité de régulation des transports (« ART ») une nouvelle mission consultative portant sur l’évaluation du besoin de service public de transport maritime, tant pour les marchandises que pour les passagers, réalisée par la Collectivité de Corse, la proportionnalité au besoin des modalités d’organisation de ce service public proposées par la Collectivité de Corse et les modalités d’exécution envisagées. Par ailleurs, elle recommande de prévoir la possibilité, en amont, pour la Collectivité de Corse de solliciter l’avis consultatif de l’ART sur l’évaluation du besoin de service public de transport maritime et les modalités d’organisation de ce service public. Cette mesure permettrait également aux autorités françaises de disposer d’évaluations préalables du besoin de service public réalisées en toute indépendance et présentant un haut niveau de qualité, et donc de sécurité juridique, ce qui constituerait un atout pour assurer la pleine compatibilité du dispositif avec les règles de l’Union européenne, dont la Commission européenne a pour mission d’assurer le respect.

Le secteur de la distribution de carburants. Sur ce point, l’Autorité relève d’abord une forte dépendance des ménages corses en raison de la géographie de l’île et d’un faible développement des transports collectifs et, en dépit d’un taux de TVA inférieur de 7 points sur l’île, des prix des carburants plus élevés que sur le continent, dus, au-delà des facteurs structurels — insularité, géographie, saisonnalité de la demande — au caractère très concentré du secteur non seulement à l’aval, la vente au détail dans les stations-service se caractérise par un oligopole de trois réseaux de distribution, mais également à l’amont, les dépôts pétroliers étant contrôlés exclusivement par une entreprise verticalement intégrée en situation de monopole de fait sur une « infrastructure essentielle ».

Le secteur de la distribution alimentaire. Là encore, l’Autorité constate que les prix à la consommation sont globalement plus élevés en Corse que sur le continent (+8,7 % en 2015 selon l’INSEE), en dépit d’un taux de TVA très significativement réduit dont bénéficie la Corse sur les produits destinés à l’alimentation humaine. Cette situation s’explique, à l’instar du secteur de la distribution de carburants, en partie par des facteurs structurels, liés à l’insularité et à la saisonnalité. En outre, et en dépit d’un taux de présence élevé des GMS, l’Autorité note que certains bassins de vie sont marqués par un degré de concentration élevé, où il n’est pas rare qu’un opérateur possède plus de 60 % des parts de marché en surface de vente.

Par ailleurs, l’Autorité estime que l’expérimentation prévue par la loi Egalim d’un relèvement de 10 % du seuil de revente à perte (SRP), qui intègre le coût du transport), pénalise les consommateurs corses, sans que la marge commerciale dégagée soit nécessairement transférée aux fournisseurs, notamment aux agriculteurs. Par suite, l’Autorité recommande au législateur de prévoir pour la Corse une dérogation à l’interdiction de la revente à perte (article L. 442-5 du code de commerce) et à tout le moins, de prévoir une dérogation spécifique au dispositif de relèvement de 10 % de seuil de revente à perte et à l’encadrement des promotions prévus par la loi Egalim de 2018.

Le secteur de la gestion des déchets ménagers et assimilés (DMA). Fort du constat que son coût, qui excède, en Corse, très largement la moyenne nationale : 243 € HT contre 93 € HT par habitant et est supporté par le contribuable corse, s’explique, d’une part, par le refus de la Collectivité de Corse de tout procédé d’élimination des déchets par incinération et, d’autre part, par l’insularité et la topographie montagneuse de la Corse, ainsi qu’à la saisonnalité des activités touristiques sur l’île, l’Autorité, qui observe que, malgré ce coût de gestion élevé, la qualité du service public est très dégradée, au point de causer une « crise des déchets », pointe la sous-capacité chronique dans le traitement des déchets sur l’île. Dans ce contexte, l’Autorité invite l’ensemble des administrations et collectivités compétentes à traiter de façon prioritaire le problème du manque d’infrastructures et la sous-capacité chronique de traitement des déchets ménagers résiduels en Corse (y compris en recourant aux outils du code de l’urbanisme permettant à l’État de reprendre, si nécessaire, la main sur les autorisations de construire pour des projets d’intérêt général).
 
Au terme des constats opérés sur les secteurs de la distribution des carburants, de la distribution alimentaire et de la gestion des déchets, l’Autorité demande en quelque sorte les « pleins pouvoirs » en suggérant au législateur d’adopter des dispositifs « disruptifs » justifiés par les particularités géographiques et économiques de la Corse, mais dont on nous explique benoîtement qu’ils pourraient trouver à s’appliquer dans d’autres régions métropolitaines (présentant des « caractéristiques particulières justifiant le renforcement de l’injonction structurelle », chères au Conseil constutitionnel…) (pt. 200).

Et c’est là que ressurgit l’idée, pourtant déjà avancée en d’autres temps et finalement retoquée par le Conseil constitutionnel, de permettre d’imposer des mesures correctrices structurelles en cas de préoccupations substantielles de concurrence, y compris en l’absence de la dominance (dans le sillage de ce que propose la Commission avec sa proposition de New Competition tool) (pts. 192-194), et, à défaut, transposer dans ces territoires métropolitains le dispositif d’injonctions structurelles applicable en cas de position dominante (selon un dispositif inspiré de celui prévu à l’article L. 752-27 du code de commerce) (pts. 196-200).

Par ailleurs, s’appuyant sur la situation concurrentielle de la Corse, l’Autorité revient à la charge à propos du contrôle des concentrations, en suggérant au législateur de la doter du pouvoir de se saisir d’office de l’examen d’opérations, qui, tout en étant sous les seuils de contrôle, sont susceptibles de présenter des risques pour la concurrence (pt. 186). Corse, numérique et pharma, même combat ! en quelque sorte, étant précisé que ce pouvoir de contrôle sous les seuils de notification serait général, applicable sans limitation de secteur et sans limitation géographique (pts. 189-190).

À défaut, si aucun des mécanismes précédents ne parvient à rétablir un fonctionnement concurrentiel normal des secteurs analysés dans le présent avis, l’Autorité estime, lorsque des marchés de gros de biens et de services sont caractérisés par des dysfonctionnements, notamment en matière d’approvisionnement, de transport, de stockage ou de distribution, qu’il pourrait être utile de prévoir que le Gouvernement puisse prendre des mesures de régulation des marchés de gros et d’approvisionnement, par décret pris en Conseil d’État, après avis public de l’Autorité, selon un dispositif inspiré de celui prévu à l’article L. 410-3 du code de commerce. Ces mesures pourraient par exemple consister à encadrer des prix amont des « infrastructures essentielles », mutualiser des équipements ou, dans certains cas, imposer une séparation comptable, fonctionnelle ou une filialisation des activités d’approvisionnement et de stockage (pts. 201-202).

Enfin, si aucun des mécanismes envisagés ne parvient à rétablir un fonctionnement concurrentiel normal, l’Autorité suggère au Gouvernement d’y réglementer les prix « dans les secteurs ou les zones où la concurrence par les prix est limitée en raison soit de situations de monopole ou de difficultés durables d’approvisionnement » par décret en Conseil d’État après consultation de l’Autorité de la concurrence, en appliquant les dispositions de l’article L. 410-2 du code de commerce (pt. 203).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

INFOS : L’Autorité approuve un projet de décret visant à étendre la filière de collecte et de traitement existante à certains dispositifs médicaux en auto-traitement utilisés par les diabétiques ou pour le dépistage des maladies infectieuses transmissibles, comme le VIH

 

Le 17 novembre 2020, l’Autorité de la concurrence a rendu publique un avis n° 20-A-10 du 13 novembre 2020 rendu à la demande du directeur général des solidarités et de la santé, via le ministre de l’économie, à propos d’un projet de décret en Conseil d’État relatif à la gestion des déchets issus des dispositifs médicaux perforants utilisés par les patients en autotraitement, et ce, en application des dispositions du III de l’article L. 4211-2-1 du code de la santé publique.

Depuis les années 2000, les laboratoires pharmaceutiques ont mis sur le marché des dispositifs médicaux de plus en plus innovants associant un perforant, une carte électronique et une pile, destinés à un nombre croissant de patients en auto-traitement (notamment les personnes diabétiques), lesquels pris en charge par l’assurance maladie, permettent d’améliorer considérablement la gestion de la pathologie et le confort de vie des patients. Pour l’heure, la gestion des déchets n’est pas assurée. Afin de permettre leur prise en charge et leur valorisation, le projet de décret étend le champ d’application de la filière à responsabilité élargie des producteurs (REP) à ces déchets médicaux constitués d’un perforant et de composants électriques et électroniques (pompe à insuline, capteur de glycémie, autotests à vocation de dépistage qui permettent de détecter des maladies infectieuses transmissibles, comme le VIH, etc.).

Sur le plan concurrentiel, l’Autorité estime que l’extension du périmètre de la filière REP aux dispositifs « complexes » ne soulève aucune difficulté particulière au regard du droit de la concurrence. Tout d’abord, les conséquences attendues de cette extension sont très limitées en ce que la collecte et le traitement des déchets ne concernent que 3 à 4 millions de produits constitués d’un composant électronique ou électronique, sur un gisement actuellement déclaré par les entreprises adhérentes de près de 1,5 milliards de produits mis sur le marché. Ensuite, le champ des contributeurs à la filière REP DASRI PAT sera peu affecté. Quant aux modifications apportées à l’organisation du réseau de collecte et, en particulier, l’obligation faite à toutes les officines de pharmacie de procéder sans frais à la collecte de ces déchets, supportant ainsi une partie des coûts de leur gestion, incombant en principe aux producteurs adhérents à l’éco-organisme, l’Autorité estime que la charge engendrée par cette obligation de collecte peut être relativisée, dans la mesure, notamment, où ce service est en partie profitable aux officines en participant à la fidélisation de leur clientèle et, partant, en renforçant leur position en tant qu’acteur de santé de proximité.

En tant que de besoin, l’Autorité rappelle pour finir qu’un éco-organisme, composé d’entreprises concurrentes, ne saurait être utilisé comme lieu de coordination commerciale ou d’échange d’informations stratégiques et individualisées entre ses membres.

EN BREF : Caudalie dans le collimateur de l'Autorité belge de la concurrence

 

L’Auditorat (les services d’instruction) de l'Autorité belge de la Concurrence (ABC) vient d’indiquer qu’il avait transmis au Collège de l’Autorité une proposition motivée de décision concluant à l’existence de pratiques restrictives de concurrence attribuées à Caudalie ayant pour objet principalement l’imposition d’un prix de revente minimum à ses distributeurs sélectifs via la fixation d’un niveau maximum de ristournes, mais également la limitation des ventes actives et passives de distributeurs sélectifs présents en ligne établis dans un autre État membre que celui des utilisateurs finals.

Cette affaire va être examinée par le Collège de la concurrence, qui devra dire si ces griefs sont fondés.


Women & Antitrust - Voices from the Field

Concurrences

 




Vient de paraître chez Concurrences le deuxième tome de l’ouvrage « Women & Antitrust », avec un sous-titre « Voices from the Field », publié en partenariat avec le Women’s Competition Network (WCN), avec un avant-propos de Kristina Nordlander.

C’est l’occasion pour des professionnelles de la concurrence du monde entier de présenter leurs réflexions et leurs prévisions sur les questions d'actualité du droit et de la politique de concurrence que sont :

— les priorités politiques pendant et après la pandémie de Covid-19 ;

— les initiatives de développement durable et le pacte vert européen ;

— la régulation de Big Tech ;

— le Brexit et son impact attendu ;

— la coopération internationale.

Vous trouvez une brève présentation de l’ouvrage sur le site Web de l’éditeur, sur lequel il est disponible à la vente.

 

L'intégration des considérations d'intérêt public
dans l'application des règles de concurrence

26 novembre 2020, 8h30-17h

 

Bonjour,

L'institut de Recherche juridique de la Sorbonne organise, avec le soutien du Master 2 Concurrence-Distribution-Consommation, un colloque sur le thème très discuté de « L'intégration des considérations d'intérêt public dans l'application des règles de concurrence », jeudi 26 novembre 2020, 8h30-17h.

Juristes et économistes, universitaires et praticiens croiseront leurs regards, grâce aux contributions en ordre d'intervention de : L. Idot, E. Combe, A. Wachsmann, D. Bosco, E. Pfister, M.-C. Rameau, J.-M. Carpi-Badia, E. Chantrel, D. Théophile, M. Béhar-Touchais, G. Canivet, R. Amaro, H. Piffaut, D. Hildebrand, P. Burnier, F. El-Zahraa Adel.

Lien vers le programme : ICI.

Initialement prévu dans l'enceinte de la Sorbonne, ce colloque est désormais organisé via une liaison Zoom.
 
Lien vers l'inscription obligatoire et gratuite : .

Avec mes meilleures salutations,

Catherine Prieto
Professeur à l'Université Paris Panthéon-Sorbonne

 

Bonjour,

Le cabinet McDermott Will & Emery, en partenariat avec la Revue Concurrences, a le plaisir de vous inviter au prochain webinaire qui aura lieu le vendredi 27 novembre 2020 à 15h30 CET :
 
Legal privilege and antitrust in the EU and the US: What’s new under the sky ?

Annemarie Ter Heegde (Case Handler - Politique et support des cas concernant les pratiques anticoncurrentielles, DG COMP), Elisabeth Kraus (Deputy Director for International Antitrust, US FTC), Javier Ramirez Iglesias (Chair of Advocacy, Association of Corporate Counsel Europe) et Martin d'Halluin (Senior Vice President, Global Competition Law & Policy Counsel, News Corp) interviendront à cette occasion.

Inscription libre sur le site dédié.

Nous espérons vous accueillir — virtuellement — nombreux le vendredi 27 novembre 2020 pour ce webinaire.

Meilleures salutations,

Jacques Buhart | Avocat associé, McDermott Will & Emery, Bruxelles/Paris

 

Les géants de la tech sont-ils des monopoles,
des gatekeepers ou des acteurs systémiques ?

1er décembre 2020, 13h

 

Bonjour,

Le 1er décembre 2020 (13h à 14h), le Professeur Nicolas Petit (EUI) sera l'invité du Dr. Thibault Schrepel (Utrecht/Stanford) dans le cadre des séminaires en ligne organisés par l'Université d'Utrecht sur le thème de la gouvernance des sociétés digitales. Il tentera d'apporter une réponse à la question suivante : les géants de la tech sont-ils des monopoles, des gatekeepers ou des acteurs systémiques ? Un dialogue s'en suivra.

Les inscriptions (gratuites) se font ICI.

Bien cordialement,

Dr. Thibault Schrepel

Stanford University Faculty Associate | Assistant Professor at Utrecht University
Invited Professor at Sciences Po Paris | Affiliated Researcher at Paris Sorbonne |
www.thibaultschrepel.com | www.leconcurrentialiste.com | @LeConcurrential (Twitter)

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