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Comment bien démanteler ?

Cher·e lecteur·ice,

J'ai dû déjà laisser transparaître ici le fait que, pour stopper la destruction du vivant sur la planète, mon opinion actuelle, et depuis environ huit ans, est qu'il faut avant tout travailler à structurer une réduction drastique de la consommation d'énergie et de ressources, et donc d'objets manufacturés.

En d'autres termes, la redoutée décroissance.

Les travaux de Philippe Bihouix, déjà cités dans cette lettre, ont largement contribué à former cette opinion, en mettant en lumière pourquoi aucun développement technologique majeur n'a permis aujourd'hui de réduire la consommation globale de ressources.

J'ai ensuite croisés ceux de Vincent Liegey, qui élabore avec ses collègues du parti pour la décroissance un programme politique autour d'une dotation inconditionnelle d'autonomie.

Puis ceux de Michel Lepesant et sa philosophie pratique appelant à aborder la décroissance comme des expérimentations "buissonnantes", réversibles et simultanées, desquelles on peut faire marche arrière pour tenter une nouvelle bifurcation plus loin.

Ou encore, en 2020, ceux de Timothée Parrique tentant d'interconnecter de multiples sources d'inspiration pour la mise en place pratique de la décroissance.

Tous m'ont permis de réaliser que, loin d'être un (éventuellement) déprimant "retour au temps des cavernes", la décroissance pouvait être une perspective extrêmement réjouissante et libératrice.

La très belle collection des précurseurs de la décroissance, dirigée par Serge Latouche, montre qu'un champ imaginaire vaste et fertile peut irriguer cette pensée, et contribuer à la rendre désirable, multiple, complexe, riche.

J'y ai découvert le parcours inspirant de Lanza del Vasto, articulant vie communautaire, et lutte politique, qu'il raconte avec humour dans ses récits d'action non-violentes.

J'y ai aussi approfondi ma compréhension de la pensée de Jacques Ellul, critique émérite du totalitarisme technicien, ou encore Murray Bookchin, et son municipalisme libertaire inspirant aujourd'hui l'innovation démocratique majeure se déroulant dans le Nord de la Syrie.

En 2020, mon ami designer Mikhaël Pommier m'a offert une nouvelle brique à cet édifice, constitué principalement jusqu'ici d'imaginaire et de politique : une brique venue... d'une école de commerce.

L'Origens Media Lab, rattaché à l'école supérieure de Clermont-Ferrand, n'explore rien de moins que les processus de démantèlement.

Invitant en premier lieu à renoncer aux futurs obsolètes, une tâche moins anodine qu'il n'y paraît, l'initiative Closing Worlds, proposée par Alexandre Monnin, Diego Landivar et Emmanuel Bonnet, investigue, en tout simplicité (si je puis dire), les modalités pratiques et gestionnaires de démantèlement des (infra)structures qui incarnent et portent ces futurs obsolètes.

Pour graviter depuis quelques années dans le monde de l'innovation, qui se concentre sur apporter de nouvelles choses au monde, c'est intéressant de remarquer à quel point il y semble déjà difficile de valoriser la maintenance.
Je ne vous laisse même pas imaginer combien il est difficile d'y aborder les questions de démantèlement...

Comme si le simple fait de devoir fermer, renoncer, démanteler posait des questions insolubles.

Alors même que, on le voit partout dans le vivant, démanteler signifie libérer de la matière et de l'énergie pour autre chose.

Je ne veux évidemment pas faire ici une apologie du plan social et de la "destruction créatrice" au nom d'un progrès aussi inéluctable que la gravité terrestre.

Ce qu'explore l'équipe de d'Origens Media Lab est bien plus nécessaire : comment bien démanteler ?

Pas détruire, pas casser.

Bien démanteler.

Pour pouvoir, au choix :

1) simplement laisser autre chose respirer - est-ce que les librairies n'iraient pas mieux sans la pression constante d'une multinationale qui détruit près de deux emplois quand elle en crée un ?

2) rediriger l'énergie et la matière ainsi libérée vers d'autres futurs.

Peut-être que, si on savait mieux démanteler sans avoir l'impression de casser, démanteler deviendrait moins problématique ?

Le références citées au début de cette lettre sur l'imaginaire et les propositions politiques du mouvement pour la décroissance aideront clairement à animer le débat, que l'on souhaiterait démocratique, de quoi démanteler.

Une suggestion d'Origens Medialab : et si on démantelait ce qui ferme des futurs possibles plus qu'il n'en ouvre ?

Qu'est-ce qui ouvre le plus de futurs possibles ?

Une multinationale qui fait voyager des produits le plus rapidement possible à travers une chaîne logistique mondialisée, en jettant des millions d'objets neufs pour assurer sa compétitivité et sa rentabilité ?

Ou un commerce de proximité, qui crée du lien et fait vivre des gens localement ?

Avis aux ingénieur·es et diplômé·es d'école de commerce en quête de sens : il va y avoir du boulot. Les modalités techniques et gestionnaires de ces démantèlements sont encore largement à inventer.

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Qui écrit cette lettre ?


Je m'appelle Michka Mélo.

Je suis bio-ingénieur de formation, et membre de FoAM, un réseau de laboratoires trans-disciplinaires explorant l'intersection entre art, science, vivant, et vie quotidienne.

J
e suis passionné par les personnes, collectifs, idées et expérimentations qui cherchent à permettre aux humains et aux vivants, dans leur diversité, de bien vivre sur la planète que nous partageons.

J'aime bien voyager à travers les disciplines, les pratiques, les environnements et les opinions sur le sujet, et chercher les synergies et les connexions pertinentes.

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