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Hebdo n° 46/2020
14 décembre 2020
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE UE : Constatant le défaut de recours effectif devant le juge national pour les tiers à une décision d’engagement de la Commission, la Cour de justice de l’Union, dépassant l'arrêt Alrosa, dit, dans l’affaire de l’accès transfrontière à la télévision payante, que le Tribunal, en jugeant qu’un tel recours était de nature à remédier aux effets des engagements rendus obligatoires sur les droits contractuels des cocontractants, n’a pas tenu compte de manière appropriée des intérêts des tiers, et a ainsi violé le principe de proportionnalité, et annule en conséquence l’arrêt du Tribunal puis la décision de la Commission

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que le Tribunal a fait une exacte application du critère de l’investisseur privé à l’aide octroyée sous forme d’augmentations du capital de la société chargée de l’assistance en escale aux aéroports de Milan-Linate et de Milan-Malpensa, la Cour de justice de l’Union rejette le pourvoi de la ville de Milan

INFOS : L’Autorité rejette pour absence d’éléments probants la saisine d’agences de voyages dénonçant le non-remboursement concertés des vols annulés par 90 compagnies aériennes

INFOS OUVRAGE : Le mémento pratique concurrence-consommation 2021 vient de paraître


INFOS OUVRAGE : « Douglas H. Ginsburg Liber Amicorum Vol. II - An Antitrust Professor on the Bench » vient de paraître chez Concurrences

JURISPRUDENCE UE : Constatant le défaut de recours effectif devant le juge national pour les tiers à une décision d’engagement de la Commission, la Cour de justice de l’Union, dépassant l'arrêt Alrosa, dit, dans l’affaire de l’accès transfrontière à la télévision payante, que le Tribunal, en jugeant qu’un tel recours était de nature à remédier aux effets des engagements rendus obligatoires sur les droits contractuels des cocontractants, n’a pas tenu compte de manière appropriée des intérêts des tiers, et a ainsi violé le principe de proportionnalité, et annule en conséquence l’arrêt du Tribunal puis la décision de la Commission

 

Le 9 décembre 2020, la Cour de justice de l’Union a rendu son arrêt dans l’affaire C-132/19 (Groupe Canal + contre Commission).
 
On se souvient que le 12 décembre 2018, le Tribunal de l’Union avait rendu un arrêt dans l’affaire T-873/16 (Groupe Canal +/Commission), à la faveur duquel il a rejeté le recours formé par Groupe Canal+ en annulation de la décision de la Commission du 26 juillet 2016 aux termes de laquelle celle-ci avait accepté et rendu obligatoires les engagements souscrits par le studio américain Paramount à propos des accords de licence sur des contenus  cinématographiques que le studio américain avait conclus avec Sky pour Royaume-Uni et en République d’Irlande.

La Commission était donc parvenue à la conclusion préliminaire que les deux clauses connexes de ces accords de licence étaient de nature à porter atteinte à la concurrence et avaient pour objet de restreindre la concurrence, car elles étaient conçues pour interdire ou limiter les ventes passives transfrontières de services au détail de contenu télévisuel payant et pour accorder une exclusivité territoriale absolue sur le contenu de Paramount. La première avait pour objet d’interdire à Sky, ou de limiter la possibilité de cette dernière, de répondre positivement à des demandes non sollicitées portant sur l’achat de services de distribution télévisuelle en provenance de consommateurs résidant dans l’EEE, mais en dehors du Royaume-Uni ainsi que de l’Irlande. La seconde imposait à Paramount, dans le cadre des accords qu’elle concluait avec les radiodiffuseurs établis dans l’EEE, mais en dehors du Royaume-Uni, d’interdire à ces derniers ou de limiter la possibilité de ces derniers de répondre positivement à des demandes non sollicitées portant sur l’achat de services de distribution télévisuelle en provenance de consommateurs résidant au Royaume-Uni ou en Irlande.

Afin de répondre aux préoccupations de concurrence exprimées par la Commission, Paramount avait proposé, notamment, de ne plus respecter ni agir afin de faire respecter les clauses aboutissant à une protection territoriale absolue des télédiffuseurs, qui figurent dans les accords de licence conclus entre Paramount et ceux-ci.

De fait, Paramount avait par ailleurs conclu des accords de licence sur des contenus audiovisuels avec les principaux télédiffuseurs de contenu payant de l’Union européenne, outre Sky, dont le Groupe Canal + SA.

À  la suite de la procédure d’engagements, Paramount avait informé Canal+ de l’engagement qu’elle avait souscrit et a, par conséquent, précisé qu’elle n’agirait pas en justice afin de faire respecter les clauses pertinentes par le télédiffuseur et qu’elle levait toute obligation de ce dernier en vertu des clauses pertinentes. Sur quoi, Groupe Canal+ lui avait répondu que les engagements pris dans le cadre d’une procédure impliquant seulement la Commission et Paramount ne lui étaient pas opposables et a introduit un recours devant le Tribunal de l’Union tendant à l’annulation de la décision de la Commission.

Groupe Canal+ a alors formé un pourvoi demandant l’annulation de l’arrêt du Tribunal, mais aussi celle de la décision de la Commission. Au soutien de son pourvoi, Groupe Canal+ soulevait quatre moyens.

Sur le premier moyen, la Cour juge que c’est à bon droit que le Tribunal a rejeté le moyen tiré d’un détournement de pouvoir, qui visait, en substance, à démontrer que la Commission a éludé, en adoptant la décision litigieuse, le processus législatif portant sur la question du blocage géographique. À cet égard, GPC soutenait que l’adoption de la décision litigieuse constituait un détournement de pouvoir, en ce qu’elle a permis à la Commission d’obtenir, sous couvert de vouloir faire cesser des pratiques anticoncurrentielles, ce que le Parlement européen avait refusé de lui accorder, à savoir la fin des exclusivités territoriales dans le secteur du cinéma pour l’ensemble de l’EEE (pt. 22). Sur ce point, rappelant qu’un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce, la Cour retient que le Tribunal a relevé à juste titre que, tant que le processus législatif portant sur la question du blocage géographique n’a pas abouti à l’adoption d’un texte législatif, ce processus est sans préjudice des pouvoirs dont la Commission est investie en vertu de l’article 101 TFUE et du règlement n° 1/2003 (pt. 31). Par suite, la Commission pouvait faire usage de ses prérogatives et adopter la décision litigieuse tant que le processus législatif portant sur la question du blocage géographique n’avait pas formellement abouti à l’adoption d’un texte législatif.

Le troisième moyen portait d’abord sur la nécessité de replacer dans le contexte juridique et économique la conduite qui fait l’objet des préoccupations en matière de concurrence. En clair (si l’on peut dire…), Groupe Canal+ reprochait au Tribunal de ne pas avoir sanctionné le fait que la Commission n’ait pas pris en compte de manière appropriée le contexte juridique et économique dans lequel s’inscrivaient les préoccupations en matière de concurrence qu’elle avait exprimées. Au cas d’espèce, relève le Cour, le Tribunal a identifié les préoccupations de la Commission en ce qui concerne les clauses pertinentes, en constatant que celle-ci a exposé que les accords aboutissant à une exclusivité territoriale absolue reconstituaient les cloisonnements de marchés nationaux et contrariaient l’objectif du traité visant à établir un marché unique et que, partant, de telles clauses étaient réputées avoir pour objet de restreindre la concurrence, à moins que d’autres circonstances relevant de leur contexte économique et juridique ne permettent de constater qu’elles ne sont pas susceptibles de produire ce résultat (pt. 46) et a considéré que, eu égard à leur contenu, à leurs objectifs et à leur contexte économique et juridique, les clauses pertinentes ont pour objet d’exclure toute concurrence transfrontalière et d’accorder une protection territoriale absolue aux télédiffuseurs cocontractants de Paramount (pt. 47). Ce faisant, estime la Cour, le Tribunal n’a pas méconnu son obligation de motivation lorsqu’il a rejeté l’argumentation de Groupe Canal + relative au contexte économique et juridique dans lequel s’insèrent les clauses pertinentes (pt. 50).

Groupe Canal + reprochait également au Tribunal d’avoir rejeté les arguments de Groupe Canal + visant à démontrer la licéité des clauses pertinentes au regard de l’article 101, § 1, TFUE et, partant, l’absence de fondement des préoccupations à l’origine de la décision litigieuse.

Sur ce point, estime la Cour, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, en se référant à l’arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a. (C‑403/08 et C‑429/08), que des clauses d’accords de licence qui stipulent des obligations réciproques qui ont pour objet d’éliminer la prestation transfrontalière des services de radiodiffusion du contenu audiovisuel faisant l’objet de ces accords et qui confèrent ainsi une protection territoriale absolue à chaque radiodiffuseur peuvent être considérées, compte tenu tant des objectifs qu’elles visent à atteindre que du contexte économique et juridique dans lequel elles s’insèrent, comme étant des accords ayant pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 101, § 1, TFUE et que, dans la mesure où les clauses pertinentes contenaient de telles obligations, elles étaient, sans préjudice d’une éventuelle décision constatant définitivement l’existence ou l’absence d’une infraction à cette dernière disposition à la suite d’un examen complet, de nature à susciter, pour la Commission, des préoccupations en matière de concurrence en l’espèce (pt. 54).

Groupe Canal + faisait encore valoir que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en estimant que la question de savoir si le comportement ayant suscité lesdites préoccupations remplit les conditions cumulatives d’application de l’article 101, § 3, TFUE était étrangère à la nature même d’une décision d’engagements et que, par conséquent, il ne lui incombait pas de se prononcer sur les arguments de Groupe Canal + pris de ce que les clauses pertinentes promeuvent la production et la diversité culturelle.

Insistant sur le caractère préliminaire de la nature anticoncurrentielle du comportement en cause dans le cadre d’une décision d’engagements adoptée en vertu de l’article 9 du règlement n° 1/2003 (pt. 59), la Cour estime que le Tribunal a relevé à bon droit que l’article 101, § 3, TFUE ne trouve à s’appliquer que si une infraction à l’article 101, § 1, TFUE a été constatée au préalable (pt. 56). En effet, comme la Commission est dispensée de qualifier et de constater l’infraction lorsqu’elle adopte une décision d’engagements, elle ne saurait, dans le cadre d’une telle décision, être tenue d’apprécier de manière définitive si un accord, une décision ou une pratique concertée remplit les conditions de l’article 101, § 3, TFUE (pt. 57). Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit, en jugeant que la question de savoir si le comportement ayant suscité, pour la Commission, des préoccupations en matière de concurrence remplit les conditions d’application de l’article 101, paragraphe 3, TFUE est étrangère à la nature même d’une décision adoptée au titre de l’article 9 du règlement n° 1/2003 (pt. 60).

Par son quatrième moyen, Groupe Canal + soutenait d’abord que la Commission, en acceptant les engagements de Paramount, qui visaient l’ensemble des contrats conclus avec les télédiffuseurs de l’EEE, alors que l’évaluation préliminaire et les préoccupations en matière de concurrence exprimées par celle-ci ne portaient que sur les droits exclusifs octroyés à Sky pour le territoire du Royaume-Uni et de l’Irlande, a raisonné « par extrapolation », en s’affranchissant de l’obligation d’examiner les autres marchés nationaux, et, de ce fait, n’a pas pris en compte les particularités des autres marchés, notamment le marché français, qui aurait pour particularité que le financement de la création audiovisuelle est assuré par les diffuseurs, dont Groupe Canal + (pt. 79). Sur quoi la Cour, observant que le Tribunal a constaté que les clauses litigieuses aboutissaient à une exclusivité territoriale absolue, reconstituant ainsi les cloisonnements de marchés nationaux et contrariant l’objectif du traité visant à établir un marché unique, estime que c’est à bon droit que le Tribunal a considéré que les clauses pertinentes, dans la mesure où elles avaient pour objet de cloisonner les marchés nationaux de l’ensemble de l’EEE, sans que leur contexte économique et juridique permette de constater qu’elles ne sont pas susceptibles de porter atteinte à la concurrence, pouvaient valablement, dans le contexte de l’application de l’article 9 du règlement n° 1/2003, susciter pour la Commission des préoccupations en matière de concurrence concernant l’ensemble de cet espace géographique, quand bien même la Commission n’aurait pas analysé un par un les marchés nationaux concernés (pt. 86).

Restait à savoir si le Tribunal n’avait pas méconnu le principe de proportionnalité en minimisant l’importance des effets des engagements en cause, pris par Paramount et rendus obligatoires par la décision litigieuse, sur les droits contractuels de Groupe Canal +, en commettant une erreur de droit quant au caractère effectif, dans ce contexte, d’une action introduite devant le juge national fondée sur de tels droits (pt. 103). À cet égard, Groupe Canal + faisait valoir que, en considérant que la décision litigieuse ne constituait pas une ingérence dans sa liberté contractuelle, au motif qu’elle pourrait saisir le juge national afin de faire constater la compatibilité des clauses pertinentes avec l’article 101, § 1, TFUE et de tirer, à l’égard de Paramount, les conséquences prescrites par le droit national, le Tribunal avait méconnu le principe qui résulterait de l’article 9 du règlement n° 1/2003, du point 128 des bonnes pratiques et de la note 76 en bas de page de celles-ci, selon lequel une décision adoptée sur le fondement de cet article 9 ne peut avoir pour objet ou pour effet de rendre des engagements obligatoires pour des opérateurs qui ne les ont pas offerts et qui n’y ont pas souscrit (pt. 88).

En somme, la question posée par cette affaire était de savoir si une décision d’engagement n’est obligatoire que pour les entreprises ayant offert l’« engagement » en cause, au sens de l’article 9 du règlement n° 1/2003, ou s’il peut en outre avoir pour objet ou pour effet de rendre un tel engagement obligatoire pour des opérateurs qui ne l’ont pas offert et qui n’y ont pas souscrit (pt. 94). Si la décision litigieuse n’imposait pas expressément d’obligations aux télédiffuseurs cocontractants de Paramount, il n’en reste pas moins que les engagements de celle-ci, rendus obligatoires par la décision litigieuse, entraînaient automatiquement la mise en cause du droit contractuel dont jouissent ces télédiffuseurs, dont Groupe Canal +, à l’égard de Paramount, consistant à ce que cette dernière garantisse à chacun d’eux une exclusivité territoriale absolue en ce qui concerne l’objet de chaque accord de licence portant sur la production de télévision payante. En effet, en vertu de cette décision, Paramount était tenue, notamment, de ne pas honorer certaines obligations, qui visent à assurer cette exclusivité, découlant de ses contrats avec lesdits télédiffuseurs, et en particulier celles prévues aux articles 3 et 12 de son accord de licence avec Groupe Canal +, entré en vigueur le 1er janvier 2014 (pt. 125).

Sur ce point, la Cour commence par opérer une nette distinction entre, d’une part, l’application du principe de proportionnalité à l’adéquation des engagements rendus obligatoires aux préoccupations de concurrence exprimées par la Commission et, d’autre part, la mise en œuvre du même principe de proportionnalité s’agissant des effets desdits engagements sur les intérêts des tiers. Là où l’arrêt Alrosa du 29 juin 2010 n’avait fait qu’esquisser une telle distinction en considérant que la mise en œuvre par la Commission du principe de proportionnalité dans le contexte de l’article 9 du règlement n° 1/2003 se limite à la vérification que les engagements en question répondent aux préoccupations dont elle a informé les entreprises concernées et que ces dernières n’ont pas offert d’engagements moins contraignants répondant d’une façon aussi adéquate à ces préoccupations, ajoutant toutefois, à titre subsidiaire en quelque sorte, que, dans l’exercice de cette vérification, la Commission doit toutefois prendre en considération les intérêts des tiers. Là où, donc, dans l’arrêt Alrosa, elle instaurait une hiérarchie manifeste entre les deux exigences pesant sur la Commission, la prise en considération des intérêts des tiers paraissant très subsidiaire, la Cour, dans la présente affaire, semble vouloir placer sur le même plan, pour ne pas dire à égalité, les deux exigences au regard de l’application du principe de proportionnalité. Nul doute que l’arrêt rendu le 9 décembre 2020 fait peser de nouvelles obligations sur la Commission lorsqu’elle entre dans la voie de la procédure d’engagements et qu’elle décide de rendre obligatoires des engagements. Elle devra davantage que par le passé examiner, au regard du principe de proportionnalité, les effets de ses décisions d’engagements sur les tiers cocontractants de l’entreprise qui a souscrit lesdits engagements. Nul doute également que ceux-là sauront le lui rappeler si nécessaire…

En pratique, la Cour observe, à l’instar de la position adoptée par l’avocat général Pitruzzella dans ses conclusions, que, lorsque la Commission vérifie les engagements non pas sous l’angle de leur adéquation à répondre à ses préoccupations en matière de concurrence mais au regard de leur incidence sur les intérêts des tiers, le principe de proportionnalité requiert que les droits dont ces derniers sont titulaires ne soient pas vidés de leur substance (pt. 106). Ce faisant, la Cour de justice de l’Union va, à la faveur du présent arrêt, au-delà des conclusions qu’elle avaient adoptées dans. Or, pour dire qu’au cas d’espèce, la décision litigieuse n’avait pas pour objet ou pour effet de rendre un tel engagement obligatoire à l’égard de Groupe Canal +, simple tiers qui n’avait pas offert un tel engagement et n’avait pas été visé par la procédure intentée par la Commission, le Tribunal a considéré que cette décision d’engagement ne portait pas atteinte à la possibilité pour Groupe Canal + de saisir le juge national afin de faire constater la compatibilité des clauses pertinentes avec l’article 101, § 1, TFUE et de tirer, à l’égard de Paramount, les conséquences prescrites par le droit national.

Or, s’il est vrai qu’une décision sur les engagements adoptée par la Commission concernant certains accords entre entreprises, au titre de l’article 9, § 1, du règlement 1/2003, ne s’oppose pas à ce que les juridictions nationales examinent la conformité desdits accords aux règles de concurrence et constatent, le cas échéant, la nullité de ces derniers en application de l’article 101, § 2, TFUE (pt. 108), il n’en reste pas moins que l’article 16, § 1, du règlement n° 1/2003, dispose que, lorsque les juridictions nationales statuent sur des accords, des décisions ou des pratiques relevant de l’article 101 ou de l’article 102 TFUE qui font déjà l’objet d’une décision de la Commission, elles ne peuvent prendre des décisions qui iraient à l’encontre de la décision adoptée par la Commission (pt. 109). De sorte qu’une décision d’une juridiction nationale qui obligerait une entreprise ayant pris des engagements rendus obligatoires en vertu d’une décision adoptée au titre de l’article 9, du règlement 1/2003 à contrevenir à ces engagements irait manifestement à l’encontre de cette décision (pt. 110). Et la Cour de considérer que, en jugeant que les juridictions nationales saisies d’un recours visant à faire respecter les droits contractuels de Groupe Canal + pourraient, le cas échéant, ordonner à Paramount de contrevenir à ses engagements, rendus obligatoires par la décision litigieuse, le Tribunal a méconnu la première phrase de l’article 16, § 1, du règlement n° 1/2003 (pt. 111).

Dans le même sens, la Cour estime que le Tribunal a également commis une erreur de droit, en considérant, qu’une juridiction nationale pourrait, le cas échéant, déclarer que des clauses, telles que les clauses pertinentes, n’enfreignent pas l’article 101, § 1, TFUE et accueillir le recours introduit par une entreprise tendant à faire respecter ses droits contractuels auxquels il est porté atteinte par des engagements rendus obligatoires par la Commission ou à obtenir des dommages et intérêts (pt. 114). En effet, comme les décisions d’engagement sont prises « lorsque la Commission envisage d’adopter une décision exigeant la cessation d’une infraction », en présence d’une telle décision, les juridictions nationales ne peuvent pas adopter au regard des comportements concernés des décisions « négatives », constatant l’absence de violation des articles 101 et 102 TFUE, puisqu’aussi bien la Commission peut encore rouvrir la procédure, en application de l’article 9 du règlement 1/2003, et adopter, le cas échéant, une décision comportant une constatation formelle de l’infraction (pt. 113).

Il s’ensuit que l’intervention du juge national n’est pas à même de pallier de façon adéquate et effective un défaut de vérification, au stade de l’adoption d’une décision prise sur le fondement de l’article 9 du règlement no 1/2003, du caractère proportionné de la mesure au regard de la protection des droits contractuels des tiers (pt. 115).

Dès lors que les droits contractuels d’un tiers, tel que Groupe Canal +, ne peuvent pas être protégés de manière adéquate dans le cadre d’un recours introduit devant un juge national dans des circonstances où la Commission rend obligatoire un engagement en vertu duquel le cocontractant du tiers doit laisser inappliquées certaines de ses obligations envers ce dernier, librement assumées en vertu d’un accord inconditionnel qui est déjà en vigueur, et ce alors que ledit tiers n’était pas visé par la procédure intentée par la Commission (pt. 117), c’est à tort que le Tribunal a estimé que la possibilité pour les cocontractants de Paramount, dont Groupe Canal +, de saisir le juge national était de nature à remédier aux effets des engagements de Paramount, rendus obligatoires par la décision litigieuse, sur les droits contractuels desdits cocontractants (pt. 116).

À défaut de recours effectif à la disposition des tiers à la décision d’engagement, à l’encontre de celle-ci, le pouvoir de la Commission de rendre l’engagement obligatoire à l’égard d’un tiers intéressé constitue une ingérence dans la liberté contractuelle dudit cocontractant allant au-delà des prévisions de l’article 9 du règlement n° 1/2003 (pt. 124).

En conséquence, la Cour conclut que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit quant à l’appréciation du caractère proportionné de la décision litigieuse en ce qui concerne l’atteinte aux intérêts des tiers (pt. 119), de sorte qu’il y a lieu de l’annuler (pt. 120).

Considérant que le litige est en état d’être jugé, la Cour a enfin examiné le moyen d’annulation de la décision d’engagement adoptée par la Commission soulevé par Groupe Canal + aux termes duquel la Commission aurait porté atteinte de manière démesurée aux droits contractuels des tiers, tels que Groupe Canal +, et aurait ainsi méconnu le principe de proportionnalité (pt. 123). Tirant les conséquences des motifs justifiant l’annulation de l’arrêt attaqué, la Cour relève, à la suite de l’avocat général Pitruzzella, le caractère essentiel, dans l’économie des accords de licence en question, des obligations visant à assurer l’exclusivité territoriale accordée aux télédiffuseurs, qui sont affectées par les engagements rendus obligatoires par la décision litigieuse. Et dès lors que la possibilité pour les cocontractants de Paramount, dont Groupe Canal +, de saisir le juge national n’est pas de nature à remédier à ces effets de la décision litigieuse sur les droits contractuels desdits cocontractants de manière adéquate, il s’ensuit que, en rendant obligatoires, par ladite décision, les engagements de Paramount, la Commission a, en violation de l’exigence de proportionnalité, vidé de leur substance les droits contractuels des tiers, dont ceux de Groupe Canal +, à l’égard de Paramount, et a ainsi méconnu le principe de proportionnalité (pt. 127), de sorte qu’elle annule également la décision de la Commission rendant obligatoires les engagements de Paramount.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Cour.

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que le Tribunal a fait une exacte application du critère de l’investisseur privé à l’aide octroyée sous forme d’augmentations du capital de la société chargée de l’assistance en escale aux aéroports de Milan-Linate et de Milan-Malpensa, la Cour de justice de l’Union rejette le pourvoi de la ville de Milan

 

Le 10 décembre 2020, la Cour de justice de l’Union a rendu son arrêt dans l’affaire C-160/19 (Comune di Milano contre Commission européenne).

Dans cette affaire, qui posait principalement la question de l’application du critère de l’investisseur privé agissant en économie de marché, la Cour parvient à la conclusion qu’il convient de rejeter le pourvoi à la faveur duquel  la ville de Milan sollicitait tant l’annulation de l’arrêt attaqué que celle de la décision litigieuse.

SEA, la société gestionnaire des aéroports de Milan-Linate et Milan-Malpensa, presque exclusivement détenue par des autorités publiques entre 2002 et 2010, principalement à 84,56 % par le requérant au pourvoi, la ville de Milan, a créé en juin 2002 une société — la SEA Handling — chargée de fournir les services d’assistance en escale aux aéroports de Milan-Linate et de Milan‑Malpensa. En vertu d’un conclu entre la ville de Milan, SEA et divers syndicats en 2002, à la faveur duquel la ville de Milan confirmait notamment que SEA continuerait de détenir une participation majoritaire dans SEA Handling pendant au moins cinq ans et que SEA maintiendrait l’équilibre coûts/bénéfices de sa filiale, SEA a procédé en faveur de SEA Handling à des augmentations de capital au montant total de 359 644 000 euros, tandis que SEA Handling enregistrait des pertes s’élevant à 339 784 000 euros au total.

À la suite d’une plainte concernant les augmentations de capital, la Commission a adopté, le 19 décembre 2012, une décision constatant, notamment, que les augmentations de capital effectuées par SEA en faveur de SEA Handling pendant la période 2002 à 2010 constituaient des aides d’État au sens de l’article 107 TFUE, qui étaient incompatibles avec le marché intérieur et devaient par conséquent être récupérées.

La ville de Milan a alors introduit un recours en annulation contre la décision de la Commission que le Tribunal de l’Union a rejeté aux termes d’un arrêt rendu le 13 décembre 2018 dans l’affaire T-167/13 (Comune di Milano contre Commission européenne).

La ville de Milan avançait quatre moyens à l’appui de son pourvoi, tous tirés de la violation, par le Tribunal, de l’article 107, § 1, TFUE, dans la mesure où la requérante soutient qu’il n’y aurait pas d’aides d’État en l’espèce. Les premier et quatrième moyens sont tirés de violations de l’article 107, § 1, TFUE, en ce que le Tribunal aurait, d’une part, erronément constaté l’existence d’un transfert de ressources d’État et conclu à l’imputabilité à la ville de Milan des mesures en cause ainsi que, d’autre part, méconnu le critère de l’investisseur privé. Par les deuxième et troisième moyens, également relatifs à l’imputabilité des mesures en cause à la ville de Milan, celle-ci fait valoir que le Tribunal a erronément appliqué les principes de la charge de la preuve et dénaturé des faits et des éléments de preuve.

S’agissant du premier moyen relative à la notion de ressources d’État et à l’imputabilité des mesures en cause, la ville de Milan reproche d’abord au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit lorsqu’il s’est fondé sur sa participation majoritaire dans SEA et sur la présomption d’influence dominante,, sans vérifier si la Commission avait prouvé la réalité de cette influence, voire la gestion en sa faveur des ressources de SEA.

Rappelant sa jurisprudence concernant l’exercice de son influence dominante sur de telles entreprises par l’État (pts. 29-34), la Cour estime que le Tribunal a pu déduire, sans commettre d’erreur de droit, du fait que les parts sociales de SEA étaient presque entièrement et directement détenues par des autorités publiques, parmi lesquelles la ville de Milan, et que cette dernière désignait les membres du conseil d’administration et du conseil de surveillance de SEA soit directement, soit par l’intermédiaire de sa majorité dans l’assemblée générale de cette société, que les moyens financiers octroyés par cette dernière à SEA Handling devaient être qualifiés de ressources d’État (pt. 35).

La ville de Milan faisait encore valoir que le Tribunal avait méconnu l’article 107, § 1, TFUE lorsqu’il a estimé que la démonstration de l’implication de la ville de Milan dans l’octroi des mesures en cause exigeait non pas l’établissement d’une preuve positive, mais seulement l’improbabilité d’une absence d’implication.

Écartant d’emblée l’argumentation de la requérante, la Cour lui oppose les constatations opérés par le Tribunal concluant à l’existence d’indices positifs, énoncés aux points 53 à 55 du présent arrêt, mettant en évidence, dans le cas concret, une implication de la ville de Milan dans l’adoption desdites mesures et admettant, sur le fondement de ces indices positifs, que la Commission pouvait également s’appuyer sur l’improbabilité d’une absence d’implication de la ville de Milan dans l’adoption, à tout le moins, de certaines des mesures en cause au cours de la période intervenue après la conclusion de l’accord syndical du 26 mars 2002 (pt. 56).

S’agissant du deuxième moyen relatif aux principes de la charge de la preuve, la ville de Milan soutenaient d’abord que le Tribunal avait omis de procéder à un examen attentif des preuves qu’elle a avancées pour les rejeter comme étant insuffisants pour réfuter l’improbabilité d’une absence d’implication de la ville de Milan dans les mesures en cause. Sur quoi, la Cour lui répond qu’à l’inverse de ce qu’elle soutient, le Tribunal a constaté l’existence d’indices positifs indiquant concrètement une implication de la ville de Milan dans l’adoption de ces mesures (pt. 62), conclusion à laquelle il est parvenu au terme d’une analyse détaillée de tous les éléments avancés et après avoir examiné de façon équitable les arguments et les preuves soulevés par les parties (pt. 63), de sorte que le rejet par le Tribunal de l’argumentation de la ville de Milan n’est dû ni à l’imposition par le Tribunal d’une obligation de fournir des preuves positives et certaines d’une absence de son implication dans l’adoption des mesures en cause ni à l’application par celui-ci d’une charge de la preuve inégale, mais est dû à l’appréciation de la valeur probante de chacun des indices avancés (pt. 64).

La ville de Milan faisait encore valoir que le Tribunal avait commis une erreur de droit en retenant que la Commission était fondée à considérer que sa participation à la conclusion de l’accord syndical du 26 mars 2002 était suffisante, en tant que telle, pour justifier qu’elle soit regardée comme ayant été impliquée dans l’octroi des mesures en cause, lesquelles devraient être regardées comme une intervention unique. Pour la Cour, le Tribunal n’a fait là que mettre en oeuvre la jurisprudence selon laquelle le fait que plusieurs interventions consécutives de l’État puissent, aux fins de l’application de l’article 107, 6 1, TFUE, être regardées comme une seule intervention peut s’appliquer également au critère de l’imputabilité à l’État de telles interventions (pt. 73).

S’agissant du troisième moyen tiré d’une dénaturation d’éléments de preuve, la ville de Milan prétend que le Tribunal a dénaturé l’accord syndical du 26 mars 2002 lorsqu’il a considéré que cet accord prévoyait une obligation claire et précise incombant à SEA de maintenir, pour une période d’au moins cinq ans, l’équilibre coûts/bénéfices et le cadre économique général de SEA Handling et en a déduit que, en vertu de cette obligation, SEA était tenue de compenser d’éventuelles pertes de SEA Handling susceptibles d’affecter la continuité de son activité économique. Sur ce point, la Cour, faisant sienne l’interprétation retenue par le Tribunal, estime que SEA était tenue, en vertu de cette obligation, de compenser d’éventuelles pertes de SEA Handling susceptibles d’affecter la continuité de son activité économique, écartant du même coup le grief de dénaturation alléguée (pt. 86).

Quant au quatrième moyen tiré relatif au critère de l’investisseur privé, la requérante dénonçait principalement une méconnaissance par le Tribunal de la répartition de la charge de la preuve pour l’application du critère de l’investisseur privé.

Sur quoi, rappelant que c’est sur la Commission que pèse la charge de prouver, en tenant compte, notamment, des informations fournies par l’État membre concerné, que les conditions d’application du principe de l’opérateur privé ne sont pas remplies, de sorte que l’intervention étatique en cause renferme un avantage au sens de l’article 107, § 1, TFUE (pt. 110) et que seuls pertinents, aux fins de cette application du critère de l’investisseur privé, les éléments disponibles et les évolutions prévisibles au moment où la décision de procéder à l’investissement a été prise (pt. 112), la Cour estime que l’appréciation portée par le Tribunal ne fait pas apparaître une méconnaissance des règles relatives à la répartition de la charge de la preuve en ce qui concerne le critère de l’investisseur privé (pt. 116). À cet égard, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a constaté qu’un investisseur privé n’aurait pas pris l’engagement de compenser, pendant une période d’au moins cinq ans, d’éventuelles pertes de SEA Handling susceptibles d’affecter la continuité de son activité économiques, ans avoir effectué au préalable une évaluation appropriée de la rentabilité et de la rationalité économique de son engagement, de sorte que l’absence d’une telle évaluation préalable peut constituer un élément essentiel tendant à établir qu’un investisseur privé n’aurait pas apporté, à des conditions similaires, un montant égal à celui apporté par l’investisseur public (pt. 117). Par suite, en examinant si la Commission pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer que les éléments fournis au cours de la procédure administrative étaient ou non de nature à démontrer qu’une telle évaluation faisait défaut, le Tribunal a exercé le contrôle qu’il lui incombait d’effectuer (pt. 119). Dans ces conditions, c’est sans méconnaître le fait qu’il incombe à la Commission de prouver que les conditions d’application du principe de l’opérateur privé ne sont pas remplies que le Tribunal a constaté que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a effectué ces constatations (pt. 120).

INFOS : L’Autorité rejette pour absence d’éléments probants la saisine d’agences de voyages dénonçant le non-remboursement concertés des vols annulés par 90 compagnies aériennes

 

Le 8 décembre 2020, l’Autorité de la concurrence a rendu une décision n° 20-D-21 à la faveur de laquelle elle rejette, sur le fondement du deuxième alinéa de l’article L. 462-8 du code de commerce, la saisine au fond de la société coopérative CEDIV TRAVEL et de 55 de ces adhérents, agences de voyages (sur 254), pour défaut d’éléments probants et, partant, la demande de mesures conservatoires accessoire à la saisine.
 
Dans le contexte particulier de l’épidémie de la Covid-19 qui a conduit à des annulations massives de vols depuis et vers la France à partir du 17 mars 2020, les saisissants dénonçaient non seulement une pratique concertée depuis cette date entre quatre-vingt-dix compagnies membres ou non de l’IATA, mais également un abus de position dominante collective et même des abus de dépendance économique, consistant pour ces compagnies à cesser de respecter l’obligation de remboursement des vols annulés en raison de la crise sanitaire et à imposer des avoirs, au détriment des agences de voyages et des clients finals. Cette pratique serait aujourd’hui devenue systématique, en particulier sous l’impulsion de l’IATA (pt. 50), à la suite d’une lettre ouverte du directeur général de IATA adressée aux agences de voyages qui serait « venue expliquer aux agences de voyage que les compagnies aériennes ne pouvaient rembourser en numéraire les billets non volés du fait des pertes enregistrées et de la crise de liquidités qu’elles subissent depuis le début de la pandémie », ce que les saisissants considèrent comme une consigne donnée par l’IATA, que les compagnies aériennes auraient appliquée, en l’absence de distanciation publique de leur part, à l’exception de « certaines compagnies, dont Air France », qui ont finalement décidé de rembourser les billets annulés, ce qui constituerait une reconnaissance tacite de l’existence de la concertation (pt. 77).

Pour l’Autorité, s’il n’est pas exclu que pendant la crise sanitaire de la Covid-19, et probablement dès le 17 mars 2020, de nombreuses compagnies aériennes n’aient pas respecté leurs obligations d’information des passagers concernant leur droit à obtenir le remboursement des vols annulés, découlant du règlement (CE) n° 261/2004 et les auraient incités à accepter des avoirs, voire les leur auraient imposés (pt. 77), pour autant, aucun des éléments au dossier n’était susceptible d’inférer l’existence d’une forme de concertation entre les compagnies aériennes visées concernant les modalités de remboursement des vols annulés (pt. 80).

En premier lieu, la lettre du directeur général de l’IATA adressée aux agences de voyages ne peut être considérée comme une consigne donnée aux compagnies aériennes de cesser les remboursements en numéraire (pt. 81).

En deuxième lieu, aucun des éléments versés au dossier ne permet d’établir de lien entre la communication de l’IATA et la suspension généralisée des remboursements dénoncée par la saisine, la lettre précitée ne contenant aucune directive adressée aux compagnies aériennes sur un tel sujet (pt. 82).

En troisième lieu, les documents versés par les saisissants censés établir l’existence d’un parallélisme de comportement entre les compagnies aériennes68 permettent au contraire de constater que, si les refus de remboursement en numéraire et la pratique des avoirs sont documentés pour les 20 compagnies concernées, chacune d’elles a en réalité mis en place des reports et des avoirs selon des modalités très hétérogènes (conditions de report des voyages, durée de validité des avoirs, conditions de remboursement en cas de non-utilisation des avoirs, facturation de frais de changement, etc.), qui ont de surcroît souvent évolué au cours du temps, ce que le commissaire du Gouvernement a également confirmé en séance (pt. 83).

Ainsi, Le parallélisme de comportement allégué est en réalité très imparfait et semble pouvoir s’expliquer par des réactions individuelles autonomes des compagnies aériennes, toutes confrontées au même choc économique majeur engendré par la crise sanitaire de la Covid-19. D’ailleurs, de nombreuses compagnies aériennes, à l’instar d’Air France, ont peu à peu assoupli leur politique, soit en accordant des remboursements, éventuellement avec retard, soit en améliorant les conditions d’utilisation des avoirs. Ainsi, des compagnies comme Lufthansa ou Qatar Airways, toutes deux mises en cause dans la saisine, avaient, dès la fin du mois d’août 2020, remboursé plus de 90 % de leurs clients (pt. 89).

Pour les mêmes raisons, l’Autorité a également conclu à l’absence d’éléments probants permettant d’envisager l’existence d’un abus de position dominante collective, les saisissants n’expliquant pas quels liens économiques permettraient aux compagnies aériennes mises en cause « d’agir ensemble indépendamment de leurs concurrents, de leurs clients et des consommateurs » (pt. 101), ni n’apportant d’éléments suffisamment probants relatifs à l’existence d’une ligne d’action commune consistant en un refus de remboursement des vols annulés (pt. 102) et ce, d’autant plus que l’on ne se trouve pas en présence d’un oligopole restreint (pt. 103).

L’Autorité a enfin indiqué que l’abus de dépendance économique n’était pas caractérisé, la vente de vols secs par les agences de voyages représentant une faible part de leur chiffre d’affaires.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

Le mémento pratique concurrence-consommation 2021

vient de paraître

 



Je vous signale la parution du mémento pratique Concurrence-consommation 2021, dont la partie «  Ententes et abus de domination » a été rédigée en collaboration avec CMS Francis Lefebvre Avocats.

Vous trouverez une brève présentation de l'ouvrage sur le site web des éditions Francis Lefebvre.

Douglas H. Ginsburg Liber Amicorum Vol. II
An Antitrust Professor on the Bench

vient de paraître chez Concurrences

 



Je vous signale la publication par la revue Concurrences du deuxième volume des mélanges en l’honneur du juge Douglas H. Ginsburg.

Le lecteur y trouvera une nouvelle série d'essais mettant l’accent à raison sur la contribution du juge Ginsburg à l’analyse structurée des problèmes antitrust, que ce soit en termes de règle de raison, de transfert de la charge de la preuve ou l’évaluation d’opérations de concentration potentiellement anticoncurrentielles. Le volume contient des articles rédigés par d'éminents contributeurs sur certaines des questions les plus importantes et les plus actuelle de l'antitrust moderne.

L’ouvrage est préfacé par Sir Christopher Bellamy.

Il est disponible à la vente sur le site de Concurrences.

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