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Courts-Circuits #18 - 25 janvier 2021

Campagnes
Hormonales

Courts-Circuits est une lettre d'exploration par la fiction. Chaque semaine, elle scanne les soubresauts numériques de notre société.

18e épisode de Courts-Circuits ! Et si demain, les campagnes de publicité infusaient directement des hormones dans votre cerveau ?

C’était le troisième jour du plus grand procès qui avait jamais eu lieu contre les entreprises technologiques. Après plusieurs mois d’enquête et d’instruction, la Cour Suprême avait enfin été convaincue de mener une action contre les trois géants industriels qui contrôlaient le marché des implants cérébraux. En cause : leur algorithme, ou plutôt l’obscurité complète de celui-ci pour la majorité des utilisateurs. 

L’affaire avait commencé avec une série de suicide chez les premiers porteurs d’implant. Des personnes a priori sans problème, heureux en famille, heureux en affaires, avaient mis fin à leurs jours. À chaque fois, leur acte était resté inexpliqué. Pas un mot, pas une lettre, pas une parole d’explication sur la défenestration de l’un ou le suicide à la carabine de l’autre. Le seul point commun de l’ensemble de ces actes étaient l’implant installé dans leur boîte crânienne quelques semaines plus tôt.

Les géants de la tech’ avaient bien entendu nié tout implication dans ces cas. Les implants cérébraux n’étaient que des boosters qui n’influençaient en rien le comportement de leurs hôtes. Ils pouvaient servir à stocker plus de souvenirs. Ils permettaient un accès plus direct et plus rapide aux informations. Il autorisaient le partage ou la retranscription plus rapide de ses pensées sur des supports numériques. Ils étaient gages de performance et c’est pourquoi ils avaient tenté avant tout des hommes d’affaires ou de média avertis, à la recherche de moyens d’accroître leur réussite et d’augmenter la portée de leur succès. Le profil-type des premières victimes de la vague de suicide. 

Quelques journalistes s’étaient penchés sur ces cas, faisant face à l’hostilité et aux obstructions des entreprises ayant mis sur le marché l’implant neuronal en question. Aux questions relatives à son fonctionnement, ils se voyaient répondre un simple « Pas de commentaires ». À la demande de partage des études d’impact, un silence à peine poli. Aux requêtes sur les algorithmes utilisés dans l’ordinateur cérébral, un refus net de collaborer. Devant cette situation, c’est l’une des grands reporters d’un magazine new-yorkais qui se lança dans l’enquête de la décennie. Anonymement, elle accepta de se faire greffer un implant, puis de se soumettre pendant deux mois à une surveillance médicale et psychologique constante. A défaut de comprendre le comportement de l’appareil, elle en apprit les effets en détail. 

La publication de l’enquête fit scandale : pendant ces deux mois, la journaliste avait été soumis à des variations hormonales hors-normes, avait eu des périodes d’euphorie sans mesure et avait par la suite commis trois tentatives de suicide. Avec l’aide de quelques collègues, elle mit en corrélation ces sautes drastiques d’humeur et ces grands moments de détresse avec son comportement concret, et surtout son comportement en ligne : les boutiques qu’elle visitait, les pages Web ou les réseaux sociaux qu’elle consultait, et souvent les mêmes causes provoquaient les mêmes effets. Les indices étaient suffisamment intriguant pour soupçonner l’existence de « campagnes publicitaires hormonales » qui détraquaient petit à petit l’équilibre de la personne greffé. Il fallut peu de temps entre la publication de l’enquête journalistique et l’ouverture d’un volet judiciaire. 

Six mois plus tard, malgré les multiples obstructions du fabricant, le procès s’ouvrait. Les implants étaient toujours commercialisés et avaient fait des dizaines de victimes supplémentaires… et tout cas, le ministère public entendait bien le prouver !
Aller plus loin ?
Et si on se penchait sur la vie de Nellie Bly ? Cette pionnière du journalise de reportage a révolutionné son métier à la fin du XIXe siècle. Au service du New York World, elle se laisse enfermer pendant 10 jours au Blackwells Island Hospital, un hôpital psychiatrique pour femme où sévices et humiliation sont légions. Le reportage fait scandale dans l'Amérique de la fin du XIXe siècle et servira de modèle à de nombreux journalistes d'investigation par la suite.

Cette histoire, et d'autres récits fantastiques fascinants, est relatée dans le 4e numéro de l'excellente revue Le Novelliste créée par Flatland éditeur. Lecture plus que recommandée.  
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A propos de Courts-Circuits

Courts-Circuits est une newsletter hebdomadaire qui interroge sur la numérisation croissante de notre société, et ça grâce à la fiction.

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A propos de l'Auteur

Courts-Circuits est concocté chaque semaine par François Houste,
directeur conseil au sein de l'agence digitale Plan Net France (mâtin, quelle agence), nageant dans l'univers numérique depuis plus de 20 ans, il est l'auteur en 2020 des Mikrodystopies chez C & F Éditions.
Contact : fhouste (a) gmail.com 
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