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Le seul maître qui nous soit propice, c’est l’Éclair,
qui tantôt nous illumine et tantôt nous pourfend.

René Char

•  lettre aléatoire •
 8 février 2021


#5 Ripostes
Fractales, de la compagnie Libertivore (Fanny Soriano), spectacle programmé au Théâtre Durance le 19 février et annulé. ©  Loïc Nys.
ÉDITO
Lieux culturels, comment ça crée ?

Le 23 décembre 2020, le référé-liberté déposé par des artistes, des théâtres et des représentants des secteurs du spectacle et du cinéma demandant la réouverture des lieux culturels a été rejeté par le Conseil dÉtat. Une situation qui devait être temporaire semble sinstaller, qui contraint les salles à repenser leur rôle et leurs activités, et les artistes à imaginer des formes nouvelles.
Comment les acteurs culturels ripostent-ils devant tant dincertitude ?  Et que signifie créer en labsence de rencontre des œuvres avec le public ? Une enquête en plusieurs épisodes, pour mieux saisir la situation de la création vivante sur le territoire.

ENQUÊTE FILANTE Épisode 1

Théâtre Durance, un si long entracte

Le théâtre de Château-Arnoux, qui offrait pour 2020-2021 une riche programmation de spectacle vivant, de danse et de musique, oscille entre tentatives de réinvention et perte de sens. Petit tour dans les coulisses dun lieu qui redéploie son énergie tant bien que mal pour continuer de favoriser la création, sans le public.

Le Théâtre Durance faisait partie des signataires du référé-liberté. Cette scène conventionnée d’intérêt national n’a pu montrer que les deux premiers spectacles de la saison. En l’absence d’annonce de date de réouverture par le gouvernement, la direction a décidé d’annuler la programmation jusqu’aux vacances de février au moins.

Car le montage dun spectacle prend du temps. La programmation est choisie un an à lavance par la directrice Élodie Presles. Les aspects administratifs et techniques, ainsi que la communication en amont demandent plusieurs mois d’anticipation, tout comme les partenariats qui sont construits avec le cinéma, la médiathèque, les écoles et les librairies. Les annulations en cascade ont entraîné le remboursement de la totalité des billets. Un problème logistique plutôt que financier, car la billetterie ne représente que 10 % des recettes de ce lieu en grande partie subventionné par des instances publiques.

Derrière le rideau, les résidences

En dépit des portes closes, des idées ont germé pour tirer parti de ce temps de fermeture forcée. « Nous sommes fermés, mais nous continuons de tourner », explique Camille Wehrlé, chargée de la communication et des relations presse. « L’équipe du théâtre déploie les activités que les salles ont toujours le droit de porter : les résidences de création et les actions dans les établissements scolaires. »

Les locaux sont investis par des artistes invités pour développer leurs créations. Le groupe de rock marseillais Parade est venu enregistrer son album début décembre. « On a été très bien reçus, raconte Jules, le chanteur. Un des rares bons côtés de la fermeture des salles, c’est qu’elle permet à des groupes d’enregistrer dans des conditions fantastiques. On avait la vue sur la montagne pour faire du rock. On était là pour enregistrer des morceaux déjà écrits, mais ce cadre m’a aussi inspiré pour la suite. »

En février, la compagnie Okkio s’installe sur le plateau pour travailler la mise en lumière du spectacle jeune public À nous deux, et le Trio Jazz Experience répète des compositions. En plus du prêt des locaux, le théâtre apporte un soutien financier aux projets, soutien qui peut passer par une coproduction. Les sorties de résidence sont parfois présentées sur scène aux professionnels du secteur, avec une jauge très limitée. Camille Wehrlé dresse un bilan mitigé : « D’un côté, les artistes sont heureux d’avoir des espaces pour continuer à travailler. Mais de l’autre, il n’y a pas de perspectives de diffusion. »

« Intervention dansée » à l'école des Mées le 1er février.

Spectacle intime pour les élèves

Poursuivant ses actions éducatives, le théâtre organise en février une tournée dans sept établissements scolaires, imaginée par le Centre Chorégraphique National de Tours. Le spectacle Dans ce monde de Thomas Lebrun, un « tour du monde dansé » créé à lorigine pour la scène avec quatre danseurs, a été remanié en fonction des contraintes du moment : un duo exécute pour les élèves une « intervention dansée », composée dextraits du spectacle et d’improvisations. Une performance itinérante réduite à sa plus simple essence qui laissera sûrement une forte impression aux jeunes spectateurs.

Le public qui manque

Cependant, difficile de garder le moral pour les artistes et léquipe du théâtre qui les accompagne. « Nous sommes partagés entre la prise en compte du contexte sanitaire et la colère face aux décisions concernant notre secteur dactivité », confie Élodie Presles. « Si lon ne rouvre pas, lintérêt de créer samoindrit. Le principal, pour les artistes comme pour nous, reste la rencontre entre lœuvre et le public : cest laboutissement de tout notre travail. Nous espérons retrouver le public le plus vite possible. »

Prochain épisode : Séances fantômes au cinéma Le Bourguet à Forcalquier.

BRÈVE RENCONTRE

Lætitia Marty : « Je veux sculpter des femmes puissantes. »

Sculpteure et céramiste née en 1980, Lætitia Marty est nouvellement installée à Saint-Michel-l’Observatoire. Elle présente ici un travail en cours, intitulé provisoirement Le loup et la femme.

Le loup et la femme, 36 x 18 x 18 cm, 2021. Plus de photos sur le site et sur @lafulgurante_lettre.

Quels matériaux utilisez-vous ?
J’ai choisi le grès chamotté, une terre noire contenant de petits morceaux de terre cuite concassés, fins comme du sable. Plus elle est cuite, plus elle noircit. En la cuisant à 1050 degrés, j’obtiens la tonalité de bruns que je souhaite. Mes mains sont mon outil principal. Je peux parfois utiliser un couteau quand le travail est très fin, pour sculpter un visage par exemple. Je n’émaille pas, j’aime conserver le côté brut de la terre. Cependant, certaines pièces ont des couleurs, que je réalise avec des engobes, qui sont des oxydes mélangés avec la terre et qui la font changer de couleur.

Quels sont vos gestes et procédés de création ?
Je pars toujours d’une image forte qui est présente en moi, qui prend le dessus sur les autres et qui a besoin de sortir. Je commence avec une structure minimale, un squelette de terre, un buste sur une tige. J’essaye de ressentir la position, de voir si elle correspond à l’émotion que j’ai envie de reproduire. Je regarde aussi si elle accroche l’œil, et j’opère des changements si c’est nécessaire. Puis, je travaille par ajout de plaques de terre, de petits bouts déchirés. Les bras, les jambes et la tête sont maintenus avec des tiges métalliques. Je triture, j’ajoute, ou enlève de la terre. J’ai commencé par des petits formats pour des raisons pratiques – la taille du four et celle de l’atelier. Les petites sculptures demandent des gestes minutieux. Quand on fait des pièces plus grandes, il y a plus d’investissement au niveau du corps, et une différence de technique en raison du poids, et du temps de séchage, plus long. 

Parlez-nous de votre sculpture Le loup et la femme.
L’image de la femme et du loup me sont apparus alors que j’étais dans un état méditatif. Il y avait cette femme dans la neige d’un blanc immaculé. Et à côté d’elle, le loup. Depuis quelque temps, je suis concentrée sur les corps de femmes, les figures féminines ancestrales et universelles. Je nourris aussi cet imaginaire avec des lectures, notamment celle du livre Femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estès, qui parle de la femme puissante, libre et créative. Cela fait écho à une évolution en moi : au début, je sortais des corps chétifs, repliés sur eux-mêmes, et maintenant j’ai tendance à sculpter des femmes puissantes. Il y a un côté fier dans l’attitude de cette femme. C’est une femme sauvage, qui vit seule dans la nature. Elle est avec le loup, mais elle ne le possède pas. Il y a une égalité et une intimité entre eux. Dans le travail de la terre, j’essaye de donner à la sculpture un côté brut, tout en faisant en sorte qu’une expression, une âme, ressorte. C’est un travail qui n’est pas encore achevé. Je vais le cuire et le fixer sur un socle. La première phase, je l’ai terminée le 28 janvier, sans savoir que c’était la « pleine lune du Loup ».

Site de Lætitia Marty Instagram
L’INCRUSTE

Le brin d’herbe qui surgit du trottoir au coin de ma rue est facétieux. Par un matin brumeux, je le vis lorgner la plaque d’égout toute proche. Mais passée la première éclaircie, c’est fier et interdit qu’il matait, envieux, le panneau de voie sans issue.

Fabstre
Nouvelle consigne : envoyez votre dialogue en dix répliques (1000 signes maximum).
ALLONS VOIR

FILM : René Char, Isle-sur-Sorgue, mars 1966  22 minutes RTS  Disponible en ligne
Une rencontre avec le poète résistant dans son village du Vaucluse, avec des lectures de ses propres poèmes.


BEAU-LIVRE : Odette l'architecture, Marie Morel 336 pages Éditions Marie Morel
Ouvrage de référence paru en décembre 2020 sur Odette Ducarre, artiste et architecte qui a construit des habitations contemporaines à Sisteron, au Revest-des-Brousses, au Revest-Saint-Martin et à Mane.

Qui écrit ?
Cette lettre est préparée par Raphaële Javary, journaliste explorant la création entre Lure et Luberon, et membre de la rédaction de L’Étincelle,  journal local d’information.

Remerciements
Pauline Hessel, correctrice amoureuse.

 
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