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Hebdo n° 16/2021
26 avril 2021
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE : ACTIONS EN DOMMAGES ET INTÉRÊTS – PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES — Paris, Pôle 5 ch. 4, 14 avril 2021,  RG n° 19/19448 [Commentaire de Muriel Chagny]

JURISPRUDENCE : SECRET D’AFFAIRES – DROIT DES PRATIQUES RESTRICTIVES — Paris, Pôle 1, Ch. 2,  8 avril 2021, RG 21/05090 [Commentaire de Muriel Chagny]

INFOS UE : la Commission révise ses lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale


ANNONCE WEBINAIRE : « The new guidance on merger referrals under article 22 EUMR: The practical consequences for the BCA » — 3 mai 2021, 10h (CET) [Message de Hugues de Castillo]

JURISPRUDENCE : ACTIONS EN DOMMAGES ET INTÉRÊTS – PRATIQUES ANTICONCURRENTIELLES — Paris, Pôle 5 ch. 4, 14 avril 2021,  RG n° 19/19448 [Commentaire de Muriel Chagny]

 

L’indemnisation des préjudices concurrentiels n’est pas (toujours) un long fleuve tranquille, même lorsque les victimes de pratiques anticoncurrentielles exercent une action de suivi, en prenant appui sur une procédure engagée devant l’autorité de concurrence et ayant abouti à un constat d’infraction

Dans son arrêt du 14 avril 2021, la Cour d’appel de Paris statue sur l’appel interjeté par un producteur de produits d’hygiène condamné en première instance à réparer le préjudice causé par les pratiques d’échanges d’informations sensibles auxquelles il avait participé à plusieurs sociétés d’un même groupe de distribution. Le Tribunal de commerce de Paris avait accueilli, pour l’essentiel, la demande en réparation formulée par ces dernières aux fins d’indemnisation au titre de l’insuffisance des marges arrières obtenues en raison de l’entente horizontale nouée dans le secteur des produits d’hygiène (T. Com. Paris 15e ch., 23 septembre 2019, RG 2017013944, L’actu-concurrence Hebdo n° 40/2019 du 4 nov. 2019, obs. M. Chagny).

Preuve qu’une victoire en première instance n’est pas toujours synonyme de succès durable et que des chausse-trappes peuvent subsister sur la voie de l’indemnisation au stade de l’appel, la Chambre spécialisée de la Cour de Paris déboute les intimés de l’intégralité de leurs demandes en dommages et intérêts.

La prescription, constituant un obstacle radical à l’exercice d’une action en justice, est, on le sait, fréquemment invoquée. L’essentiel de la discussion se rapporte, le plus souvent, à la détermination du point de départ.

En l’occurrence, les appelants tentaient de faire échec à l’action en réparation en faisant valoir que la prescription avait commencé à courir, non pas à compter de la décision de l’Autorité de la concurrence, mais au plus tard lors de l’audition des victimes dans le cadre de l’instruction du dossier.

Statuant sur le fondement du droit commun de la prescription, la Cour d’appel réaffirme les principes déjà dégagés antérieurement pour préciser comment entendre la notion de « faits permettant d’exercer un droit » au sens de l’article 2224 du code civil. « En matière d’action en responsabilité, (…) la prescription ne court qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance », énonce la décision avant d’ajouter qu’il s’agit de « la date à laquelle la victime a su ou aurait dû savoir qu’elle avait été victime de l’infraction et qu’elle en a connu la consistance, l’imputabilité et la durée » (V. déjà not. CA Paris, 6 mars 2019, n° 17/21261).

Puis, elle expose qu’articles de presse et audition par les services de l’Autorité de la concurrence permettaient certes aux sociétés de la grande distribution de « soupçonner avoir été victimes d’une entente », mais que celles-ci « n’étaient pas dans la situation de pouvoir exercer une action en justice », faute de connaitre « la matérialité des faits », ainsi que « l’identification des entreprises ayant pris part à l’entente » (rappr. CA Paris, 28 févr. 2018, n° 15/11824, distinguant les « simples soupçons » de la « certitude de nature à permettre d'agir en réparation contre les auteurs des pratiques »). Seule la décision de l’autorité de concurrence « constatant et établissant dans ses éléments factuels et juridiques la pratique » leur a permis de connaître les faits leur permettant d’exercer une action indemnitaire. Le raisonnement ainsi suivi emporte sans nul doute la conviction et permet à la juridiction saisie de procéder à l’examen du bien-fondé de la demande en dommages et intérêts.

La suite de la décision conduit la Cour d’appel à rappeler les principes régissant l’application dans le temps des dispositions issues de la transposition de la directive 2014/104/UE du 26 novembre 2014. Il en résulte, en substance, que les nouvelles règles de fond s’appliquent aux faits générateurs de responsabilité postérieurs au 11 mars 2017, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance du 9 mars 2017, tandis que les faits antérieurs demeurent soumis à la loi ancienne, en application du principe de non-rétroactivité et des principes posés par la Directive elle-même en son article 22. Il est parfaitement exact de retenir que, selon le droit transitoire, la demande d’indemnisation formulée par le grand distributeur est régie par les règles antérieures constituées, pour l’essentiel, par le droit commun de la responsabilité civile, ainsi que le rappelle l’arrêt d’appel. Toutefois, comme cela a pu être fait, dans certains cas, par la Cour de cassation (par exemple, pour définir le partenaire commercial susceptible d’être victime d’un déséquilibre significatif), il est possible, pour une juridiction statuant sur le fondement de la loi ancienne, d’appliquer par anticipation certaines solutions consacrées par de nouvelles règles (v. à ce propos, nos développements consacrés aux « Actions individuelles et collectives en dommages et intérêts », in Lamy droit économique 2021, spéc. n° 2099).

L’obligation de réparer un préjudice requiert la démonstration d’un triptyque bien connu constitué par un fait générateur de responsabilité, un préjudice et un lien de causalité entre les deux.

S’agissant, pour commencer, de la faute, rappelons que le nouvel article L. 481-2 du code de commerce, en vertu duquel les décisions définitives par lesquelles l’Autorité de la concurrence constate une infraction établissent irréfragablement la pratique anticoncurrentielle, ne pouvait s’appliquer, s’agissant de faits antérieurs à son entrée en vigueur. Cela n’avait pas empêché le Tribunal de commerce de tirer parti des constatations effectuées par l’autorité de concurrence et la chambre 5-7 de la Cour d’appel pour considérer établie la violation du droit des pratiques anticoncurrentielles et partant, la faute engageant la responsabilité de son auteur. Semblablement, la Cour d’appel estime que « l’infraction dont l’existence a été constatée par l’Autorité de la concurrence et la Cour dans son arrêt confirmatif et qui a été imputée à la (défenderesse à l’action) a bien été commise par cette société et qu’elle a eu un effet anticoncurrentiel ».

Aussitôt après, la juridiction d’appel prend soin de rappeler qu’il incombe, « conformément au régime de droit commun de l’action en indemnisation », au demandeur à l’indemnisation « de démontrer que le préjudice dont il demande réparation résulte directement de l’entente ».

Aussi logique que simple en son principe, tant il est vrai que la réparation d'un préjudice ne peut être mise à la charge d'une personne donnée que s’il trouve son origine dans le fait générateur de responsabilité imputé à cette personne, l’exigence d’un lien de causalité soulève parfois des difficultés dans sa mise en œuvre au point d’apparaître souvent comme le talon d’Achille des victimes de pratiques anticoncurrentielles demandant réparation. En l’occurrence, la Cour d’appel a considéré, explications convaincantes à l’appui, que le « lien direct entre la perte de marge-arrière et l’entente sanctionnée  (…) est établi par la décision de l’Autorité de la concurrence et par l’arrêt de la Cour rendu sur l’appel de cette décision ».

Après avoir admis « l’existence d’une faute causale du préjudice allégué », l’arrêt d’appel envisage la question de la répercussion sur des tiers du manque à gagner résultant des marges-arrière moindres du fait de l’entente sanctionnée. Il est permis d’être moins convaincu par le raisonnement déployé à cette occasion.

Il revient au demandeur à l’indemnisation, explique, pour commencer, la juridiction, de « prouver, au titre de la démonstration de son préjudice, qu'il n'a pas répercuté ce manque à gagner » sur le consommateur. Cette affirmation s’inscrit indéniablement dans le droit fil d’un arrêt rendu par la Cour de cassation (Cass. com., 15 mai 2012, n° 11-18.495).

L’arrêt du 14 avril 2021 fait expressément référence à la solution intégrée au droit français, à l’occasion de la transposition, et dont il résulte, conformément à l’article 13 de la directive, que la charge de la preuve de la répercussion incombe au défendeur. Cependant, l’application des principes de droit transitoire le conduit à considérer que, compte tenu de la date des faits générateurs de responsabilité invoqués, la loi nouvelle n’a pas vocation à s’appliquer. Si cela est parfaitement exact, il importe néanmoins de rappeler la faculté dont disposent les juridictions, sous réserve de ne pas statuer contra legem, d’appliquer par anticipation la nouvelle solution légale. C’est ce qu’a semblé faire la Cour d’appel lorsque, dans un arrêt du 20 septembre 2017, elle a écarté le moyen fondé sur une répercussion des surcoûts au motif que « les appelantes ne le démontrent pas » (CA Paris, 20 sept. 2017, n° 12/04441).

Semblablement, la cour administrative d’appel de Paris a jugé ultérieurement que « faire peser sur (la victime) le fardeau de la preuve de la non-répercussion des surcoûts à ses clients reviendrait à exiger d’elle une preuve négative, ou établirait une présomption selon laquelle les surcoûts auraient été répercutés » (CAA Paris 4e ch. 13 juin 2019, n° 14PA02419, L’actu-concurrence Hebdo n° 40/2019 du 4 nov. 2019, obs. M. Chagny). Qui plus est, ce dernier arrêt avait précisé que cela « ne serait pas conforme au droit de l’Union européenne ».

Il est vrai qu’un arrêt de la Cour de justice du 9 novembre 1983 fait naître des sérieux doutes quant à la conformité de la solution consistant à mettre à la charge de la victime la preuve de l’absence de répercussion avec l’impératif d’effectivité du droit de l’Union européenne (v. à ce propos, Lamy droit économique, n° 2170 ; v. cependant CA Paris, 27 févr. 2014, n° 10/18285). Dans cet arrêt préjudiciel concernant la possibilité pour un État membre d'assujettir le remboursement de taxes perçues en violation du droit européen à la preuve de leur non-répercussion, la juridiction avait dit pour droit que « seraient incompatibles avec le droit communautaire toutes modalités de preuve dont l'effet est de rendre pratique impossible ou excessivement difficile l'obtention du remboursement de taxes perçues en violation du droit communautaire. Tel est le cas notamment de présomptions ou de règles de preuve qui visent à rejeter sur le contribuable la charge d'établir que les taxes indument payées n'ont pas été répercutées sur d'autres sujets » (CJCE, 9 nov. 1983, aff. 199/82, Administration des finances de l'Etat italien et San Giorgio, EU:C:1983:318, pts. 13 et 14).

Au vu de cet arrêt et des enjeux considérables attachés à l’attribution de la preuve de la répercussion, on peut se risquer à prédire qu’un recours préjudiciel invite, à l’avenir, la Cour de justice à prendre position sur la compatibilité du régime français antérieur à la transposition avec le droit de l’Union, offrant à la juridiction européenne l’occasion de compléter l’édifice jurisprudentiel construit au fil de ses arrêts préjudiciels.

Si l’arrêt rendu du 14 avril 2021 constitue quant à lui une pièce supplémentaire du contentieux indemnitaire français des pratiques anticoncurrentielles, on est porté à considérer, à sa lecture, que les circonstances propres à l’espèce ont pu peser sur la solution adoptée dans cette décision.

Après avoir indiqué qu’il lui appartenait de « déterminer si le tribunal doit être approuvé pour avoir dit établi le fait que, d’une manière générale et pour tous les distributeurs, par l’effet de la loi Galland et de l’évolution subséquente du contexte réglementaire, l’ensemble des produits d’hygiène étaient vendus à prix coûtant, prix déterminé au niveau incompressible en dessous duquel ces distributeurs seraient tombés sous le coup de la loi prohibant les ventes à perte », la Cour d’appel considère en effet que « l’analyse économique de préjudice que (la victime produit à l’appui de sa demande en dommages-intérêts ni aucune autre de ses pièces ne livre d’élément vérifiable ». Cela sonne comme un rappel de la nécessité, pour convaincre le juge, de documenter au maximum les dossiers en matière de préjudices concurrentiels, qu’il soit ou non recouru à une expertise économique (v. la nouvelle édition des fiches méthodologiques sur la réparation du préjudice économique, disponible sur le site internet de la Cour d’appel de Paris).

Muriel Chagny 
Président de l’AFEC 
Professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (Paris-Saclay)
Directeur  du master de droit de la concurrence et de droit des contrats

JURISPRUDENCE : SECRET D’AFFAIRES – DROIT DES PRATIQUES RESTRICTIVES — Paris, Pôle 1, Ch. 2,  8 avril 2021, RG 21/05090 [Commentaire de Muriel Chagny]

 

La protection des secrets d’affaires contenus dans une assignation relative au droit des pratiques restrictives

La Loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018, transposant en droit français la Directive du 8 juin 2016 (Directive UE 2016/943 du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites), a marqué à n’en pas douter une étape décisive sur la voie de la protection du secret des affaires devant les juridictions civiles et commerciales (v. à ce propos, Fiches méthodologiques sur la Réparation du préjudice économique, publiées par la Cour d’appel de Paris, Fiche n° 9 « Comment gérer la confidentialité et respecter le secret des affaires ? »). Le corpus de règles spécifiques introduit à cette occasion dans le code de commerce n’en nécessite pas moins la construction d’un édifice jurisprudentiel complémentaire dont l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, le 8 avril 2021, constitue une pièce de choix par la solution apportée et par la rapidité extrême avec laquelle l’affaire a été traitée.

À vrai dire, la décision intervient à propos d’une affaire fort médiatisée dans laquelle le Ministre de l’économie a délivré une assignation devant le Tribunal de commerce de Paris à l’encontre, non seulement de sociétés d’un groupe de distribution alimentaire, mais aussi de l’un de ses commissionnaires en charge de la négociation d’accords internationaux et dont l’actionnariat est constitué par plusieurs grands distributeurs européens. Nul doute que l’application du Titre IV du Livre IV du code de commerce, sur le fondement duquel l’action en justice a été introduite, ne manquera pas, dans le futur, d’avoir les honneurs de cette revue. Cependant, la réponse apportée par la Cour d’appel à la difficulté qui s’est présentée en amont, dès l’exploit introductif d’instance, mérite d’ores et déjà la plus grande attention, et ceci bien au-delà du seul droit des pratiques restrictives, voire du droit de la concurrence dans son ensemble.

En l’occurrence, le distributeur attrait en justice avait de son côté saisi le juge des référés en faisant valoir que l'assignation elle-même, ainsi que certaines pièces l’accompagnant, comportait des informations couvertes par le secret des affaires et requérant une protection contre la divulgation à son commissionnaire, également assigné par le Ministre de l’économie. Il est néanmoins débouté de sa demande au motif qu’il n’y a pas lieu à référé et qu’il lui revient, à l’occasion de sa défense au fond, de solliciter la mise en place d'un cercle de confidentialité conformément aux prévisions de l'article R. 153-3 du code de commerce.

S’il existe effectivement un dispositif spécifiquement destiné à protéger le secret des affaires pendant l’instance (Chapitre III : Des mesures générales de protection du secret des affaires devant les juridictions civiles ou commerciales), le distributeur se prévalait en l’occurrence de l’article L. 154-2 du code de commerce permettant, de façon plus générale, le prononcé de mesures provisoires et conservatoires de façon à prévenir une atteinte imminente ou faire cesser une atteinte illicite à un secret des affaires. Aussi la Cour d’appel de Paris est-elle amenée, à la faveur de l’appel interjeté devant elle, à se prononcer sur l’articulation entre différentes règles composant le dispositif légal de protection des secrets d’affaires.

Préalablement, la juridiction commence par vérifier que les informations, pour lesquelles le bénéfice de la protection est sollicité, satisfont les exigences requises par l'article L 151-1 du code de commerce et relèvent par conséquent du secret des affaires au sens de ce texte. Il faut donc examiner, indique la Cour, « si (ces informations) sont connues par un nombre restreint de personnes, si elles ont une valeur commerciale effective ou potentielle et si elles ont fait l'objet de mesures de protection raisonnables pour en conserver le secret ». Tel est le cas, estime-t-elle, de données contenues aussi bien dans l’assignation que dans certaines pièces jointes à cette dernière. Elle retient, à leur propos, que ces informations sont « incontestablement » - autrement dit avec l’évidence que requiert le référé – « des informations non publiques, non aisément accessibles et sont suffisamment récentes pour demeurer sensibles et stratégiques d'un point de vue commercial et concurrentiel ». Il est ajouté, en écho à la troisième condition requise, qu’« elles sont couvertes par des clauses de confidentialité », ayant ainsi fait l’objet de mesures de protection.

Puis, la Cour d’appel examine les différents arguments invoqués par le Ministre de l’économie pour tenter de faire échec au jeu de l’article L. 152-4 du code de commerce et au prononcé des mesures demandées par le distributeur.

L’argumentation, faisant valoir que les informations ont été obtenues dans des conditions licites, dans l'exercice des pouvoirs d'enquête, permet, tout d’abord, à la juridiction de préciser la portée de l’exception à la protection aménagée à l’article L. 151-7 du code de commerce et attachée à « l'exercice des pouvoirs d'enquête, de contrôle, d'autorisation ou de sanction des autorités juridictionnelles ou administratives ». S’il en résulte une interdiction « d'opposer au Ministre et aux enquêteurs le secret des affaires pour refuser de leur communiquer les éléments demandés », cette disposition « ne permet pas au Ministre de transmettre sans aucune contrainte à d'autres parties à la procédure qu'il engage, des secrets qui sont opposables entre ces parties ». De façon superfétatoire (« au surplus »), mais digne d’intérêt aux yeux de spécialistes du droit de la concurrence, l’arrêt relève que la divulgation des informations litigieuses « faciliterait les ententes »…

Il est, ensuite, fait brèche à l’argumentation tenant à l'absence de textes spécifiques similaires à ceux prévus pour les procédures devant l'Autorité de la concurrence. « Les dispositions législatives de l’article L. 154-2 sont précisément prévues pour protéger le secret des affaires », rétorque la Cour avant d’en expliciter, tout à la fois, le contenu et l’utilité de cette protection, complémentaire de celle spécialement prévue en cours d’instance. « Les mesures préventives » instituées par ce texte « ne peuvent être limitées aux seules pièces produites » ; elles concernent aussi « nécessairement, sauf à priver d'effet ces mesures, (les) actes qui contiennent explicitement les informations protégées, telles que les conclusions ou les actes introductifs d'instance, lorsque pour le besoin de leur motivation ces actes reprennent tout ou partie du contenu de ces pièces ». Quant à la possibilité d'organiser la communication de pièces arguées de secret des affaires, par exemple, en mettant en place un cercle de confidentialité, elle ne peut s’envisager qu’une fois le juge effectivement saisi. Elle « présuppose donc la délivrance et le placement d'une assignation », de sorte qu’elle ne saurait jouer lorsque la demande de protection a trait à l’assignation elle-même.

Enfin, l’invocation, par le Ministre de l’économie, des droits de la défense conduit la Cour d’appel à considérer que l’aménagement à apporter à la communication des informations couvertes par le secret des affaires ne doit pas aboutir à  « obérer le droit de la société (commissionnaire assignée) d'être informée pleinement des poursuites engagées à son encontre et de lui permettre ne serait-ce que par l'intermédiaire de son conseil d'accéder aux éléments nécessaires à (s)a défense ». Par où il se confirme, sans surprise, que la protection des secrets d’affaires doit évidemment être conciliée avec celle des droits de la défense dont le respect doit être préservé.

Dans la lignée de la complémentarité déjà évoquée, l’arrêt souligne que, les mesures ordonnées sur le fondement de l'article L. 152-4 du code de commerce sont « préventives et par nature provisoires », dans l’attente des mesures de protection dont le prononcé revient au juge du fond et dont elles sont bien distinctes. En d’autres termes, les mesures provisoires, qui ne sauraient prédéterminer celles à intervenir à un stade ultérieur pour organiser les communications, visent seulement « à prévenir toute atteinte irréversible » apportée au secret d’affaires par l'acte introductif d'instance et certaines pièces annexées.

La Cour considère que la protection du secret des affaires dans le respect des droits de la défense prescrit de remettre à la société commissionnaire également assignée uniquement une version expurgée de l'ensemble des données confidentielles, à la fois, pour l'assignation et les pièces produites à son appui. Cependant, la mesure doit être adaptée pour tenir compte du fait que l’assignation a déjà été transmise tant à l'autorité compétente pour la signification qu’à la société commissionnaire elle-même. Cette dernière ayant pris l’engagement de ne pas en prendre connaissance, pendant le déroulement de la procédure de référé, le Ministre de l’économie, auquel il n’est plus possible d’interdire l’envoi de l’assignation et des pièces dans leur version intégrale, est « invité » à, adresser au commissionnaire une version expurgée de l’assignation et les pièces caviardées de façon à lui permettre de disposer d'une version ne contrevenant pas à la protection du secret des affaires.

On relèvera, pour finir, que la Cour d’appel prend soin de « rappeler » jusque dans les motifs de sa décision, que « dans le cadre de l'action au fond il reviendra au tribunal de commerce d'organiser l'accès des parties à ces documents sous la forme adaptée, dans le respect de ce secret des affaires mais aussi des droits de la défense et de prévoir la motivation de la décision à intervenir et les modalités de publicité de la décision ».

Affaire à suivre tant il vrai que la protection des secrets d’affaires doit être assurée à toutes les étapes de l’action en justice.

Muriel Chagny 
Président de l’AFEC 
Professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (Paris-Saclay)
Directeur  du master de droit de la concurrence et de droit des contrats

INFOS UE : la Commission révise ses lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale

 

Le 19 avril 2021, la Commission européenne a adopté les lignes directrices révisées de l'UE concernant les aides à finalité régionale, qui définissent les règles selon lesquelles les États membres peuvent octroyer des aides d'État aux entreprises pour soutenir le développement économique de zones défavorisées dans l'UE, tout en garantissant des conditions de concurrence égales entre les États membres. Elles entreront en vigueur le 1er janvier 2022.

Les lignes directrices concernant les aides d'État à finalité régionale constituent le premier ensemble de règles en matière d'aides d'État à être révisé à la suite de l'annonce du pacte vert pour l'Europe et des stratégies industrielle et numérique européennes.

Les lignes directrices révisées emportent un certain nombre d'ajustements ciblés destinés à introduire des simplifications et à prendre en compte l'expérience acquise dans l'application des règles antérieures, ainsi qu'à tenir compte des nouvelles priorités stratégiques liées au pacte vert pour l'Europe et aux stratégies industrielle et numérique européennes.

Les États membres peuvent désormais notifier à la Commission leurs futures cartes des aides à finalité régionale pour la période 2022-2027, qui feront l'objet de décisions individuelles.

Outre la modification de la couverture globale des aides à finalité régionale, les lignes directrices révisées augmentent les intensités d'aide maximales, afin de soutenir les objectifs du pacte vert pour l'Europe et de la stratégie numérique en permettant des mesures supplémentaires d'incitation à investir dans les zones défavorisées de l’UE.

Enfin, une simplification générale de la structure des lignes directrices, une clarification de certaines définitions et de la terminologie, ainsi que des modifications ciblées sont introduites pour tenir compte du pacte vert pour l'Europe et des stratégies numérique et industrielle de l’UE.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

The new guidance on merger referrals under article 22 EUMR:
The practical consequences for the BCA

3 mai 2021, 10h CET

 

Bonjour,

Le cabinet Daldewolf organise le lundi 3 mai 2021 à 10h CET un webinaire.

À cette occasion, Pierre Goffinet, associé en droit de la concurrence et régulation et son invitée Véronique Thirion, Auditeur général à la ABC (Autorité belge de la concurrence), traiteront d'un sujet d'actualité du droit de la concurrence à savoir « The new guidance on merger referrals under article 22 EUMR: The practical consequences for the BCA ».

Ce webinaire est gratuit et vous trouverez sur la page dédiée toutes les informations relatives à ce séminaire qui s'inscrit dans la 5e saison de nos Breakfast at Stefany's.

Bien cordialement,

Hugues de Castillo pour l'équipe Breakfast at Stefany's

 

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