En 2013, David Graeber, anthropologue américain des plus corrosifs, publiait un article sur ces « emplois rémunérés [...] si totalement inutiles, superflus ou néfastes que même le salarié n’arrive pas à justifier leur existence » : les bullshit jobs. Dix ans après, les jobs et plus largement la question du sens et de l’utilité du travail sont toujours bien vivaces.
En témoigne l’ouvrage de Nicolas Kayser-Bril, Imposture à temps complet (Editions du Faubourg). Son postulat : si les bullshit jobs perdurent, c’est qu’ils profitent à quelqu’un… Ses hypothèses sont multiples : besoin de distinction sociale, besoin pour les managers d’avoir des subalternes, etc.
Graeber énonçait, lui, que les jobs à la con avaient été créés dans le but de faire perdurer une aliénation par le travail à l’heure où les avancées technologiques ouvrent la perspective d’une société du temps libre.
Et concrètement, tu fais quoi ?
Pour poser le cadre de sa réflexion, Nicolas Kayser-Bril s’appuie sur sa propre expérience au sein d’un institut de formation gouvernemental où il était chargé de mettre en place des
« multiplicateurs de journalisme de données via un enseignement en blended learning ». Une tâche que personne n’a su lui définir précisément. Et c’est sans doute là le propre du job à la con.
Qui sait comment un growth hacker, un chief evangelist ou un feel good manager dépensent leur temps de travail ? Il est tentant de moquer ces intitulés faits d’anglicismes ou des « ornements » sémantiques qui obscurcissent les contours du métiers ou de la mission. Mais il ne faut pas s’arrêter à ça et distinguer les jobs qui répondent à de nouveaux besoins des coquilles a priori vides.
Car après tout, le sens et l’utilité sont deux notions très subjectives. Ce qui semble utile à l’un ne l’est pas à l’autre.
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