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Hebdo n° 39/2022
3 novembre 2022
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : Estimant que la portée du contrôle juridictionnel ainsi que l’administration et le niveau exigé de la preuve doivent être les mêmes, quel que soit le type de concentration susceptible de donner lieu à une entrave significative à une concurrence effective, l’avocate générale Kokott invite la Cour à annuler l’arrêt du Tribunal rendu dans l’affaire du rachat de Telefónica par Hutchison sur le marché de la téléphonie mobile britannique et à lui renvoyer l’affaire

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Le Tribunal confirme la décision de la Commission qualifiant d’aides les mesures mises en œuvre par la Grèce en faveur du secteur agricole à la suite des incendies de 2007

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Pour le Tribunal, la Commission n’a pas rencontré de difficultés sérieuses lors de la phase d’examen préliminaire du possible régime d’aides mis à exécution par l’Allemagne lors de la construction du centre des congrès d’Ingolstadt et, partant, n’était pas tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen


JURISPRUDENCE PRIVATE ENFORCEMENT — La Cour de cassation rappelle que les conséquences préjudiciables de l’application d’une clause nulle, constitutive d’une entente verticale, peuvent logiquement ouvrir droit à réparation. Elle précise, ce faisant, que ce préjudice ne saurait être présumé [Commentaire de Rafael Amaro]

JURISPRUDENCE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : Le Conseil d’État valide la première interdiction d’une opération de concentration prononcée par l’Autorité, celle concernant l’acquisition par un adhérent de l'Association des Centres Distributeurs E. Leclerc (ACDLec) conjointement avec cette dernière d’un hypermarché situé dans l’agglomération de Troyes


JURISPRUDENCE ACTION PRIVÉE EN RÉPARATION DU DOMMAGE CONCURRENTIEL : La charge de la preuve de la répercussion des surcoûts continue de peser sur la victime lorsque les faits commis sont antérieurs à l’entrée en vigueur de la directive « dommage »

INFOS UE : La Commission adopte un encadrement révisé des aides d'État à la recherche, au développement et à l'innovation


INFOS : Usant pour la première fois de l’opportunité des poursuites reconnue par ECN+, l’Autorité rejette une saisine dénonçant un abus de position dominante de La Poste tenant à la fixation de la rémunération des marchands de presse pour la revente des timbres postaux destinés à être affranchis

INFOS : L’Autorité décline sa compétence à connaître de la réaction du bâtonnier de Marseille à la création d’un barreau concurrent

ANNONCE COLLOQUE : « Gérer les risques concurrentiels », Paris — 8 novembre 2022 [message de Mathilde Boudou]

JURISPRUDENCE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : Estimant que la portée du contrôle juridictionnel ainsi que l’administration et le niveau exigé de la preuve doivent être les mêmes, quel que soit le type de concentration susceptible de donner lieu à une entrave significative à une concurrence effective, l’avocate générale Kokott invite la Cour à annuler l’arrêt du Tribunal rendu dans l’affaire du rachat de Telefónica par Hutchison sur le marché de la téléphonie mobile britannique et à lui renvoyer l’affaire

 

Le 20 octobre 2022, l’avocate générale Juliane Kokott a présenté des conclusions — particulièrement denses — dans l’affaire C-376/20 (Commission européenne contre CK Telecoms UK Investments), à la faveur de laquelle la Commission conteste les conclusions auxquelles est parvenu le Tribunal de l’Union, le 28 mai 2020, dans l’arrêt rendu dans l’affaire T-399/16 (CK Telecoms UK Investments Ltd contre Commission européenne).

On se souvient qu’en annulant la décision de la Commission du 11 mai 2016 à la faveur de laquelle cette dernière s’était opposée au passage de quatre à trois opérateurs de téléphonie mobile au Royaume-Uni en déclarant le rachat de Telefónica UK par Hutchison 3G UK incompatible avec le marché intérieur, le Tribunal de l’Union avait estimé que la Commission s’était affranchie des conditions posées par le règlement n° 139/2004 pour évaluer les effets non coordonnés (ou unilatéraux) d’une opération de concentration envisagée sur un marché oligopolistique, à l’instar de la plupart des marchés de télécommunications.

Au cas d’espèce, la Commission avait considéré que la disparition d’un concurrent important aurait vraisemblablement entraîné une hausse des prix, une baisse de la qualité des services et une limitation du choix pour les consommateurs.

L’initiateur du projet d’acquisition, Hutchison 3G UK avait alors formé un recours en annulation de la décision de la Commission.

Rappelant qu’à l’occasion de l’adoption du règlement 139/2004, l’un des objectifs était de permettre à la Commission d’interdire, dans le contexte spécifique de marchés oligopolistiques, des opérations entravant de manière significative la concurrence effective même si elles ne permettent pas aux entreprises concernées de créer ou de renforcer une position dominante individuelle ou collective (pt. 87), le Tribunal avait précisé toutefois que l’affectation des conditions de concurrence sur le marché devait être comparable à celle attribuable à de telles positions dominantes, en conférant à l’entité issue de la concentration un pouvoir lui permettant de déterminer, par elle-même, les paramètres de la concurrence et, notamment, de fixer les prix au lieu de les accepter (pt. 90). À ce stade, le Tribunal, constatant que les conditions et les limites d’une telle extension du champ d’application du règlement n° 139/2004 n’avaient pas été précisées par le législateur de l’Union (pt. 91), avait proposé un test propre à évaluer les effets non coordonnés (ou unilatéraux) d’une opération de concentration envisagée sur un marché oligopolistique : l’article 2, § 3, du règlement n° 139/2004 doit être interprété à la lumière de son considérant 25, qui prévoit deux conditions cumulatives pour que des effets non coordonnés résultant d’une concentration puissent, dans certaines circonstances, avoir pour conséquence une entrave significative à une concurrence effective (ESCE) : la concentration doit impliquer, d’une part, « l’élimination des fortes contraintes concurrentielles que les parties à la concentration exerçaient l’une sur l’autre » et, d’autre part, « une réduction des pressions concurrentielles sur les autres concurrents » (pt. 96).

Si c’est à la Commission qu’il revient de prouver que la mise en oeuvre d’une concentration entraverait de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante (pt. 107), en montrant en quoi une telle opération pourrait modifier les facteurs déterminant l’état et la structure de la concurrence sur les marchés affectés (pt. 108), l’exigence de preuve applicable aux fins d’établir l’existence d’effets non coordonnés sur un marché oligopolistique n’est pas substantiellement différente, estimait le Tribunal, de celle applicable aux fins d’établir des effets coordonnés, sans quoi la Commission risquerait de qualifier les faits de manière à bénéficier du régime le plus favorable en matière de preuve devant le Tribunal (pt. 109). À cet égard, ajoutait-il, plus une théorie du préjudice avancée au soutien d’une entrave significative à la concurrence effective postulée à l’égard d’une opération de concentration est complexe ou incertaine, ou découle d’une relation de cause à effet difficile à établir, plus le juge de l’Union doit être exigeant quant à l’examen concret des preuves produites à cet égard par la Commission (pt. 111), étant précisé que l’entrave significative à une concurrence effective doit en outre être la conséquence directe et immédiate de la concentration (pt. 114). Enfin, cette évaluation est complétée, dans un second temps, par une appréciation, par le biais d’une analyse prospective du marché de référence, de la question de savoir si ce comportement futur aboutira vraisemblablement à une situation dans laquelle une concurrence effective dans le marché en cause est entravée de manière significative (pt. 115). Toutefois, concluait le Tribunal, les scénarios et les théories du préjudice retenus dans le cadre de cette appréciation doivent apparaître suffisamment réalistes et plausibles et ne sauraient donc uniquement être envisageables d’un point de vue théorique, à la lumière d’une analyse de tous les facteurs pertinents (pt. 117).

Or, au cas d’espèce, le Tribunal de l’Union est parvenu à la conclusion que les trois théories du préjudice développées par la Commission, respectivement à propos des effets non coordonnés sur le marché de détail, des effets non coordonnés produits par le bouleversement des accords de partage de réseau et des effets non coordonnés sur le marché de gros, n’ont pas permis de démontrer dans quelle mesure les effets non coordonnés seraient à ce point importants qu’ils justifieraient la conclusion que la concentration entraverait de façon « significative » une concurrence effective, comme l’exige l’article 2, § 3, du règlement n° 139/2004.

Au final, le Tribunal de l’Union européenne a annulé cette décision par l’arrêt du 28 mai 2020, jugeant que la Commission a, pour l’essentiel, méconnu les exigences de preuve applicables en matière de contrôle des concentrations donnant lieu à des effets non coordonnés sur un marché oligopolistique.
 
Dans le pourvoi qu’elle a formé devant la Cour, la Commission conteste, en substance, tant ces exigences que la portée du contrôle que le Tribunal a exercé à cet égard.

Au terme de l’examen du premier moyen du pourvoi, qui en compte six, l’avocate générale Kokott invite la Cour à annuler l’arrêt du Tribunal et, estimant que l’affaire n’est pas en état d’être jugée (pt. 205) à la lui renvoyer pour qu’il statue sur le litige (pt. 206). Toutefois, ce sont les premier à troisième moyens concernant, respectivement, les exigences de preuve et la portée de la notion d’« entrave significative à une concurrence effective » qui se trouvent au cœur de la présente procédure de pourvoi (pt. 45).

Relevant que la présente affaire constitue la première qui offre à la Cour la possibilité de se prononcer sur la notion d’« entrave significative à une concurrence effective », en ce qu’elle repose sur des effets non coordonnés, et d’apporter des précisions tant sur les exigences de preuve que la Commission est tenue de respecter aux fins de la mise en œuvre de cette notion que sur la portée du contrôle de la légalité que le juge de l’Union est appelé à exercer à cet égard (pt. 41), Juliane Kokott commence par examiner le premier moyen de pourvoi, tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a appliqué une exigence de preuve plus stricte que celle reconnue dans la jurisprudence.

En premier lieu, elle rappelle qu’avec la réforme fondamentale, intervenue avec l’adoption du règlement n° 139/2004, le critère dit de la « dominance » ayant comme conséquence qu’une concurrence effective serait entravée de manière significative a été substitué par un critère plus large d’« entrave significative à une concurrence effective », qui inclut non seulement le concept de dominance, mais également celui des effets non coordonnés sur des marchés oligopolistiques (pt. 48). Toutefois, ajoute-t-elle, aucun texte législatif ni aucune jurisprudence n’établit que cette nouvelle notion plus large d’« entrave significative à une concurrence effective » serait plus facile ou plus difficile à mettre en œuvre par la Commission ou que la preuve d’un moindre degré de nocivité pour la concurrence serait suffisante pour autoriser cette institution à interdire une opération de concentration, au titre de l’article 2, § 3, du règlement n° 139/2004. Au contraire, tant avant qu’après la réforme de 2004, la Commission était et continue à être tenue d’établir une « entrave significative à une concurrence effective », indépendamment de la question de savoir si cette entrave était/est ou non la conséquence d’une position dominante (pt. 49). Il s’ensuit que la portée du contrôle juridictionnel à l’égard de la mise en œuvre de la notion d’« entrave significative à une concurrence effective », qui constitue une notion de droit, doit être la même, quel que soit le type de concentration concernée qui est susceptible de donner lieu à une telle entrave (pt. 50). À cet égard, la Commission dispose d’une marge d’appréciation en matière économique aux fins de l’application des règles de fond du règlement n° 139/2004, en particulier de son article 2. Il en résulte que le contrôle par le juge de l’Union d’une décision de la Commission adoptée en matière de concentrations est limité à la vérification de l’exactitude matérielle des faits et à l’absence d’erreur manifeste d’appréciation. Ainsi, il n’appartient pas à ce juge de substituer son appréciation économique à celle de la Commission aux fins de l’application de ces règles, même si cela n’implique pas qu’il doit s’abstenir de contrôler la qualification juridique, par la Commission, de données de nature économique (pt. 51).

En second lieu, l’avocate générale Kokott examine les critères régissant la charge et l’administration de la preuve, ainsi que le niveau de preuve que le juge de l’Union doit exiger de la part de la Commission lorsque celle-ci interdit une concentration au motif d’une entrave significative à une concurrence effective résultant d’effets non coordonnés sur un marché oligopolistique (pt. 53).

À cet égard, elle relève que l’article 2, §§ 2 et 3, du règlement n° 139/2004 n’impose pas d’exigences de preuve différentes en matière de décisions autorisant ou interdisant une opération de concentration, ces exigences étant parfaitement symétriques (pt. 55). Elle plaide par ailleurs, s’agissant du critère pertinent régissant le niveau de preuve requis de la part de la Commission dans ses analyses (prospectives) économiques, pour que la Cour de justice retienne le critère de la « balance des probabilités » ou de la « plausibilité », car ce critère est, selon elle, le seul compatible avec le pouvoir d’appréciation dont la Commission jouit dans le cadre de ses analyses (prospectives) économiques complexes en matière de concentrations, raison pour laquelle la portée du contrôle juridictionnel est essentiellement restreinte à la recherche d’erreurs manifestes d’appréciation. Ce critère de la « balance des probabilités » consiste à examiner en quoi, au regard des divers enchaînements de cause à effet imaginables, l’opération de concentration concernée pourrait aboutir à une entrave significative à une concurrence effective. Il n’est pas nécessaire que l’évolution du marché pronostiquée soit « très vraisemblable » ou « particulièrement vraisemblable », voire soit établie « au-delà de tout doute raisonnable » (beyond reasonable doubt) selon le niveau particulièrement élevé applicable en matière pénale ou quasi pénale (pt. 56). Au terme d’une mise en « balance des probabilités », il suffit que l’entrave significative à une concurrence effective soit « plus probable qu’improbable ». Dès lors, en énonçant, d’une part, que la Commission est tenue de produire suffisamment de preuves pour démontrer avec une « probabilité sérieuse » l’existence d’entraves significatives occasionnées par la concentration en cause, et, d’autre part, que l’exigence de preuve applicable sur la base d’une mise en « balance des probabilités », le Tribunal, observe Juliane Kokott, a exigé un niveau de preuve plus élevé en méconnaissance des prémisses jurisprudentielles et a donc commis une erreur de droit (pt. 57).

Selon l’avocate générale, cette conclusion s’impose avec d’autant plus de force que le pronostic de l’avenir n’est pas susceptible de preuve « objective » ni exempt d’incertitude ni de doute. Ainsi, sur un plan général ou abstrait, toute analyse prospective relative aux futurs développements d’un marché pertinent et aux futurs comportements des opérateurs qui y s(er)ont actifs ne peut se fonder que sur la détermination d’une probabilité plus ou moins forte, dont la plausibilité, au sens du niveau de preuve de la « balance des probabilités », est telle qu’elle suffit, dans un cas particulier, à établir le bien-fondé de la thèse de la Commission (pt. 58).

Enfin, l’avocate générale Kokott considère que, eu égard à l’unicité de la notion d’« entrave significative à une concurrence effective », quel que soit le type de concentration visée, et à la symétrie des exigences de preuve, il n’existe aucune justification pour demander un niveau de preuve plus élevé dans le cas de concentrations donnant lieu à des effets non coordonnés sur des marchés oligopolistiques que dans le cas de concentrations donnant lieu à des positions dominantes des types « conglomérat » ou « collective ». Dès lors, si dans un cas particulier, se pose la question de savoir comment, pour emporter la conviction du juge, une telle plausibilité peut être étayée à l’aide d’éléments de preuve suffisamment significatifs et convaincants, en revanche, sur un plan général, ni le type de concentration ni le caractère complexe de l’appréciation de la plausibilité des effets d’une concentration n’ont, en tant que tels, une incidence sur le niveau de preuve requis qui reste donc unitaire dans tous les cas de figure (pt. 59).

Ce faisant, Juliane Kokott invite instamment la Cour à accueillir le premier moyen de pourvoi, et, partant, à annuler l’arrêt du tribunal sans examiner les autres moyens de la Commission (pts. 65-66). Cependant, dans un souci d’exhaustivité, conformément à la demande de la Commission et eu égard au grand nombre de reproches que le Tribunal lui a fait d’avoir méconnu les règles applicables, elle s’attache à examiner aussi les autres moyens de pourvoi, afin, ce faisant, de clarifier un maximum de questions de droit dans l’optique d’un éventuel renvoi de la présente affaire au Tribunal (pt. 67).

Par son deuxième moyen de pourvoi, tiré d’une interprétation restrictive de l’article 2, § 3, du règlement n° 139/2004, la Commission reproche au Tribunal d’avoir considéré à tort que cette disposition, lue à la lumière du considérant 25 de ce règlement, devait être interprété en ce sens que, en l’absence de création ou de renforcement d’une position dominante à la suite d’une opération de concentration, une entrave significative à une concurrence effective ne peut être établie que si la Commission démontrait que deux conditions cumulatives et exhaustives étaient remplies, à savoir, d’une part, l’élimination des fortes contraintes concurrentielles que les parties à la concentration exerçaient l’une sur l’autre et, d’autre part, la réduction des pressions concurrentielles sur les autres concurrents.

À l’instar de la Commission, l’avocate générale Kokott estime que l’approche du Tribunal relève d’une interprétation trop restrictive de la notion d’« entrave significative à une concurrence effective » (pt. 72). Si elle devait être retenue, l’interprétation du tribunal aurait pour effet d’empêcher la Commission non seulement d’instruire, de prendre en considération et de pondérer l’ensemble des relations et des forces concurrentielles déterminant le fonctionnement d’un marché oligopolistique, mais aussi de développer, en lien avec une opération de concentration envisagée sur un tel marché, des théories de préjudice qui ne remplissent pas les deux conditions prétendument cumulatives, voire exhaustives, énoncées par le Tribunal (pt. 74). Estimant que le Tribunal a fait preuve d’une approche contradictoire et commis des erreurs de droit dans l’interprétation des critères requis pour démontrer une entrave significative à une concurrence effective, elle invite la Cour à accueillir la seconde branche du deuxième moyen de pourvoi.

Sur le troisième moyen de pourvoi, l’avocate générale, estimant que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en outrepassant les limites du contrôle juridictionnel dans l’interprétation des notions d’« important moteur de la concurrence » et de « concurrents proches » (pt. 90), propose néanmoins à la Cour d’accueillir le premier grief de la deuxième branche du troisième moyen de pourvoi, en ce que le Tribunal aurait dénaturé tant la décision litigieuse que le mémoire en défense en première instance, en estimant à tort que, dans la décision litigieuse, elle aurait considéré que le fait qu’une partie à la concentration soit qualifiée d’« important moteur de la concurrence » sur un marché oligopolistique suffirait pour considérer que la concentration en cause donnerait lieu à une entrave significative à une concurrence effective (pt. 100).

Elle invite également la Cour à accueillir le second grief de la deuxième branche du troisième moyen de pourvoi (pt. 113), en ce que la Tribunal aurait commis une erreur de droit en ce qu’il a imposé des exigences excessives pour qualifier une entreprise d’« important moteur de la concurrence ». Il aurait ainsi exigé de la Commission qu’elle démontre à suffisance de droit que ladite entreprise « se livr[e] à une concurrence particulièrement agressive en termes de prix » et « for[ce] les autres acteurs sur le marché à s’aligner sur ses prix ou que sa politique de prix [est] susceptible de modifier, d’une manière significative, les dynamiques concurrentielles sur le marché, conformément à la définition de la notion d’“important moteur de la concurrence” ». Or, relève Juliane Kokott, ni le point 37 ni le point 38 des lignes directrices ne présupposent qu’une entreprise qualifiée d’« important moteur de la concurrence » doive se distinguer de ses concurrents du point de vue de son incidence sur la concurrence, voire faire preuve d’une « concurrence particulièrement agressive en termes de prix » forçant ces concurrents à s’aligner sur ses prix (pt. 108). Dès lors, le Tribunal n’était pas en droit de faire grief à la Commission, fût-ce implicitement, de s’être écartée, dans la décision litigieuse, des critères qu’elle s’était imposés aux points 37 et 38 des lignes directrices (pt. 109). Ce faisant, elle écarte l’argument retenu par le Tribunal selon lequel toute autre interprétation rendrait très probable que la Commission interdise systématiquement toute opération de concentration horizontale sur un marché oligopolistique (pt. 111).

Enfin, elle propose à la Cour d’accueillir le premier grief de la troisième branche du troisième moyen de pourvoi, tirée d’une interprétation erronée de la notion de « concurrents proches » (pt. 126). Le Tribunal aurait ainsi exigé de la Commission qu’elle démontre que les parties à la concentration étaient des « concurrents particulièrement proches ». Pour l’avocate générale, le Tribunal n’était pas en droit de faire grief à la Commission, fût-ce implicitement, d’avoir méconnu, dans la décision litigieuse, les critères qu’elle s’était imposés aux points 26, 28 et 29 des lignes directrices (pt. 122). Cette prétendue exigence repose finalement sur le niveau de preuve excessif que le Tribunal a imposé à la Commission afin de démontrer l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective résultant d’effets non coordonnés, pour lequel il n’existe aucune justification convaincante (pt. 124).

Sur le quatrième moyen de pourvoi, tiré d’une dénaturation de l’argumentation de la Commission concernant son analyse quantitative et d’erreurs de droit, l’avocate générale Kokott suggère à la Cour d’accueillir la seconde branche du quatrième moyen de pourvoi, tirée d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a exigé de la Commission d’inclure dans son analyse UPP des gains d’efficacité « standards » (pt. 158). En effet, estime-t-elle, la reconnaissance d’une telle catégorie de gains d’efficacité en matière de contrôle des concentrations de l’Union ne ressort ni du règlement n° 139/2004, ni du règlement (CE) n° 802/2004 (58), ni des lignes directrices. En outre, le Tribunal est resté en défaut d’indiquer les bases juridiques qui pourraient amener la Cour à reconnaître la pertinence de ces gains d’efficacité et à fonder une obligation pour la Commission de les prendre en considération en dehors du cadre réglementaire applicable, sans empiéter sur son pouvoir d’appréciation en matière de gestion de la politique de la concurrence et de contrôle des concentrations (pt. 153). Et il n’existe aucune raison convaincante pour reconnaître, en dehors du cadre réglementaire applicable au contrôle des concentrations, un devoir de la Commission d’inclure, dans son appréciation de l’existence d’une entrave significative à une concurrence effective, notamment issue d’effets non coordonnés horizontaux créés par une opération de concentration sur un marché oligopolistique, un examen « par défaut » de gains d’efficacité du type exigé par le Tribunal en l’espèce (pt. 155).

Sur le cinquième moyen de pourvoi, tiré d’une erreur de droit en ce que le Tribunal n’aurait pas apprécié l’ensemble des facteurs et des éléments de preuve pertinents, Juliane Kokott suggère là encore à la Cour d’accueillir ce moyen de pourvoi (pt. 177), dans la mesure où elle estime, à l’instar de la Commission que le Tribunal a procédé, aux fins de l’annulation de la décision litigieuse, à une appréciation sélective et déséquilibrée, voire lacunaire, des facteurs et des éléments de preuve, pourtant qualifiés de pertinents dans la décision de la Commission au regard des points 26 à 38 des lignes directrices. Or, une telle approche est contraire aux exigences régissant le contrôle juridictionnel des preuves (pt. 171).

Enfin, sur le sixième moyen de pourvoi, tiré d’une dénaturation de la décision litigieuse et d’une violation de l’obligation de motivation, l’avocate générale invite d’abord la Cour à accueillir la première branche du sixième moyen. Elle estime à cet égard, relevant, d’une part, que le Tribunal a reproché à la Commission d’avoir omis d’analyser, dans cette décision, « les effets non coordonnés de la concentration [en cause] relativement à un possible exercice du pouvoir de marché, sous la forme d’une dégradation des services offerts ou de la qualité de son propre réseau par l’entité fusionnée » et d’autre part, que le Tribunal a considéré que l’« absence d’un examen approfondi de cette problématique constitue une faiblesse de [son] analyse [...] dans la décision [litigieuse], qui nécessiterait, afin de prospérer, un raisonnement particulièrement solide et convaincant eu égard aux effets sur les concurrents » (pt. 190), que la Commission a bien effectué une analyse de la possible dégradation de la qualité tant du réseau MBNL que du réseau Beacon en établissant un lien entre l’empêchement ou la frustration d’investissements, d’une part, et cette dégradation, d’autre part (pt. 189), de sorte que le Tribunal a bien dénaturé le contenu de la décision litigieuse (pt. 193).

Enfin, elle propose aussi d’accueillir la seconde branche du sixième moyen de pourvoi, tirée d’une violation de l’obligation de motivation, dans la mesure où la réponse du Tribunal à la sixième branche du troisième moyen invoquée devant lui, fondée sur un aspect qu’il a soulevé de sa propre initiative, ne correspond ni aux griefs soulevés par CK Telecoms ni à la conclusion figurant dans cet arrêt sur la base de laquelle le Tribunal a accueilli cette branche. Dès lors, estime-t-elle, ces points sont viciés d’une contradiction de motifs contraire à l’obligation de motivation des arrêts (pt. 201).


Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Cour.

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Le Tribunal confirme la décision de la Commission qualifiant d’aides les mesures mises en œuvre par la Grèce en faveur du secteur agricole à la suite des incendies de 2007

 

Le 19 octobre 2022, le Tribunal de l’Union européenne a rendu dans des termes proches deux arrêts dans les affaires T-850/19 (République hellénique contre Commission européenne) et T-347/20 (Sogia Ellas AE contre Commission européenne), à propos des mesures mises en œuvre par la République hellénique sous la forme de bonifications d’intérêt et de garanties en faveur du secteur agricole liées aux incendies de 2007.

Après l’importante vague d’incendies qui a touché plusieurs régions du pays en 2007, la Grèce a adopté des mesures visant à soutenir les opérateurs actifs établis dans les régions affectées par ces incendies. À la suite d’une plainte intervenue en 2014 concernant une aide non notifiée accordée à l’entreprise Sogia Ellas AE active dans le secteur de la transformation de produits agricoles, consistant en des bonifications d’intérêt et des garanties d’État sur des prêts existants qui devaient être renégociés et bénéficier d’une période de grâce et sur de nouveaux prêts, la Commission a adopté le 7 octobre 2019 la décision attaquée qui, limitée aux activités liées à la production, à la transformation et à la commercialisation des produits agricoles, conclut que les régimes d’aides établis au titre de la décision ministérielle n° 36579/B.1666/27.8.2007 sous la forme de bonifications d’intérêts et de garanties accordées par la République hellénique constituaient des aides d’État au sens de l’article 107, § 1, TFUE illégales et incompatibles avec le marché intérieur, de sorte que la République hellénique était tenue de se faire rembourser les aides concernées.

La République hellénique et l’entreprise qui a bénéficié de l’aide, Sogia Ellas, ont, chacune, formé un recours devant le Tribunal pour voir annuler la décision attaquée, soulevant peu ou prou des moyens proches.

S’agissant en premier lieu des moyens tirés de l’inexistence d’une aide au sens de l’article 107, § 1, TFUE, le Tribunal commence par passer en revue les quatre conditions posées par la jurisprudence pour qu’une mesure nationale puisse être qualifiée d’« aide d’État ». Relevant que les entreprises établies dans les entités territoriales sinistrées ont pu bénéficier d’un aménagement de dettes ainsi que d’un octroi de prêts de fonds de roulement qui, d’une part, faisaient l’objet de bonifications d’intérêts totales ou partielles financées par les autorités grecques et qui, d’autre part, étaient garantis par la République hellénique sans que les bénéficiaires de ces prêts aient à verser de prime à ce titre, le Tribunal retient que ces bonifications ont nécessairement grevé les ressources financières de la République hellénique (aff. T-850/19, pt. 30), tandis que l’octroi de telles garanties par les mesures litigieuses ont eu une incidence négative sur ses ressources (aff. T-850/19, pt. 31). Il relève également que la République hellénique a renoncé à percevoir une prime pour l’octroi des garanties comprises dans les mesures litigieuses, de sorte que ses ressources publiques ont été affectées (aff. T-850/19, pt. 34). De sorte que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la Commission a, en substance, considéré que les mesures litigieuses avaient constitué une charge financière pour la République hellénique (aff. T-850/19, pt. 40).

Sur l’existence d’un avantage, le Tribunal, relevant que l’intervention de la République hellénique a eu pour effet de permettre aux entreprises des zones sinistrées de bénéficier soit de prêts avec des intérêts qu’elle subventionnait en tout ou partie, soit des garanties qu’elle accordait sans que ces entreprises aient à payer de commission, ce qu’elles n’auraient pas pu obtenir sans intervention de l’État, approuve la Commission d’avoir retenu, d’une part, que les bénéficiaires des mesures litigieuses en avaient bénéficié alors qu’ils n’auraient pas pu les obtenir dans les conditions normales de marché, c’est-à-dire en l’absence d’intervention de l’État, et, d’autre part, qu’il n’y avait pas lieu d’analyser si le marché fonctionnait normalement ou s’il était en crise pour finalement conclure que lesdites mesures constituaient un avantage au sens de l’article 107, § 1, TFUE (aff. T-850/19, pt. 49). Pour ce faire, il insiste sur le caractère objectif de la notion d’avantage (aff. T-850/19, pt. 47).

Quant à la condition relative à l’exigence du caractère sélectif de l’avantage, le Tribunal commence par rappeler que le cadre de référence applicable est le cadre national et l’appréciation de la sélectivité d’une mesure bénéficiant, comme en l’espèce, à des entreprises établies sur une partie du territoire d’un État membre se fait par comparaison avec les entreprises de cet État. En effet, un avantage limité à des entreprises établies sur une partie du territoire d’un État membre peut donner lieu à une mesure sélective, puisqu’elle favorise certaines entreprises par rapport à d’autres au sein de cet État (aff. T-850/19, pt. 57). Et dès lors que les entreprises situées dans les autres entités territoriales de la République hellénique ne pouvaient pas profiter de ces mesures, il y a lieu de constater que lesdites mesures ne profitaient pas indistinctement à l’ensemble des entreprises situées sur le territoire national et qu’elles sont en conséquence sélectives sur un plan régional (aff. T-850/19, pt. 58). Et le fait que les mesures litigieuses avaient pour objet de répondre, de manière ponctuelle, aux conséquences liées aux incendies intervenus dans les entités territoriales sinistrées, sans pour autant caractériser le système se rapportant à ces mesures, n’établit nullement que la différenciation instaurée par ces mesures résultait de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivaient et que, partant, les avantages qu’elles conféraient n’avaient pas un caractère spécifique (aff. T-850/19, pt. 64). Dès lors, c’est sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation que la Commission a estimé que les mesures litigieuses étaient sélectives en ce que, notamment, les avantages qu’elles conféraient à leurs bénéficiaires étaient territorialement limités et ne s’appliquaient pas à l’ensemble des entreprises du territoire hellénique (aff. T-850/19, pt. 65).

Pour le reste, le Tribunal estime que la Commission a suffisamment indiqué dans la décision attaquée les raisons pour lesquelles elle avait réfuté tant les arguments de la République hellénique tirés de la situation exceptionnelle due aux incendies de 2007 que ceux tirés des sûretés additionnelles constituées par les emprunteurs et de l’exclusion des entreprises en difficulté en ce qui concerne les garanties d’État (aff. T-850/19, pt. 84).

S’agissant en second lieu des moyens relatif à la compatibilité des régimes d’aides en vertu de l’article 107, § 2, sous b), TFUE, le Tribunal commence par rappeler que deux conditions sont requises pour que l’exception prévue par l’article 107, § 2, sous b), TFUE au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur puisse s’appliquer, à savoir, d’une part, l’existence d’un lien direct entre les dommages causés par la calamité naturelle et l’aide étatique et, d’autre part, celle d’une évaluation aussi précise que possible des dommages subis par les producteurs concernés (aff. T-850/19, pt. 96). Relevant à propos de la première condition que la seule justification d’un lieu d’établissement dans les entités locales sinistrées ne permettait pas à elle seule, notamment, de vérifier si le montant des mesures octroyées n’excédait pas celui des préjudices réellement subis par les bénéficiaires de ces mesures et liés à la calamité naturelle survenue, et donc l’éventuelle existence d’une surcompensation (aff. T-850/19, pt. 99), de sorte qu’il ne pouvait être exclu que les mesures controversées aient été octroyées également à des entreprises qui se trouvaient dans les municipalités affectées sans qu’elles aient pourtant subi des dommages du fait des incendies de 2007 (aff. T-850/19, pt. 100), le Tribunal en déduit que c’est sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur d’appréciation des faits que la Commission a pu considérer que le régime d’octroi des mesures litigieuses ne permettait ni d’établir qu’elles avaient effectivement bénéficié à des entreprises qui avaient subi des préjudices du fait des incendies de 2007, ni de considérer que le montant de ces aides correspondait à celui se rapportant aux préjudices subis, dès lors que les régimes en cause ne contenaient aucune méthodologie pour évaluer de manière aussi précise que possible les dommages subis en raison de ces incendies et ne déterminaient pas non plus les coûts éligibles sur la base de ces dommages (aff. T-850/19, pt. 108).

Pour le reste, le Tribunal écarte le moyen tiré de l’écoulement du délai de prescription en matière de récupération des aides, dès lors que la demande de renseignements adressée par la Commission à la République hellénique lui indiquant qu’elle était en possession d’informations concernant une aide illégale et que, le cas échéant, cette aide devrait être remboursée, a interrompu le délai de prescription de dix ans prévu par l’article 17, § 1, du règlement 2015/1589, de sorte que les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide n’étaient pas prescrits à la date d’adoption de la décision attaquée, soit le 7 octobre 2019 (aff. T-850/19, pts. 126-127). Il écarte également les arguments relatifs au dépassement d’un délai raisonnable et, partant, à la violation du principe de bonne administration (aff. T-850/19, pt. 136). Enfin, le Tribunal confirme l’obligation pour la République hellénique de procéder à la récupération des aides auprès des bénéficiaires identifiés dans la décision attaquée.

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Pour le Tribunal, la Commission n’a pas rencontré de difficultés sérieuses lors de la phase d’examen préliminaire du possible régime d’aides mis à exécution par l’Allemagne lors de la construction du centre des congrès d’Ingolstadt et, partant, n’était pas tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen

 

Le 19 octobre 2022, le Tribunal de l’Union européenne a rendu un arrêt dans l’affaire T-582/20 (Ighoga Region 10 e.a. contre Commission européenne).

Dans cette affaire, un groupement d’intérêt d’entreprises actives dans la gestion d’hôtels équipés de salles de conférence ainsi que les gestionnaires d’hôtels équipés de salles de conférence à Ingolstadt et membres de ce groupement ont adressé une plainte à la Commission alléguant l’existence d’une aide d’État incompatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, § 1, TFUE à propos de la construction du futur centre des congrès d’Ingolstadt, doté d’un parking souterrain et d’un hôtel voisin, en faveur de la société chargée, à l’issue d’un appel d’offres, de la conception et la construction de l’hôtel et du centre des congrès, ainsi que la société Maritim avec laquelle a été conclu le contrat de location pour l’exploitation de l’hôtel.

À l’appui de sa plainte, Ighoga Region 10 a soutenu que les mesures contestées consistaient, en substance, en des avantages économiques directs, résultant, pour l’essentiel, du niveau du « loyer extraordinairement bas, comparé à la moyenne du marché » acquitté par Maritim pour l’exploitation du centre des congrès, mais aussi indirects en faveur de cette dernière résultant, d’une part, des conditions non conformes au marché des procédures d’appels d’offres relatives aux contrats d’exploitation du centre des congrès et d’attribution du terrain sur lequel devait être construit l’hôtel voisin ainsi que des conditions d’exploitation de cet hôtel et, d’autre part, des synergies existant dans l’exploitation conjointe des deux établissements concernés par le projet de construction en raison de leur proximité géographique, lesquelles incluaient notamment l’utilisation, dans l’exploitation de l’hôtel, du parking situé sous le centre des congrès ainsi que des salles de conférence.

Par la décision attaquée, rendue le 28 avril 2020, la Commission a conclu, après l’examen préliminaire concernant le prétendu régime d’aides d’État mis à exécution par l’Allemagne en faveur de Maritim et de KHI, que les mesures contestées par Ighoga Region 10 dans le cadre de la plainte litigieuse ne constituaient pas des aides d’État au sens de l’article 107, § 1, TFUE. Elle a ainsi considéré que les mesures contestées ne conféraient aucun avantage au sens de l’article 107, § 1, TFUE et n’étaient pas susceptibles, en raison du caractère local de l’opération, de fausser la concurrence ou d’affecter les échanges entre États membres.

Ighoga Region 10 et les deux membres du groupement d’intérêt d’entreprises actives dans la gestion d’hôtels équipés de salles de conférence installés à Ingolstadt ont formé un recours tendant à l’annulation de la décision de la Commission à la faveur duquel les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission a rencontré des difficultés que l’examen préliminaire de la plainte litigieuse n’a pas permis de surmonter, en premier lieu, dans son appréciation, d’une part, de l’absence d’avantages, tant directs qu’indirects, en faveur de Maritim, et, d’autre part, de l’absence de surcompensation du financement du centre des congrès en faveur d’IFG et, en second lieu, dans son appréciation de l’absence d’affectation des échanges entre États membres par les mesures contestées.

S’agissant en premier lieu de l’existence de difficultés sérieuses dans l’appréciation de l’absence d’avantages directs en faveur de Maritim dans l’exploitation du centre des congrès et de l’hôtel voisin, le Tribunal écarte un à un les indices invoqués par les requérantes tirés des irrégularités qui auraient entaché les procédures d’appel d’offres pour l’attribution de l’exploitation du centre des congrès et pour la construction de l’hôtel voisin ainsi que les conditions d’exploitation de cet hôtel, celle-ci estimant que le projet de construction a été décidé et conduit dans le but de favoriser Maritim. Dans ces conditions, la Commission pouvait considérer que, sur la base des indications reçues de la République fédérale d’Allemagne, la ville d’Ingolstadt s’était acquittée de son obligation de mener une procédure d’appel d’offres compétitive, transparente, non discriminatoire et inconditionnelle pour l’exploitation du centre des congrès, sans que la Commission ait dû éprouver des doutes sur la légalité d’une telle procédure lors de son examen préliminaire (pt. 76).

Quant à la conformité des loyers au prix de marché, le Tribunal approuve les comparaisons opérées par la Commission. Ainsi, les modalités de fixation du loyer acquitté par Maritim constituent un indice de ce que les autorités allemandes ont effectivement cherché à maximiser le niveau du loyer au-delà de la simple organisation d’une procédure d’appel d’offres, et non, contrairement à ce que semblent suggérer les requérantes, un indice de l’existence de difficultés que la Commission n’aurait pu surmonter lors de la phase d’examen préliminaire. Dans ces conditions, le Tribunal constate que les arguments soulevés par les requérantes ne permettent pas de considérer que l’évaluation comparative effectuée par la République fédérale d’Allemagne ainsi que les modalités retenues pour fixer le loyer auraient dû conduire la Commission à éprouver des doutes quant à la conformité au marché du loyer acquitté par Maritim pour l’exploitation du centre des congrès (pts. 97-98).

S’agissant en second lieu de l’existence de difficultés sérieuses dans l’appréciation de l’absence d’avantages indirects en faveur de Maritim dans l’exploitation du centre des congrès et de l’hôtel voisin, le Tribunal écarte là aussi un à un les griefs tenant à la capacité réelle de l’hôtel (pt. 116), à l’existence d’un financement croisé entre la ville d’Ingolstadt et KHI qui aurait conduit à la couverture de certains coûts de construction de l’hôtel par cette dernière au bénéfice de KHI (pt. 125) et à la surcompensation présumée du financement du centre des congrès (pt. 134).

Comme la qualification d’aide d’État suppose que toutes les conditions de l’article 107, § 1, TFUE soient remplies, il résulte du fait que les indices avancés par les requérantes n’ont pas permis d’établir que la Commission avait rencontré des difficultés sérieuses lors de la phase d’examen préliminaire qui auraient dû la conduire à éprouver des doutes quant à l’existence d’avantages en faveur de Maritim ou de KHI, de sorte que la condition tenant à l’existence d’avantages n’étant pas remplies, il est indifférent que la Commission ait pu éprouver des doutes dans son appréciation des autres conditions pour qualifier les mesures contestées d’aides d’État. Ainsi, les requérantes ne sont pas parvenues à établir que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen afin de leur permettre de présenter leurs observations (pts. 139-140).

Toutefois, le Tribunal examine à titre subsidiaire l’appréciation de l’affectation des échanges entre les États membres par les mesures contestées. En substance, le Tribunal confirme le caractère strictement local, voire régional, du centre des congrès et que leur effet sur les investissements transfrontaliers et l’établissement d’entreprises ne pouvait être que marginal, de sorte que les mesures en cause n’étaient pas, selon elle, susceptibles d’affecter les échanges entre États membres (pts. 169-170), et ce, nonobstant l’implantation du siège d’Audi à Ingolstadt (pt. 198).

Au final, le recours est rejeté dans son intégralité.

JURISPRUDENCE PRIVATE ENFORCEMENT — La Cour de cassation rappelle que les conséquences préjudiciables de l’application d’une clause nulle, constitutive d’une entente verticale, peuvent logiquement ouvrir droit à réparation. Elle précise, ce faisant, que ce préjudice ne saurait être présumé [Commentaire de Rafael Amaro]

 

Les décisions de la Cour de cassation sur le private enforcement n’étant pas légion, on lira avec attention cet arrêt du 28 septembre 2022 (n° 21-20.731, P, ECLI:FR:CCASS:2022:CO00538). Sa solution peut être résumée en ces termes : l’application d’une clause nulle, constitutive d’une entente verticale, est un fait générateur de responsabilité ouvrant droit à réparation du préjudice du cocontractant lésé, sans que ce préjudice ne puisse être présumé (I). L’apport de cette solution n’est certes pas révolutionnaire et l’on peut même penser que ses conséquences pratiques seront relativement limitées. Mais c’est plus par la « philosophie » de la Chambre commerciale qu’il est possible d’y déceler que cet arrêt mérite d’être rapporté. Quand on le rapproche d’un autre arrêt rendu le 19 octobre 2022 par cette même chambre — commenté prochainement dans ces colonnes —, il est possible d’y lire les prémices d’une approche stricte de la Cour consistant à limiter le domaine matériel et temporel des textes de transposition de la directive « Dommages » (dir. (UE) 2014/104) (II).
 

I — L’application d’une clause nulle, constitutive d’une entente verticale, peut être un fait générateur de responsabilité ouvrant droit à réparation du préjudice du cocontractant lésé, sans que ce préjudice ne puisse être présumé


On passera rapidement sur le litige qui est de ceux dont les lecteurs de cette lettre sont familiers. Un concédant dans le secteur de la menuiserie industrielle est assigné par deux concessionnaires en nullité d’une clause fixant un prix de revente minimum et en réparation du préjudice découlant de l’application de cette clause. La Cour d’appel de Paris rend un premier arrêt le 31 juillet 2019 par lequel elle juge que cette clause est le support d’une entente verticale et en prononce la nullité (v. dernièrement dans le même sens : Aut. conc., déc. n° 20-D-20 du 3 déc. 2020 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur des thés haut de gamme, point 264). Par un second arrêt du 9 juin 2021, attaqué par le pourvoi (CA Paris, ch. 5-4, 9 juin 2021, Monsieur Yvon L. et SARL L. Chalons c/ SAS Établissement Lorillard, RG 17/19208), la Cour répare le préjudice subi par les deux concessionnaires du fait de l’application de la clause annulée. Il ressort de la lecture de ce deuxième arrêt d’appel que les deux concessionnaires auraient perdu plusieurs marchés en raison des prix « prohibitifs » que cette clause leur imposait de pratiquer. Leur préjudice est alors évalué à partir d’un scénario contrefactuel relativement simple consistant à réparer la marge manquée sur ces marchés perdus en affectant cette marge d’une probabilité tenant compte du taux de conversion des prospects.

Le concédant, condamné à payer à ses concessionnaires à peu près 127 000 euros, forme un pourvoi dans lequel il articule deux moyens. Le premier moyen soutient « qu’aucun préjudice ne pouvait résulter de l'annulation d'une clause jugée illégale, cette annulation supprimant cette illégalité et le préjudice susceptible d'en résulter ». La Cour de cassation le rejette sans grande surprise et rappelle, à cette occasion, que :

« Selon l'article L. 420-3 du code de commerce, est nul tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par l'article L. 420-1 du même code. Il n'est pas exclu que l'application, le cas échéant, d'une telle clause, serait-elle nulle de plein droit, ait pu causer un préjudice aux cocontractants. »

Le second moyen se concentre sur un élément de motivation de la Cour d’appel de Paris peut-être moins indiscutable et sur lequel nous avions déjà pu émettre quelques réserves (Concurrences, n° 1-2022, p. 236, nos obs.). Les demandeurs à l’action en réparation avaient invoqué le nouvel article L. 481-7 du code de commerce qui transpose la présomption de préjudice pour les ententes horizontales de l’article 17, § 2, de la directive « Dommages ». L’invocation tenait sans doute plus de l’artifice que d’une véritable volonté de voir le juge se fonder sur cet article. Outre que son applicabilité ratione temporis paraissait douteuse, la présomption n’aurait eu qu’un intérêt pratique limité pour les demandeurs dans la mesure où ceux-ci établissaient bien leur préjudice et en proposaient même un montant chiffré. La Cour d’appel de Paris avait pourtant jugé nécessaire de répondre à l’argumentation par une phrase qui est à l’origine de la cassation de son arrêt :

« au regard de la date des faits générateurs du dommage entre 2010 et 2013, une entente entre concurrents a nécessairement causé un trouble commercial lorsqu'elle est reconnue, ce qui est le cas en l'espèce, de sorte que c'est vainement que (le concédant) soutient que la preuve d'un préjudice découlant de l'annulation de l'article VIII des contrats ne serait pas rapportée. »

Cette motivation ne reprenait certes pas le fondement textuel proposé par les demandeurs mais elle faisait référence, de façon quelque peu mystérieuse, à la date des faits pour ensuite appliquer une solution cohérente avec la lettre du nouvel article L. 481-7. La Cour d’appel semblait donc présumer l’existence du préjudice en usant de la fameuse présomption de « trouble commercial » (« fût-il seulement moral »…) du droit de la concurrence déloyale (Cass. com. 22 oct. 1985, n° 83-15.096, Bull. civ. IV, n° 245).

Ce double emprunt au droit de la concurrence de la déloyale et au droit des ententes horizontales ne convainc pas la Cour de cassation qui casse l’arrêt pour violation des articles 1240 du code civil et L. 420-1 du code de commerce. L’article L. 481-7 du code de commerce n’est pas visé mais l’attendu paraît y renvoyer explicitement :

« En statuant ainsi, alors que la pratique qu'elle avait retenue n'était pas une entente entre concurrents, qu'aucune présomption de préjudice ne découlait de la pratique relevée et qu'il lui appartenait d'établir le dommage causé par celle-ci, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Pour le dire autrement, la cassation est justifiée en raison de l’application de la présomption de préjudice à une entente verticale quand, précise la Cour, cette présomption est limitée aux « ententes entre concurrents ».

La solution n’est pas surprenante quand on se souvient de la ratio legis de l’article L. 481-7. Dans le texte initial de la directive, publié par la Commission à l’occasion du paquet « private enforcement » de 2013, la présomption couvrait toutes les ententes. Puis, lors de son examen par le Parlement et le Conseil, son domaine avait été cantonné aux seules ententes horizontales. Dans ces conditions, il aurait été étonnant que la Cour de cassation approuve une extension de la règle aux ententes verticales en parfaite contradiction avec les intentions du législateur européen.

On pourra en revanche être plus étonné que l’article L. 481-7 du code de commerce ne figure pas au visa de la Cour car c’est, semble-t-il, le véritable fondement de sa solution. Autrement, pourquoi rappeler que ce n’est qu’en cas d’entente horizontale que la présomption s’applique ? L’explication, s’il fallait en avancer une, tient peut-être aux hésitations relatives à l’application ratione temporis de ce texte. Jusqu’à l’arrêt Volvo – DAF commenté ici (CJUE, 22 juin 2022, Volvo AB / DAF Trucks NV, aff. C-267/20, points 95 à 104 ; D. 2022, p. 1260 ; L'actu-concurrence n° 95/2022, nos obs.), le doute était permis. Il n’est donc pas impossible que la Cour de cassation, qui a dû examiner le pourvoi avant que cet arrêt ne soit rendu, ait voulu éviter de laisser entendre que l’article aurait pu être applicable à la cause.

De façon anecdotique, la Cour casse aussi l’arrêt d’appel au visa des deux mêmes textes pour défaut de base légale en relevant l’insuffisante caractérisation du préjudice d’un des concessionnaires.

II — Un arrêt à la portée pratique limitée mais qui pourrait révéler une conception restrictive de l’application de la directive « Dommages »

Comme on l’a dit dans le propos introductif, cette solution ne changera pas radicalement l’avenir du private enforcement pour une raison simple. En pratique, il est rare qu’un demandeur se repose sur une hypothétique présomption pour l’emporter sans s’efforcer d’évaluer, au moins de façon approximative, son préjudice et, ce faisant, d’en prouver l’existence. Si le défendeur n’a pas d’arguments solides à opposer, cette évaluation du demandeur pourra emporter la conviction du juge. À l’inverse, si le défendeur propose un scénario contrefactuel alternatif crédible, le juge soupèsera chaque scenario et donnera gain de cause à la partie qui produit le plus robuste. Savoir sur qui pesait la charge initiale de la preuve n’aura alors aucune incidence dans le débat. C’est même une évidence du praticien que synthétisait déjà parfaitement Motulsky : « Lorsque la conviction du juge est établie, dans un sens ou dans l’autre, il est, en somme, indifférent de savoir à laquelle des deux parties incombait la tâche de la provoquer. » (H. Motulsky, Principes d’une réalisation méthodique du droit privé, thèse Lyon, 1947, n° 117). Pour cette raison, le rôle des présomptions de préjudice nous paraît pouvoir être tenu pour négligeable dans notre matière, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas de toutes les présomptions du droit de la concurrence (v. dernièrement sur ce sujet une éclairante contribution : A.-S. Choné-Grimaldi, « Les présomptions en droit de la concurrence », in Liber Amicorum Laurence Idot, Concurrence & Europe, vol. 1, Concurrences, 2022, p. 257 et s.).

L’essentiel paraît donc être ailleurs.

À la réflexion, cet arrêt du 28 septembre 2022 pourrait dévoiler les prémices d’une approche jurisprudentielle relativement stricte du champ d’application matériel et surtout temporel de la directive « Dommages ». Certes, les signaux restent encore faibles et sans doute faut-il se garder de toute surinterprétation dans l’attente de nouvelles décisions. Mais tout de même : en trois semaines, la Cour de cassation aura d’abord borné le champ d’application matériel de la présomption de l’article L. 481-7 du code de commerce par l’arrêt rapporté. Puis, par son arrêt Johnson & Johnson c/ Carrefour du 19 octobre 2022 (n° 21-19.197, FS-B), elle aura ensuite jugé que la présomption d’absence de répercussion des surcoûts de l’article L. 481-4 du même code, qui transpose l’article 13 de la directive, n’était pas applicable aux faits qui échappent à l’application ratione temporis des textes nouveaux et ce, alors même que la règle antérieure résultait d’une jurisprudence récente dont il lui était loisible de s’écarter. En d’autres termes, par ce dernier arrêt, la Cour a non seulement entendu procéder à une application stricte du principe de non-rétroactivité mais elle a aussi refusé de s’inspirer du droit nouveau pour amender une jurisprudence contraire dont l’assise n’était pas d’une solidité à toute épreuve.

Bien sûr, cette orientation jurisprudentielle — s’il s’agit bien là d’une orientation sciemment adoptée par la Cour — n’est pas incohérente. Elle peut se réclamer du récent arrêt Volvo DAF (précité) qui témoigne d’un certain attachement de la Cour de justice au principe de non-rétroactivité. Mais on observera que sur d’autres sujets, la Cour de cassation sait aussi se détacher d’un tel principe. C’est ce qu’enseignent, par exemple, ses « revirements de transition » en droit des contrats par lesquels elle interprète le droit ancien « à la lumière » du droit réformé issu de l’ordonnance du 10 février 2016 (S. Mercoli, « Application dans le temps de la réforme des contrats : le revirement « de transition », une nouvelle figure jurisprudentielle pour la concorde des droits ? », LPA, 31 déc. 2021, n° 17, p. 7 et pour un point de vue doctrinal soutenant cette évolution : D. Mainguy, « Pour l'entrée en vigueur immédiate des règles nouvelles du droit des contrats », D., 2016, p. 1762).

Cela étant dit, cette jurisprudence rendue en droit des contrats, apporte aussi, dans ses développements les plus récents, un enseignement qui pourrait être utile à la compréhension de la jurisprudence en droit de la concurrence. Les derniers arrêts de la Cour semblent indiquer que l’inspiration puisée dans le droit nouveau pour amender le droit ancien doit reposer sur de solides raisons. Dans le cas contraire, la Cour s’en tient à une application plus stricte du principe de non-rétroactivité. C’est ce que l’on peut déduire notamment de l’arrêt du 23 juin 2021 qui brise — sous les vivats unanimes de la doctrine civiliste — la jurisprudence Consorts Cruz relative à la sanction de la rétractation des promesses unilatérale de vente (Cass. civ. 3e, 23 juin 2021, n° 20-17.554 : D. 2021, p. 1574, note L. Molina ; ibid. 2022, p. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; Rev. sociétés 2022. 141, étude G. Pillet ; RTD civ. 2021. 630, obs. H. Barbier ; JCP G., 22 nov. 2021 n° 47, p. 2137, note N. Molfessis — quoique sa motivation ait pu dérouter, v. not. la note crit. de N. Molfessis).

Il faut croire que ni la présomption de préjudice de l’article L. 481-7 du code de commerce, ni la présomption d’absence de répercussion de l’article L. 481-4 du même code n’ont mérité que la Cour s’émancipe du principe de non-rétroactivité.

Encore faudra-t-il sonder la solution au regard du principe d’effectivité du droit de l’Union mais c’est là sans doute s’écarter un peu trop de l’arrêt commenté…

Rafael Amaro
Professeur de droit privé

JURISPRUDENCE CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : Le Conseil d’État valide la première interdiction d’une opération de concentration prononcée par l’Autorité, celle concernant l’acquisition par un adhérent de l'Association des Centres Distributeurs E. Leclerc (ACDLec) conjointement avec cette dernière d’un hypermarché situé dans l’agglomération de Troyes

 

Le 14 octobre 2022, les 3ème et 8ème chambres réunies du Conseil d’État ont validé, à la faveur d’une décision n° 445680 la décision n° 20-DCC-116 du 28 août 2020 relative à la prise de contrôle conjoint d’un fonds de commerce de détail à dominante alimentaire situé dans l’agglomération de Troyes par la société Soditroy aux côtés de l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc (ACDLec) par laquelle l’Autorité de la concurrence avait interdit pour la première fois depuis sa création en 2009 une opération de concentration.

Le Conseil d’État commence par confirmer l’existence d’un contrôle conjoint de la cible par l'ACDLec et par la personne physique qui détient la société Soditroy, laquelle exploite déjà, sous enseigne E. Leclerc dans l’agglomération de Troyes, un hypermarché, deux supermarchés et quatre « drives ». Selon lui,  c'est sans erreur d'appréciation que l'Autorité de la concurrence a estimé, en se fondant, d’une part, sur le large pouvoir dont dispose le conseil d'administration de l'ACDLec pour influer sur la nomination et la révocation du dirigeant de la société Soditroy, d’autre part, sur le droit de préemption dont bénéficient les adhérents de l’ACDLec sur tout projet de cession d'actions et, enfin, sur le fait que l'ACDLec intervient directement dans la politique tarifaire de la société Soditroy, que l'ACDLec exerçait sur la société Soditroy une influence déterminante au sens de l'article L. 430-1 du code de commerce et qu'elle la contrôlait, conjointement avec M. B (pt. 3).

S’agissant de la délimitation des marchés pertinents, le Conseil d’État confirme l'existence d'un marché de la distribution au détail à dominante alimentaire composé uniquement d'hypermarchés, écartant du même coup les objections des requérantes concernant la pression concurrentielle exercée par les grandes surfaces spécialisées, les supermarchés et les magasins discompteurs (pt. 8). C'est donc par une décision suffisamment motivée sur ce point et sans erreur de droit ni erreur d'appréciation que l'Autorité de la concurrence a considéré, en se fondant sur une analyse prospective tenant compte de l'ensemble des données pertinentes, que le service de distribution offert par les hypermarchés ne présentait pas un degré de substituabilité suffisant par rapport au service offert par les supermarchés et les discompteurs et en a déduit qu'il existait, dans l'agglomération troyenne, un marché de la distribution au détail à dominante alimentaire comprenant uniquement les hypermarchés (pt. 9).

Il approuve également l’Autorité d’avoir écarter de l’analyse les deux magasins à l’enseigne Intermarché de l’agglomération troyenne, alors même qu’au moins au regard de leur superficie, ils relevaient de la catégorie des hypermarchés. Il préfère retenir que l'offre de produits non alimentaires de ces deux magasins est plus limitée que celle des hypermarchés et que ces produits représentent, à la différence des hypermarchés, une part négligeable de leurs chiffres d’affaires (pt. 11).

Ne restaient plus donc, pour procéder à l’analyse concurrentielle, que les quatre hypermarchés reconnus comme tel dans l'agglomération troyenne — deux hypermarchés sous enseigne E. Leclerc et deux hypermarchés sous enseigne Carrefour. À cet égard, l’Autorité s’est largement fondée sur les résultats de deux sondages pour analyser l’incitation de la nouvelle entité à augmenter ses prix, singulièrement par le biais d’effets unilatéraux… mais aussi par le biais d’effets coordonnés. Qu’il eût été préférable que la cible soit rachetée par une enseigne tierce, ce qui permettrait de maintenir la présence de trois enseignes d’hypermarchés différentes sur l’agglomération troyenne ne fait pas de doute. Mais, pour autant, l’opération envisagée, passant pas la création d’un duopole, emporte-t-elle un risque d’atteinte significative à la concurrence sur la zone de chalandise ? Le Conseil d’État confirme à cet égard non seulement l’existence de risques tenant aux effets coordonnés de l’opération, mais également celle de risques tenants aux effets unilatéraux qui pourraient résulter de l’opération de concentration envisagée.

S’agissant d’abord des effets coordonnées de l’opération, le Conseil d’État estime à son tour que les trois conditions — condition de détection, condition de dissuasion et condition de non-contestation — posée par la pratique décisionnelle, sont au cas d’espèce, réunies. Il approuve l'Autorité de la concurrence d’avoir déduit des constatations que les prix de l'ensemble des références au sein de deux hypermarchés sous enseigne Carrefour étaient relevés chaque mois par le magasin E. Leclerc, que les deux acteurs présents sur le marché seraient en capacité de réagir rapidement en cas de comportement s'écartant de la ligne de conduite et qu'en raison de fortes barrières à l'entrée résultant de normes empêchant la création d'hypermarchés dans l'agglomération troyenne, il était peu probable que de nouveaux acteurs déstabilisent la coordination tacite, que les deux enseignes, qui disposeraient à l'issue de l'opération de parts de marché quasiment similaires en surface de vente et, à terme, en chiffre d'affaires, pourraient durablement maintenir des prix élevés, supérieurs au niveau concurrentiel, sans que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les supermarchés ou les discompteurs, qui ne sont pas concurrents des hypermarchés sur le marché pertinent, ne puissent réagir de manière effective et que, dès lors, c'est sans erreur de droit ni erreur d'appréciation qu'elle a estimé que l'opération était de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché de la distribution au détail de produits alimentaires composé uniquement d'hypermarchés (pt. 13).

Quant aux risques tenant aux effets unilatéraux de l’opération, le Conseil d’État fait sien le scénario échafaudé par l’Autorité pour démontrer qu’une fois l’opération réalisée, les parties notifiantes auraient eu intérêt à augmenter les prix de l’hypermarché E. Leclerc existant en escomptant qu’une partie de la clientèle se reportait, non vers les hypermarchés de la concurrence, mais essentiellement vers la cible passée sous enseigne E. Leclerc. Sur ce point, le Conseil d’État se contente de relever que le ratio de diversion, c’est-à-dire la propension des clients de l’actuel hypermarché E. Leclerc à reporter leurs achats sur la cible de préférence à la concurrence des hypermarchés Carrefour, rapportée à l'ensemble des ventes perdues par le magasin ayant augmenté ses prix, a été évalué à 6,1 %, soit un taux supérieur au seuil de 5 % au-delà duquel il est admis que la nouvelle entité sera incitée à augmenter ses prix du fait de l'internalisation au sein du nouvel ensemble de reports de la clientèle vers la cible en cas de hausse des prix par l’acquéreur.

Par ailleurs, le Conseil d’État répond aux requérantes, qui soutenaient que la politique des prix bas de l'ACDLec rendait peu probable une hausse des prix dans l'actuel hypermarché E. Leclerc, d'une part, que les prix dans cet hypermarché étaient alors inférieurs au seuil fixé par l’ACDLec et, d'autre part, ainsi que le fait valoir l'Autorité de la concurrence, que la règle de niveau de prix à laquelle doivent se conformer les adhérents de l'ACDLec ne ferait pas obstacle à ce que l'hypermarché augmente ses prix sur les 30 000 références qui ne sont pas prises en compte par l'indice de prix « OPUS » ou augmente les prix des produits les plus vendus ou les plus onéreux en compensant ces augmentations par des prix inférieurs sur les produits moins vendus ou moins onéreux. Dans ces conditions, l'Autorité de la concurrence n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant qu'il existait un risque d'effet unilatéral sur le marché de la distribution au détail à dominante alimentaire comprenant uniquement les hypermarchés (pt. 14).

Par suite, au terme d’un contrôle que l’on pourra trouver un peu léger, le Conseil d’État rejette la requête de l'ACDLec et de la société Soditroy.

JURISPRUDENCE ACTION PRIVÉE EN RÉPARATION DU DOMMAGE CONCURRENTIEL : La charge de la preuve de la répercussion des surcoûts continue de peser sur la victime lorsque les faits commis sont antérieurs à l’entrée en vigueur de la directive « dommage »

 

À la faveur d'un arrêt (n° 21-19197) rendu le 19 octobre 2022 et se rapportant à la charge de la preuve de la répercussion des surcoûts, la Chambre commerciale de la Cour de cassation dit pour droit, dans une affaire en réparation d’un préjudice concurrentiel consécutive à la décision n° 14-D-19 du 18 décembre 2014 qui a sanctionné une entente sur les produits d’hygiène, que la règle mettant à la charge de l’auteur la preuve de la répercussion du surcoût n’est pas applicable lorsque les faits commis sont antérieurs à l’entrée en vigueur de la directive « dommages », de sorte que la preuve de l'existence du préjudice causé par une pratique anticoncurrentielle incombe, en pareil cas, au demandeur à la réparation et que celui-ci doit, eu égard aux pratiques habituelles en matière commerciale, établir qu'il n'a pas répercuté le surcoût né d'une entente sur ses propres clients. Ce faisant, l’ancienne règle jurisprudentielle faisant peser sur la victime la preuve de la non-répercussion des surcoûts ne porte pas atteinte au principe d’effectivité, ainsi que le soutenaient les demandeurs au pourvoi.

Ce faisant, la Chambre commerciale rejette le pourvoi formé contre les arrêts n° RG 19/19448 rendus les 16 décembre 2020 et 14 avril 2021 par la Chambre 5-4 d de la Cour d'appel de Paris.

Mais Je m’en tiens là. Le présent arrêt fera l’objet sous peu dans ces colonnes d’un commentaire circonstancié du professeur Muriel Chagny.

INFOS UE : La Commission adopte un encadrement révisé des aides d'État à la recherche, au développement et à l'innovation

 

Le 19 octobre 2022, la Commission a annoncé qu’elle avait adopté sa communication révisée sur les règles en matière d'aides d'État à la recherche, au développement et à l’innovation.

L'encadrement RDI vise à faciliter les activités de recherche, de développement et d'innovation qui n'auraient pas pu avoir lieu en l'absence de soutien public en raison de défaillances du marché. Il permet aux États membres, sous certaines conditions, de fournir aux entreprises et à la communauté des chercheurs les incitations nécessaires à la réalisation de ces activités et investissements importants dans ce domaine. L'encadrement RDI applique le principe de neutralité technologique et concerne donc toutes les technologies, toutes les industries et tous les secteurs pour faire en sorte que les règles ne déterminent pas à l'avance quelles voies de recherche déboucheraient sur de nouvelles solutions pour des produits, procédés et services innovants.

La révision vise principalement :

— la mise à jour des définitions existantes des activités de recherche et d'innovation pouvant bénéficier d'un soutien en vertu de l'encadrement RDI, afin de tenir compte des technologies numériques et des activités liées à la numérisation (par exemple, les superordinateurs, les technologies quantiques, les chaînes de blocs, l'intelligence artificielle, la cybersécurité, les mégadonnées et l'informatique en nuage ou en périphérie) ;

— à faciliter l’expérimentation nécessaire pour développer, tester et moderniser les technologies. L'objectif est de permettre le développement rapide et, à terme, le déploiement de technologies de pointe et transformatrices, en particulier par les petites et moyennes entreprises, tout en facilitant les transitions écologique et numérique de l'économie de l'UE et en contribuant au nouveau programme européen d’innovation ;

— à simplifier certaines règles afin de faciliter l'application pratique de l'encadrement RDI et d'alléger les éventuelles charges administratives excessives pesant sur les entreprises et les pouvoirs publics.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

INFOS : Usant pour la première fois de l’opportunité des poursuites reconnue par ECN+, l’Autorité rejette une saisine dénonçant un abus de position dominante de La Poste tenant à la fixation de la rémunération des marchands de presse pour la revente des timbres postaux destinés à être affranchis

 

Le 20 octobre 2022, l’Autorité de la concurrence a rendu une brève décision n° 22-D-19, à la faveur de laquelle elle fait application pour la première fois de la prérogative qui lui a été reconnue, à la suite de la transposition en droit français de la directive ECN+ par l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021, à l’article L. 462-8 du code de commerce, de l’opportunité des poursuites… pardon, de rejeter une saisine pour défaut de priorité.

Au cas d’espèce, la saisissante — l’Union des commerçants des loisirs et de la presse (« Culture Presse »), seule organisation professionnelle représentant les marchands de presse —, soutenait que La Poste accorderait aux exploitants de bureaux de tabac, en vertu d’une convention de partenariat du 1er février 2007, une commission de respectivement 3 %, 4 % et 5 % sur les timbres à l’unité, carnets de timbres et produits prêt-à-poster, tandis que les marchands de presse, quant à eux, ne bénéficieraient d’aucune commission sur la vente de ces produits, ou tout au plus d’une remise de 1 % accordée de manière aléatoire en fonction du receveur des postes local, estimant que cette pratique discriminatoire de La Poste, qui perdurerait à ce jour, serait constitutive d’un abus de position dominante.

Afin de justifier le recours à l’opportunité des poursuites, l’Autorité avance quatre justifications, sans qu’il soit précisé si ces quatre conditions doivent être cumulativement remplies pour que l’Autorité puisse rejeter une saisine pour défaut de priorité :

En premier lieu, la saisine concernerait une pratique qui a un impact économique limité. En effet, elle n’affecte pas le consommateur sur le marché aval de la revente du timbre. Elle n’a pas non plus d’impact sur la qualité du produit proposé, ou sur l’innovation. En outre, son impact sur le chiffre d’affaires des marchands de presse est très faible (de l’ordre de 300 à 400 euros par an au plus par opérateur), de sorte que la structure du marché et l’offre de distribution de timbres auraient très peu de risques d’être affectées.
 
En deuxième lieu, la pratique dite de discrimination « de second rang » ou « de second niveau » reprochée à La Poste a déjà fait l’objet de nombreuses décisions et jurisprudences tant au niveau national qu’européen, de sorte que la question soulevée n’est pas nouvelle et ne nécessite pas d’être clarifiée afin de faire avancer la pratique décisionnelle de l’Autorité.
 
En troisième lieu, le saisissant, s’il l’estime opportun, peut introduire toute action de nature à faire valoir ses droits devant les juridictions nationales.
 
En quatrième et dernier lieu, le traitement de la saisine requerrait la mobilisation de ressources internes non négligeables, lesquelles pourraient, au regard des enjeux et de l’intérêt juridique et économique limités de la présente affaire, être affectées plus utilement à d’autres dossiers.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.


INFOS : L’Autorité décline sa compétence à connaître de la réaction du bâtonnier de Marseille à la création d’un barreau concurrent

 




Peut-il y avoir plusieurs Barreaux inscrits auprès de chaque tribunal judiciaire de France ? Telle est en filigrane la question posée par l’initiative de deux avocats inscrits au tableau du barreau de Marseille, composé de plus de 2 183 avocats en 2019, qui ont pris l’initiative de créer un second barreau — le Barreau de Provence et de la Méditerranée – EUTOPIA (BPME) — dans le ressort du Tribunal judiciaire de Marseille.

Ne l’entendant pas de cette oreille, le bâtonnier de Marseille, a informé les intéressés du caractère illégal de leur initiative, leur enjoignant de dissoudre cette « structure » et les mettant en garde contre l’ouverture d’éventuelles poursuites disciplinaires et pénales s’il refusait de se conformer à cette injonction, soulignant en particulier : « Votre attitude à l’égard de votre barreau ; de vôtre Bâtonnier et de son conseil de l’ordre traduit une atteinte évidente aux principes de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie auxquels vous êtes tenu en application de l’article 3 du décret n° 2005-790 relatif aux règles de déontologie de la profession d’avocat ».

Estimant que cette réaction du bâtonnier de Marseille constituait une manœuvre visant à exclure le BPME du marché des services juridiques et juridictionnels offerts par les barreaux aux consommateurs de droit, et était à ce titre constitutif d’un abus de position dominante, voire d’une entente anticoncurrentielle, s’il s’avérait que le bâtonnier a reçu le concours du parquet général, le bâtonnier statutaire du « Barreau de Provence et de la Méditerranée – Eutopia » a sollicité de l’Autorité des mesures conservatoires visant principalement à enjoindre au barreau de Marseille et à son bâtonnier de s’abstenir de toutes poursuites disciplinaires et pénales à son encontre.

Sur quoi, l’Autorité, à la faveur d’une décision n° 22-D-18 du 14 octobre 2022, rappelant que l’ordre des avocats au barreau de Marseille, comme tout ordre professionnel, est une personne morale de droit privé chargée d’une mission de service public, considère que le fait d’inviter le saisissant, avocat inscrit au barreau de Marseille, à abandonner son projet et à dissoudre la structure qu’il a créée sous peine de sanction disciplinaire en raison de son illégalité et du manquement aux devoirs déontologiques des avocats, traduit bien l’exercice des prérogatives de puissance publique qui lui sont dévolues par la loi du 31 décembre 1971 et le décret du 27 novembre 1991.

Observant que le bâtonnier de Marseille a pris soin, dans un courrier du 12 janvier 2022, d’inviter Maître X... à s’expliquer sur son initiative, tout en le mettant en garde sur l’illégalité possible, selon lui, d’une telle démarche, et qu’il a parallèlement sollicité l’avis du parquet général près la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, ainsi que celui de la Commission déontologie de la Conférence des bâtonniers et de la Commission des règles et usages du Conseil national des barreaux quant à la légalité de la création du BPME, qui, tous, l’ont estimée contraire aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, l’Autorité parvient à la conclusion que le courrier adressé par le bâtonnier de Marseille à Maître X... n’excédait pas les missions qui lui sont dévolues par la loi ou que son contenu n’était pas manifestement animé par sa seule volonté de détourner les pouvoirs qui lui ont été confiés. La teneur de ce courrier n’apparaît au contraire que traduire l’exercice, par le bâtonnier du barreau de Marseille, de ses prérogatives de puissance publique, et ce, dans une mesure non manifestement inappropriée.

Par suite, l’Autorité déclare logiquement qu’elle n’est pas compétente pour connaître des pratiques dénoncées par Maître X... comme constitutives d’abus de position dominante et d’entente. La saisine est déclarée irrecevable en application du 1er alinéa de l’article L. 462-8 du code de commerce, et la demande de mesures conservatoires rejetée par voie de conséquence.

Gérer les risques concurrentiels

Paris — 8 novembre 2022

 

 

Bonjour,

L’AFEC, avec l’AFJE et l’EDHEC organisent le 8 novembre 2022 de 9h00 à 12h30 (accueil dès 8h30) au Centorial, 14-16 rue du Quatre Septembre, Paris IIème, une conférence sur le thème : « Gérer les risques concurrentiels ».

Interviendront lors de cette conférence Christophe Roquilly, Jean-Philippe Gille, Jean-Yves Trochon, Michel Ponsard, Esther Bitton, Anne Witt, Mathilde Boudou, Gabriel Lluch, Hervé Delannoy et Muriel Chagny.

Ce colloque est le premier d’un nouveau programme sur les « Risques concurrentiels dans les relations d’affaires ».

Le programme et les conditions d’inscription sont disponibles ICI, places limitées.

Bien cordialement,
 
Mathilde Boudou
Avocate au Barreau de Paris

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