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Hebdo n° 41/2022
28 novembre 2022
Actualités de la semaine du 7 au 11 novembre 2022
SOMMAIRE
 
INFOS RÈGLEMENT SUR LES SUBVENTIONS ÉTRANGÈRES : Le Parlement européen adopte à une très large majorité le règlement relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur

JURISPRUDENCE UE : Estimant que la production de « preuves pertinentes » vise également celles que la partie à laquelle la demande de production de preuves est adressée devrait créer ex novo, en agrégeant ou en classant des informations, des connaissances ou des données en sa possession, la Cour de justice de l’Union rappelle que cette création ne peut se faire, sous le contrôle des juridictions nationales saisies, que dans le respect du caractère limité de la production de preuves à ce qui est pertinent, proportionné et nécessaire, en tenant compte des intérêts légitimes et des droits fondamentaux de cette partie


JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Relevant que, pour considérer que la décision anticipative accordée par le Luxembourg à une société du groupe Fiat conférait à cette dernière un avantage sélectif, la Commission n’a pas pris en compte la façon dont le principe de « pleine concurrence » est concrètement incorporé dans ce droit s’agissant en particulier des sociétés intégrées, la Cour de justice annule l’arrêt du Tribunal puis la décision de la Commission en ce qu’ils ont violé les dispositions régissant la répartition de compétences entre l’Union et ses États membres en l’absence d’harmonisation fiscale

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que le Tribunal n’a pas imposé à la Commission une charge de la preuve excessive et s’est borné à constater qu’elle n’avait pas satisfait aux exigences qu’elle s’était imposées par l’adoption de la communication relative aux garanties, la Cour de justice de l’Union rejette le pourvoi de la Commission dans l’affaire de la garantie accordée au club de football de Valence

JURISPRUDENCE UE : La Cour de justice estime que le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale qui, aux fins du calcul de l’amende infligée à une entreprise pour violation de l’article 101 TFUE, impose à l’autorité nationale de concurrence, en toutes circonstances, de prendre en compte le chiffre d’affaires de cette entreprise tel qu’il résulte de sa comptabilité, sans disposer de la possibilité d’examiner des éléments avancés par cette dernière visant à démontrer que ledit chiffre d’affaires ne reflète pas sa situation économique réelle et que, par conséquent, sans pouvoir prendre en compte, au titre du chiffre d’affaires, un autre montant reflétant  cette situation

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : La Cour de justice de l’Union confirme en tous points l’arrêt du Tribunal en ce qu’il a confirmé la décision de la Commission approuvant la compensation accordée par le Danemark à Post Danmark pour son obligation de service universel


JURISPRUDENCE UE : Précisant les conditions dans lesquelles la Commission peut adopter une décision de sanction presque 30 ans après les premiers faits constitutifs de l’infraction sans porter atteinte aux droits de la défense des parties intéressées ou au principe du délai raisonnable, le Tribunal de l’Union confirme les sanctions infligées par la Commission dans la vieille affaire de l’entente sur le marché italien des ronds à béton

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Constatant le rôle spécifique du bénéficiaire  d’une aide individuelle et, partant, l’absence de violation du principe de non-discrimination, le Tribunal de l’Union confirme la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide accordée par la Croatie à la compagnie Croatia Airlines, afin de l’indemniser pour les dommages résultant de l’imposition de restrictions de voyage et d’autres mesures de confinement liées à la pandémie de COVID‑19

JURISPRUDENCE PRATIQUES RESTRICTIVES : La Cour de cassation dit pour droit qu’engage sa responsabilité le fournisseur qui, n'ayant pas prétendu avoir fait usage de sa liberté de refuser de vendre des produits à une société qui en faisait la demande, est entré en négociation avec cette dernière sur la base de conditions de vente applicables à une catégorie d'acheteurs à laquelle elle n'appartenait pas [Commentaire de Muriel Chagny]

JURISPRUDENCE : Estimant que l’Autorité a notifié à tort à la mise en cause sa décision concluant au rejet au fond d’une saisine pour absence d’éléments suffisamment probants, la Cour d’appel de Paris déclare irrecevable l'intervention volontaire déposée par EDF dans l’affaire de la fourniture d'électricité aux petits clients non résidentiels


INFOS UE : La Commission consulte sur son projet de communication révisée sur la définition du marché

INFOS : Essilor et sa société mère EssilorLuxottica sanctionnées à hauteur de 81 millions d’euros pour avoir abuser de sa position dominante en entravant le développement en France de la vente en ligne de verres correcteurs

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La décision autorisant, sous réserve d’engagements exclusivement comportementaux, la prise de contrôle exclusif de la société McKesson Europe par le groupe Phoenix dans le secteur de la répartition pharmaceutique est en ligne (+ 30 décisions dont 29 simplifiées)

ANNONCE : « 2023 Antitrust Writing Awards : les candidatures sont ouvertes » [message de Yasemin Tandogan et de Valentin Mauboussin]

ANNONCE COLLOQUE : « Secteur pharmaceutique et concurrence : Stratégies de pré-contentieux et arbitrage », Paris, 30 novembre 2022 [Message d'Alexandre Carbonnel et d’Olivier Fréget]

ANNONCE COLLOQUE : « Quelle concurrence des droits et des acteurs de la concurrence ? », Paris — 1er décembre 2022 [message de Jean-Louis Fourgoux]

ANNONCE COLLOQUE : « Contrôle international des concentrations », Paris — 2 décembre 2022 [Message de Mélanie Thill-Tayara et Laurent Flochel]

INFOS RÈGLEMENT SUR LES SUBVENTIONS ÉTRANGÈRES : Le Parlement européen adopte à une très large majorité le règlement relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur

 

Le 10 novembre 2022, le Parlement européen a adopté à une très large majorité — 598 voix pour, 5 voix contre et 9 abstentions, — une résolution législative sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur.

Pour mémoire, le règlement relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur vise à permettre à la Commission d’enquêter sur les subventions accordées par des autorités publiques non européennes à des entreprises opérant dans l’UE. S’il est établi que ces subventions sont génératrices de distorsions, la Commission peut appliquer des mesures pour y remédier et éviter que les entreprises bénéficiant, par exemple, d’emprunts à taux zéro, de financements à coûts réduits, de traitements fiscaux préférentiels ou d’aides directes d’État, ne surenchérissent sur les concurrents européens lors des fusions, des acquisitions et des procédures de passation de marchés publics.

Ce faisant, ledit règlement répond à un vide juridique ancien, puisque qu’aucune régulation n’était jusque-là imposé au soutien accordé par les États non membres de l’UE, alors que les États membres de l’UE sont strictement soumis aux règles européennes en matière d’aide d’État.

Après l’approbation par le Parlement, le Conseil devrait adopter officiellement un accord le 28 novembre 2022 et le règlement devrait entrer en vigueur 20 jours après sa publication au Journal officiel de l’UE.

À partir de là, les entreprises devront informer la Commission des opérations de concentration, si l’une des parties impliquées réalise un chiffre d’affaires d’au moins 500 millions d’euros dans l'UE et s’il existe une contribution financière étrangère d’au moins 50 millions d’euros. La Commission enquêtera également sur les appels d'offres dans les marchés publics si la valeur d'un marché est d'au moins 250 millions d’euros.

Le Parlement européen a obtenu que les entreprises publiques soient explicitement inclues dans le dispositif, dans la mesure où elles reçoivent souvent des subventions. Il a également obtenu que la période durant laquelle la Commission peut mener des enquêtes sur les marchés publics soit raccourcie, et veillé à ce que les États membres, les entreprises et les autres parties intéressées disposent de canaux spécifiques pour informer la Commission de subventions entrainant potentiellement des distorsions de concurrence.

Le texte issu du parlement européen améliore aussi la sécurité juridique en obligeant la Commission à publier des lignes directrices sur la manière dont elle évalue les effets de distorsion des subventions étrangères ainsi que sur la manière dont elle juge l'effet de distorsion du marché d'une subvention par rapport à ses avantages potentiels. Enfin, les députés ont obtenu que les entreprises puissent consulter la Commission pour vérifier la nécessité de déclarer les subventions dont elles bénéficient.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse du Parlement européen.

JURISPRUDENCE UE : Estimant que la production de « preuves pertinentes » vise également celles que la partie à laquelle la demande est adressée devrait créer ex novo, en agrégeant ou en classant des informations, des connaissances ou des données en sa possession, la Cour de justice de l’Union rappelle que cette création ne peut se faire, sous le contrôle des juridictions nationales saisies, que dans le respect du caractère limité de la production de preuves à ce qui est pertinent, proportionné et nécessaire, en tenant compte des intérêts légitimes et des droits fondamentaux de cette partie

 

Le 10 novembre 2022, la Cour de justice de l’Union a rendu son arrêt dans l’affaire C-163/21 (AD e.a. contre PACCAR Inc, DAF TRUCKS NV et DAF Trucks Deutschland GmbH).

Décidément, la décision de la Commission sanctionnant le 19 juillet 2016 l’entente des camions, mais aussi les actions en follow-on qui en ont découlé, ainsi que les renvois préjudiciels formés, spécialement par les juridictions espagnoles, dans le cadre de ces actions consécutives contribuent grandement à l’interprétation de la directive « dommages » du 26 novembre 2014 et, partant, à la répression des pratiques anticoncurrentielles, et singulièrement celles des cartels, par la mise en œuvre des actions privées en réparation des dommages concurrentiels.

Après l’admission par la Cour à la faveur de l’arrêt Sumal du 6 octobre 2021 d’une responsabilité « descendante » de la filiale pour les pratiques commises par la mère, après les importantes précisions apportées par la même Cour à la faveur de l’arrêt Volvo AB et DAF Trucks NV du 22 juin 2022 sur l’application ratione temporis des règles régissant le délai de prescription pour l’introduction d’actions en réparation des dommages concurrentiels, c’est au tour de la question ô combien cruciale de l’étendue des règles en matière de production de preuves d’être soumise à la sagacité de la Cour de justice de l’Union, cette fois encore par une juridiction de renvoi espagnole, le Tribunal de commerce de Barcelone.

Les faits à l’origine de la présente affaire sont relativement simples. Une entreprise qui a acheté des camions susceptibles de relever du champ d’application de l’infraction faisant l’objet de la décision du 19 juillet 2016 a demandé, en vertu de l’article 283 bis du code de procédure civile espagnol, l’accès aux éléments de preuve détenus par les constructeurs de camions Paccar et DAF Trucks. Seulement l’entreprise ne s’est pas contentée de  demander des preuves préexistantes dont disposeraient ces derniers. Elle a sollicité la production d’éléments de preuve qui implique que la partie destinataire de la demande doivent les créer ex novo, en agrégeant ou en classant des informations, des connaissances ou des données en sa possession. Concrètement, souhaitant quantifier l’augmentation artificielle des prix induite par la collusion, notamment pour effectuer la comparaison des prix recommandés avant, pendant et après la période de l’entente, l’entreprise a demandé à avoir accès, premièrement, à la liste des modèles fabriqués au cours de la période allant du 1er janvier 1990 au 30 juin 2018, classés par année et selon certaines caractéristiques, deuxièmement, au prix départ-usine (prix bruts) pour chaque modèle figurant sur cette liste et, troisièmement, au « total delivery cost » pour ces modèles.

Les fabricants de camions mis en cause ont fait valoir que cette production de preuves excédait la simple recherche et la sélection de documents déjà existants ou la simple mise à disposition des données concernées. Il s’agirait selon eux de réunir dans un document vierge, sur un support numérique ou un autre support, les informations, les connaissances ou les données se trouvant en leur possession, ce qui entraînerait pour eux une charge excessive et serait contraire au principe de proportionnalité.

Dès lors, et à la lumière de la directive « dommages », une partie à la procédure peut-elle demander à ce qu’il soit enjoint à la partie adverse de produire des éléments de preuve que celle-ci doit créer ex novo ? Telle est en substance le sens de la demande préjudicielle formée par le Tribunal de commerce de Barcelone dans la présente affaire.

Plus précisément, la juridiction de renvoi cherche à savoir si l’article 5, § 1, de la directive 2014/104 doit être interprété en ce sens que la production de preuves pertinentes se réfère uniquement aux documents en possession de la partie défenderesse ou d’un tiers qui existent déjà ou si, au contraire, cette disposition inclut également la possibilité de production de documents que la partie à laquelle la demande d’informations est adressée devrait créer ex novo, en agrégeant ou en classant des informations, des connaissances ou des données en sa possession (pt. 37).

Mais avant de pouvoir répondre à cette question, il fallait s’assurer que la directive « dommages » est bien applicable dans l’affaire au principal. Sur ce point, la Cour parvient à la conclusion que l’article 5, § 1, premier alinéa, de ladite directive est applicable ratione temporis à un tel recours en vertu de l’article 22, § 2, de la même directive, dans la mesure où l’article 5, § 1, premier alinéa, qui a précisément pour objectif de permettre à la partie demanderesse à de tels litiges de compenser le déficit d’information qui est le sien et, par suite, d’obtenir des informations indispensables pour intenter un recours en dommages et intérêts, ne figure pas au nombre des dispositions substantielles de cette directive, au sens de l’article 22, § 1, de celle-ci, et qu’il fait partie des dispositions procédurales (pt. 35), dès lors qu’il n’affecte pas directement la situation juridique des parties, en ce que cette disposition ne porte pas sur les éléments constitutifs de la responsabilité civile extracontractuelle (pt. 33). La directive « dommages » étant applicable ratione temporis au présent recours, la Cour s’attache à répondre sur le fond à la juridiction de renvoi (pt. 36).

Pour ce faire, la Cour procède tour à tour à une analyse exégétique des différentes dispositions pertinentes de la directive « dommages » et à une interprétation téléologique de la directive « dommages » elle-même, afin de tenir compte non seulement des termes de la disposition du droit de l’Union à interpréter, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (pt. 38).

Dans un premier temps, la Cour se livre à une analyse littérale de l’article 5, § 1, premier alinéa, de l’article 2, point 13, de l’article 5, § 3, des considérants 14, 15, 16 de la directive 2014/104. Il en ressort que cette dernière retient une acception large de ce terme « preuves », ne procédant à aucune distinction en fonction du caractère préexistant ou non des preuves dont la production est demandée, de sorte que les preuves visées à l’article 5, § 1, premier alinéa de la directive ne correspondent pas nécessairement à des « documents » préexistants (pt. 41). Elle relève à cet égard une différence de rédaction entre la première et la seconde phrase de l’article 5, § 1, premier alinéa, de la directive 2014/104, puisque seule la première phrase de cette disposition mentionne les termes « qui se trouvent en leur possession », la seconde phrase se contentant d’énoncer que le défendeur doit pouvoir demander à cette juridiction d’enjoindre au demandeur ou à un tiers de produire « des preuves pertinentes ». Pour la Cour, en se référant aux preuves « en [la] possession » du défendeur ou d’un tiers, le législateur de l’Union fait avant tout un constat factuel, illustrant l’asymétrie de l’information à laquelle il entend remédier (pt. 45). Autrement dit, l’emploi des termes « qui se trouvent en leur possession » vise à rendre compte d’une situation de fait à laquelle le législateur de l’Union entend remédier (pt. 49). Ce qui importe, c’est qu’il existe un rapport entre la preuve demandée et la demande de dommages et intérêts, ce qui est primordial pour la juridiction nationale concernée afin qu’elle puisse se prononcer utilement sur la demande de production de preuves qui lui est présentée, dans le respect du principe de l’égalité des armes entre les parties au litige dont elle est saisie (pt. 47).

La Cour procède ensuite à l’exégèse de l’article 5, § 3, sous b), de la directive « dommages », lequel énonce que les juridictions nationales saisies sont tenues de prendre en considération, afin de limiter « la production des preuves à ce qui est proportionné », notamment, « l’étendue et le coût de la production de preuves, en particulier pour les éventuels tiers concernés, y compris afin d’éviter toute recherche non spécifique d’informations dont il est peu probable qu’elles soient pertinentes pour les parties à la procédure ». Or, relève la Cour, si le législateur a envisagé l’hypothèse dans laquelle la demande de communication de preuves générerait des coûts pour la production desdites preuves, c’est implicitement, mais nécessairement, parce qu’il a à l’esprit le cas dans lequel le coût de la production de preuves excédera significativement celui correspondant à la simple transmission de supports physiques, en particulier de documents, en la possession du défendeur ou d’un tiers (pt. 53). Ainsi, il découle de cette disposition que le législateur a forcément appréhender la possibilité de production de documents que la partie à laquelle la demande d’informations est adressée devrait créer ex novo.

À ce stade, la Cour entreprend de faire une interprétation téléologique de la directive « dommages ». Il relève à cet égard que le législateur de l’Union, en adoptant la directive 2014/104, est parti du constat que la lutte contre les comportements anticoncurrentiels à l’initiative de la sphère publique, c’est-à-dire de la Commission et des autorités de concurrence nationales, n’était pas suffisante pour assurer le plein respect des articles 101 et 102 TFUE et qu’il importait de faciliter la possibilité, pour la sphère privée, de concourir à l’accomplissement de cet objectif (pt. 55). Or, pour atteindre cet objectif, il convenait de mettre en œuvre des outils de nature à remédier à l’asymétrie de l’information entre les parties au litige, puisque, par définition, l’auteur de l’infraction sait ce qu’il a fait et ce qui lui a été, le cas échéant, reproché et connaît les preuves qui ont pu, en pareil cas de figure, servir à la Commission ou à l’autorité de concurrence nationale concernée pour démontrer sa participation à un comportement anticoncurrentiel contraire aux articles 101 et 102 TFUE, alors que la victime du préjudice causé par ce comportement ne dispose pas de ces preuves (pt. 59). Pour rendre cela possible et, dans le même temps, éviter un recours abusif à de telles procédures, la directive 2014/104 établit une mise en balance « des intérêts légitimes de l’ensemble des parties et tiers concernés » (pt. 57). Alors que, d’un point de vue pratique, le fait pour la partie demanderesse de se voir fournir seulement des documents bruts préexistants, possiblement très nombreux, ne correspondrait qu’imparfaitement à sa demande, l’article 5, § 1, premier alinéa de la directive vise à fournir aux parties lésées des outils de nature à compenser l’asymétrie de l’information entre les parties au litige (pt. 61). exclure d’emblée la faculté de demander la production de documents ou d’autres éléments de preuve que la partie à laquelle la demande est adressée devrait créer ex novo conduirait, dans certains cas de figure, à la création d’obstacles rendant plus difficile la mise en œuvre des règles de concurrence de l’Union par la sphère privée, alors même que la facilitation de cette mise en œuvre constitue l’objectif premier de la directive (pt. 62). Et pour éviter que cette possibilité ne crée une charge excessive du chef du défendeur, l’article 5, §§ 2 et 3, de la directive 2014/104 a instauré un mécanisme de mise en balance des intérêts en présence, sous le contrôle strict des juridictions nationales saisies, lesquelles doivent s’assurer que la demande de production de preuves réalisées ex novo à partir d’éléments de preuve préexistants en la possession du défendeur ou d’un tiers ne risque pas, compte tenu de son caractère excessif ou trop général, de faire peser une charge disproportionnée sur la partie défenderesse ou le tiers concerné, qu’il s’agisse du coût ou de la charge de travail que cette demande occasionnerait (pt. 64). À cet égard, il ne saurait y avoir de transposition à la sphère privée des principes applicables à la lutte contre les comportements anticoncurrentiels à l’initiative de la sphère publique (pt. 65). Il faut aussi veiller à ce que les défenderesses au principal ne soient pas conduites à se substituer aux requérants au principal dans la tâche qui leur incombe de démontrer l’existence et l’étendue du préjudice subi (pt. 66).

Au final, la Cour répond à la question posée que l’article 5, § 1, premier alinéa, de la directive 2014/104 doit être interprété en ce sens que la mention qui y est faite des preuves pertinentes en la possession du défendeur ou d’un tiers vise également celles que la partie à laquelle la demande de production de preuves est adressée devrait créer ex novo, en agrégeant ou en classant des informations, des connaissances ou des données en sa possession, sous réserve du strict respect de l’article 5, §§ 2 et 3, de cette directive qui fait obligation aux juridictions nationales saisies de limiter la production de preuves à ce qui est pertinent, proportionné et nécessaire, en tenant compte des intérêts légitimes et des droits fondamentaux de cette partie (pt. 69).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Cour.

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Relevant que, pour considérer que la décision anticipative accordée par le Luxembourg à une société du groupe Fiat conférait à cette dernière un avantage sélectif, la Commission n’a pas pris en compte la façon dont le principe de « pleine concurrence » est concrètement incorporé dans ce droit s’agissant en particulier des sociétés intégrées, la Cour de justice annule l’arrêt du Tribunal puis la décision de la Commission en ce qu’ils ont violé les dispositions régissant la répartition de compétences entre l’Union et ses États membres en l’absence d’harmonisation fiscale

 

Le 8 novembre 2022, la Cour de justice de l’Union a rendu son arrêt dans les affaires jointes C-885/19 (Fiat Chrysler Finance Europe contre Commission européenne) et C-898/19 (Irlande contre Commission européenne), concernant l’une et l’autre la décision fiscale anticipative (tax ruling) octroyée par les autorités luxembourgeoises à Fiat Chrysler Finance Europe (FFT), une société du groupe Fiat qui fournissait des services de trésorerie et de financement aux sociétés du groupe établies en Europe, et portant sur les prix de transfert pratiqués au sein dudit groupe.

On se souvient que, par arrêt du 24 septembre 2019 rendu dans les affaires jointes T-755/15 (Luxembourg contre Commission européenne) et T-759/15 (Fiat Chrysler Finance Europe contre Commission européenne), la septième chambre élargie du Tribunal de l’Union, présidée par Marc van der Woude, avait rejeté les recours introduits contre la décision de la Commission du 21 octobre 2015 déclarant l’aide mise à exécution par le Luxembourg en faveur de Fiat à la fois illégale, parce que non notifiée, et incompatible avec le marché intérieur, et condamnant le Luxembourg à la récupérer auprès de Fiat Chrysler Finance Europe. Ce faisant, le Tribunal avait confirmé que la décision ficale anticipative en cause avait conféré à FFT un avantage sélectif, dans la mesure où elle avait entraîné une réduction de l’impôt dû par FFT, à titre principal, au titre du système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg en comparaison avec les sociétés autonomes et, à titre subsidiaire, au titre du système d’imposition des sociétés intégrées.

Selon le Tribunal, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que le Grand-Duché de Luxembourg avait exclu à tort une partie des capitaux propres de FFT, à hauteur de ses participations dans ses filiales, du capital devant être pris en considération pour déterminer la rémunération de FFT pour ses activités de financement intragroupe et de trésorerie. Dès lors, la Commission pouvait à bon droit considérer que l’intégralité des capitaux propres de FFT aurait dû être prise en compte aux fins du calcul de sa rémunération et qu’un taux unique aurait dû être appliqué. En tout état de cause, a-t-il estimé, la méthode consistant, d’une part, à retenir les capitaux réglementaires hypothétiques de FFT et, d’autre part, à exclure les participations de FFT dans les filiales nord américaine et canadienne du groupe du montant des capitaux à rémunérer ne permettait pas d’aboutir à un résultat de pleine concurrence, en ce qu’elle minimisait la rémunération de FFT, sur la base de laquelle est déterminé l’impôt dû.

Sur la sélectivité de l’avantage octroyé à FFT, le Tribunal a retenu que l’on n’était pas en présence d’un régime d’aides, mais d’une aide individuelle et que la Commission n’avait, en toute hypothèse, pas commis d’erreur en considérant, sur la base de l’analyse de la sélectivité en trois étapes, que l’avantage conféré à FFT par la décision anticipative en cause était sélectif, en ce qu’elle dérogeait aux règles composant chacun des cadres de référence.

L’Irlande et Fiat Chrysler Finance Europe ont alors, mais chacune de leur côté, formé un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal.

Suivant les conclusions de l’avocat général Priit Pikamäe, la Cour de justice de l’Union accueille, aux termes du présent arrêt, les cinquième et sixième branches du premier moyen ainsi que le cinquième moyen et, partant, le pourvoi introduit par l’Irlande dans l’affaire C-898/19 et annule en conséquence non seulement l’arrêt rendu par le Tribunal le 24 septembre 2019 dans les affaires Luxembourg et Fiat Chrysler Finance Europe/Commission (T-755/15 et T-759/15), mais également la décision de la Commission.

Pour l’essentiel, le présent arrêt porte sur la question de savoir si la Commission dispose du pouvoir de faire application de sa propre acception du principe de pleine concurrence dans l’examen de l’existence d’un avantage économique sélectif, reposant sur un principe général d’égalité de traitement en matière de taxation qui relève de l’application de l’article 107, § 1, TFUE, et si elle peut le faire indépendamment de la question de savoir si ce principe avait préalablement été incorporé dans le droit national. Ce faisant, la Cour s’est s’interrogée sur la frontière tracée par le TFUE entre l’autonomie fiscale des États membres et l’interdiction d’octroi des aides d’État.

Le principe de pleine concurrence est le principe selon lequel les transactions entre entreprises liées ou intégrées doivent être valorisées à des fins fiscales comme si elles avaient été conclues dans des conditions de pleine concurrence entre des entreprises indépendantes. Le principe de pleine concurrence est mis en œuvre en apportant des ajustements aux « prix de transfert », soit aux prix des transactions effectuées entre sociétés d’un même groupe et résidentes d’États membres différents. Il s’agit là d’éviter que les sociétés multinationales ne soient incitées à attribuer le moins de bénéfices possibles aux pays qui imposent le plus fortement leurs bénéfices. De sorte que le principe de pleine concurrence est une conséquence du principe de territorialité de la compétence fiscale. Les administrations fiscales ne devraient, selon une recommandation de l’OCDE, accepter les prix de transfert entre sociétés intégrées que lorsque, conformément au principe de pleine concurrence, les transactions entre sociétés d’un même groupe (sociétés intégrées) sont rémunérées comme si elles avaient été acceptées par des sociétés indépendantes négociant dans des circonstances comparables dans des conditions de pleine concurrence (sociétés autonomes).

La Cour examine ensemble les cinquième et sixième branches du premier moyen ainsi que le cinquième moyen. Par ces moyens, l’Irlande contestait, d’une part, l’analyse faite par le Tribunal pour déterminer l’existence d’un avantage économique sélectif, et plus particulièrement le fondement juridique, retenu par celui-ci à la suite de la Commission, reposant sur le principe de pleine concurrence et sur la portée de celui-ci et, d’autre part, le recours fait par la Commission au principe de pleine concurrence aux fins de la détermination de l’imposition « normale », mais cette fois en ce qu’il a été effectué indépendamment de toute référence à l’existence de ce principe dans le droit national.

La Cour commence par rappeler que, pour qualifier une mesure fiscale nationale de « sélective », la Commission doit identifier, dans un premier temps, le système de référence, à savoir le régime fiscal « normal » applicable dans l’État membre concerné, et démontrer, dans un deuxième temps, que la mesure fiscale en cause déroge à ce système de référence, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce dernier, dans une situation factuelle et juridique comparable. La notion d’« aide d’État » ne vise toutefois pas les mesures introduisant une différenciation entre des entreprises qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime juridique en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable et, partant, a priori sélectives, lorsque l’État membre concerné parvient à démontrer, dans un troisième temps, que cette différenciation est justifiée, en ce sens qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel ces mesures s’inscrivent (pt. 68). À cet égard, la Cour insiste sur le fait que la détermination du cadre de référence revêt une importance accrue dans le cas de mesures fiscales, puisque l’existence d’un avantage économique, au sens de l’article 107, § 1, TFUE, ne peut être établie que par rapport à une imposition dite « normale » (pt. 69). Il importe donc que le régime fiscal commun ou système de référence applicable dans l’État membre concerné soit correctement identifié dans la décision de la Commission et examiné par le juge saisi d’une contestation portant sur cette identification (pt. 71). Pour ce faire, la détermination du cadre de référence doit découler d’un examen objectif du contenu, de l’articulation et des effets concrets des normes applicables en vertu du droit national de cet État (pt. 72). En effet, en dehors des domaines dans lesquels le droit fiscal de l’Union fait l’objet d’une harmonisation, c’est l’État membre concerné qui détermine, par l’exercice de ses compétences propres en matière de fiscalité directe et dans le respect de son autonomie fiscale, les caractéristiques constitutives de l’impôt, lesquelles définissent, en principe, le système de référence ou le régime fiscal « normal », à partir duquel il convient d’analyser la condition relative à la sélectivité (pt. 73). Il s’ensuit que seul  le droit national applicable dans l’État membre concerné doit être pris en compte en vue d’identifier le système de référence en matière de fiscalité directe, cette identification étant elle‑même un préalable indispensable, en vue d’apprécier, non seulement l’existence d’un avantage, mais aussi le point de savoir si celui-ci revêt un caractère sélectif (pt. 74).

Ceci précisé, le Tribunal a-t-il commis une erreur de droit en confirmant le système de référence retenu par la Commission dans la décision litigieuse ? Pouvait-il retenir que le principe de pleine concurrence trouve à s’appliquer lorsque le droit fiscal national pertinent n’opère pas de distinction entre les « entreprises » intégrées et les « entreprises » autonomes aux fins de leur assujettissement à l’impôt sur les sociétés (pt. 80) ? Pouvait-il délimiter le cadre de référence pertinent sans tenir compte des règles spécifiques prévues par le droit luxembourgeois en matière de prix de transfert applicables aux sociétés intégrées (pt. 83), et, en particulier, le principe de pleine concurrence tel qu’il est défini à l’article 164, § 3, du code des impôts luxembourgeois ou dans la circulaire n° 164/2 (pt. 88) et considérer, à la suite de la Commission, que l’objectif du système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg, identifié comme système de référence, était d’imposer les bénéfices de toutes les sociétés qui relèvent de sa compétence fiscale, qu’il s’agisse de sociétés intégrées ou de sociétés non intégrées (pt. 87) ?

Sur quoi la Cour, relevant qu’en écartant la pertinence de l’article 164, § 3, du code des impôts du Luxembourg et de la circulaire n° 164/2, la Commission a fait application d’un principe de pleine concurrence distinct de celui défini par le droit luxembourgeois et qu’elle s’est ainsi limitée à identifier, dans l’objectif poursuivi par le système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg, l’expression abstraite de ce principe et à examiner la décision anticipative en cause sans prendre en compte la façon dont ledit principe est concrètement incorporé dans ce droit s’agissant en particulier des sociétés intégrées (pt. 91),  conclut que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’application de l’article 107, § 1, TFUE en omettant de tenir compte de l’exigence selon laquelle, afin de déterminer si une mesure fiscale a fait bénéficier une entreprise d’un avantage sélectif, il incombe à la Commission de procéder à une comparaison avec le système d’imposition normalement applicable dans l’État membre concerné, au terme d’un examen objectif du contenu, de l’articulation et des effets concrets des normes applicables en vertu du droit national de cet État (pt. 92). À cet égard, la Cour rappelle que, en l’absence d’harmonisation en droit de l’Union, les modalités concrètes de l’application du principe de pleine concurrence sont définies par le droit national et doivent être prises en compte en vue d’identifier le cadre de référence aux fins de la détermination de l’existence d’un avantage sélectif (pt. 93). De sorte qu’en acceptant que la Commission puisse invoquer des règles qui ne faisaient pas partie du droit luxembourgeois, alors même que cette institution ne disposait pas, à ce stade du développement du droit de l’Union, de la compétence lui permettant de définir de façon autonome l’imposition dite « normale » d’une société intégrée en faisant abstraction des règles fiscales nationales, le Tribunal a méconnu les dispositions du traité FUE relatives à l’adoption par l’Union européenne de mesures de rapprochement des législations des États membres en matière de fiscalité directe. E, effet, l’autonomie d’un État membre en matière de fiscalité directe ne peut être pleinement assurée si, en dehors de toute mesure de rapprochement de ce type, l’examen effectué au titre de l’article 107, § 1, TFUE n’est pas exclusivement fondé sur les règles d’imposition normales édictées par le législateur de l’État membre concerné. (pt. 94). Or, en l’absence d’harmonisation fiscale, la fixation éventuelle des méthodes et des critères qui permettent de déterminer un résultat de « pleine concurrence » relève du pouvoir d’appréciation des États membres (pt. 95). En dépit du consensus existant autour des lignes directrices de l’OCDE dans l’élaboration et le contrôle des prix de transfert, seules sont pertinentes les dispositions nationales aux fins de l’analyse du point de savoir si des transactions données doivent être examinées à l’aune du principe de pleine concurrence et, le cas échéant, si des prix de transfert, qui fondent l’assiette des revenus imposables par un assujetti et sa répartition parmi les États concernés, s’écartent ou non d’un résultat de pleine concurrence. Ne sauraient donc être pris en compte, dans l’examen de l’existence d’un avantage fiscal sélectif au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et aux fins d’établir la charge fiscale devant normalement peser sur une entreprise, des paramètres et des règles externes au système fiscal national en cause, à moins que ce dernier ne s’y réfère explicitement (pt. 96). C’est là la simple expression du principe de légalité de l’impôt (pt. 97).

Or, relève la Cour, la Commission, dont l’approche a été confirmée par le Tribunal, s’est affranchie de tout examen de la manière dont le principe de pleine concurrence, tel que consacré en substance à l’article 164, § 3, du code des impôts, avait été interprété et appliqué (pt. 100). En outre, la jurisprudence ne corrobore pas la position selon laquelle le principe de pleine concurrence est applicable lorsque le droit fiscal national tend à imposer les sociétés intégrées et les sociétés autonomes de la même façon, indépendamment de la question de savoir si, et de quelle manière, ce principe est incorporé dans ce droit (pt. 102). Dès lors, les motifs de l’arrêt attaqué ayant trait à l’examen du raisonnement retenu à titre principal par la Commission, selon lequel la décision anticipative en cause dérogeait au système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg, sont entachés d’une erreur de droit en ce que le Tribunal a validé l’approche de la Commission ayant consisté, en substance, à ne pas tenir compte du principe de pleine concurrence tel que prévu à l’article 164, § 3, du code des impôts et précisé dans la circulaire n° 164/2 y afférente, lors de la définition du système de référence dans le cadre de l’examen mené au titre de l’article 107, § 1, TFUE, aux fins de déterminer si la décision anticipative en cause confère un avantage sélectif à son bénéficiaire (pt. 105).

Eu égard à ce qui précède, la Cour annule l’arrêt attaqué, estimant que cette annulation ne saurait évitée du fait que la Commission a inclus dans sa décision, à titre subsidiaire, un raisonnement fondé sur le constat qu’en tout état de cause, la décision anticipative querellée dérogeait aussi au système de référence constitué par l’article 164, § 3, du code des impôts du Luxembourg et la circulaire n° 164/2 y afférente (pt. 109). En effet, ce raisonnement ne contient pas d’analyse détachable et autonome par rapport à celle découlant du système de référence retenu par la Commission à titre principal et ne permet donc pas de remédier à l’erreur dont l’arrêt attaqué est entaché (pt. 111). Il ne rectifie que de manière apparente l’erreur que la Commission a commise dans l’identification du système de référence qui aurait dû constituer la base de son analyse tenant à l’existence d’un avantage sélectif (pt. 112).

Considérant que le litige est en état d’être jugé et, statuant sur celui-ci, la Cour annule ensuite la décision litigieuse de la Commission en ce que l’erreur commise par la Commission dans la détermination des règles effectivement applicables en vertu du droit national pertinent et, partant, dans l’identification de l’imposition dite « normale » au regard de laquelle devait être appréciée la décision anticipative en cause, vicie l’ensemble du raisonnement tenant à l’existence d’un avantage (pt. 118).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Cour.

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que le Tribunal n’a pas imposé à la Commission une charge de la preuve excessive et s’est borné à constater qu’elle n’avait pas satisfait aux exigences qu’elle s’était imposées par l’adoption de la communication relative aux garanties, la Cour de justice de l’Union rejette le pourvoi de la Commission dans l’affaire de la garantie accordée au club de football de Valence

 

Le 10 novembre 2022, la Cour de justice de l’Union a rendu son arrêt dans l’affaire C-211/20 (Commission européenne contre Valencia Club de Fútbol et Espagne) à propos du pourvoi formé par la Commission contre l’arrêt du Tribunal adopté le 12 mars 2020 dans l’affaire T-732/16 (Valencia Club de Fútbol/Commission européenne).

Traversant des difficultés financières, le club de football professionnel de Valence avait reçu le soutien de l’Instituto Valenciano de Finanzas (IVF) — l’établissement financier du gouvernement de la Communauté autonome de Valence —, lequel avait accordé à la Fundación Valencia, liée au club, une garantie pour un prêt bancaire de 75 millions d’euros, au moyen duquel elle a acquis, dans le cadre d’une augmentation de capital, 70,6 % des actions du Valencia CF (mesure 1). En outre, la garantie octroyée initialement avait été augmentée en 2010 de manière à couvrir l'augmentation du prêt bancaire sous-jacent (mesure 4).

Par décision du 4 juillet 2016, la Commission avait retenu que les garanties publiques accordées pour couvrir les prêts bancaires octroyés au club de Valence aux fins de la souscription d’actions dudit club, dans le cadre d’opérations d’augmentation du capital, constituait des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur, à hauteur de 20 381 000 euros (plus les intérêts) pour le Valencia CF, et avait enjoint, en conséquence, au Royaume d’Espagne de récupérer lesdites aide auprès du club de football professionnel. Au regard des critères définis par la communication de la Commission sur l’application des articles 107 et 108 TFUE aux aides d’État sous forme de garanties, et compte tenu de la situation financière dégradée du club ainsi que des conditions des garanties publiques dont il avait bénéficié, la Commission avait conclu à l’existence d’un avantage indu, ayant pu fausser, ou menacé de fausser, la concurrence et affecter les échanges entre États membres.

Le club de football professionnel de Valence avait alors introduit un recours devant le Tribunal.

À la faveur de l'arrêt du 12 mars 2020, le Tribunal de l’Union était parvenu à la conclusion que la décision de la Commission du 4 juillet 2016 était entachée de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation quant à la caractérisation d’un avantage, mais aussi dans le calcul du montant de l’aide, de sorte qu’il avait annulé la décision attaquée en tant qu’elle concernait les mesures 1 et 4 accordées au Valencia CF.

Examinant le moyen pris d’une erreur manifeste de la Commission en ce qu’elle a considéré que la mesure 1 n’avait pas été accordée à un prix de marché, le Tribunal avait conclu que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard en constatant qu’aucune prime de garantie équivalente n’était offerte sur le marché (pt. 138).

Par son pourvoi, la Commission soulève un moyen unique par lequel elle soutient que, aux points 124 à 138 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a violé le droit de l’Union en interprétant de manière erronée l’article 107, § 1, TFUE, notamment en ce qui concerne la démonstration de l’existence d’un avantage économique. Le moyen unique de la Commission se subdivise en trois branches. La Commission fait d’abord valoir que le Tribunal a interprété de manière erronée la décision attaquée et la communication sur les garanties. Ainsi, la Commission n’a jamais considéré qu’il n’y avait pas de prix de marché pour la prime de garantie correspondante et ainsi qu’aucun opérateur de marché ne se porterait garant du Valencia CF. La Commission soutient ensuite que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qui concerne la charge de la preuve quant à l’existence d’un avantage découlant d’une garantie individuelle et l’obligation de diligence incombant à la Commission. Le Tribunal aurait en particulier exigé de la Commission une charge de la preuve excessive pour établir qu’une garantie octroyée par les autorités publiques n’avait pas été accordée dans des conditions de marché. Enfin, la Commission soutient que le Tribunal a dénaturé les faits lorsqu’il a affirmé que « la Commission ne fait valoir aucun autre élément obtenu durant la procédure administrative qui viendrait appuyer ses constatations relatives à l’insuffisance d’opérations comparables ».

Aux termes du présent arrêt, la Cour de justice rejette ce moyen unique et, partant, le pourvoi lui-même comme étant non fondés.

Premièrement, la Cour souligne que la communication relative aux garanties prévoit une hiérarchie entre les méthodes à utiliser pour constater et quantifier l’élément d’aide d’une mesure (pt. 64). Elle rappelle que, en vertu de cette communication, il incombe à la Commission de vérifier si « la prise de risque » est « rémunérée par une prime adéquate sur le montant couvert par une garantie », étant donné que, lorsque « le prix payé pour la garantie est au moins aussi élevé que la prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers, la garantie ne contient pas d’aide » (pt. 65). Ce n’est que « [s]’il n’existe pas de prime de garantie de référence correspondante sur les marchés financiers » que « le coût financier total du prêt garanti, comprenant le taux d’intérêt et la prime versée, doit être comparé au prix de marché d’un prêt similaire non garanti » (pt. 66). Et ce n’est que « [s]’il n’y a pas de taux d’intérêt du marché et que l’État membre souhaite recourir au taux de référence » que la Commission peut recourir à une dernière méthode, fondée sur le « taux de référence » (pt. 69).

Il s’ensuit que la première méthode doit être vérifiée en premier lieu et, à défaut de l’existence d’une prime de garantie de référence correspondante sur les marchés financiers, la deuxième méthode devra être utilisée (pt. 64). Enfin, s’il n’existe ni prime ni prix du marché d’un prêt similaire non garanti, la même communication permet à la Commission de recourir, avec l’accord de l’État membre concerné, à des taux de référence. Par conséquent, la Cour confirme l’arrêt du Tribunal aux termes duquel, par l’adoption de ladite communication, la Commission a encadré sa marge de discrétion dans le choix de la méthode utilisée pour constater et quantifier l’élément d’aide d’une mesure, de telle sorte que, dans l’impossibilité d’appliquer la première méthode, elle doit employer la deuxième méthode s’il existe un taux d’intérêt du marché et que, partant, elle ne peut recourir au taux de référence que si un taux d’intérêt du marché n’existe pas (pt. 69).

Deuxièmement, en ce qui concerne la charge de la preuve et le devoir de diligence incombant à la Commission quant à la démonstration de l’existence d’un avantage, la Cour rappelle que c’est sur la Commission que pèse la charge de prouver, en tenant compte, notamment, des informations fournies par l’État membre concerné, que les conditions d’application du principe de l’opérateur privé ne sont pas remplies, de telle sorte que l’intervention étatique en cause renferme un avantage, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (pt. 75). Dans ce cadre, il appartient à la Commission d’effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si l’entreprise bénéficiaire n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables d’un tel opérateur privé (pt. 76). À cet égard, la Commission est tenue, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité FUE relatives aux aides d’État, de conduire la procédure d’examen des mesures incriminées de manière diligente et impartiale, afin qu’elle dispose, lors de l’adoption de la décision finale, des éléments les plus complets et fiables possibles pour ce faire (pt. 78). Par suite, relève la Cour, la Commission ne saurait supposer qu’une entreprise a bénéficié d’un avantage constitutif d’une aide d’État en se basant simplement sur une présomption négative, fondée sur l’absence d’informations permettant d’aboutir à la conclusion contraire, en l’absence d’autres éléments de nature à établir positivement l’existence d’un tel avantage (pt. 79). Enfin, la Cour rappelle que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer à la date à laquelle elle a adopté cette décision (pt. 85).

Troisièmement, la Cour relève que c’est à bon droit que le Tribunal a jugé que, par l’adoption de ladite communication, la Commission s’est imposé l’obligation de vérifier s’il « existe » une prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers et, à défaut, s’il « existe » un prix de marché d’un prêt similaire non garanti, avant de recourir au taux de référence (pt. 87).  Or, confirme la Cour, aucun élément de la décision litigieuse ne laisse entendre que la Commission aurait vérifié s’il existait une prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers (pt. 88). En outre, la Commission a déduit de sa propre constatation selon laquelle le Valencia CF était en difficulté lors de l’octroi de la garantie que, non seulement, aucun établissement financier n’aurait offert une garantie en faveur de ce club, mais également qu’il était exclu qu’il puisse exister un prêt similaire non garanti (pt. 95). Or, l’existence tant d’une prime de garantie de référence correspondante offerte sur les marchés financiers que d’un prix de marché d’un prêt similaire non garanti pouvant être déterminant, conformément à la communication sur les garanties, pour la constatation de l’existence d’une aide d’État et pour sa quantification, il s’agit là d’éléments éminemment pertinents pour l’appréciation à effectuer par la Commission (pt. 96). Dans ces conditions, la Cour constate que la Commission n’a pas établi devant le Tribunal qu’elle disposait d’éléments d’une certaine fiabilité et cohérence qui lui auraient permis d’affirmer qu’il n’existait qu’un « nombre limité d’opérations de nature similaire sur le marché » qui « ne permet pas une comparaison significative » avec la valeur de référence du prix de marché d’un prêt similaire non garanti (pt. 98).

Quatrièmement, la Cour relève que, dès lors que la Commission s’est imposé, par l’adoption de la communication sur les garanties, de vérifier s’il existe un prix de marché d’un prêt similaire non garanti, le Tribunal pouvait considérer, sans commettre d’erreur de droit, que cette institution était tenue d’aller au-delà du seul examen des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance, en réponse à la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen (pt. 100). Ce faisant, le Tribunal ne lui a pas imposé des obligations de diligence et de charge de la preuve excessives, mais s’est borné à constater qu’elle n’avait pas satisfait aux exigences qu’elle s’était imposées par l’adoption de ladite communication. En effet, il n’a nullement exigé que cette institution fournisse des preuves de l’inexistence d’opérations de nature similaire sur le marché, mais s’est limité à relever que la Commission n’avait pas étayé sa constatation ni fait usage de la faculté qui lui est offerte d’effectuer au cours de la procédure administrative une demande spécifique auprès des autorités espagnoles ou des parties intéressées, en vue d’obtenir la production d’éléments pertinents aux fins de l’appréciation à effectuer (pt. 101).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Cour.

JURISPRUDENCE UE : La Cour de justice estime que le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale qui, aux fins du calcul de l’amende infligée à une entreprise pour violation de l’article 101 TFUE, impose à l’autorité nationale de concurrence, en toutes circonstances, de prendre en compte le chiffre d’affaires de cette entreprise tel qu’il résulte de sa comptabilité, sans disposer de la possibilité d’examiner des éléments avancés par cette dernière visant à démontrer que ledit chiffre d’affaires ne reflète pas sa situation économique réelle et que, par conséquent, sans pouvoir prendre en compte, au titre du chiffre d’affaires, un autre montant reflétant  cette situation

 

Le 10 novembre 2022, la Cour de justice de l’Union a rendu un arrêt dans l’affaire C-385/21 (Zenith Media Communications SRL, contre Consiliul Concurenţei) à la suite d’une demande de décision préjudicielle émanant de la Haute Cour de cassation et de justice roumaine dans le cadre d’un litige opposant Zenith Media Communications SRL au Conseil de la concurrence roumain au sujet d’une décision infligeant une amende à cette société pour infraction aux règles du droit de la concurrence

La question préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, § 3, TUE et de l’article 101 TFUE, lus à la lumière du principe de proportionnalité.

En 2014, le Conseil de la concurrence roumain, constatant la participation de plusieurs entreprises qui offrent des services de régie publicitaire, à une entente ayant pour objet d’éliminer du marché roumain des régies publicitaires concurrentes a infligé à la requérante au principal une amende d’environ 500 000 euros), représentant 2,52 % de son chiffre d’affaires, tel que celui-ci ressortait du compte de profits et pertes de ses comptes relatifs à l’exercice 2013. La requérante au principal a introduit devant la Cour d’appel de Bucarest un recours tendant à l’annulation de la décision du Conseil de la concurrence ou, à titre subsidiaire, à la réduction du montant de l’amende en tenant compte de la limite maximale qui résulterait de la détermination correcte de son chiffre d’affaires. Son recours ayant été rejeté, elle a formé un pourvoi au soutien duquel elle a fait valoir que, en tant que régie publicitaire, elle exerce une activité d’intermédiaire entre les annonceurs et les prestataires de services de publicité, tels que les chaînes de télévision, que les régies publicitaires verseraient aux prestataires de services de publicité leur rémunération, qu’elles encaisseraient auprès des annonceurs, de sorte que la rémunération des régies publicitaires prendrait la forme d’une commission perçue de l’annonceur, qui seule ferait partie du chiffre d’affaires d’une régie publicitaire. Or, le Conseil de la concurrence aurait tenu compte le chiffre d’affaires indiqué dans la comptabilité de cette requérante, qui inclurait non seulement les commissions perçues, mais également les montants versés par l’entremise de cette dernière aux prestataires de services de publicité. Dans ces conditions, en rejetant le recours introduit contre la décision du Conseil de la concurrence, la Cour d’appel de Bucarest aurait, en méconnaissance du principe de proportionnalité, omis de tenir compte des revenus effectifs de la requérante au principal.

Sur quoi, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 4, § 3, TUE et l’article 101 TFUE, lus à la lumière du principe de proportionnalité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation ou à une pratique nationale selon laquelle, aux fins du calcul de l’amende infligée à une entreprise pour violation de l’article 101 TFUE, une autorité nationale de concurrence est tenue, en toutes circonstances, de prendre en compte le chiffre d’affaires tel qu’il figure au compte de profits et pertes de cette entreprise sans disposer de la possibilité d’examiner des éléments avancés par cette dernière visant à démontrer que ledit chiffre d’affaires ne reflète pas la situation économique réelle de ladite entreprise et que, par conséquent, il y a lieu de prendre en compte, au titre du chiffre d’affaires, un autre montant qui reflète cette situation.

Rappelant que, tout en conservant le choix des sanctions, les États membres doivent notamment veiller à ce que les violations de l’article 101 TFUE soient réprimées dans des conditions de fond et de procédure qui confèrent à la sanction un caractère effectif, proportionné et dissuasif, la Cour de justice de l’Union précise que, dans l’infliction d’une amende pour violation de l’article 101 TFUE, l’exigence selon laquelle l’amende infligée à une entreprise ayant enfreint l’article 101 TFUE ne doit pas excéder 10 % du chiffre d’affaires total réalisé par l’entreprise au cours de l’exercice social précédent vise précisément à assurer que, conformément au principe de proportionnalité, l’impact recherché sur l’entreprise concernée soit apprécié dans chaque cas d’espèce, notamment en tenant compte d’un chiffre d’affaires qui reflète la situation économique réelle de celle-ci durant la période au cours de laquelle l’infraction a été commise. De sorte que la notion de « chiffre d’affaires » porte sur la valeur des ventes de biens ou de services réalisées par l’entreprise concernée, reflétant ainsi la situation économique réelle de celle-ci (pt. 36). Il s’ensuit que, si les États membres sont, certes, compétents pour prévoir les sanctions qu’une autorité nationale de concurrence peut infliger pour une infraction à l’article 101 TFUE, une réglementation nationale ou une pratique de l’autorité nationale de concurrence selon laquelle cette dernière serait dans tous les cas obligée de calculer le montant de l’amende en tenant compte du seul chiffre d’affaires inscrit au compte de profits et pertes, en excluant la possibilité d’examiner toute justification ou donnée pertinente invoquée par l’entreprise incriminée dans le but de démontrer que le montant en question ne reflète pas la réalité économique, pourrait aboutir à imposer des amendes qui dépassent les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation des objectifs de l’article 101 TFUE (pt. 37).

Dès lors, la Cour de justice de l’Union répond aux questions posées que l’article 4, § 3, TUE et l’article 101 TFUE, lus à la lumière du principe de proportionnalité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation ou pratique nationale selon laquelle, aux fins du calcul de l’amende infligée à une entreprise pour violation de l’article 101 TFUE, l’autorité nationale de concurrence est tenue, en toutes circonstances, de prendre en compte le chiffre d’affaires de cette entreprise tel qu’il figure à son compte de profits et pertes, sans disposer de la possibilité d’examiner des éléments avancés par cette dernière visant à démontrer que ledit chiffre d’affaires ne reflète pas la situation économique réelle de ladite entreprise et que, par conséquent, il y a lieu de prendre en compte, au titre du chiffre d’affaires, un autre montant qui reflète cette situation, pour autant que ces éléments soient précis et documentés (pt. 43).

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : La Cour de justice de l’Union confirme en tous points l’arrêt du Tribunal en ce qu’il a confirmé la décision de la Commission approuvant la compensation accordée par le Danemark à Post Danmark pour son obligation de service universel

 

Le 10 novembre 2022, la Cour de justice de l’Union a rendu un arrêt dans l’affaire C-442/21 (ITD et Danske Fragtmænd contre Commission européenne).

Post Danmark, filiale à 100 % du groupe PostNord, lui-même détenu par la Suède (60 %) et le Danemark (40 %) est l’opérateur historique postal au Danemark. Une obligation de service universel lui a été imposée depuis son instauration en 1995. Le marché des services postaux au Danemark est libéralisé depuis 2011. La tendance générale à la numérisation et des conditions propres au Danemark ont entraîné une baisse rapide du volume du courrier (- 73 % depuis 2001), catégorie de service postal presque exclusivement assurée par Post Danmark dans le cadre de l'obligation de service universel.

Dans ce contexte, les autorités danoises ont décidé d'octroyer une compensation à Post Danmark pour s'acquitter de sa mission de service public qui consiste à fournir des services postaux de base dans tout le pays à des prix abordables et selon certaines exigences minimales de qualité (c'est-à-dire son obligation de service universel) sur la période 2017-2019.

Une association professionnelle regroupant des opérateurs danois de transport routier de marchandises et des services logistiques, ainsi qu’une société danoise de transport routier de marchandises et de distribution de colis ont introduit un recours contre la décision de la Commission.

Par un arrêt rendu le 5 mai 2021 dans l’affaire T-561/18 (ITD et Danske Fragtmænd contre Commission européenne), le Tribunal de l’union a partiellement annulé la décision du 28 mai 2018 aux termes de laquelle la Commission a conclu que la compensation accordée par le Danemark à Post Danmark pour s'acquitter de sa mission de service public entre 2017 et 2019 était conforme aux règles de l'UE en matière d'aides d’État, dans la mesure où cette compensation ne serait pas supérieure au coût net de la mission de service public, de sorte qu'il n'y aurait pas de surcompensation.

Devant le Tribunal, les requérantes avait fait valoir que la Commission avait omis d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, § 2, TFUE, en dépit des difficultés sérieuses soulevées par l’appréciation de la compensation en cause et des autres mesures dénoncées dans la plainte de l'Association pour le transport routier de marchandises au Danemark (ITD), par ailleurs requérante dans la présente affaire.

Devant la Cour de justice, les requérantes réitèrent leurs griefs, reprochant au Tribunal d’avoir rejeté leur recours en ce que celui-ci était dirigé contre les parties de la décision litigieuse dans lesquelles la Commission a, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, § 2, TFUE, décidé, premièrement, que la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019 était compatible avec le marché intérieur, deuxièmement, que la garantie étatique en cause constituait une aide existante ainsi que, troisièmement, que la répartition comptable des coûts communs était adéquate et qu’elle n’impliquait, en tout état de cause, ni imputabilité à l’État, ni ressources d’État, ni octroi d’un avantage.

À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvaient quatre moyens. Par le premier, le deuxième et le quatrième moyens de pourvoi, les requérantes contestent l’analyse du Tribunal par laquelle celui-ci a rejeté les griefs soulevés contre des appréciations de la Commission concernant le calcul du coût net évité relatif à l’exécution des prestations de service universel 2017-2019. Le troisième moyen de pourvoi est dirigé contre les appréciations du Tribunal par lesquelles celui-ci a rejeté les griefs par lesquels les requérantes critiquaient l’analyse de la Commission portant sur la garantie étatique en cause.

Plus précisément, le premier moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une dénaturation des éléments de preuve prétendument commises par le Tribunal au sujet des bénéfices immatériels dont Post Danmark aurait bénéficié en tant que prestataire du service universel, à savoir l’amélioration de sa réputation et son ubiquité, ainsi qu’au sujet des incitations à l’efficience. Toutefois, la Cour rejette chacun des arguments développés par les requérantes comme étant irrecevables, qu’il s’agisse de l’amélioration de la réputation de Post Danmark en tant que bénéfice immatériel engendrée par compensation accordée à Post Danmark pour s'acquitter de sa mission de service public, qu’il s’agisse de l’ubiquité de Post Danmark en tant que bénéfice immatériel ou encore de l’absence d’incitations à l’efficience.

Le deuxième moyen était tiré d’une erreur de droit et d’une dénaturation des éléments de preuve prétendument commises par le Tribunal au sujet des frais induits par le licenciement d’anciens fonctionnaires de Post Danmark.

Sur ce point, la Cour confirme les constatations du Tribunal selon lesquelles le licenciement des anciens fonctionnaires de Post Danmark constitue un paramètre conditionnant l’exécution du mandat de service universel moyennant un coût net tenant compte des frais se rapportant audit licenciement (pt. 103) et en déduit que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en décidant, en substance que les frais de licenciement d’anciens fonctionnaires de Post Danmark entretenaient un rapport étroit avec l’exécution du mandat de service universel, de telle sorte qu’ils pouvaient dûment être pris en compte aux fins du calcul du coût net nécessaire aux fins de cette exécution (pt. 104). Il s’ensuit que le Tribunal a établi à suffisance de droit le lien entre le licenciement des anciens fonctionnaires de Post Danmark et les frais s’y rapportant, d’une part, et l’exécution du mandat de service universel, d’autre part, de telle sorte que la prise en compte des frais en question aux fins du calcul du coût net évité n’est pas constitutive d’une violation de l’encadrement SIEG ou, par voie de conséquence, des principes d’égalité de traitement et de confiance légitime (pt. 105). Ce faisant, la Cour rejette le deuxième moyen de pourvoi comme étant non fondé (pt. 110).

Le troisième moyen était tiré d’une erreur de droit prétendument commise par le Tribunal en ce qui concerne la qualification de la garantie étatique en cause en tant qu’aide existante. Les requérantes reprochaient au Tribunal d’avoir considéré que la garantie étatique en cause ne constituait pas un régime d’aide pluriannuel dans le cadre duquel le délai de prescription recommencerait à courir chaque année.

Sur quoi, la Cour estime que le Tribunal, en relevant que le fait que la garantie étatique en cause ne puisse être mobilisée qu’en cas de faillite de Post Danmark et qu’au profit d’une certaine catégorie d’employés déjà en activité en 2002 excluait qu’elle soit considérée comme octroyant un avantage concurrentiel à Post Danmark, n’a pas commis d’erreur de droit. C’est également sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a constaté que, si cette garantie n’allégeait pas les charges que doit supporter Post Danmark aussi longtemps qu’elle demeure en activité, que ce soit en matière de cotisations sociales ou de charges régulières en matière de personnel, elle ne conférait aucun avantage concurrentiel à cette dernière, au sens de l’article 107, § 1, TFUE (pt. 115). Par suite, la Cour rejette le troisième moyen de pourvoi comme étant non fondé (pt. 117).

Le quatrième moyen était tiré d’une erreur de droit et d’une dénaturation des éléments de preuve prétendument commises par le Tribunal en ce qui concerne la répartition comptable des coûts communs. Les requérantes soutenaient à cet égard que les réglementations comptables de 2006 et de 2011 imposaient l’allocation de l’ensemble des coûts communs aux comptes relatifs au service universel, même si certains de ces coûts n’étaient pas liés audit service, suggérant l’existence d’une subvention croisée du mandat de service universel, laquelle, lorsqu’elle implique des ressources d’État et confère un avantage, constituerait une aide d’État, au sens de l’article 107, § 1, TFUE.

Sur quoi la Cour constate, à la suite de la Commission et du Tribunal, que les réglementations comptables de 2006 et de 2011 n’imposaient pas à Post Danmark d’imputer l’ensemble des coûts communs aux seuls coûts relatifs au service universel et que, en toute hypothèse, la pratique décrite par les requérantes n’était pas imputable à l’État, n’impliquait pas de ressources d’État et ne conférait pas d’avantage à Post Danmark. En conséquence, la Cour rejette le quatrième moyen de pourvoi comme étant, pour partie irrecevable et, pour partie, non fondé. (pt. 139).

Aucun des moyens avancés par les requérantes à l’appui de leur pourvoi n’étant susceptible de prospérer, la Cour de justice rejette au terme du présent arrêt le pourvoi ainsi formé par  les requérantes demandant l’annulation l’arrêt du 5 mai 2021.

JURISPRUDENCE UE : Précisant les conditions dans lesquelles la Commission peut adopter une décision de sanction presque 30 ans après les premiers faits constitutifs de l’infraction sans porter atteinte aux droits de la défense des parties intéressées ou au principe du délai raisonnable, le Tribunal de l’Union confirme les sanctions infligées par la Commission dans la vieille affaire de l’entente sur le marché italien des ronds à béton

 

Le 9 novembre 2022, le Tribunal de l’Union a rendu quatre arrêts dans les affaires T-655/19 (Ferriera Valsabbia et Valsabbia Investimenti contre Commission européenne), T-656/19 (Alfa Acciai contre Commission européenne), T-657/19 (Feralpi contre Commission européenne) et T-667/19 (Ferriere Nord contre Commission européenne) à la faveur desquels il confirme les sanctions infligées par la Commission à quatre entreprises dans la vieille affaire de l’entente sur le marché italien des ronds à béton, puisqu’aussi bien c’est en décembre 2002 que la Commission européenne a constaté pour la première fois que huit entreprises et une association d’entreprises avaient violé l’article 65, § 1, du traité CECA, en participant, entre décembre 1989 et juillet 2000, à une entente sur le marché italien des ronds à béton.

Après une première annulation par le Tribunal en 2007 pour défaut de base juridique, le traité CECA ayant expiré le 23 juillet 2002, la Commission avait adopté une nouvelle décision en 2009, cette fois sur le fondement du traité CE et du règlement 1/2003, laquelle, pourtant confirmée par le Tribunal en 2014, a été annulée par la Cour en 2017, au motif qu’une première audition organisée en vue de l’adoption de la décision de 2002 n’était pas conforme aux exigences procédurales posées par le règlement 1/2003, dès lors que les autorités de concurrence des États membres n’y avaient pas participé et qu’aucune nouvelle audition n’avait été organisée par la Commission dans la perspective de l’adoption de la seconde décision, celle de 2009. La Commission a donc remis l’ouvrage sur le métier, constaté, par décision du 4 juillet 2019, à nouveau l’infraction. Toutefois, pour tenir compte de la durée de la procédure, la Commission a accordé à toutes les entreprises sanctionnées une réduction de 50 % du montant de leur  amende.

Quatre des huit entreprises sanctionnées — Ferriera Valsabbia SpA et Valsabbia Investimenti SpA, Alfa Acciai SpA, Feralpi Holdings SpA et Ferriere Nord SpA — ont introduit des recours en annulation de la décision du 4 juillet 2019, qui leur imposait des sanctions allant de 2,2 à 5,1 millions d’euros.

Aux termes des quatre présents arrêts, le Tribunal, qui rejette l’intégralité des recours, a cherché à clarifié les conditions dans lesquelles la Commission peut adopter une décision de sanction presque 30 ans après les premiers faits constitutifs de l’infraction sans porter atteinte aux droits de la défense des parties intéressées ou au principe du délai raisonnable. Le Tribunal se prononce également sur la légalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription en matière d’imposition d’amendes ainsi que sur les conditions de prise en compte de la récidive dans le calcul des amendes.

Dans les quatre affaires, le Tribunal rejette le moyen tiré d’irrégularités dans l’organisation de la nouvelle audition par la Commission.
 
Rappelant que l’annulation d’un acte mettant un terme à une procédure administrative n’affecte pas toutes les étapes ayant précédé son adoption, mais seulement celles qui sont concernées par les motifs ayant justifié l’annulation (aff. T-655/19, pt. 47), le Tribunal confirme, en l’espèce, qu’il était loisible à la Commission de reprendre la procédure à partir de l’étape de l’audition (aff. T-655/19, pt. 49). Dans ces conditions, le Tribunal écarte d’abord l’argumentation des requérantes selon laquelle l’impartialité des représentants des autorités de concurrence des États membres siégeant dans le comité consultatif n’était pas garantie lors de la nouvelle audition, dans la mesure où ces représentants connaissaient les première et deuxième décisions de la Commission ainsi que la position adoptée par le Tribunal dans les arrêts du 9 décembre 2014.

À cet égard, le Tribunal rappelle que, lorsqu’un acte est annulé, il disparaît de l’ordre juridique et est censé n’avoir jamais existé (aff. T-655/19, pt. 56). De même, les arrêts du Tribunal disparaissent rétroactivement de l’ordre juridique lorsqu’ils sont annulés sur pourvoi (aff. T-655/19, pt. 57). Par conséquent, tant les décisions de la Commission que les arrêts du 9 décembre 2014 avaient disparu, avec effet rétroactif, de l’ordre juridique de l’Union au moment où le comité consultatif a rendu son avis (aff. T-655/19, pt. 58). En outre, la connaissance de la solution jurisprudentielle adoptée par la Cour dans ses arrêts d’annulation étant inhérente à l’obligation de tirer les conséquences de ces arrêts, il ne saurait en être déduit un manque d’impartialité des autorités de concurrence concernées. Décider que la connaissance d’une telle situation pourrait faire obstacle, par elle-même, à une reprise de procédure affecterait, en soi, le mécanisme d’annulation en indiquant que ce dernier implique non seulement la disparition rétroactive de l’acte annulé, mais aussi l’interdiction de reprendre la procédure. Une telle éventualité serait incompatible avec l’article 266 TFUE, qui, en cas d’annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE, impose aux institutions, aux organes ou aux organismes de l’Union de prendre les mesures que comporte l’exécution des arrêts rendus à leur égard sans pour autant les affranchir de la mission consistant à assurer, dans les domaines relevant de leur compétence, l’application du droit de l’Union (aff. T-655/19, pt. 63).

En deuxième lieu, le Tribunal rejette le grief selon lequel, en omettant d’inviter à l’audition diverses entités qui avaient joué un rôle important dans le cadre de l’instruction du dossier, la Commission avait affecté les droits de la défense des requérantes.

S’agissant de l’absence des entités ayant renoncé à un stade antérieur de la procédure à contester la première ou la seconde décision qui leur avait été adressée, le Tribunal considère que ladite décision étant devenue définitive à leur égard, la Commission n’a pas commis d’erreur en excluant ces entités de la nouvelle audition (aff. T-655/19, pts. 84-86). En ce qui concerne l’absence d’une entité tierce dont le droit de participer à la procédure administrative avait été reconnu en 2002, le Tribunal estime que la Commission a correctement constaté que, dès lors que cette entité avait participé à la première audition mais ne s’était pas présentée à la seconde organisée à l’occasion de l’adoption de la première décision, elle avait perdu son intérêt à intervenir une nouvelle fois (aff. T-655/19, pt. 121). Quant aux entreprises destinataires de la communication des griefs et de la décision attaquée, le Tribunal considère que, si elle n’ont pas demandé à participer à l’audition, la Commission n’était pas tenue de les y inviter (aff. T-655/19, pt. 80).

En troisième lieu, le Tribunal écarte l’argumentation selon laquelle les changements intervenus, en raison du délai écoulé, dans l’identité des acteurs et la structure du marché empêchaient l’organisation d’une nouvelle audition dans des conditions équivalentes à celles qui prévalaient en 2002. Rappelant que, en raison de l’ampleur des tâches qu’elles impliquent, le contexte dans lequel sont organisées les procédures de concurrence est inévitablement altéré par l’écoulement du temps et que, dans un tel contexte où la concurrence induit constamment des modifications des acteurs, des produits et des parts de marché, la possibilité que de tels changements rendent impossible, par eux-mêmes, l’adoption d’une nouvelle décision affecterait, dans son principe même, la possibilité, pour la Commission, de reprendre une procédure en vue d’appliquer les règles de concurrence en exécution de la mission qui lui est assignée par les traités (aff. T-655/19, pts. 143-144), le Tribunal en déduit que la Commission a effectué une évaluation correcte en concluant, au vu des circonstances existantes au moment de la reprise de la procédure, que la poursuite de cette dernière constituait encore une solution appropriée (aff. T-655/19, pt. 145).

Les moyens mettant en cause une violation du principe du délai raisonnable sont, quant à eux, rejetés. D’une part, les requérantes reprochaient à la Commission de ne pas avoir examiné si l’adoption de la décision attaquée était encore compatible avec le principe du délai raisonnable D’autre part, elles contestaient la durée de la procédure ayant conduit à l’adoption de celle-ci.

En premier lieu, à cet égard, le Tribunal constate que la Commission avait analysé la longueur de la procédure administrative avant d’adopter la décision attaquée, les causes pouvant expliquer la durée de la procédure et les conséquences susceptibles d’en être tirées. Ainsi, elle avait respecté son obligation de prendre en compte les exigences découlant du principe du délai raisonnable lors de son appréciation de l’opportunité d’engager des poursuites et d’adopter une décision en application des règles de concurrence (aff. T-655/19, pts. 152-153).

En second lieu, s’agissant de la durée de la procédure, le Tribunal relève que le dépassement du délai raisonnable ne peut conduire à l’annulation d’une décision qu’à la double condition que la longueur de la procédure a été déraisonnable et que ce dépassement du délai raisonnable a entravé l’exercice des droits de la défense (aff. T-655/19, pts. 143-144). Or, au regard de l’enjeu important du litige pour les requérantes (aff. T-655/19, pt. 194), de la complexité de l’affaire (aff. T-655/19, pt. 198), du comportement des parties requérantes et de celui des autorités compétentes (aff. T-655/19, pts. 199-200), la durée des phases administratives de la procédure n’avait pas été déraisonnable en l’espèce, dans un contexte où aucune période d’inactivité inexpliquée ne peut être reprochée à la Commission au cours des étapes ayant jalonné lesdites phases administratives (aff. T-655/19, pt. 201). Quant à la durée globale de la procédure, elle était en partie imputable aux interruptions dues au contrôle juridictionnel liées au nombre de recours introduits devant le juge de l’Union sur les différents aspects de l’affaire (aff. T-655/19, pt. 211). En outre, dans la mesure où les requérantes avaient eu, à sept reprises au moins, l’occasion d’exprimer leur point de vue et d’avancer leurs arguments au cours de l’entière procédure, leurs droits de la défense n’avaient pas été entravés (aff. T-655/19, pt. 217).

Selon le Tribunal, la Commission avait également satisfait à son obligation de motivation au regard de la prise en compte de la durée de la procédure. Elle avait précisément justifié l’adoption d’une nouvelle décision établissant l’existence de l’infraction et infligeant une amende aux entreprises concernées pour satisfaire à l’objectif de ne pas laisser impunies ces dernières et de les dissuader de la commission d’une infraction similaire à l’avenir (aff. T-655/19, pt. 236).

Dans les affaires T-657/19 et T-667/19, le Tribunal écarte également les moyens tirés de la violation du principe ne bis in idem ainsi que ceux mettant en cause la légalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription énoncé à l’article 25, paragraphes 3 à 6, du règlement n° 1/2003.

Rappelant que le principe non bis in idem ne s’oppose pas à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel lorsqu’une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu’il ait été statué au fond sur les faits reprochés, la décision d’annulation ne valant pas alors « acquittement » au sens donné à ce terme dans les matières répressives (aff. T-657/19, pt. 308), le Tribunal, constate que, à ce jour, aucune décision n’a statué de façon définitive sur le fond de l’affaire en ce qui concerne la participation des requérantes aux infractions qui leur sont reprochées. Ainsi, la décision de 2002 a été annulée par le Tribunal en raison de la base juridique utilisée par la Commission et la décision de 2009 a été annulée pour violation des formes substantielles, sans que, dans aucun de ces deux cas, une position définitive ait été adoptée sur les moyens de fond invoqués relatifs à la participation aux faits reprochés. S’agissant de l’arrêt du 9 décembre 2014, s’il est effectivement le seul à s’être prononcé sur de tels moyens, il a été intégralement annulé par la Cour. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que, en adoptant la décision attaquée, la Commission ait sanctionné ou poursuivi deux fois la requérante pour les mêmes faits (aff. T-657/19, pt. 310). Quant à la sanction infligée à la requérante dans la décision attaquée, elle se substitue à celle prononcée dans la décision de 2009, qui, elle-même, avait remplacé la sanction infligée dans la décision de 2002, de sorte que les montants payés par la requérante au titre de l’amende infligée dans la décision de 2002, puis dans celle de 2009, lui ont été remboursés à la suite des annulations de ces deux décisions (aff. T-657/19, pt. 311). Dans ces conditions, conclut le Tribunal, il ne saurait être considéré que le principe non bis in idem ait été violé (aff. T-657/19, pt. 312).

En soulevant une exception d’illégalité du régime d’interruption et de suspension de la prescription applicable, les requérantes contestaient, en outre, l’absence d’un délai maximal absolu, déterminé par le législateur de l’Union, au-delà duquel toute poursuite par la Commission serait exclue, nonobstant les éventuelles suspensions ou interruptions du délai de prescription initial. Conformément à l’article 25 du règlement n° 1/2003, le délai de prescription de cinq ans en matière d’imposition d’amendes ou d’astreintes est suspendu durant les procédures de recours introduites devant la Cour contre la décision de la Commission, auquel cas il est prolongé de la période pendant laquelle est intervenue la suspension (aff. T-657/19, pt. 316). Selon le Tribunal, ce système résulte d’une conciliation réalisée par le législateur de l’Union entre deux objectifs distincts, à savoir, la nécessité d’assurer la sécurité juridique et l’exigence d’assurer le respect du droit en poursuivant, établissant et sanctionnant les infractions au droit de l’Union (aff. T-657/19, pt. 319). Or, la requérante n’a pas démontré, en l’espèce, que le législateur de l’Union avait dépassé, dans la conciliation qu’il a effectuée entre ces objectifs distincts, la marge qui doit lui être reconnue dans ce cadre. En effet, le pouvoir de procéder à des vérifications et d’infliger des sanctions se trouve encadré par des limites strictes. Certes, le délai de prescription est suspendu en cas de recours introduit devant le juge de l’Union. Cependant, cette possibilité requiert, en vue de sa mise en œuvre, une démarche à assurer par les entreprises elles-mêmes. Le législateur de l’Union ne peut se voir reprocher la circonstance que, à la suite de l’introduction de plusieurs recours, chacun de ces derniers étant introduits par les entreprises concernées, la décision intervenant au terme de la procédure soit adoptée après un certain délai (aff. T-657/19, pt. 320). La conciliation ainsi réalisée par le législateur de l’Union paraît d’autant plus appropriée que les justiciables se plaignant d’une procédure déraisonnablement longue peuvent contester cette durée en poursuivant l’annulation de la décision adoptée à l’issue de cette procédure, une telle annulation étant réservée aux situations où le dépassement du délai raisonnable a entravé l’exercice des droits de la défense, ou, lorsque le dépassement du délai raisonnable ne donne pas lieu à une violation des droits de la défense, en introduisant un recours en indemnité devant le juge de l’Union (aff. T-657/19, pt. 321).

Dans le cadre des affaires T-657/19 et T-667/19, le Tribunal, exerçant sa compétence de pleine juridiction, estime qu’il convient de prendre en compte, aux fins de la détermination du montant des amendes infligées aux requérantes, l’atténuation de leur effet dissuasif du fait de la période de près de 20 ans écoulée entre la fin de l’infraction et l’adoption de la décision attaquée, confirmant ainsi, par substitution de motifs, la nécessité de prononcer une amende à l’encontre desdites requérantes. Il considère à cet égard que la réduction de 50 % dudit montant, telle qu’octroyée par la Commission, était appropriée à cette fin (aff. T-657/19, pts. 298-299).

Dans l’affaire T-667/19, enfin, le Tribunal rejette le moyen de Ferriere Nord SpA tiré de l’illégalité de la majoration du montant de l’amende infligée au titre de la récidive.

S’agissant du respect des droits de la défense de Ferriere Nord SpA, le Tribunal observe que, lorsque la Commission entend imputer à une personne juridique une infraction au droit de la concurrence et envisage de retenir contre elle, dans ce cadre, la récidive en qualité de circonstance aggravante, la communication des griefs qu’elle adresse à cette personne doit contenir tous les éléments permettant à cette dernière d’assurer sa défense, notamment ceux pouvant justifier que les conditions de la récidive sont remplies en l’espèce (aff. T-667/19, pt. 538).

Or, le Tribunal relève qu’au terme d’un examen portant sur l’ensemble des circonstances ayant entouré le dossier, dans la présente affaire, les conditions étaient réunies, d’une part, pour que soit suffisamment prévisible l’intention de la Commission de prendre en compte, au titre de la récidive, la décision de sanction antérieurement adressée à la requérante et, d’autre part, pour que cette dernière ait l’occasion de présenter ses observations sur ce point (aff. T-667/19, pt. 538).

Quant aux griefs tirés du laps de temps écoulé entre les deux infractions prises en compte au titre de la récidive, le Tribunal rappelle que, même si aucun délai de prescription ne s’oppose à la constatation d’un état de récidive, il n’en demeure pas moins que, pour respecter le principe de proportionnalité, la Commission ne saurait prendre en considération des décisions antérieures sanctionnant une entreprise sans limitation dans le temps (aff. T-667/19, pt. 555). Et eu égard au peu de temps qui s’est écoulé entre les deux infractions en cause, à savoir trois ans et huit mois, la Commission a estimé à juste titre qu’une majoration du montant de base de l’amende au titre de la récidive se justifiait, eu égard à la propension de la requérante à violer les règles de concurrence (aff. T-667/19, pt. 559).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Cour.

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Constatant le rôle spécifique du bénéficiaire  d’une aide individuelle et, partant, l’absence de violation du principe de non-discrimination, le Tribunal de l’Union confirme la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide accordée par la Croatie à la compagnie Croatia Airlines, afin de l’indemniser pour les dommages résultant de l’imposition de restrictions de voyage et d’autres mesures de confinement liées à la pandémie de COVID‑19

 

Dans sa croisade contre les aides d’État accordées aux compagnies aériennes pour faire face aux conséquences de la pandémie de Covid-19, conduite à la faveur de multiples plaintes déposées contre des décisions Covid-19 de la Commission, Ryanair essuie une nouvelle déconvenue dans une affaire croate.

Constatant, à propos de l’aide accordée par la Croatie à la compagnie Croatia Airlines, afin de l’indemniser pour les dommages résultant de l’imposition de restrictions de voyage et d’autres mesures de confinement liées à la pandémie de COVID‑19, que la Commission a pu, sans ouvrir la procédure formelle d’examen, adopter la décision attaquée, par laquelle elle a conclu que la mesure d’aide litigieuse, tout en entrant dans le champ d’application de l’article 107, § 1, TFUE, était compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, § 2, sous b), TFUE, dans la mesure où elle n’a pas rencontré de difficultés sérieuses de nature à la contraindre d’ouvrir la procédure formelle d’examen, le Tribunal de l’Union confirme à la faveur d’un arrêt rendu le 9 novembre 2022, la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur dès lors que l’octroi de cette aide de 11,7 millions d’euros sous la forme d’une subvention directe n’enfreint pas le principe de non-discrimination, eu égard au rôle stratégique de Croatia Airlines dans l’infrastructure croate des transports (pt. 121) et au rôle essentiel qu’elle joue dans la desserte aérienne de la Croatie, de sorte qu’elle a été davantage affectée par l’arrêt abrupt des activités de transport aérien que les autres compagnies aériennes présentes dans ce pays (pt. 123), ni ne constitue une surcompensation en faveur de Croatia Airlines (pt. 124).

Ce faisant, le Tribunal rejette le recours formé par Ryanair, estimant que, si la requérante constitue une concurrente de la bénéficiaire de l’aide litigieuse et, par conséquent, qu’elle est individuellement concernée par la décision attaquée, et, à ce titre, dispose de la qualité pour agir afin de protéger les droits procéduraux qu’elle tire de l’article 108, § 2, TFUE, en revanche, elle n’a n’a pas qualité pour agir afin de contester le bien-fondé de la décision attaquée, dans la mesure où elle n’a pas démontré être individuellement concernée (pts. 32-33). N’étant pas le principal concurrent de la bénéficiaire de l’aide litigieuse, l’aide litigieuse n’est pas susceptible de porter une atteinte substantielle à sa position sur le marché (pt. 31). Par suite, les premier et deuxième moyens, dans la mesure où ils visent à la remise en cause du bien-fondé de la décision attaquée, ne sont pas recevables (pt. 38).

Pour conclure que la requérante n’est pas parvenu à démontrer l’existence de difficultés sérieuses qui auraient obligé la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen, le Tribunal retient que la Commission a bien opéré une distinction entre le dommage causé à Croatia Airlines par les restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19 et les pertes de cette compagnie aérienne dues à ses difficultés financières préexistantes (pts. 79-81), qu’elle n’était pas tenue d’évaluer, dans la décision attaquée, le dommage causé par la pandémie de COVID-19 aux compagnies aériennes opérant en Croatie autres que Croatia Airlines (pts. 96-97).

JURISPRUDENCE PRATIQUES RESTRICTIVES : La Cour de cassation dit pour droit qu’engage sa responsabilité le fournisseur qui, n'ayant pas prétendu avoir fait usage de sa liberté de refuser de vendre des produits à une société qui en faisait la demande, est entré en négociation avec cette dernière sur la base de conditions de vente applicables à une catégorie d'acheteurs à laquelle elle n'appartenait pas [Commentaire de Muriel Chagny]

 

CONDITIONS CATÉGORIELLES DE VENTE – NÉGOCIATIONS – ÉVALUATION DU PRÉJUDICE

Cass. com. 28 septembre 2022, n° 19-19768 et n° 21-20357

S’il retient régulièrement l’attention des autorités de la concurrence qui appréhendent, sur le fondement du droit des pratiques anticoncurrentielles, certains accords de report d’entrée ou encore des actes de dénigrement (v. aussi Aut. conc., 16-D-01 du 20 janvier 2016 relative à des pratiques visées à l’article L. 420-1 du code de commerce mises en œuvre dans le secteur de la distribution du médicament non remboursable ; Adde avis 19-A-08 du 14 avril 2019 relatif aux secteurs de la distribution du médicament en ville et de la biologie médicale privée,) le secteur pharmaceutique intéresse aussi le droit des pratiques déloyales comme l’illustrent deux arrêts récents de la Cour de cassation. Ces décisions, rendues le 28 septembre 2022 par la Chambre commerciale, constituent — bien que la publication au Bulletin soit réservée à l’une d’elles, en raison de sa portée — deux pièces complémentaires en ce qu’elles se rapportent, l’une comme l’autre, à la situation d’un intermédiaire, plus précisément, une structure de regroupement à l’achat (SRA), et contribuent à déterminer, en présence de conditions générales de vente différenciées selon des catégories d’acheteurs, à la communication de quelles conditions un tel opérateur peut prétendre sur le fondement de l’ancien article L. 441-6 (dorénavant article L. 441-1) du code de commerce. En réalité, la réponse à cette question, pourvue de forts enjeux, ne réside pas uniquement dans cette disposition et implique également de raisonner sur le terrain des qualifications contractuelles. L’apport de ces deux arrêts ne se limite cependant pas à ce seul aspect, chacun d’eux étant encore digne d’intérêt pour des raisons tenant, pour l’un, au point de départ de la négociation et pour l’autre, à l’évaluation du préjudice.

S’agissant de la première interrogation, commune aux deux affaires, la réponse respectivement apportée pourrait sembler en opposition dès lors qu’elle conduit, dans un cas, à considérer que la SRA doit se voir communiquer les CGV prévues pour les officines tandis que, dans l’autre cas, cet opérateur se voit refuser la communication des CGV destinées aux officines … En réalité, le rapprochement des deux décisions pourrait s’avérer riche d’enseignements quant à la stratégie à adopter par les laboratoires pharmaceutiques et, au-delà, par d’autres offreurs, au moment de faire usage de la possibilité de segmenter leur clientèle en différentes catégories auxquelles sont communiquées des CGV différenciées.

Dans la première affaire, le laboratoire pharmaceutique faisait grief à l’arrêt d’appel de l’avoir condamné à communiquer à la SRA, dont elle avait considéré qu’elle agissait en qualité de commissionnaire à l’achat, les conditions générales de vente accordées aux officines indépendantes. Le fournisseur, qui disposait de trois séries de conditions générales de vente différenciées selon qu’elles étaient destinées aux officines indépendantes, aux officines groupés et aux grossistes (intermédiaires détaillants), faisait valoir dans son pourvoi que la SRA entrait dans cette dernière catégorie. En vain. Aucun des arguments mis en avant dans cette perspective ne prospère. « Analysant exactement les relations des parties dans leur ensemble », la juridiction du fond « a pu » admettre que la SRA était « fondée à solliciter la communication des conditions générales de vente accordées aux officines indépendantes, acheteurs dont elle se rapprochait le plus au regard des trois catégories établies par (le fournisseur) dans son modèle de distribution », rétorque la Cour de cassation.

Dans la seconde affaire, le laboratoire pharmaceutique, qui avait agi en concurrence déloyale à l’encontre de la SRA, segmentait quant à lui sa clientèle en quatre catégories pour lesquelles il avait conçu des CGV différenciées : les officines, les grossistes répartiteurs, les hôpitaux et établissements publics de santé ainsi qu’enfin, les structures de regroupement à l’achat et les centrales d’achat pharmaceutiques. Au pourvoi soutenant, en substance, que la SRA aurait dû se voir communiquer les conditions prévues pour les pharmaciens d’officine, la Cour de cassation répond que la Cour d’appel « a pu déduire, en présence de conditions de vente spécifiquement prévues pour les SRA et les  CAP, sans qu’il importe que le transfert de propriété des produits vendus se fasse directement dans le patrimoine des officines commettantes pour le compte desquelles intervenait la SRA en qualité de commissionnaire et donc en son nom propre en négociant elle-même les prix et les achats, que celle-ci n'appartenait pas à la même catégorie d'acheteurs que les officines, le refus de ce fournisseur de lui communiquer les conditions générales qu'elle réservait aux officines qui commandaient les produits directement auprès d'elle reposait sur un critère objectif ».

À lire conjointement ces deux décisions, dans laquelle l’approbation apportée à la solution des juges du fond est circonstanciée (ce dont témoigne l’emploi de la formulation « a pu »), il semblerait donc que les fournisseurs, optant pour l’établissement de conditions catégorielles de vente, soient incités à segmenter le plus finement possible leurs clients pour identifier spécifiquement autant de catégories que possible, dans le respect de la loi. En effet, faute d’avoir envisagé distinctement chacune des qualifications contractuelles auxquelles un acheteur peut ressortir, la détermination des CGV à lui communiquer s’effectue en recherchant de quelle catégorie pourvue de conditions spécifiques de vente le professionnel qui demande la communication se rapproche le plus, détermination qui ne va pas toujours de soi comme en témoignent ces décisions… Il reste que si les offreurs peuvent, depuis la LME, définir librement les différentes catégories d’acheteurs auxquelles sont applicables les conditions de vente, cette liberté n’est pas sans borne : elle doit s’exercer en recourant à des critères objectifs et dans la limite des dispositions légales, parmi lesquelles le droit des pratiques anticoncurrentielles.

Mais l’arrêt publié au Bulletin mérite également l’attention en ce qu’il tire toutes les conséquences de ce que les conditions générales de vente constituent le socle de la négociation commerciale. Cette indication, qui figure toujours dans l’actuel article L. 441-1 du code de commerce, a été introduite dans l’ancien article L. 441-6 en vue de permettre à l’offreur de bénéficier d’un avantage dans la négociation commerciale avec ses acheteurs, notamment pour faire brèche à la pratique consistant à faire démarrer la négociation à partir de leurs conditions générales d’achat. La décision du 28 septembre 2022 montre cependant que ce texte, combiné à l’ancien article L. 442-6-I-9° du code de commerce, peut être source de contraintes dans la négociation également pour l’offreur. La Cour de cassation y énonce, en réponse aux critiques du pourvoi, une solution sous la forme d’un principe : « si, sauf abus de droit, (le débiteur de l’obligation de communiquer les CGV) est toujours libre de ne pas vendre (à l’acheteur qui lui demande la communication pour une activité professionnelle), il est tenu, lorsqu'il entre en négociation commerciale avec cet opérateur, de le faire sur la base » des conditions de vente applicables à celui-ci. Dans le droit fil de cet attendu, la Chambre commerciale approuve de la façon la plus nette (« à bon droit ») le raisonnement suivi par les juges du fond : loin de refuser de vendre ses produits au SRA, le laboratoire lui avait proposé d'entrer en négociation, mais ceci sur la base des conditions de vente prévues pour la catégorie des grossistes, ce que l’acheteur avait refusé, ces conditions ne correspondant pas à celles lui étant applicables.

À partir du moment où une négociation s’engage, elle doit démarrer à partir des CGV ; encore faut-il, en présence de conditions catégorielles de vente, que ce soit celles correspondant à la catégorie dont relève l’acheteur qui servent de point de départ, de « socle » à la négociation, sous peine, dans le cas contraire, que l’offreur engage sa responsabilité civile. Si la solution apparaît juridiquement convaincante, il est cependant permis de se demander si la réaffirmation de la liberté de ne pas vendre n’emprunte pas une formule trop générale en énonçant pour seule limite l’abus de droit là où le droit des pratiques anticoncurrentielles sembler pourtant ériger d’autres bornes à une liberté trop absolue. De façon quelque peu paradoxale, il peut sembler, d’une certaine façon, plus simple, sur le plan juridique, de refuser radicalement la vente que d’entrer en négociation.

On signalera, mais sans s’y arrêter longuement, que l’arrêt prononce une cassation pour violation de loi en ce qui concerne la publication d’un communiqué judiciaire : la juridiction du fond avait considéré qu’elle était de droit en application de l’article L. 442-6-III du code de commerce, alors que la publication n’était qu’une faculté devant faire l’objet d’une appréciation de sa part. Pour autant, la publication apparaissant justifiée et étant déjà intervenue, il n’y a pas lieu à renvoi.

Même s’il n’est pas publié au Bulletin, le second arrêt du 28 septembre 2022 n’en présente pas moins un réel intérêt, en ce qui concerne la réparation des préjudices concurrentiels, sujet au cœur de l’actualité et des attentions du moment, en lien avec les impératifs d’attractivité du droit et des juridictions françaises (L’attractivité de la responsabilité civile dans les relations économiques : approches comparatives, rapport Juin 2022)

La Chambre commerciale prononce une cassation pour violation sous le double visa de l’article 1240 du civil et du principe de réparation intégrale du préjudice. « La réparation du dommage doit correspondre au préjudice subi » énonce l’arrêt qui pourrait bien être révélateur d’une tendance de la Cour régulatrice à accentuer le contrôle exercé, sur le plan méthodologique, sur le raisonnement suivi par les juges du fond au moment de procéder à l’évaluation du préjudice.

Dans une première étape, la juridiction du fond avait identifié le préjudice auquel pouvait prétendre le laboratoire, victime d’une pratique permettant, via un réseau de rétrocession illicite, à des officines pharmaceutiques commandant des petites quantités de produits d’obtenir du fabricant des remises supérieures déterminées en considération du volume global des commandes passées par la SRA. Très classiquement, la Cour d’appel avait considéré que pour déterminer le gain manqué, correspondant à la perte de marge subie par le laboratoire, il fallait mettre en perspective la situation réelle (en considération des remises effectivement obtenues) et la situation contrefactuelle (en considération des remises qui auraient été obtenues par les officines adhérentes de la SRA si elles avaient traité directement avec le fournisseur). Cependant, au moment de déterminer, dans un second temps, le montant des dommages et intérêts à allouer, les juges du fond avaient retenu, au titre de la situation contrefactuelle, le plein tarif avant toute remise pour effectuer le calcul et non pas, comme ils le devaient, le tarif après application de la remise à laquelle les officines auraient pu prétendre compte tenu de leur volume réel d’achat. Cette façon de procéder générait une surévaluation du préjudice décorrélée du principe de réparation intégrale, entrainant la cassation de ce chef. « La méthode d’évaluation que (la juridiction) avait elle-même fixée aurait dû la conduire à retrancher le chiffre d’affaires effectif de la somme correspondant au chiffre d’affaires théorique après remise de 20 %, c’est-à-dire la somme que les officines auraient dû payer compte tenu de la somme à laquelle elles pouvaient prétendre et non la somme qu’elles auraient dû payer sans aucune réduction », indique ainsi l’arrêt de cassation. Si la censure s’imposait assurément pour assurer le respect du principe de la réparation intégrale, la formulation de l’attendu, se référant à la méthode d’évaluation choisie par les juges du fond, n’en laisse pas moins espérer des évolutions futures quant à l’office du juge en matière d’évaluation des préjudices concurrentiels et, plus largement, des préjudices subis par les opérateurs dans leurs activités économiques.

Muriel Chagny
Président de l’AFEC
Professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (Paris-Saclay)
Directeur du master de droit de la concurrence et de droit des contrats

JURISPRUDENCE : Estimant que l’Autorité a notifié à tort à la mise en cause sa décision concluant au rejet au fond d’une saisine pour absence d’éléments suffisamment probants, la Cour d’appel de Paris déclare irrecevable l'intervention volontaire déposée par EDF dans l’affaire de la fourniture d'électricité aux petits clients non résidentiels

 

À la faveur d'un arrêt rendu le 3 novembre 2022, la Cour d'appel de Paris a conclu à l’irrecevabilité de la déclaration d'intervention volontaire déposée par la société EDF, et ce, à la suite du recours contre la décision de l'Autorité de la concurrence n° 22-D-03 du 18 janvier 2022 relative à des pratiques mises en œuvre sur le marché de la fourniture d'électricité aux petits clients non résidentiels formé par l'Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (Anode).

On se souvient qu’à la faveur de cette décision du 18 janvier 2022, l’Autorité, estimant que la simple détention par EDF de la base de données des petits consommateurs professionnels concernés par la fin des tarifs réglementés et que le refus d’accès à cette base de données opposé en 2021 aux fournisseurs alternatifs n’étaient pas de nature à entraîner leur éviction, avait rejeté au fond la saisine sur le fondement de l'article L. 462-8 du code de commerce, en considérant qu’elle n'était pas étayée d’éléments suffisamment probants, et, partant, la demande de mesures conservatoires de l’ANODE, association qui regroupe la plupart des fournisseurs alternatifs d’énergie.
 
Au cas d’espèce, l’Autorité avait notifié sa décision non seulement à la saisissante — l’ANODE — mais également à EDF, alors que celle-ci n’était à l’instance que la personne mise en cause.

En premier lieu se posait la question de savoir si la personne mise en cause dans la saisine doit être destinataire d'une décision de rejet de la saisine pour défaut d'éléments suffisamment probants sur le fondement de l'article L. 462-8 du code de commerce.

À cette première question, la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris répond qu’en présence d'une décision prise en application de l'article L. 462-8 du code de commerce, l'article R. 464-8, I, 2° du même code prévoit qu'elle doit être notifiée à l'auteur de la saisine et au ministre chargé de l'économie. Ainsi, la personne mise en cause dans la saisine ne figure pas parmi les destinataires d'une telle décision de rejet (pt. 26). Et la circonstance que, par un chef de dispositif distinct, l'Autorité rejette par voie de conséquence une demande accessoire de mesures conservatoires, est sans incidence dès lors que par hypothèse, la demande de mesures conservatoires n'a pas été examinée, un tel examen « supposant » une saisine étayée d'éléments suffisamment probants et rendant vraisemblable les pratiques dénoncées (pt. 27). Il s’ensuit qu’une décision de rejet de la saisine pour défaut d’éléments suffisamment probants et, de rejet, par voie de conséquence, d'une demande accessoire de mesure conservatoires, ne relève pas du régime juridique applicable aux décisions prises sur le fondement de l’article L.464-1 du code de commerce, qui permet à l'Autorité, dans certaines conditions, de prononcer des mesures conservatoires et qui doivent être notifiées, ainsi que le prévoit le 1° de l'article R. 464-8 du code de commerce, non seulement à l'auteur de la demande de mesure conservatoire mais également à la personne contre laquelle est dirigée cette demande (pt. 28). Dès lors que la décision rejetait la saisine de l'Anode sur le fondement de l'article L. 462-8 du code de commerce, et rejetait par voie de conséquence sa demande accessoire de mesure conservatoire, elle n’avait pas à être notifiée à EDF (pt. 29). Dans ces conditions, conclut la Cour, d’une part, EDF ne saurait être regardée comme ayant la qualité de partie en cause au sens de l'article R. 464-17 du code de commerce, d'autre part, cette notification ne saurait lui conférer une telle qualité (pt. 31).

En second lieu, se posait la question de savoir, à supposer que le recours soit accueilli par la Cour et donc, par hypothèse, que les faits invoqués soient considérés comme appuyés par des éléments suffisamment probants, si leur renvoi pour instruction à l’Autorité serait de nature à affecter les droits ou les charges de la personne mise en cause, EDF en l’occurrence.

À cet égard, la Cour de Paris, rappelant qu’en statuant sur le recours formé contre une telle décision, doit seulement rechercher si la saisine était étayée d'éléments suffisamment probants (pt. 35), observe qu’un tel renvoi, s’il était ordonné, ne présumerait pas de la qualification des faits invoqués, d’une notification de griefs et d'une décision sur le fond disant établies les pratiques anticoncurrentielles reprochées à EDF (pt. 37). En sorte qu’il ne préjudicierait pas du droit d'EDF de contester les arguments nouveaux, qui n'auraient pas été développés par l'Anode dans sa saisine initiale, dans le cadre de la phase contradictoire qui pourrait être ouverte dans l'hypothèse où des griefs lui seraient notifiés aussi bien qu'à l'occasion d'un recours contre la décision éventuellement adoptée sur le fond (pt. 38). Partant, conclut la Cour d’appel, un tel renvoi n'est de nature à affecter ni les droits ni les charges d'EDF, laquelle a l'obligation, comme toute entreprise, de répondre aux demandes des services de l'Autorité pour les besoins de cette instruction (pt. 39).

INFOS UE : La Commission consulte sur son projet de communication révisée sur la définition du marché

 

Dans la perspective de l’adoption au troisième trimestre 2023 d’une nouvelle communication sur la définition du marché, la Commission européenne a lancé le 8 novembre 2022 une consultation publique courant jusqu’au 13 janvier 2023 et portant sur son projet de communication révisée sur la définition du marché.

Révisée pour la première fois depuis son adoption en 1997, la nouvelle communication devrait prendre en compte les évolutions significatives intervenues depuis 25 ans, en particulier la numérisation et les nouvelles façons d'offrir des biens et des services, et pour refléter la nature interconnectée et mondialisée des marchés des échanges.

L’objectif est d'offrir davantage d'orientations, de transparence et de sécurité juridique aux entreprises afin de faciliter la mise en conformité, y compris au moyen d'exemples concrets.

Les modifications proposées fournissent des orientations nouvelles ou supplémentaires sur diverses questions clés de définition du marché :

— explications sur les principes de la définition du marché et la manière dont la définition du marché est utilisée aux fins de l'application des règles de concurrence ;

— accent accru sur les éléments non tarifaires tels que l'innovation et la qualité des produits et des services ;

— clarifications concernant l'application prospective de la définition du marché, en particulier dans les marchés qui devraient subir des transitions structurelles, telles que des changements technologiques ou réglementaires ;

— nouvelles orientations concernant la définition du marché dans les marchés numériques , par exemple les marchés multifaces et les « écosystèmes numériques » (par exemple, les produits construits autour d'un système d'exploitation mobile) ;

— nouveaux principes sur les marchés à forte intensité d'innovation, clarifiant la manière dont les marchés doivent être évalués lorsque les entreprises sont en concurrence sur le plan de l'innovation, y compris par le biais de produits en cours de développement ;

— plus d'orientations sur la définition du marché géographique, y compris les conditions de définition des marchés mondiaux, l'approche d'évaluation des importations ainsi que l'approche de la Commission sur les marchés locaux définis par zones de chalandise (par exemple dans la vente au détail de biens de consommation) ;

— clarifications concernant les techniques quantitatives, telles que le critère de l'augmentation faible mais significative et non transitoire du prix/SSNIP ;

— orientations élargies sur les sources possibles de preuves et leur valeur probante, sur la base de l'expérience matérielle de la Commission et de l'approche factuelle de la définition du marché.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

INFOS : Essilor et sa société mère EssilorLuxottica sanctionnées à hauteur de 81 millions d’euros pour avoir abuser de sa position dominante en entravant le développement en France de la vente en ligne de verres correcteurs

 

Le 8 novembre 2022, l’Autorité de la concurrence a rendu publique, plus d’un mois après son adoption, la décision n° 22-D-16 du 6 octobre 2022 à la faveur de laquelle elle a sanctionné sur le fondement des articles 102 TFUE et L. 420-2 du code de commerce (pt. 336) à hauteur de 81 millions d’euros la societé Essilor International SAS (en tant qu’auteur) et sa société mère EssilorLuxottica SA pour avoir abusé de leur position dominante dans le secteur des verres optiques entre le 29 avril 2009 et le 23 décembre 2020 en mettant en oeuvre des pratiques commerciales discriminatoires.

À la suite d’opérations de visite et saisie réalisées en 2014 et du travail d’instruction, deux griefs d’abus de position dominante ont été notifiés par les services d’instruction.

Le premier grief reprochait aux mises en cause d’avoir mis en œuvre des pratiques commerciales discriminatoires visant à entraver le développement en France de la vente en ligne de verres correcteurs.

Le second grief notifié ciblait plus précisément une pratique de diffusion d’un discours trompeur et fluctuant visant le même objectif.

Sur le plan de la procédure, l’Autorité a d’abord écarté le moyen tiré de la violation du délai raisonnable, estimant que la durée de la procédure, qui n’apparaît pas déraisonnable, n’a pas porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense d’Essilor (pt. 279). Elle écarte également un moyen tiré d’un manquement des rapporteurs à leur devoir d’impartialité (pt. 295) ou encore un moyen relatif à l’absence de clarté des griefs notifiés (pt. 326).
 
Estimant que, si les prises de position des entreprises mises en cause pouvaient certes, parfois, refléter une présentation erronée de la vente en ligne des verres correcteurs, elles n’étaient cependant pas de nature, eu égard à leur caractère isolé, fluctuant, et parfois non public, à influencer la structure du marché, comme il est requis par la jurisprudence (pt. 686), le Collège de l’Autorité a considéré que la pratique visée par le second grief n’était pas établie. Prises dans leur globalité, les caractéristiques de ces communications ne permettent pas d’identifier une pratique de discours trompeur sur le fondement des articles 102 TFUE et L.420-2 du code de commerce (pt. 679). En outre, les éléments au dossier ne permettent pas d’identifier une communication globale et structurée visant une catégorie de destinataires spécifiques (pt. 684).
 
En revanche, il a considéré que le premier grief était établie, du moins à l’égard d’Essilor. L’Autorité a sur ce point estimé que la société BBGR SAS, alors filiale d’Essilor International SAS, devait être mise hors de cause, en l’absence d’éléments suffisamment probants pour étayer sa participation aux pratiques en cause.

Après avoir établi qu’Essilor était en position dominante sur le marché de la fourniture en gros de verres correcteurs finis en France (pt. 355), compte tenu de l’importance et de la stabilité de sa part de marché [60-70] %, très supérieures à celles de ses deux principaux concurrents, les verriers Carl Zeiss et Hoya (pt. 370), mais aussi de la densité et de la fiabilité de son réseau de distribution, de sa présence à tous les niveaux de la chaîne de valeur du secteur comme le seul verrier verticalement intégré (pts. 386-387), ainsi que de l’absence de contre-pouvoir de la demande (pt. 388), l’Autorité a estimé qu’Essilor avait abusé de cette position dominante en mettant en oeuvre une politique commerciale discriminatoire visant à entraver le développement en France des sites de vente en ligne, au premier rang desquels ceux proposant une offre mixte ou tout en ligne, tels Sensee, Happyview ou DirectOptic (pt. 653).

Cette politique discriminatoire s’est traduite d’une part, par des restrictions en matière de livraisons de verres de marque Essilor et de communication sur l’origine des verres et l’utilisation des marques et logos d’Essilor, d’autre part, par des limitations en termes de garanties affectant spécifiquement les achats en ligne (pt. 458). Ainsi, l’Autorité retient que l’utilisation des logos pour les opticiens physiques était autorisée sous réserve du respect de règles claires et objectives, alors qu’elle faisait l’objet d’une interdiction de principe pour les sites de vente en ligne (pt. 450).

À cet égard, Essilor n’a apporté aucun élément permettant de considérer que ces restrictions étaient justifiées par les prétendues différences, notamment en termes de fiabilité des prises de mesures, existant entre les opticiens exerçant leur activité dans des magasins physiques et ceux exerçant leur activité en ligne. Ainsi, l’Autorité estime que le traitement défavorable dont ont fait l’objet les opticiens en ligne n’était pas justifié par une différence de « modèle économique » qui les empêcherait de garantir une prise de mesure satisfaisante pour les verres « complexes » (pt. 526), non plus que par la nécessité de préserver la qualité et de l’image de marque des produits Essilor (pts. 618 sq.) ou de lutter contre le risque de parasitisme lié au fait que les « pure players » encourageraient leurs clients à se rendre chez les opticiens physiques pour la prise de mesures et l’ajustage des montures (pt. 626).

Par ailleurs, l’Autorité a relevé qu’Essilor, tout en s’opposant en France à la vente en ligne de verres correcteurs, commercialisait parallèlement ce type de verres à l’étranger, tant sur ses propres sites que sur des sites tiers (pts. 483 et 523). Du reste, l’Autorité retient que les différents facteurs externes invoqués par Essilor ne permettent ni d’expliquer à eux seuls le succès relativement limité de la vente en ligne en France, ni d’exclure le rôle joué par les pratiques d’Essilor à cet égard (pt. 566). Elle estime qu’Essilor n’a pas démontré à suffisance l’existence de facteurs extérieurs de nature à écarter la possibilité que ses pratiques aient pu avoir des effets anticoncurrentiels ou à indiquer que ces effets ne pourraient être qu’hypothétiques. Pour elle, Essilor n’a pas davantage produit d’éléments excluant la capacité de son comportement à fausser la concurrence entre opticiens physiques et site de vente en ligne, au préjudice des consommateurs. Au contraire, l’Autorité a pu constater que ces effets sont loin d’être hypothétiques, compte tenu, notamment, de l’importance de la marque Essilor pour le développement des sites de vente en ligne et des conséquences qu’une limitation de ce développement a nécessairement emportées en termes de prix et de choix pour les consommateurs (pts. 604-605).

S’agissant de la sanction, l’Autorité estime d’abord que la valeur des ventes à prendre en compte correspond au chiffre d’affaires réalisé pour la fourniture des verres correcteurs unifocaux et des verres progressifs, représentant l’ensemble des catégories de produits en relation avec l’infraction (pt. 709).

Pour l’Autorité, ces pratiques présentent un caractère de gravité certain, dès lors, en particulier, qu’elles sont intervenues dans le secteur de la santé publique et, plus spécifiquement, dans un secteur caractérisé par des prix élevés et la volonté des pouvoirs publics d’encourager un mode de commercialisation propice à une baisse des prix (pt. 731). Selon elle, l’impact des pratiques en cause a été d’autant plus grand que celles-ci ont été mises en oeuvre dès le début de la vente en ligne, à la fin des années 2000, et avaient toujours cours à la date de la notification de griefs en décembre 2020 (pt. 732).

Pour l’Autorité, elles ont également engendré un dommage à l’économie certain (pt. 812), dans la mesure, notamment, où, d’une part, les pratiques d’Essilor ont pu priver les seuls opticiens en ligne de la possibilité de tirer parti de la notoriété et de l’image des produits et des marques du groupe Essilor, ce qui a artificiellement favorisé la position des opticiens physiques et ce alors même que, la vente en ligne étant un canal émergent, la possibilité d’accéder et de communiquer sur les produits d’Essilor représentait un enjeu crucial en terme de crédibilité pour les sites de vente en ligne (pt. 810), et où, d’autre part, du point de vue de la demande, les pratiques d’Essilor ont pu favoriser le maintien des prix de lunettes de vue à des niveaux élevés, diminuer le choix de produits disponibles pour les consommateurs ainsi qu’empêcher le consommateur de procéder à des comparaisons faute d’informations sur l’origine des verres (pt. 811). Selon l’Autorité, le dommage présente toutefois un caractère modéré, en raison du fait qu’en l’absence même des pratiques incriminées, le canal de vente en ligne serait en toute hypothèse demeuré minoritaire sur la période considérée (pt. 813).

Compte tenu de la gravité des faits et du caractère certain, mais modéré, du dommage causé à l’économie, l’Autorité a retenu, pour déterminer le montant de base de la sanction infligée aux entreprises en cause, une proportion de 4 % de la valeur des ventes (pt. 814). Par ailleurs, la durée de la pratique retenue pour la détermination du montant de base étant de 11 ans et 7 mois, l’Autorité a appliqué un coefficient multiplicateur de 6,29, ce qui donne pour l’auteur de la pratique — Essilor — un montant de base de 73 697 666 €, tandis qu’Essilor Luxottica, dont la responsabilité a été retenue à compter du 1er octobre 2018 en sa qualité de société mère, n’est tenue solidaire de la sanction pécuniaire de sa fille qu’à hauteur de la durée de sa détention du capital d’Essilor International sur la période infractionnelle, soit environ 19 % de cette dernière, ce qui donne pour la société mère un montant de base de 14 000 000 €.

Sur l’individualisation de la sanction, l’Autorité refuse d’abord de faire bénéficier Essilor de l’atténuation de la sanction liée au caractère mono-produit de l’activité de l’entreprise. En effet, la valeur des ventes retenue au cas d’espèce, ne représente qu’un faible pourcentage du chiffre d’affaires annuel total d’Essilor International SA jusqu’à 2017 et, a fortiori, d’EssilorLuxottica SA à compter de 2018 (pts. 832-833). En revanche, l’Autorité prend en considération l’envergure et la puissance de l’entreprise en cause ou du groupe auquel elle appartient. À cet égard, elle décide d’augmenter de 10 % la sanction infligée aux sociétés Essilor International SAS et EssilorLuxottica SA afin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction au regard de la situation financière propre à l’entreprise au moment où elle est sanctionnée. Pour parvenir à ce pourcentage de 10 %, l’Autorité retient que la valeur des ventes retenue comme assiette de la sanction au titre du grief n° 1 ne représente que 1,5 % du chiffre d’affaires total du groupe disponible le plus récent (pts. 843-844).

À titre de comparaison, les sociétés Apple sanctionnées aux termes de la décision n° 20-D-04 du 16 mars 2020 avaient vu le montant de base de leurs amendes augmenté de 90 %, alors que la valeur des ventes retenue comme assiette des sanctions prononcées au titre des trois infractions représentait 1,02 % du chiffre d’affaires total du groupe Apple en 2019… Taux de majoration que la Cour d’appel de Paris a ramené, dans sa très grande bonté, à 50 %.

À l’évidence, les sociétés Essilor International SAS et EssilorLuxottica SA s’en sortent infiniment mieux que les sociétés du groupe Apple, alors que les ratios valeur des ventes retenue / chiffre d’affaires total du groupe, sont dans les deux cas très proches — 1,5 % dans la présente affaire contre 1,02 % dans l’affaire Apple… Ce faisant, il semble que le critère retenu tant par l’Autorité que par la Cour d’appel de Paris pour assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction au regard de la situation financière propre à l’entreprise, n’est pas à lui seul opérationnel, et qu’il conviendrait que l’une et l’autre fassent sur ce point un effort conceptuel pour définir un faisceau de critères en prise avec la réalité économique susceptibles de prendre en compte la puissance économique des entreprises et des groupes dans le respect des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement et assurer, ce faisant, une lisibilité minimale au mécanisme d’individualisation de la sanction…

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La décision autorisant, sous réserve d’engagements exclusivement comportementaux, la prise de contrôle exclusif de la société McKesson Europe par le groupe Phoenix dans le secteur de la répartition pharmaceutique est en ligne (+ 30 décisions dont 29 simplifiées)

 

Ces derniers jours, l'Autorité de la concurrence a mis en ligne 31 nouvelles décisions d'autorisation d'opérations de concentration, dont 29 décisions simplifiées.

Parmi ces décisions figure la
décision n° 22-DCC-186 du 30 septembre 2022 à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence a autorisé, après renvoi partiel  par la Commission de l’examen des effets de l’opération en France, la prise de contrôle exclusif de la société McKesson Europe par le groupe Phoenix, l’une et l’autre étant essentiellement actifs dans les secteurs de la distribution pharmaceutique et, plus particulièrement, de la répartition pharmaceutique en tant que grossistes-répartiteurs.

Le groupe Phoenix, opère en tant que prestataire intégré de soins de santé dans plusieurs pays européens et notamment en Allemagne et en France. En France, Phoenix exerce principalement des activités de grossiste-répartiteur au travers de 20 dépôts.

Le groupe McKesson Europe fournit des officines de 12 pays européens en  produits pharmaceutiques et autres produits de santé. En France, McKesson exerce principalement une activité de grossiste-répartiteur par le biais de sa filiale locale OCP Répartition qui dispose de 39 dépôts répartis sur l’ensemble du territoire national.

Sur la délimitation du marché de la répartition pharmaceutique, l’Autorité confirme pour l’essentiel l’analyse qu’elle avait conduite dans le cadre de son avis n° 19-A-08 du 4 avril 2019 relatif aux secteurs de la distribution du médicament en ville et de la biologie médicale privée. Ainsi, sur le marché de produits, l’Autorité retient l’existence d’un marché spécifique de la répartition pharmaceutique, activité qui consiste pour un grossiste-répartiteur à acheter des médicaments en gros auprès des laboratoires pharmaceutiques pour les revendre ensuite aux pharmacies, ces dernières étant chargées d’approvisionner le consommateur final. Ledit marché est circonscrit aux livraisons effectuées par les seuls grossistes dits « full-liners », à l’exclusion donc des livraisons directement opérées par les fabricants, dans la mesure où ces modes alternatifs de fourniture ne permettent pas d’obtenir rapidement toute la variété de médicaments dont les pharmacies ont besoin.

S’agissant de la délimitation géographique, l’Autorité a considéré que le marché présentait des caractéristiques nationales mais également locales ce qui justifiait de mener une analyse à ces deux niveaux. Pour analyser l’opération à l’échelon local, l’Autorité a considéré opportun de se fonder sur les empreintes réelles des dépôts des parties à l’opération.

Au stade de l’analyse concurrentielle, l’Autorité a écarté tout risque au niveau national, compte tenu de la part de marché de la nouvelle entité, du contexte légal et réglementaire qui encadre les marges perçues par les grossistes et fixe les prix des médicaments, de l’importance du contrepouvoir de la demande exercée par les groupements de pharmacies ainsi que de la présence de plusieurs autres opérateurs susceptibles d’exercer une pression concurrentielle sur la nouvelle entité.

Au niveau local, l’Autorité a pu écarter tout risque sur 38 des 39 zones où la part de marché de la nouvelle entité dépassait 40 %. Sur une zone, en revanche, celle située autour du dépôt de Phoenix situé à Saint-Étienne, elle a considéré qu’il existait un risque de dégradation des conditions commerciales pour les pharmacies, compte tenu de la position de la nouvelle entité à l’issue de l’opération  — [60-70] % de part de marché —, de la faible position des concurrents présents et de l’absence de contrepouvoir de la part des groupements de pharmacies. En effet, sur cette zone, l’Autorité observe qu’une part très limitée ([30-40] %) du chiffre d’affaires du dépôt Phoenix est réalisé auprès de pharmacies qui sont membres de groupements disposant d’une implantation nationale ou multirégionale. Ainsi, les clients sont majoritairement affiliés à des groupements régionaux dont les adhérents sont quasiment tous dans la zone ([90-100] %) (pt. 137).

Aux fins de remédier aux risques identifiés, Phoenix a proposé des
engagements comportementaux, à défaut de pouvoir céder le dépôt détenu par Phoenix dans la zone (pt. 144). Ainsi, il s’est engagé à ce que les groupements régionaux dont les adhérents sont desservis par les dépôts OCP et Phoenix de la zone, puissent résilier les contrats les liant à la nouvelle entité sans frais ni pénalités d’ici le 31 décembre 2022. Au-delà, tout nouveau contrat ou contrat renouvelé ou poursuivi avec ces groupements stipulera expressément le droit, pour ces groupements régionaux, de mettre fin à tout moment à leurs relations avec la nouvelle entité, sans pénalités ni indemnités, au profit d’un concurrent de la nouvelle entité. Cette obligation de la nouvelle entité restera en vigueur pendant une durée de cinq années (pt. 149). Ce faisant, du fait qu’il n’existe pas de barrières limitant la capacité des clients de la nouvelle entité à se reporter vers une offre concurrente proposée par l’un des autres grossistes-répartiteurs présents sur le marché en cas de dégradation tarifaire ou en termes de qualité de services (pt. 82), les concurrents présents dans la zone pourront acquérir cette clientèle en proposant des offres plus attractives. De leur côté, les groupements conserveront la capacité de se détacher de la nouvelle entité si cette dernière tente d’user de son pouvoir de marché pour dégrader les conditions commerciales.

L’Autorité a considéré que les engagements comportementaux soumis par la partie notifiante étaient efficaces et proportionnés pour remédier aux problèmes de concurrence soulevés par l’opération.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de l'Autorité de la concurrence.
 



On verra encore la décision n° 22-DCC-190 du 7 octobre 2022 à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence a autorisé la prise de contrôle exclusif de la société Unify par le groupe Reworld Media.

Quoiqu’il s’agisse d’une décision simplifiée, l’Autorité s’est fendu d’un
communiqué en raison de l’importance économique de l’opération pour le secteur de la presse et au-delà.

Ainsi, le groupe Reworld Media est un groupe de média français actif principalement dans les secteurs de l’édition de magazines papiers en France (Grazia, Marie Claire, Auto Plus, Closer, Gourmand, Science&Vie, etc.) et de la vente d’espaces publicitaires dans ces magazines. Il exploite également des sites Internet éditoriaux (telestar.fr, melty.fr, gourmand.viepratique.fr, etc.) et vend des espaces publicitaires sur ces sites. Quant à la cible, la société Unify, elle est principalement active dans les secteurs de l’édition de magazines papiers (Marmiton) et de la vente d’espaces de publicité dans la presse magazine ainsi que dans l’exploitation de sites Internet éditoriaux (aufeminin.com, doctissimo.fr, marmiton.org, etc.), de médias sociaux (Fraîches, Minute Buzz, Juste Mieux) et la vente d’espaces de publicité en ligne.

Après examen, l’Autorité a donc estimé que l’opération n’était pas de nature à porter atteinte à la concurrence et l’a donc autorisé sans conditions.

 

Les autres décisions n'appellent pas, nous semble-t-il, de commentaires spécifiques :

Décision n° 22-DCC-176 du 7 octobre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif d’actifs détenus par Cellnex et Hivory par Phoenix Tower International Holdco LLC.
 


Les 28 autres décisions simplifiées :

Décision n° 22-DCC-164 du 22 septembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Havea par le groupe BC Partners ;

Décision n° 22-DCC-165 du 8 septembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Paris Society par le groupe Accor ;

Décision n° 22-DCC-169 du 9 septembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe ETC par le groupe Cinven ;

Décision n° 22-DCC-170 du 12 septembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Flower Holding par le groupe Duval ;

Décision n° 22-DCC-172 du 13 septembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Extol et Aluminium France Extrusion par les fonds OpenGate III ;

Décision n° 22-DCC-173 du 14 septembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Maugin par la société Au Creuset De La Thierache ;

Décision n° 22-DCC-175 du 14 septembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe IMSA par la société LS Distribution ;

Décision n° 22-DCC-177 du 16 septembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société GreenYellow par la société Ardian France ;

Décision n° 22-DCC-178 du 30 septembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Ergalis par le groupe Actual Leader ;

Décision n° 22-DCC-179 du 27 septembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Monoprix Online par le groupe Beaumanoir ;

Décision n° 22-DCC-180 du 22 septembre 2022 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Z Loc, Maxauto et Z Auto par les groupes Tetrama et GBH ;

Décision n° 22-DCC-181 du 23 septembre 2022 relative à la prise de contrôle conjoint des sociétés Baldis, Etioldis et Faldis par les sociétés GH Participations et Somonfi aux côtés du groupe Carrefour ;

Décision n° 22-DCC-182 du 5 octobre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Préférence Services par le groupe Emil Frey ;

Décision n° 22-DCC-183 du 30 septembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Kronos Leman by Autosphere et Carten Leman by Autosphere par le groupe Jean Lain ;

Décision n° 22-DCC-184 du 28 septembre 2022 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Nuits Saint Georges Distribution par les sociétés Meameal et ITM Entreprises ;

Décision n° 22-DCC-185 du 28 septembre 2022 relative à la prise de contrôle conjoint du groupe Audensiel par la société Sagard et Monsieur Nicolas Pacault ;

Décision n° 22-DCC-187 du 28 septembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe I-Run par la société Geneo Capital ;

Décision n° 22-DCC-189 du 30 septembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Angelotti et de la société Moreau Investissement par le groupe Nexity ;

Décision n° 22-DCC-191 du 10 octobre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Alkion Terminals par la société Koole Terminals ;

Décision n° 22-DCC-192 du 18 octobre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Capexo par la société Orsero ;

Décision n° 22-DCC-193 du 6 octobre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Bihr par le groupe Arrowhead Engineered Products ;

Décision n° 22-DCC-194 du 6 octobre 2022 relative à la création d’une entreprise commune de plein exercice par les sociétés ITM Entreprises et Corlam ;

Décision n° 22-DCC-195 du 7 octobre 2022 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Maelyste par les sociétés Tago et ITM Entreprises ;

Décision n° 22-DCC-197 du 7 octobre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société SNEF Telecom par le groupe Eiffage ;

Décision n° 22-DCC-199 du 13 octobre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société SAS Azur Autos par le groupe MAP ;

Décision n° 22-DCC-200 du 11 octobre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Altema par la société Sigefi ;

Décision n° 22-DCC-201 du 17 octobre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société EnergyGo par la société HomeServe ;

Décision n° 22-DCC-202 du 18 octobre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Clayens par la société OEP Capital Advisors.

Les candidatures sont ouvertes

 

Bonjour,

We are thrilled to announce that submissions are now open for the 2023 Antitrust Writing Awards.

Now in their 12th year, the Antitrust Writing Awards are the field’s largest awards for written thought. Participation in the Awards process, whether as an author, jury member, or reader, helps highlight the best antitrust ideas of the past year.

The present Call for Submissions concerns 3 types of publications:

— Best Articles: Articles published or accepted for publication in 2022, in both academic journals and professional magazines.

— Best Soft Laws: Most innovative non-enforcement tools issued by competition agencies in 2022, such as guidelines, market studies, white books, etc.

— Best Student Papers: Articles written or published in 2022 by law or economic students.

The deadline for submissions is Wednesday, November 30, 2022. You can submit your articles HERE.

See the eligibility rules HERE.

Winners will be announced at the Awards Ceremony in Washington D.C. on Tuesday, March 28, 2023, and accept their Awards in the presence of the Board and Steering Committee Members. To see the full list of Jury members, click HERE.

The Antitrust Writing Awards is a joint initiative between Concurrences and the George Washington University Law School. Learn more about the Jury, the Awards categories and Rules on the dedicated website HERE.

Best regards,

Yasemin Tandogan - Valentin Mauboussin
Global Events Manager - Associate Editor
For the 2023 Antitrust Writing Awards Editorial Committee
awards.concurrences.com

Secteur pharmaceutique et concurrence
Stratégies de pré-contentieux et arbitrage


Paris, 30 novembre 2022

 

Bonjour,

Nous avons le plaisir de vous inviter au prochain séminaire droit & économie de la concurrence « Secteur pharmaceutique et concurrence : Stratégies de pré-contentieux et arbitrage » qui se tiendra dans Les Salons de l’Hôtel des arts et métiers, 9 bis avenue d'Iéna, 75016 Paris, le mercredi 30 novembre 2022 à partir de 12h30.

Interviendront à nos côtés :

— Hélène Messmer, Rapporteure permanente, Autorité de la concurrence, Paris ;

— Gabriele Venskaityte, Chargé de dossiers, DG COMP, Bruxelles ;

— Chris Stomberg, Directeur, NERA Economic Consulting, Washington D.C.

Le programme complet et le formulaire d'inscription sont disponibles sur le site dédié.

Nous espérons vous accueillir à cette édition exceptionnelle.

Bien cordialement,

Alexandre Carbonnel / Olivier Fréget
Directeur Associé, NERA Economic Consulting / Associé Fondateur, Fréget Glaser & Associés

Quelle concurrence des droits et des acteurs de la concurrence ?

Paris — 1er décembre 2022

 

Bonjour,

L’Association française d’étude de la concurrence (AFEC) organise le 1er décembre 2022 sa traditionnelle conférence annuelle. Elle propose de débattre de la concurrence entre les droits applicables et entre les autorités ! Le droit pénal de la concurrence, le digital, le droit souple, la révision du règlement 1/2003, la distribution et la régulation sectorielle sont au menu.

La manifestation se tiendra à l’auditorium de la Maison des avocats située en face du Nouveau Palais de justice, Porte de Clichy (11 rue André-Suarès, 75017 Paris).

Le programme complet de la manifestation est disponible ICI et le lien pour l'inscription se trouve.

Bien cordialement,

Jean-Louis Fourgoux
Avocat Associé
Mermoz avocats

 

Bonjour,

Nous avons le plaisir de vous inviter à la 10ème édition de la conférence « Contrôle international des concentrations » qui se tiendra à La Maison des Polytechniciens, Hôtel de Poulpry, 12 rue de Poitiers, 75007 Paris, le vendredi 2 décembre 2022 à partir de 8h00.

Pour cette édition, les trois thèmes ci-dessous seront abordés :

— Technologie/numérique et contrôle des concentrations.

— Subventions et contrôle des investissement étrangers.

— Table ronde des juristes d’entreprise : questions d'actualité en contrôle des concentrations.

Discussion de clôture « Retour sur l’affaire Illumina/Grail avec la Commission européenne ».

Interviendront notamment : Étienne Chantrel, Nela Lopez Galdos, Mike Walker, Marc Zedler, Ief Daems, Céline Darrigade, Thibault Sire, Eric Amar, Stanislas De Guigné, Karima El Sammaa, Laurent Eymard, François Garnier, Simon Genevaz…

Le programme complet et le formulaire d'inscription sont disponibles sur le site dédié.

Nous espérons vous accueillir à cette édition exceptionnelle.

Bien cordialement,

Mélanie Thill-Tayara / Laurent Flochel
Associée, Dechert    / Vice-Président, CRA, Paris

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