Copy

LA LETTRE 
ET LA PHOTO



Cette année, j'ai la chance d'être accueillie en résidence par la galerie Le Carré d'Art à Chartres de Bretagne (Réseau Diagonal), pour y développer un travail autour de la santé mentale. J'ai entamé cet été une étape de recherche que je poursuis durant l'hiver, jusqu'à aboutir à un projet de livre et d'exposition en mai 2023. J'ai par ailleurs décidé de tenir un journal de résidence.
Retrouvez la première lettre de ce journal ici.

À bientôt.
Adeline



Journal de résidence
NOVEMBRE 2022

 

Après deux mois à travailler aux États-Unis sur mon autre projet photographique, me voilà de retour à l'hôpital. L'été a laissé place à l'automne. Les tons orangés des feuilles en témoignent. Le climat reste clément et j'en profite pour déambuler dans cette petite cité qu'est l'hôpital. Il ne se présente pas comme un bloc gigantesque et unique. Il est composé d'unités éparses aux architectures contrastées, entourées d'un parc, de routes, d'une chapelle, d'un stade et d'un terrain de tennis. À regarder les unités de plus près, on observe les adaptations apparues au fil des ans. C'est souvent pour concevoir des petites cours intérieures que ces aménagements ont vu le jour.

Être enfermé, mais dehors.

Bois et métaux s'y frottent pour fabriquer ces espaces de repos et de circulation limités, ces fumoirs, lorsque la sortie dans le parc n'est pas encore une option.
 

L'hôpital est composé d'unités de secteur. C'est à dire que c'est votre adresse qui détermine l'unité au sein de laquelle vous serez pris en charge. Des exceptions existent, comme pour le service d'addictologie par exemple, mais le plus souvent, les patients sont accueillis au sein d'unités où diverses pathologies et troubles se côtoient.


Au cours de l'une de mes déambulations, je me suis approchée d'un bâtiment type administration des années 80, au pied duquel, souvent, un groupe de patients s'abritent. À l'ombre durant l'été. À l'abri de la pluie cet automne. Certains des patients semblaient, comment dire, ailleurs ou lointains. Je n'étais pas à l'aise à l'idée de m'en approcher. La question du consentement est cruciale dans un tel projet et pourtant elle s'est avérée simple le plus souvent. J'ai par exemple travaillé avec des patients sous curatelle car ils sont autorisés à céder, ou non, leur droit à l'image. Finalement, c'est la qualité de la rencontre et le désir réciproque de passer un moment ensemble (plus que le droit) qui valait consentement...
 

Mais revenons à ce bâtiment auquel j'avais envie de me frotter... J'y ai finalement pris mes habitudes. Passer dire bonjour. Parler de mon projet. Partir. Revenir. Certaines personnes m'avaient en fait observée avant que moi je les observe. Durant l'été, je m'en étais approchée pour photographier un banc qui dialogue toujours avec quelques chaises. Une nature morte qui caractérise les mouvements et les espaces de solitude ou de rencontre au sein de l’hôpital. Des bancs, il y en a certainement plus qu'en ville où on les retire. Des chaises, il y en a partout. Faites de plastiques, légères, elles voyagent au gré des volontés de leur usager temporaire.

 

- « Tu fais quoi ici ? C'est quoi comme marque ton appareil ? ».

- « Euh...je suis artiste en résidence à l'hôpital. Je mène un projet sur la santé mentale. Je suis aussi concernée. C'est pour ça que j'ai eu envie de faire ce projet. Mon appareil, c'est un Mamiya. C'est pas très connu. »

- « Okay. » Long silence.

- « Bon...je vais vous laisser. Je veux pas vous déranger. Je repasserai plus tard. »

 

C'est pas toujours évident de savoir si une personne est okay pour que je m'approche d'elle. Alors, je le fais par étape. Je démarre souvent par « Bonjour. Est-ce que je peux me permettre de me présenter ? » Si j'obtiens un oui, je présente mon projet. Si j'obtiens un non, je m'éclipse avec sourire et gratitude. J'ai dans ce projet évité de me fier à mes intuitions, car dès cet été, j'ai remarqué que mes préjugés et projections pouvaient m'induire en erreur. Le plus souvent donc, je demande.


Au pied de cette unité, j'ai fait la connaissance de François. Comme d'autres, il est un peu devenu un copain, un repère dans mon temps passé à l'hôpital. Je passe le saluer dès que je peux. Si lui et moi avons le temps, on papote. Il me parle de son parcours, de son accident de la vie. J'adore ces moments. Ils nous nourrissent tous les deux. La première fois que j'ai vu François, j'ai cru qu'il faisait partie de ces patients vivant dans leur propre réalité, pour lesquels hôpital était devenu une maison. Pas du tout. François est bien là, avec nous. J'ai cependant appris plus tard que François faisait partie d'une unité longue durée. Dans cette unité composée d'une quinzaine de personnes, seul François et l'un de ses pairs ont toute leur tête. Que font-ils là ?
 

Au même endroit, j'ai aussi rencontré Maud, qui elle fait partie de l'unité d'addictologie qui se situe dans le même bâtiment. François et Maud sont copains. À l'hôpital comme en dehors, les relations comptent. Le temps ralenti de l'hôpital les rend-elles plus faciles ?


Ce que j'ai oublié de vous dire c'est que les unités dont font partie François et Maud n'ont pas de cours intérieures. C'est donc par défaut que les patients sont autorisés à sortir (librement ou accompagnés) au pied de ce bâtiment... un défaut qui s'avère être d'une grande qualité, car sans cela, je ne les aurais pas rencontré.

À BIENTÔT

Au plaisir de vous lire
de vous entendre
ou de vous voir.


Adeline




Vous souhaitez soutenir mon travail photographique, mon travail d'écriture et mes expérimentations sociales ? Considérez l'achat d'une œuvre (contactez-moi!) Sinon, transferez tout simplement cette newsletter à vos ami.e.s ou partagez-la sur les réseaux sociaux avec un petit commentaire ;-) Enfin, retrouvez mes anciennes lettres ICI

 
Facebook
Facebook
Instagram
Instagram
Website
Website
Email
Email

+33 (0)6 77 77 10 70
adeline.praud@gmail.com

All rights reserved © Adeline Praud

Photographe, je suis basée à Nantes,
et travaille en France et à l'étranger.

Retrouvez mes projets et actualités sur mon site : https://adelinepraud.com/

Pour ne plus recevoir mes messages c'est par ICI. Pour vous abonner à cette newsletter c'est par


 






This email was sent to <<Email Address>>
why did I get this?    unsubscribe from this list    update subscription preferences
adeline praud . auteure photographe · rue Haute Roche · Nantes 44000 · France

Email Marketing Powered by Mailchimp