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                   Hebdo n° 9/2023
     27 mars 2023
Actualités de la semaine du 27 février au 3 mars 2023
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE UE : L’avocat général Rantos suggère à la Cour de justice de l’union de préciser dans quelle mesure le partenariat conclu entre l’opérateur historique de la fourniture d’électricité au Portugal et un groupe de grande distribution contenant une clause de non-concurrence obligeant ce dernier à ne pas entrer sur le marché de la fourniture d’électricité au Portugal, et ce, au moment même de sa libéralisation, pourrait constituer un accord entre concurrents potentiels, susceptible, en l’absence de restriction accessoire, de constituer une restriction de la concurrence « par objet »

JURISPRUDENCE ACTIONS INDEMNITAIRES : La Chambre commerciale de la Cour de cassation confirme pour l’essentiel la réparation de 180 millions d’euros accordée par la Cour d’appel de Paris à Digicel Antilles au titre de ses préjudices dans l’affaire en Follow-on des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par Orange Caraïbe et France Télécom [Commentaires à venir de Muriel Chagny]

INFOS : Enquête sectorielle « Transports terrestres de personnes » : l’Autorité sollicite les acteurs du secteur sur l’opportunité d’actualiser les principales recommandations qu’elle a présentées au cours des quinze dernières années, au regard des enjeux de l’intermodalité et du développement durable

INFOS : L’Autorité publie sa feuille de route 2023-2024

 

JURISPRUDENCE UE : L’avocat général Rantos suggère à la Cour de justice de l’union de préciser dans quelle mesure le partenariat conclu entre l’opérateur historique de la fourniture d’électricité au Portugal et un groupe de grande distribution contenant une clause de non-concurrence obligeant ce dernier à ne pas entrer sur le marché de la fourniture d’électricité au Portugal, et ce, au moment même de sa libéralisation, pourrait constituer un accord entre concurrents potentiels, susceptible, en l’absence de restriction accessoire, de constituer une restriction de la concurrence « par objet »

 

Le 2 mars 2023, l’avocat général Athanasios Rantos a présenté ses conclusions dans l’affaire C-331/21 (Autoridade da Concorrência et EDP), qui fait suite à la demande de décision préjudicielle formée par la Cour d’appel de Lisbonne.

À l’origine de cette affaire se trouve un contrat de partenariat conclu entre EDP (Energias de Portugal SA), l’opérateur historique de la production, de la distribution et de la fourniture d’électricité au Portugal et un groupe de grande distribution portugaise, MCH, qui appartient au groupe Sonae. Petit détail, cet accord de partenariat a été conclu en janvier 2012 et mis en oeuvre jusqu’au 31 décembre 2012, au moment même de la phase cruciale du processus de libéralisation du marché de la fourniture d’électricité au Portugal, les tarifs régulés pour la basse tension normale expirant à la fin de l’année 2012.

Or, cet accord de partenariat qui avait pour objectif de permettre aux clients du distributeur disposant d’une carte de fidélité d’obtenir une réduction de 10 % sur leur consommation d’électricité fournie par EDP Comercial, comportait une clause de non-concurrence aux termes de laquelle le distributeur non seulement s’engageait à ne pas faire de concurrence à EDP en développant des activités de fourniture d’électricité et de gaz naturel au Portugal, mais en outre s’interdisait de conclure un autre contrat de partenariat avec un autre énergéticien. Accessoirement, EDP s’engageait à ne pas concurrencer le grand distributeur sur le marché de la distribution au détail de produits alimentaires au Portugal… L’opération a rencontré un certains succès auprès des clients de MCH.

Par décision du 4 mai 2017, l’Autoridade da Concorrência (AdC) — l’autorité de concurrence portugaise — a condamné les requérantes au principal à des amendes d’un montant total de 38 300 000 euros pour avoir commis une infraction de la concurrence « par objet », consistant en un partage de marchés, sous la forme de la clause de non-concurrence insérée dans l’accord de partenariat. Sur recours des requérantes, ces amendes ont été réduites par le Tribunal da Concorrência, Regulação e Supervisão (Tribunal de la concurrence, de la régulation et de la supervision). Les requérantes au principal ainsi que l’AdC ont interjeté appel du jugement du TCRS devant la Cour d’appel de Lisbonne, qui, nourrissant des doutes quant au point de savoir si l’accord de partenariat et, plus particulièrement, la clause de non-concurrence, a pu avoir un impact négatif sur la concurrence pour les marchés concernés, a décidé de poser à la Cour de justice de l’Union pas moins de onze questions préjudicielles, qui, selon l’avocat général Rantos, peuvent être regroupées autour de quatre problématiques, à savoir :

–        la notion de « concurrence potentielle », et plus précisément le point de savoir si et à quelles conditions des entreprises présentes sur des marchés de produits distincts peuvent être considérées comme des concurrentes potentielles aux fins de l’application de l’article 101 TFUE (troisième à septième et neuvième questions) ;

–        la qualification juridique d’un accord de partenariat conclu entre des entreprises qui tend à la promotion croisée de leur activités respectives (onzième question) ;

–        les conditions dans lesquelles une restriction à la concurrence peut être considérée comme l’accessoire d’un accord dont l’objectif n’est pas anticoncurrentiel (dixième question) ; et

–        la qualification d’une clause de non-concurrence de restriction de la concurrence « par objet » ou « par effet » (première et huitième questions).

Sur la notion de « concurrence potentielle » entre entreprises exerçant leurs activités sur des marchés de produits différents, l’avocat général Rantos propose à la Cour d’écarter les critères stricts retenus par l’arrêt Generics (UK) à propos des accords « pay-for-delay » dans le secteur pharmaceutique, les jugeant non transposables à l’ensemble des hypothèses de concurrence potentielle (pt. 55), et de s’en tenir à la nécessité de distinguer la « concurrence potentielle » de la « simple spéculation » d’un éventuel accès au marché. Le critère proposé exclut donc que le constat d’un rapport de concurrence potentielle puisse découler de la seule possibilité, purement hypothétique, d’une telle entrée. En outre, une telle démonstration doit être étayée par des éléments de fait ou une analyse des structures du marché pertinent. Une entreprise ne saurait être qualifiée de concurrente potentielle si l’entrée sur le marché ne correspond pas à une stratégie économique viable (pt. 53).

Concrètement, l’avocat général Rantos propose à la Cour de répondre que l’article 101, § 1, TFUE doit être interprété en ce sens que peut être considéré comme un concurrent potentiel sur le marché de la fourniture d’électricité un détaillant de produits alimentaires, lié par un accord de partenariat avec un fournisseur d’électricité dont l’objet est de promouvoir, par un système de ventes liées, leurs activités respectives et qui comporte une clause de non-concurrence, alors que, au moment de la conclusion de cet accord, il n’exerçait aucune activité sur ce marché, si, au regard des conditions d’entrée sur ledit marché et du contexte économique et juridique régissant son fonctionnement, il est démontré qu’il existait des possibilités réelles et concrètes que ce détaillant intègre ce même marché, une telle démonstration devant reposer sur des éléments de preuve spécifiques au marché de la fourniture d’électricité.

Aux fins de vérifier si une telle entreprise peut être considérée comme une concurrente potentielle représentant ainsi une contrainte concurrentielle pour le fournisseur d’électricité, sont éventuellement pertinents – pris ensemble et pas nécessairement, en eux-mêmes, déterminants (pt. 62) – des éléments de preuve ayant trait, notamment :

i) à l’intention du détaillant de produits alimentaires d’entrer sur le marché de la fourniture d’électricité, en tant qu’élément corroborant sa capacité à intégrer ledit marché (pt. 63) ;

ii) aux démarches préparatoires en vue d’une entrée sur le marché, notamment au regard d’éventuelles contraintes réglementaires ou propres à l’ouverture du marché de la fourniture d’électricité, qui seraient susceptibles de conforter la capacité de ladite entreprise d’accéder à ce marché dans un délai de nature à faire peser une pression concurrentielle, qui en l’occurrence correspond à la durée en vigueur de la clause de non-concurrence (pt. 70) ;

iii) à la perception que le fournisseur d’électricité a du détaillant de produits alimentaires, la circonstance d’avoir inséré une clause de non-concurrence constituant un indice fort de l’existence d’une relation potentiellement concurrentielle qui doit toutefois être corroborée par d’autres éléments ayant trait à la réalité des conditions d’accès au marché (pt. 73) ;

iv) aux différentes activités des autres entreprises du groupe auquel appartient le détaillant sur le marché de la fourniture d’électricité ou sur des marchés voisins, pour autant que soit établi un lien entre ces activités et la capacité du détaillant d’intégrer ce marché dans un délai bref, même lorsque ces activités sont antérieures à la conclusion de l’accord de partenariat et indépendamment de la question de savoir si ces entreprises étaient ou non liées par la clause de non-concurrence (pts. 77-82) ;

et, v) aux activités du détaillant alimentaire sur le marché en amont de la production d’électricité, pour autant que ces activités soient aptes à lui accorder des avantages réels et concrets en vue d’une éventuelle intégration sur le marché de la fourniture d’électricité (pts. 84-85).

Sur la qualification juridique d’un accord de partenariat, l’avocat général Rantos propose à la Cour de dire pour droit que l’article 1er, § 1, sous a), du règlement d’exemption par catégorie des accords verticaux n° 330/2010 doit être interprété en ce sens que ne relève pas de la notion d’« accord vertical » un accord de partenariat entre un détaillant de produits alimentaires et un fournisseur d’électricité, dont l’objet est de promouvoir, par un système de ventes liées, leurs activités respectives, indépendamment de la question de savoir si ces entreprises doivent être considérées comme des concurrentes réelles ou potentielles (pt. 97), dès lors que ces entreprises sont présumées agir, aux fins de l’accord de coopération, au même niveau de la chaîne économique (pt. 99).

Sur l’existence d’une restriction accessoire, l’avocat général Rantos invite la Cour à dire que l’article 101, § 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’une clause de non-concurrence convenue entre les parties dans le cadre d’un accord de partenariat, tel que celui de l’affaire au principal, ne devrait pas échapper à l’application de cette disposition au motif que cette clause revêtirait un caractère accessoire dans le cadre de cet accord, à moins qu’il ne soit démontré qu’une telle clause est objectivement nécessaire à la mise en œuvre du partenariat et proportionnée aux objectifs poursuivis par celui-ci, ce dont l’avocat général doute manifestement (pts. 108 et 111).

Sur l’existence d’une restriction de la concurrence « par objet », l’avocat général Rantos suggère à la Cour de répondre que l’article 101, § 1, TFUE doit être interprété en ce sens qu’une clause de non-concurrence, telle que celle de l’accord de partenariat en cause au principal — à condition qu’elle soit conclue entre deux entreprises considérées comme, à tout le moins, des concurrentes potentielles — doit être considérée comme un accord de partage de marchés constitutif d’une restriction de concurrence par objet, sans qu’il soit nécessaire d’en démontrer les effets nuisibles concrets (pt. 120), à moins que cette clause puisse être considérée comme une restriction accessoire de l’accord principal ou que les parties se prévalent d’effets proconcurrentels attachés à celui-ci, qui sont susceptibles de remettre en cause l’appréciation globale du degré suffisamment nocif de ladite clause.

Si l’avocat général Rantos propose à la Cour d’écarter les critères stricts retenus par l’arrêt Generics (UK), il semble néanmoins que la présente affaire puisse, par certains côtés, s’apparenter à une espèce d’accord « pay-for-delay ». En effet, alors que les requérantes au principal soutiennent que l’accord de partenariat aurait dû être considéré comme « deux contrats d’agence croisés » ou un « contrat d’agence bilatéral », dans la mesure où chacun des contractants promeut les ventes de la contrepartie, il apparaît que la prise en charge des coûts du partenariat, pourtant censé profiter également aux deux parties n’était pas également répartis. Ainsi, initialement, le montant des réductions offertes aux clients du distributeur était entièrement supporté par EDP Comercial. Toutefois, en fonction de l’augmentation du trafic dans les super et hypermarchés et du chiffre d’affaires résultant du « Plan EDP Continente », il était prévu que MCH prenne à sa charge une partie des réductions accordées. Les autres coûts du partenariat liés à la publicité, au marketing, à la communication et à la défense dans les procédures étaient en revanche supportés à parts égales par EDP Comercial et MCH (pt. 9). Cette disproportion dans la prise en charge des coûts laisse à penser que le coeur de l’accord de partenariat portait non pas sur la possibilité que l’énergéticien entre sur le marché de la distribution alimentaire, mais bien plutôt sur la crainte que le distributeur de produits alimentaires ne vienne concurrencer l’énergéticien sur son marché, de sorte que la prise en charge des réductions de prix octroyées aux clients du distributeur pourrait s’apparenter à une forme de rémunération de l’obligation souscrite par le distributeur de ne pas faire concurrence à l’énergéticien.

Dans ce contexte, la prise en compte du contexte économique dans lequel s’inscrit la clause de non-concurrence confirme, ainsi le relève l’avocat général Rantos, davantage son caractère restrictif. En effet, en l’occurrence, l’application de la clause de non-concurrence a coïncidé avec le contexte particulier de la libéralisation du marché de la fourniture d’électricité à basse tension au Portugal continental. Plus précisément, cette clause a été conclue quelques mois avant la libéralisation complète du marché de la fourniture d’électricité, ce qui correspondait à la fin des prix régulés pour l’ensemble des consommateurs finals. Dans ce contexte, l’opérateur portugais historique sur ce marché, EDP, avait intérêt à repousser l’entrée de concurrents potentiels sur ledit marché. Cela est susceptible de renforcer davantage le caractère nocif d’un accord de répartition de marchés entre un opérateur historique et un nouvel entrant potentiel (pt. 118).

JURISPRUDENCE ACTIONS INDEMNITAIRES : La Chambre commerciale de la Cour de cassation confirme pour l’essentiel la réparation de 180 millions d’euros accordée par la Cour d’appel de Paris à Digicel Antilles au titre de ses préjudices dans l’affaire en Follow-on des pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par Orange Caraïbe et France Télécom [Commentaires à venir de Muriel Chagny]

 

On se souvient qu’à la faveur d'un arrêt rendu le 17 juin 2020, la Chambre 5-4 de la Cour d’appel de Paris, infirmant le jugement du Tribunal de commerce du 18 décembre 2017, avait condamné in solidum la SA Orange Caraïbe et la SA Orange à payer à la SA Digicel Antilles Françaises Guyane (ex Bouygues Telecom Caraïbe), au titre du gain manqué (Lucrum cessans), la somme de 173,64 millions d’euros.

Par ailleurs, et s’agissant du damnum emergens ou perte éprouvée et en l'espèce des surcoûts payés par la victime du fait des pratiques en cause, la Cour d’appel avait fait droit, contrairement au Tribunal de commerce, aux demandes de Digicel portant sur les surcoûts liées aux exclusivités imposées par Orange Caraïbe à ses distributeurs et aux exclusivités de réparation, respectivement à hauteur de 7,12 millions d'euros et de 737 500 euros.

En revanche, au titre de la réparation de son préjudice financier, la Cour de Paris avait écarté l’application de la méthode WACC (Weight Average Cost Of Capital) retenue par le Tribunal de commerce, dans la mesure où l'entreprise victime n’était pas parvenue à démontrer que la non-disponibilité des sommes dont elle a été privée l'avait conduite soit à restreindre son activité sans pouvoir trouver des financements alternatifs par emprunts ou fonds propres, soit à renoncer à des projets d'investissements dûment identifiés qui étaient susceptibles de rapporter l'équivalent du coût moyen du capital.

En revanche, estimant que Digicel aurait affecté les sommes dont elle aurait été privée à son désendettement, la Cour avait appliqué aux gains manqués comme aux surcoûts payés le taux capitalisé de 5,3 % du 1er avril 2003 au 31 décembre 2005. Au-delà — à compter du 1er janvier 2006 jusqu'au 31 décembre 2018 —, elle avait appliqué seulement le taux légal.

Et les auteurs des pratiques anticoncurrentielles et la victime de ces pratiques ont formé un pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris.

Par arrêt rendu le 1er mars 2023, la Chambre commerciale de la Cour de cassation vient confirmer pour l’essentiel les conclusions de la Cour d’appel, et notamment le montant de la réparation accordée à Digicel au titre des préjudices occasionnés par les pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par Orange Caraïbe et France Télécom.

Pour ce faire, la Cour écarte en premier lieu le moyen tiré de l’absence de détermination par la victime du lien de causalité entre les pratiques anticoncurrentielles imputables au défendeur et les gains manqués qu’elle alléguait, estimant que la Cour d’appel, qui a examiné, pour chacune des pratiques en cause, les conséquences concrètes qui en étaient résulté pour les sociétés BTC puis Digicel qui opéraient sur ce marché, a pu décider, sans inverser la charge de la preuve dès lors que les sociétés Orange n'avaient pas établi, comme il leur appartenait en l'état de leur comportement fautif à l'origine du dommage, que les sociétés BTC et/ou Digicel avaient eu, elles-mêmes, un comportement fautif de nature à conduire, le cas échéant, à un partage de responsabilité, que ce comportement des sociétés Orange était à l'origine de l'entier préjudice de développement de ces sociétés.

Elle confirme en deuxième lieu l’évaluation opérée par la Cour de Paris des préjudices subis par les sociétés BTC puis Digicel, relevant que la Cour d'appel, qui ne s'est pas exclusivement fondée sur une expertise privée réalisée à la demande d'une partie et n'a pas inversé la charge de la preuve, mais a tranché entre deux analyses divergentes sur la nature des coûts à prendre en compte pour déterminer la marge brute pertinente devant servir de base au calcul du préjudice de développement subi par la société Digicel et l'effet qu'aurait eu sur ces coûts un développement non entravé de cette dernière, a pu statuer comme elle a fait.

Sur l’évaluation des préjudices, la Cour de cassation, considérant que la Cour d'appel, qui a relevé l'existence d'un seul et même préjudice de développement causé par différentes pratiques fautives, a pu décider que son évaluation devait être effectuée de manière globale, juge encore que la Cour de Paris a exactement décidé que ce préjudice n'était pas une perte de chance mais un gain manqué.

Quant à la réparation du préjudice financier subi par la victime, la Chambre commerciale de la Cour de cassation approuve la Cour de Paris d’avoir écarté l’application de la méthode WACC (Weight Average Cost Of Capital), en subordonnant la réparation de la perte de chance invoquée à la démonstration de l'impossibilité du financement des projets en cause par d'autres sources que les sommes dont la société Digicel avait été privée du fait des pratiques mises en oeuvre par les sociétés Orange, seule à même d'établir le caractère certain de cette perte et son lien direct avec les pratiques fautives.

En revanche, la Cour de cassation accueille le quatrième moyen du pourvoi formé par les sociétés Orange concernant la détermination du point de départ des intérêts réparant le préjudice pris de l'indisponibilité des sommes dues au titre du préjudice de développement. Observant que la Cour de Paris avait fixé le point de départ des intérêts au 1er avril 2003, date à laquelle toutes les pratiques, qui ont donné lieu à une évaluation globale, ont été mises en oeuvre, la Cour estime qu’en statuant ainsi, alors qu'à cette date, ce préjudice n'était pas entièrement constitué et qu'il était nécessairement progressif, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil, et le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit. De fait, si les différentes pratiques mises en oeuvre se sont renforcées les unes les autres, contribuant toutes à un résultat global et unique constitué par l'obstacle au développement de la société Dicigel sur le marché antillo-guyanais de la téléphonie mobile, portant atteinte à sa croissance, elles se sont cependant cumulées dans le temps, de sorte que le préjudice de base afférent à ces gains manqués a été subi pour une large partie postérieurement à cette date du 1er avril 2003, sa valeur ayant seulement commencé à se constituer progressivement à compter de cette date. Par suite, la Cour d’appel de Paris ne pouvait pas faire courir des intérêts sur une assiette composée, pour sa plus grande partie, de gains manqués postérieurement à cette date et dont la valeur a seulement commencé à se constituer progressivement à compter de cette date.

En conséquence, la Cour casse et annule, mais seulement en ce qu'il fixe au 1er avril 2003 le point de départ des intérêts sur la somme de 173,64 millions d'euros, l'arrêt rendu le 17 juin 2020 et remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la Cour d'appel de Paris autrement composée.


Mais je m’arrête là. Le présent arrêt fera l’objet dans les prochains jours dans ces colonnes d’un commentaire circonstancié du professeur Muriel Chagny.

INFOS : Enquête sectorielle « Transports terrestres de personnes » : l’Autorité sollicite les acteurs du secteur sur l’opportunité d’actualiser les principales recommandations qu’elle a présentées au cours des quinze dernières années, au regard des enjeux de l’intermodalité et du développement durable

 

Le 3 mars 2023, l’Autorité de la concurrence a lancé une consultation publique courant jusqu’au 30 mars 2023 auprès des acteurs du secteur des transports terrestres de personnes, et ce, dans le cadre le cadre de l’enquête sectorielle qu’elle a engagé le 15 novembre 2022.

Il s’agit de recueillir les observations des intéressés sur l’opportunité d’actualiser les principales recommandations que l’Autorité a présentées au cours des quinze dernières année, qu’il s’agisse la concurrence dans le transport ferroviaire de voyageurs, dans les transports collectifs urbains (métro, tramway, autobus, etc.) et dans le transport routier interurbain (autocars), ou encore dans le secteur du transport public particulier de personnes (taxis, voitures de transport avec chauffeur).

L’Autorité s’intéressera particulièrement aux enjeux que constituent l’accès des opérateurs aux gares ferroviaires et routières, la gestion de ces installations et leur contribution essentielle au développement de l’intermodalité. L’Autorité entend également poursuivre sa réflexion sur la prise en compte des préoccupations liées au développement durable dans l’exercice de ses missions. Concrètement, elle s’interroge sur le point de savoir si les conditions de concurrence dans les transports terrestres de personnes sont de nature à favoriser le développement durable et en particulier l’effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre inscrit dans la Stratégie nationale bas-carbone et se demande quelles évolutions seraient susceptibles d’y contribuer.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

INFOS : L’Autorité publie sa feuille de route 2023-2024

 

Le 3 mars 2023, l’Autorité de la concurrence a présentée sa feuille de route 2023-2024, qui fixe huit priorités.

Outre la poursuite de son action sur le numérique, l’Autorité entend amplifier son intervention en faveur de la transition écologique, continuer à agir en faveur du pouvoir d’achat, poursuivre son engagement en faveur de l’amélioration des conditions de concurrence dans les outremers, veiller à ce que la concurrence profite aux acheteurs publics, poursuivre sa mission de régulation de certaines professions réglementées du droit, coopérer activement avec les autres institutions et autorités et enfin garantir le meilleur emploi de ses ressources.

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