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L'Ernestine, la lettre d'Ernest !
- 28 mai 2023 -
L'ÉDITO D'ERNEST 
Philosophie du etc.

"Le etc… et les points de suspension sont vraiment le symbole des fainéants." Ils sont deux, un homme et une femme. Dans un haut lieu de la langue et du langage. Ils se regardent. Se sourient. S’amusent. Ils sont visiblement contents de se voir. Peut-être s’aiment-ils. Ils discutent. Des choses et des mots. Et des points de suspension. De ce qu’ils veulent dire. De ce qu’ils signifient. "Un jour je t’écrirai une philosophie du etc." dit l’un des deux en réponse à la première saillie. Échange doux, tendre, joyeux. Comme un échange d’amoureux. Cette fois, c’est certain. Ils s’amusent de leur désaccord. Elle affirme que non, vraiment, le etc, constitue une faute de goût, qu’il signe le fait que l’auteur n’assume pas complètement sa pensée.
Il n’est pas du tout d’accord. Il soutient au contraire que dans le etc. l’auteur fait appel à l’intelligence et à l’imagination du lecteur, il crée même une connivence avec lui en laissant libre cours à son interprétation. Il considère même que poser des points de suspension, c’est opérer un Tsim Tsoum du langage. Le Tsim Tsoum, dans la kabbale c’est quand Dieu se retire, et laisse à l’homme le soin de construire, en liberté. Les points de suspension, c’est le Tsim Tsoum du langage. L’auteur se retire, le lecteur et la lectrice imaginent…

Ils ne sont pas d’accord. Pas du tout. Ils rient. Ils argumentent. Trinquent. Se sourient. Se touchent les mains. Ils finissent par quitter le restaurant. Pour l’observateur, leur histoire d’amour reste en suspension. Comme si des points de suspension, comme si un etc. était là face à lui. S’il était romancier, il comblerait le vide. Il n’est qu’un éditorialiste du dimanche…

Toutefois, c’est alors qu’il songeait à un sujet pour la missive dominicale que cette observation lui est revenue en mémoire et qu'il s'est remémoré aussi les notes qu'il avait prises sur ce moment vécu. Ironie de l’histoire, imprévu de la pensée, il envisageait alors d’écrire pour ce dimanche un « éloge des imprévus ». De ces choses magiques qui surviennent lorsque l’on ne s’y attend pas. Dans son essai sur « les débuts », la philosophe Claire Marin écrit : "Les lignes imaginaires sont importantes, elles nourrissent la ligne réelle." Une façon de dire que les deux amoureux ont raison.


Des points de suspension, pour nourrir l’imaginaire, et donc nourrir aussi le réel. Celui des baisers, des rires, des décisions prises, des joies, et même des peines. Se dire, malgré tout, que chérir l’imprévu, l’inattendu, et la suspension dans une société où tout doit être réservé, planifié, organisé, "intelligence artificielisé", constitue quelque chose de profondément libérateur. Et se dire aussi, que lorsque des mots employés par le pouvoir sont ceux de l’ennemi, que l’ennemi lui-même profite de la commémoration des 80 ans de la mise sur orbite du Conseil national de la résistance (CNR) le 27 mai 1943 par Jean Moulin pour rendre hommage aux résistants que les fondateurs du parti de l’ennemi ont dénoncés et tués, il convient de ne jamais laisser des points de suspension. De dire toute la colère et l’envie d’engagement contre ces inepties que suscitent de tels positionnements.
S’éloigner des amoureux ? Pas vraiment. L’auteur, le citoyen, l’amoureux doivent créer une philosophie du etc. De son emploi, comme de son refus.

Sinon, il parait que l’éditorialiste du dimanche a recroisé les deux amoureux. Ils poursuivaient la discussion. Ou peut-être pas. Peut-être les avait-il croisés séparément. Lui seul le sait…
Comme il n’est qu’un éditorialiste du dimanche, il laisse à ses lecteurs du petit-déjeuner ou à ses lectrices du fond du lit, le soin de remplir les points de suspension.



Bon dimanche,

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Les circonstances de l'amour
Valent mieux parfois que l'amour qu'elles donnent
De même que la clarté d'un feu
Nous est plus propice dans la nuit
Que sa chaleur indécise

Des cerisiers en fleurs
Ou de leurs fruits
Desquels se passerait-on ?

Les circonstances de l'amour
Font d'inavouables traces dans la mémoire
Parce que d'elles nécessairement la force insolente
Qui jette un corps dans un autre
Contre toute raison

La force d'un amour et sa beauté s'il se peut
Peuvent bien tenir à la misère d'un ciel
A une porte restée ouverte
A une chanson mal chaussée qui passe dans la rue
A un visage en larmes sous le sourire
Ou romance à une île enchantée par son ombre

Quand l'amour est mort
Reste la braise des circonstances qui le firent naître
Elle rougeoie encore dans les nuits sans sommeil
Baisers perdus mais non leur clarté

 

JP-Siméon, Les circonstances de l'amour, in "une Théorie de l'amour", Gallimard

Tous les poèmes de l'Ernestine sont là.

DENNIS LEHANE : "JE SUIS LE BÂTARD DE LA LITTÉRATURE ET DE LA PULP FICTION"
Devenu directeur de séries pour Apple TV, le grand Dennis Lehane signe un éclatant retour au roman avec « Le Silence », croisade vengeresse d’une mère sur fond de racisme et de crise sociale. Philippe Lemaire l'a interrogé.

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Roland Garros démarre cette semaine. L’occasion pour Robin Walter de raconter l’histoire d’un tennisman politique. Non seulement, Arthur Ashe avait un talent fou, mais il a aussi été de tous les combats sociétaux de son époque. Inspirant.

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