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16 AOÜT 2023 • NOUVELLE LUNE • NEWSLETTER #26

LA LUNE HORRIFIQUE DE GABRIELLE DEYDIER

 
Ce mercredi 16 août 2023, à 11h38 heure de Paris, la Lune réunira son énergie à celle du Soleil pour la huitième fois de l'année. Le propre de la nouvelle lune est d'être invisible depuis la Terre, ce qui ne l'empêche pas de former aujourd'hui une connexion Soleil-Lune-Vénus-Lilith dans le signe du Lion*.

Lilith serait la première femme d'Adam, qui essaya vainement de la dominer. Elle refusait de lui obéir, de rester en dessous pendant le sexe et de prendre des beignes – bref, la base. Comme Dieu ne venait pas à son secours, elle finit par s'enfuir et malgré les menaces et les poursuites, ne revint jamais au domicile conjugal. Condamnée à voir ses enfants mourir par centaines chaque jour, elle faillit se suicider mais finit par négocier et obtint le droit d'être cette divinité détestable qui vient prendre la vie des nouveau-nés, ce qui la relie à Artémis.

Mariée à Samaïn, plus connu sous le doux nom de Satan, elle se transforma en serpent pour séduire Eve, et fut aussi celle qui incita Caïn à tuer Abel. Adam, qui en avait marre de voir ses enfants mourir, fit paraît-il la grève du sexe pendant 130 ans. Durant cette période, on suppose qu'Ève se contentait autrement (sans doute en faisant des compotes de pommes) alors que Lilith, toujours pleine d'imagination, recueillait dans la terre le sperme d'Adam et donnait naissance à des floppées de démons.

Au plan astronomique, Lilith serait le deuxième satellite de la Terre, impossible à voir puisqu'il se trouverait en opposition avec la "vraie Lune". Identifiée comme la Lune Noire en Mésopotamie, cette lune hypothétique est recherchée depuis 1846, date à laquelle Jules Verne en parlait dans son roman De la Terre à la Lune. C'est un astrologue anthroposophe connu pour avoir prévu la Première Guerre mondiale, Sepharial, qui décida de lui donner le nom de Lilith en 1918. On a identifié, depuis plusieurs de ces astres errants ou Lilith potentielles. Le candidat le plus probable a été découvert
le 28 mars dernier. Il s'agit d'un astéroïde présent autour de la Terre depuis deux mille ans que les scientifiques ont choisi de dénommer comme une plaque d'immatriculation : 2023FW13.

Ces chercheurs de Lune me font penser aux explorateurs encore trop nombreux à ne pas savoir situer le clitoris entre nos jambes. Comme la lune, cet organe a pourtant sa face cachée, puisqu'il se prolonge de dix centimètres à l'intérieur du corps, enserrant le vagin de part et d'autre pour démultiplier les plaisirs.

Si on peut raconter son histoire magnifique, il en existe une version horrifique, à la cruauté très Lilithienne, que vous propose l'ironique et tendre Gabrielle Deydier. Autrice du livre
On ne naît pas grosse, elle nous emmène avec Sweet Betty à l'envers absolu de nos fantasmes. N'ayez pas peur ! (Enfin si).

*Je sais que je me suis emmêlée les pinceaux pour la pleine lune du 1er août en disant qu'on entrait en Lion alors qu'on entrait en Verseau, ça devait être Mercure rétrograde pour ne pas changer.
Gabrielle Deydier/ Photo @ Editions Goutte d'Or

Sweet Betty
 
Bordel ! Mais qu’est-ce que je fais dans ce froid habillée comme une pute ? Une robe en satin en plein mois de novembre… Parfois je me dis que je cherche la merde ! J’aurais pu mettre une culotte au moins… Ou des collants… J’espère que mes bas ne vont pas rouler. Si j’attrape la mort je saurais par où j’me suis enrhumée…
Trois heures plus tôt, je recevais un texto de mon éditeur.


- RDV à 21h au 35, rue de la Chapelle Betty !
- Pourquoi ?

- J’peux pas t’en dire beaucoup plus mais sache qu’on va dans une soirée littéraire underground dans un spot totalement éphémère pour une lecture de notre dernier bouquin ! Fais-toi belle meuf ! Et garde l’adresse secrète !

« Fais-toi belle meuf ! », dans le langage de Nono ça sous entend qu’il y a de la maille à se faire ! Et il sait à quel point j’suis raide. La dernière fois qu’il m’a officiellement versé de l’argent, c’était une avance sur ce putain de bouquin que je ne parviens pas à terminer.

Avec Nono, on a une relation de confiance. Il sait tout de l’état de mon compte en banque et de mon moral, et il me trouve des solutions à tout. C’est un peu mon « Géo trouve-tout » le gars.

Dans ces soirées-là, y’a toujours un quinqua libidineux prêt à te payer ton loyer contre une pipe ou deux, dans le meilleur des cas. Si tu dis à un de ces connards que t’es auteure ou quoi que ce soit en rapport avec l’art, ils assimilent à du mécénat ce que d’autres appelleraient un échange de bons procédés et encore d’autres, du proxénétisme. J’m’en tape un peu de qui appelle ça comment. J’assume d’être une poule. Je suis trop vieille pour qu’on dise de moi que je suis une « Sugar Baby », et poule ça me va. C’est pas pire que torcher des culs dans un hosto où, de toute façon, tu sais que dix fois par jour t’auras droit à un vicieux qui te demandera de finir la toilette en branlette.

Après que Nono m’ait envoyé le texto, je suis passée par la case salle de bain pour être aussi fraîche que possible. Alors que je chantais « Let’s Dance » de David Bowie afin de me mettre dans le mood, mon rasoir s’est baladé de mes chevilles à ma chatte. J’me suis laissé aller à l’épilation intégrale. J’trouve ça moche mais ça fait bander les accros du porno. Et si j’ressemble pas à Nikita Belushi, ma chatte elle… Ressemble à la sienne. Puis j’ai sorti ma nouvelle paire de piercing à tétons ! Les nouveaux sont en forme de boucles, j’en avais ma claque de mes barres. À ce moment-là j’me suis dit que deux ou trois tatouages augmenteraient mon capital baise en flèche, puis j’me suis souvenue que si je me rasais c’était parce que j’étais douillette alors le tatoo j’oublie. Puis un tatoo, c’est comme un mariage. On peut s’en défaire mais ça laisse des traces. Et moi, je suis du genre à fuir tout ce qui pourrait potentiellement me faire du mal à la longue. L’idée du spot culturel éphémère au final, ça me ressemble. J’aime dire à mes amants que je ne suis que de passage dans leur vie. Ça me donne l’impression d’avoir du pouvoir, de maîtriser ma destinée, enfin, peut-être pas tout ça, mais mes relations ça c’est sûr. Je suis une véritable handicapée émotionnelle. Je préfère crever de solitude que de risquer d’être mise de côté. Je suis trouillarde.

21h. J’appelle Nono car je ne le vois pas. Il est en train de négocier des boissons : ce soir, ce sera « open bar » pour les éditions « Larmes de Cristal ».

La lecture se fait. C’est un succès, comme d’habitude. S’ensuit une démonstration de break dance. J’en suis à quatre ou cinq Cuba Libre, je n’ai pas l’intention de m’arrêter là. Les potos me proposent des stimulants à s’enfiler par les narines, je passe mon tour et m’enfile ces cocktails à base de Bacardi.

J’essaie de repérer si y’a une âme généreuse dans le coin. Y’a bien un quinqua qui se prend pour un minet, mais il me dégoûte. Il a tenté de me toucher les seins, l’air de rien, et quand il m’a sorti qu’il vivait à Stalingrad, j’me suis dit qu’il était hors de question que j’me fasse tripoter pour 50 balles. J’ai pas beaucoup de principes mais suis pas une pute au rabais. Si tu veux mon cul, tu raques ! Point barre !

Y’a deux meufs à proximité qui ne cessent de me regarder. Je leur souris. On discute. L’une d’entre elle me dit qu’elle s’appelle Ondine.


- Ondine ?
- Oui comme la pièce de théâtre, ça vient de la mythologie germanique je crois.

C’est marrant, moi j’ai pensé tout de suite au syndrome d’Ondine, une maladie génétique qui fait que celui qui en est atteint cesse de respirer quand il s’endort… Quand je l’ai raconté à la nana, elle est devenue livide, ce qui ne l’a pas empêché de m’inviter à les accompagner, sa pote et elle, à un autre type de soirée. Je ne suis jamais seule quiconque m’invite chez un particulier et que je rencontre pour la première fois, mais mes potes sont partis, j’ai toujours pas trouvé le bon plan qui paiera mes prochains loyers et j’ai pas envie de rentrer.

- C’est quoi comme soirée les filles ?
- On est invité à un dîner.
- Et j’peux venir comme ça, à un dîner ? C’est pas abusé ?
- Ne t’inquiète surtout pas pour ça !
- OK, alors vamos guapitas !
 
On se taille et on traverse tout le 18e arrondissement à pattes. Malgré le froid, je sue et je sens que mon mojo va en prendre un coup.

On arrive dans un appart de ouf, un loft sous forme de duplex, le genre d’appart qui fait rêver avec ses 220 m2, qui doit avoir un prix à sept chiffres et autant en œuvres d’art contemporain ! Une sorte de galerie privée, un endroit où on se sent un peu privilégié. Il n’y a personne mais je n’y fais pas très attention. Je suis attirée par une collection de photographies, tirage en noir et blanc en 60x90. J’ai l’impression qu’il s’agit de clitoris. Oui, ceux sont bien des clitoris. Une cinquantaine de « cons » comme ça affichés l’air de rien sur le mur.

J’entends les filles dire au revoir, la porte se fermer. Je me tourne. Un quadra super sexy, tellement beau… Le sosie vieillissant de Colin Farrel ! Il sent bon… Il me propose de poursuivre la soirée. Il ouvre une bouteille de vin blanc, un délicieux vin blanc sucré. Il me parle de ses collections d’art. Il en parle comme un passionné, pas comme un bonhomme qui a investi pour défiscaliser. Il me pose des questions sur mon roman, en cours d’écriture. On parle littérature. Il sait me parler. Je perds un peu mes moyens. Le vin, ou les cocktails bus précédemment font leur effet. Ou bien est-ce lui ? Je me sens totalement désinhibée.

On s’embrasse. On s’embrasse goulument. Je n’ai pas embrassé comme ça depuis mon adolescence. Je me sens comme envahie par un souffle de vie, comme si je découvrais un nouveau panel d’émotions. On s’embrasse, on se lèche, on se mord. Il enlève ma robe en satin. Je n’ai rien en dessous. Je n’ai que mes bas, et ils n’ont pas roulé. Ma chatte est toujours parfaitement épilée. Ce soir, comme rarement, j’ai l’impression que ce mec voue un culte à mon entrecuisse. Il me dévore comme si j’étais son dîner, c’est un goinfre, un ogre. On ne m’a jamais dégustée le clitoris de la sorte. Je suis dans un état d’excitation rarement atteint, j’ai même l’impression que je vais finir par lui répondre en me transformant en femme fontaine. J’ai l’impression qu’il me bouffe depuis des heures, j’ai tellement joui que je suis épuisée, je n’en peux plus, ma petite framboise va éclater. Je ne sais plus si j’ai mal ou si je prends mon pied. Je m’empêche de me laisser totalement aller, j’ai l’impression de devenir folle, je ne gémis plus, je crie. Plus je crie plus il me bouffe. Il ne s’arrête jamais, ne respire jamais, il fait de mon sexe son festin.

Alors qu’il est toujours en train de me prendre à pleine bouche, mon regard se porte sur des bocaux. J’essaie de regarder, il ne me lâche pas, ça devient douloureux et je ne parviens pas à m’extraire. Dans ces bocaux il y a de la matière. Ces bocaux sont remplis de formol. Et j’essaie de distinguer ce qu’il s’y trouve. Il cesse de me bouffer la chatte. Sors un scalpel, m’excise en moins d’une seconde. Je hurle. Je pleure. Je pisse le sang. Je comprends que dans ces bocaux il n’y a qu’une collection de clito, et que comme ceux de toutes ces autres femmes, le mien va terminer sur sa commode.

 
 

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