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Mordant
 
Mordant est une newsletter hebdomadaire qui interroge la société par le biais de la bouffe — et vice-versa. C'est le fruit d’un travail journalistique indépendant. La manière la plus concrète de le soutenir est de faire tinter le bocal à pourboires. C’est ça, ici.
 
Sommaire
 
Le goût du bonheur
Pastrami et crevettes
À la mer du Nord


Ou quelque chose comme ça. Je ne sais pas, tu m’excuseras, c’est mon premier haïku. J’en ai les joues rouges et les yeux brillants — à moins que ce ne soit la bourrasque iodée. Reste qu’il y a bien eu deux tranches de pain enserrant du bœuf saumuré puis fumé de chez Dierendonck, le bruit des vagues, des chiens courant sur la plage et plusieurs soupirs d’aise. Dans
Haïkus : L’art de boire et manger, le plus modeste des sandos est servi avec poésie et des estampes japonaises des 18ème et 19ème siècles. Je l’ouvre toujours au hasard depuis qu’il m’est tombé dans les mains aux Yeux Gourmands, la librairie pourtant généraliste de mon quartier. Les trois lignes que je croise font référence à une soupe, du saumon séché, du riz brun, un œuf dur, et ça me fascine chaque fois qu'il y ait tant d’intimité dans 5-7-5 syllabes. Je me dis que les éditeurs ont visé juste, quand ils ont avancé que « ces manières de boire et de manger relèvent tout autant du nécessaire que du spirituel ». Ils ont juste oublié de mentionner le sandwich au pastrami comme bénédiction.

J’aurais aimé qu’on m’offre ce petit recueil à la couverture tissée. Cette semaine, je te parle donc de présents qui ne font pas craindre le futur, de Pringles et de Strip-tease. C’est Mordant, tout enrubanné pour toi.

 
©Boston Public Library
 
C’est ce qu’on appelle, dans la presse, un marronnier : un sujet qui revient comme une ritournelle, inévitablement, chaque année. Des marmots devant leur première grille d’école, les touristes qui s’auto-tamponnent dans les embouteillages estivaux, des choses aussi délicates que la neige qui tombe. À la fin de l’année, ce sont les cadeaux. Tradition devenue habitude devenue obligation, qui occupe, semble-t-il, toutes les pensées, les sorties et les conversations du mois de décembre. Ils doivent se multiplier, beaucoup, encore, pour contenter tout le monde, les grands-mères lasses, les frères si différents, les amis tirés au sort, les amours, les chiens, les tortues. Mais cette année, et pour la première fois depuis longtemps, je n’ai pas ressenti cette pesanteur — pression d’offrir plutôt que plaisir.

Surtout que j'aime faire des cadeaux, quand ils sonnent juste. Les lectures qui me portent, les douceurs qui me réconfortent, l’ivresse qui me fait sourire, je les emballe et je les donne. Pour toi, j'ai compilé ces trois fois rien, parfois un peu plus : 25 pistes de présents pour dire qu’on est là. Et parce que pour ça, inutile de se saigner, ces trésors à offrir ne te coûteront pas plus de 50 euros et n'auront jamais l’air « trop ». 

 
De 1 à 10 euros

Du vrai beurre de cacahuètes. Le peanut butter Buddy Buddy, c'est 97% de cacahuètes bio, 3% de sel rose de l’Himalaya et 100% produit à Bruxelles par les propriétaires du coffee shop du même nom. La saveur est donc intense, tu t’en doutes, mais que ça ne t’empêche pas de tartiner de la confiture par-dessus. PBJ 4 Life.
6,90 euros pour le pot de peanut butter et 34,90 euros pour toute la famille de beurres et pâtes de noix (cacahuètes, noisettes, amandes et protéiné). En ligne ou à emporter

Une confiture sauvage. À ce propos, au rayon « jelly » belge, Pipaillon survole toutes les autres marques. Je n’ai encore jamais trouvé de confiture artisanale aux fruits noirs aussi équilibrée que celle à la myrtille de la petite conserverie bruxelloise. Alors forcément, l’édition limitée « Paint It Black » à la mûre me fait de l’œil.
6,50 le pot de confiture

 
©Boston Public Library
 
Un porte-bonheur dans la galette. C’est Marianne Lemberger de Bouchée Double qui m’a mis sous les yeux ce petit trésor de la food designer Sonia Verguet : une fève en porcelaine, à glisser dans la galette des rois — ou dans n’importe quelle préparation qui requiert de mettre quelqu’un·e à l’honneur — ou à conserver sur soi comme un talisman.
6 euros la fève émaillée

Le fanzine Pain Pain. Ne te fie qu’à moitié à son nom de comptine pour enfants : ce fanzine monochrome est loin d’être niais, mais bien 100% gluten. Imaginé par Thomas Grunberg, ancien d’Omnivore et actuel consultant food, et le studio Faye and Gina, Pain Pain dépoussière la revue culinaire en lui insufflant un esprit punk. Konbini en parle ici — et moi aussi, j’ai très envie de revenir à du papier et de l’encre, je dis ça, je dis rien.
4,50 euros sur painpain.fr

Une sweet moutarde. J’ai envie d’en mettre partout : sur du poisson, des poireaux, avec le fameux pastrami, peut-être même dans des sablés. Depuis que le 203 s’est brillamment reconverti dans la vente à emporter, le menu s’est étoffé de petits extras à ramener chez soi, dont cette moutarde ultra douce, voire même sucrée.
6,50 euros le bocal, à venir chercher sur place

Du Pomélo plein les mails. Toutes les semaines, le journaliste Ezéchiel Zerah envoie Pomélo, une newsletter gastronomique composée de reportages inédits, de bonnes adresses et d'infos croustillantes sur le petit monde des grandes tables. Le genre de cadeau qui dure dans le temps, et qui soutient un média indépendant.
8 euros par mois avec une invitation gratuite

Un pin’s et des risos. Il y a la conserve Ortiz, une autre de harissa du Cap Bon, du mazapan de la Rosa, du saké et même de l’eau de coco. J’aime tout dans les impressions riso des créateurs néerlandais de We Are Out of Office, y compris leur pin’s représentant une tasse renversée — probablement le symbole ultime de l’année écoulée, à épingler sur son manteau d'hiver.
8,50 euros le pin’s et 10 euros l’impression 13x18

De la sauce qui fait suer. Des accessoires pour vélo upcyclés et des sauces pimentées, c’est le fonds de commerce de Swet. Tu t’en doutes, ce sont les fioles explosives qui nous intéressent. Après une dégustation méticuleuse, je te recommande plus que chaudement « Pears », douce et à base de poires belges, et la « Fumado », smoky as hell.
8 euros la bouteille, au Petit Mercado

De la hierba buena. Cet été, j’ai eu l’occasion de voir pousser les rangées de fleurs et herbes en pagaille d’Emilia Farfan : de l’agastache, des cosmos, de la sarriette dans des buissons touffus, vivants. Pour le reste, Emilia va fourrager où elle peut, où elle veut. Après la cueillette à la main et le séchage artisanal, elle assemble des tisanes comme sa « Fiesta », spéciale lendemain de veille.
9 euros le bocal de tisane, notamment en vente au pop-up store de Smala

 
©Boston Public Library
 
De 11 à 25 euros

Du café F**k 2020. Dès que je le peux, j’achète mon café chez Wide Awake. Parce que j'y découvre toutes les nuances de ce nectar des dieux que je ne consommais pas il y a de ça deux ans, et que Senina Cojocari torréfie directement dans l’arrière-boutique près du canal. Mais aussi, soyons honnêtes, parce qu’elle et Rutger Callewier se sont inspirés d’un album de Parquet Courts quand il a fallu nommer leur affaire. « F**ck 2020 » est leur dernière torréfaction, un hommage en édition limitée à ce roller coaster que fut 2020.
15 ou 22,5 euros en magasin ou en ligne

Une revue qui sent bon le foin. Le magazine Regain « célèbre le progrès agricole, la nouvelle génération paysanne, les métiers de la ferme, la vie animale, la bonne chère, les balades en campagne et les feux de cheminée ». Qu’est-ce que tu veux que je te dise de plus — à part que ce journal de campagne est toujours très joliment illustré ?
25 euros l’abonnement de 4 numéros

Une BD en immersion. C’est ma bande dessinée culinaire préférée. Peut-être parce que c’est la première que j’ai lue, mais aussi la seule qui m’ait prouvé jusqu’ici qu’on pouvait tirer le portrait de chef·fe·s sans attraper la pastèque. C’est signé Cyril Doisneau, illustrateur basé à Montréal.
15 euros directement chez l'éditeur

Des feuilles de shawarma. Confession : je suis une acheteuse compulsive de magazines. Des revues belges et françaises en librairie, et quand elles sont à portée de clic, américaines (Noble Rot, Eaten, Bon Appétit), parfois même espagnoles (Tapas). Elles viennent rarement d'ailleurs, je dois bien l’avouer, la faute à la barrière de la langue. Mais le magazine à couverture rigide libanais The Carton est édité en anglais, et a sorti une édition spéciale alléchante sur le shawarma
20 dollars, soit 16,55 euros

Une assiette à maki. Sandrine Joiris est céramiste, du genre droit au but : coloris sobres, lignes pures et créations fonctionnelles. Ses assiettes à maki m’ont tapé dans l’œil, avec leurs petits compartiments à sauce soja.
25 euros l’assiette, en vente au pop-up Truc.
 
©Boston Public Library
 
Une pierre à aiguiser (l’esprit). Parmi les meilleurs magazines lancés ces dernières années, Whetstone — « pierre à aiguiser » — est de ceux qui marqueront durablement l’histoire de la presse food. Parce qu’il propose de beaux sujets internationaux à visée anthropologique, mais aussi parce qu’il est le premier média bouffe américain co-créé par une personne noire. Je ne sais pas toi, mais c’est le genre de revue que j’ai envie de soutenir.
30 dollars, soit 25 euros l’abonnement numérique pour quatre numéros

Une ogive à espresso. Quand Charlotte Gigan éclate de rire, il résonne dans la tuyauterie jusqu’à mon bureau. À l’étage du dessous, Martin Duchêne et elle forment le duo Biskt et alimentent leur four à céramique en vases, bancs et tuiles artisanales. Mais la pièce que je préfère, c’est leur tasse à espresso moulée, une petite merveille de design carrément abordable.
20 euros la tasse à espresso, sur l’e-shop ou chez Truc
 
De 26 à 50 euros

Un longsleeve Brussels Coffee Collective. On parle souvent des restaurants impactés par les fermetures de cette année maudite, rarement des bars et des cafés. Le Brussels Coffee Collective, qui rassemble la crème des cafés et torréfacteur bruxellois, rappelle que l’hiver est rude pour ces doux pourvoyeurs de caféine. Pour afficher ton soutien jusque sur ton dos, tu peux désormais acheter ce longsleeve en coton bio imprimé localement. Allez hop, dans la hotte.
30 euros chez les membres du collectif (Le Phare du Kanaal, Cup28, Holybagels, Gruun, My Little Cup, Café Tiera, Alchimiste, Buddy Buddy et Wide Awake)

Un origami dripper poussin. En parlant de café, j’ai très envie de me mettre au café filtre — pour pouvoir faire percoler « F**k 2020 », par exemple. Pour l’instant, je n’ai pas trouvé plus joli dripper que ce cône en porcelaine mino, façon origami. En jaune poussin, exactement.
30 euros, sur le site de Wide Awake

Une illustration d’Anatole Zangs. Elle trône au beau milieu de ma salle à manger : une femme, nue, et son verre de vin rouge, immortalisée sur un beau papier chiné. Une œuvre d’Anatole Zangs, danseur et illustrateur, qu’on m’a offerte un lendemain de biture. Je la chéris, mais ma collection d’illustrations d’Anatole a commencé avec sa série « Les buveurs », une ode au glouglou prête à encadrer.
30 euros pour Clovis, Brahim, Rosa et les autres

Un très gros livre. 3,5 kilos, le bébé. Après le best-seller On va déguster la France, le journaliste culinaire François-Régis Gaudry a décidé de s'attaquer à la patrie du bien-manger, l'Italie, du panettone aux aubergines au chocolat, en passant par son infinité de charcuteries. Honnêtement dense, visuel et passionnant.
42 euros dans toutes les bonnes librairies (épargne ça aux livreurs, tu veux ?)
 
©Boston Public Library
 
La route du vin nature. Chassez le Naturel, c’est d’abord un blog, devenu une revue haute en couleur — rouge, orange, rosé, blanc. C’est surtout Pauline Dupin-Aymard, plus grande épicurienne jamais lue et chasseuse de canons naturels avant la hype. Le dernier numéro de son petit magazine indépendant vient de sortir, et peut se doubler d'une bouteille de sa cuvée avec le domaine Mada, nommée « De mèche ».
16 euros pour Chassez le Naturel, 27 euros pour De mèche

De la terreur féministe. Sandrine Goeyvaerts est une caviste avec des ovaires. Elle l’avait déjà prouvé en lançant le collectif Women Do Wine et en publiant un livre, Vigneronnes, qui tire le portrait à 100 faiseuses de vins de toute la France. Depuis quelques semaines, elle expédie ses « Fureur » et « Terreur féministe », des sélections de quilles non pas « féminines » — un non-sens —, mais élevées par des femmes. Et ça fait toute la différence.
40 euros le pack de trois cuvées de vigneronnes

Des pizzas à foison. Il y a pizza maison et pizza maison. La différence peut ne pas être évidente comme ça, mais la première bave mollement sa sauce tomate, quand la deuxième affiche une croûte dorée et gonflée. Avant d’entamer un atelier maçonnerie sur ta terrasse, procures-toi une pierre réfractaire — la base quand on veut distribuer uniformément la chaleur dans un four domestique et ainsi, bien cuire le fond de sa pizza. En argile et chamotte, celle d’Alsace Tradition est aussi idéale pour faire cuire les flam’ de Liesse, bientôt disponibles à la livraison.
36 euros, e-shop

Un accord mots et vins. J’aurais aimé avoir l’idée de cette box vins-bouquins proposée par MC, Marlène et Camille, la petite équipe belge d’Enlivrez-vous. Le concept : une quille et un livre, tous deux sourcés dans des boutiques indépendantes, à sélectionner à l’aveugle. 
30 euros la box composée d’une bouteille et d’un livre

Du son et du bon. Super Fourchette, c’est la cantine pleine de sens où j’emmène tout le monde déjeuner — et où tout le monde finit par revenir, inévitablement. Pour les fêtes, le distro-resto est aussi généreux que d’habitude, avec un énorme paquet cadeau qui compile tout ce qui se mijote de bon dans le coin : une confiture potiron et agrumes, des croquants aux amandes, une affiche, un tote bag, un disque, une place pour un futur concert, deux bières de brasseries locales, une bouteille de Tête Red et des biscuits de pain d’épice. Tout ça, oui.
50 euros l'assortiment
 
Déjà cité·e·s précédemment dans Mordant

Les illustrations « sans regarder » de Damien Aresta, le calendrier cannibale de Club Sandwich, l’essai historique Brussels Beer City, les sauces piquantes de Soul Food Mama et la Lao Gan Ma Chili Crisp, les puzzles du Fooding, la compilation The Best American Food Writing, un coffee tour avec Thomas Wyngaard le magazine Sandwich et celui de La grenouille à grande bouche, et même une carte postale mordante, si tu veux.
 
©Boston Public Library
 
POST-SCRIPTUM 🥨
  • Eoghan Walsh est irlandais, vit à Bruxelles et écrit sur la bière. Il a été élu par ses pairs Young Beer Writer en 2018. C’est pourtant un long essai sur les Pringles à l'oignon qui pourrait lui valoir son prochain prix.
  • L'Académie Jan Van Eyck de Maastricht s’apprête à donner le coup d’envoi de son Food Art Film Festival, comme chaque année à la même période. Précautions sanitaires oblige, de nombreux évènements auront lieu en ligne, avec la particularité que des plats liés aux films projetés pourront être livrés à domicile.
  • France Culture propose en ce moment une série sonore en quatre épisodes sur l’histoire des cuisines à travers le monde. Premier arrêt : la Chine.
  • La journaliste américaine Helen Rosner explore dans cet article les paradoxes de la cuisine domestique confinée, entre excitation gênée, peur de manquer et joie perdue de mitonner.
  • La nanobrasserie de l’Ermitage, plus si débutante ni minuscule, a un certain talent pour prêter une histoire à ses bières. Cette semaine, les Bruxellois ressortent en format cannette leur « Dipatout », à l’effigie de l’une des plus célèbres protagonistes de l’émission Strip-tease.
 
Si tu as lu cette lettre jusqu’au bout, merci. Si tu as zigzagué entre les présents, merci aussi. Te savoir là toutes les semaines, ou presque, me fait chaud au cœur et doux dans l’estomac — un peu comme un sandwich au pastrami avalé sur la plage. Et si cette édition spéciale t'a plue, n'hésite pas à me le faire savoir. Tu le sais aussi, tu peux toujours m’écrire ici, inviter de nouvelles personnes autour de la table et partager Mordant sur tes réseaux sociaux. Tu me trouveras surtout sur Instagram, à ce propos. Et si tu veux soutenir cette newsletter et les nouveaux projets qui gravitent autour d’elle, il y a le bocal à pourboires. Ça compte vraiment.

À la semaine prochaine,
Elisabeth
 
Le bocal à pourboires
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Mordant est la newsletter d'Elisabeth Debourse.
 
Elisabeth est aussi journaliste société et host du podcast "Salade Tout".
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Mordant · Rue Adolphe LaVallée, 39 · Bruxelles 1080 · Belgium